Alexis, le sport et le deal (4/4)

Alexis passe le plus clair de son temps chez lui.
Alexis passe le plus clair de son temps chez lui.

Se sentant délaissés, certains jeunes tombent dans l’exercice d’une activité illégale, comme Alexis, 21 ans, originaire de la banlieue parisienne. 

Alexis T. sort de la salle de sport devant laquelle il a fixé le rendez-vous en plein milieu d’après-midi. Cette salle, il y va cinq à sept heures par semaine depuis plusieurs années. La musculation a transformé son corps, notamment ses bras, qui contrastent désormais avec sa petite taille. Ses cheveux blonds et ses yeux bleus clairs lui donnent un air juvénile. Seul le collier de barbe qu’il arbore permet de lui attribuer son âge ; 21 ans. S’il est disponible à cette période de la journée, c’est parce que Alexis T. est un NEET. Il est sorti du système scolaire, et n’a pas non plus d’emploi.

Sur le trajet pour retourner chez lui, il croise plusieurs connaissances. Entre deux poignées de main, il explique les raisons de son décrochage scolaire. « Quand j’étais au lycée, mon frère battait ma mère. Je le battais pour la défendre, et cela avait un impact énorme sur ma scolarité. Je suis allé dans onze lycées différents, de l’internat privé catholique au lycée de ZEP ». Il arrête finalement les cours en début de première, à l’âge de seize ans. Il est ensuite placé en foyer, avant de prendre son envol, et son premier logement, au lendemain de son dix-huitième anniversaire.

Aujourd’hui, il habite dans un appartement en proche banlieue parisienne. Le loyer est payé par sa mère. C’est d’ailleurs le seul élément qui le lie encore à elle. « Si je ne dépendais pas financièrement d’elle pour avoir un logement, je ne prendrais plus aucune nouvelle », lance-t-il.

Dans son appartement, les vestiges de soirées antérieures sont encore présents sur la table. Le lit est défait, la vaisselle sale s’entasse. L’appartement est pourtant moderne et bien entretenu, à l’exception d’un mur, qui semble avoir été roué de coups. « C’est ce qui arrive quand je vais pas à la salle », commente Alexis. Les événements survenus à l’adolescence le poursuivent encore aujourd’hui. Il souffre d’un léger état de stress post-traumatique, qui le pousse à rester de plus en plus chez lui.

Assis sur son canapé, une cigarette à la main, il explique comment il subvient à ses besoins financiers mensuels. Sa mère lui paye son loyer, certes, mais aucun frais annexe. Et cela ne le dérange pas. « Qu’est ce qu’on appelle vivre ? T’as besoin de manger, dormir, et de faire quelque chose qui te rend heureux. Moi c’est la salle de sport ». Au moment d’emménager seul, il a calculé que ces dépenses s’élevaient à 250 euros par mois. Une somme facile à avoir selon lui, en témoignent les sachets de drogue qui jonchent la table basse. « Moi j’ai jamais touché à ces merdes là. À l’inverse, j’aide les gens qui les cherchent. Je les rapproche les gens qui font des grosses ventes, et eux ça les dérange pas de me passer cent balles en échange ».

Comme d’autres NEET, Alexis T. a choisi le deal, parfois plus simple d’accès que le marché du travail qu’il ne veut pas intégrer, faute de valeurs morales selon lui. “Humainement, le travail c’est pas fait pour moi. J’ai vu des personnes se faire détruire à cause de conneries comme le racisme ou autre. Les inégalités seront toujours là, et on peut rien y changer”, précise-t-il. Travailler au sein d’une association, aider les autres, lui plairait, mais il calque le modèle associatif au monde du travail, et considère que son travail serait vain.

Une chose est pourtant certaine, Alexis T. veut quitter Paris sur le long terme, mais à part cela, il n’a “aucune perspective d’avenir” et ne se voit nulle part dans dix ans.

L’ensemble du dossier à retrouver ici :

Les NEET, une catégorie sociale qui inquiètent les pouvoirs publics (1/4)

À Bagneux, donner une seconde chance aux NEET (2/4)

Le risque pour les NEET : basculer dans la pauvreté et l’exclusion (3/4)

Aline BOTTIN

Étudiant et entrepreneur : les institutions misent sur ce duo gagnant

Les espaces de coworking sont très appréciés par les jeunes entrepreneurs. Crédits : Rubiyj
Les espaces de coworking sont très appréciés par les jeunes entrepreneurs. Crédits : Rubiyj

Depuis 2014, le statut d’“étudiant-entrepreneur’’ soutien les envies d’innovation des jeunes étudiants. Pendant ou juste après leur diplôme, ils peuvent recevoir une aide précieuse, sous forme d’avantages économiques, de locaux adaptés et d’un entourage bien informé.

Les droits des étudiants mais un réseau professionnel. C’est la promesse de ce statut particulier : “étudiant-entrepreneur”. Comme son nom ne l’indique pas vraiment, le diplôme est ouvert aux étudiants, mais aussi aux jeunes diplômés. La seule condition est d’être détenteur d’un baccalauréat ou de son équivalent. Pour les jeunes qui suivent encore des cours dans une école ou une faculté, le statut permet de bénéficier d’un aménagement de l’emploi du temps et surtout, le temps passé à la création d’une nouvelle entreprise remplace le stage. Pour les diplômés pouvant les demander, c’est l’assurance de maintenir leurs droits auprès de Pôle emploi pendant la création. Pour tous, c’est la promesse d’une sécurité sociale moins lourde, d’un accompagnement, une aide à la recherche de financements, le soutien d’un réseau.

Enfin, le statut permet également l’accès aux PEPITE. Ces Pôles Etudiants pour l’Innovation, le Transfert et l’Entrepreneuriat sont un ensemble d’espaces de coworking adaptés aux besoins des jeunes entrepreneurs. Les 29 centres PEPITE sont présents un peu partout en France (dont l’île Maurice et la Guadeloupe). Ils permettent un accès à des ressources numériques et favorisent le ‘’réseautage’’.

 

Ce sont ces structures qui examinent les demandes de statut ‘’étudiant-entrepreneur’’. Sur quels critères ? Qualité et réalité du projet, mais aussi motivation du porteur de projet lui-même. Pour l’année 2016-2017, 1 427 étudiant-entrepreneurs étaient soutenus par les PEPITE. Cela représente une augmentation de plus 40% par rapport à l’année précédente. Leur moyenne d’âge ? 23 ans.

Rester étudiants, devenir professionnel

Ce statut est unique en Europe. Mis en place en 2014 par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, il vise à soutenir les projets innovants des jeunes. Le diplôme d’“étudiant-entrepreneur” ou D2E doit permettre aux jeunes d’entreprendre le plus tôt possible s’ils le souhaitent. Tout en bénéficiant des avantages du statut d’étudiant. En France, une carte d’étudiant ouvre l’accès aux bibliothèques, des réductions pour les sorties culturelles, aux bourses et surtout à une sécurité sociale spécifique et avantageuse, calculée en fonction des revenus. Ces deux derniers avantages pécuniaires, sont réservés aux moins de 28 ans. Le statut leur est donc plus spécifiquement dédié. “Peu de nos étudiants ont le statut d’étudiant-entrepreneurs”, témoigne Carole Lahbabi, Responsable de la sensibilisation de l’Entrepreneuriat à HEC Paris “Mais ils sont plus nombreux à choisir d’en bénéficier lorsqu’ils finissent leurs études ou intègrent l’incubateur HEC. Cela leur permet d’avoir le temps de se retourner et de lancer leur projet.” Comme la plupart des écoles de commerce, HEC dédie un espace à l’entrepreneuriat au sein de ses locaux.

Ce statut d’étudiant permet de contrer un inconvénient majeur. “Beaucoup d’entrepreneurs autour de moi, se sont lancé plus tard et ils touchent le chômage pendant deux ans. C’est une chance pour eux. Moi, j’ai débuté mon entreprise pendant que j’étais à l’Edhec donc je n’ai pas bénéficié de ces revenus. Si ça foire, ça foire. Et je n’aurais plus rien”, explique Solène de Labordier, créatrice de L’atelier de Solène. Lorsqu’il se lance après un premier travail, l’étudiant est autorisé à toucher les allocations chômage pendant deux ans. Cela lui permet une source de revenu complémentaire à celle de son entreprise débutante. L’étudiant, lui paye moins d’autres charges, ce qui permet de créer une sorte d’équilibre.

Le nombre de demandes du statut d'étudiant entrepreneur augmente chaque année depuis sa création.
Depuis sa création en 2014, le D2E voit le nombre de candidatures pratiquement doubler chaque année. Source : Les Echos

Le coworking, clef du succès

Les écoles souhaitent valoriser les avantages que l’on peut avoir à créer une start-up sur leurs bancs, notamment grâce à ce statut. Nombre d’entre elles proposent une série de partenariats et parfois un incubateur. Elles complètent ainsi l’offre des PEPITE. Quel que soit leur choix, les élèves qui se lancent dans l’aventure trouvent des locaux pour travailler, l’accès à des Fablabs, mais aussi des interlocuteurs pour les aider à finaliser le projet.

Nicolas Drouault, 25 ans, a commencé à monter une entreprise de Street food Canard Street à sa sortie de l’EDHEC (voir ici les systèmes mis en place par l’EDHEC pour inciter à l’entrepreneuriat). Avec un ami issu de la même promotion,  il s’est tout naturellement dirigé vers l’incubateur de Lille, lié à son ancienne école. Il a proposé son dossier et a été sélectionné. “Financièrement, nous n’avons rien reçu, mais on nous prête un bureau. Des locaux, une adresse avec une imprimante et tout ce qu’il nous faut. Et ça, ça nous fait économiser de l’argent”, explique le jeune homme.

Du business plan à “comment bien embaucher”, le fait de pouvoir se confier à des personnes ayant eu la même expérience est toujours un avantage. Tous les espaces de coworking dédiés aux étudiant-entrepreneurs en ont pris conscience. Ces lieux sont donc pensés pour devenir un outil de lutte contre la solitude des entrepreneurs. Même – surtout – lorsqu’il s’agit d’un projet personnel, il est important de ne pas rester isolé, au bout du téléphone, en prenant seul toutes les décisions.

Soutenir la création à tout prix

Pour les aider à décoller, de nombreux prix sont décernés spécifiquement aux start-ups étudiantes. L’an passé, Nicolas Drouault a remporté  le grand prix des jeunes créateurs de commerce. Depuis 2014, Unibail-Rodamco organise annuellement un concours pour récompenser les meilleures start-ups des jeunes créateurs de commerce. Un moyen pour le groupe du CAC 40 d’inciter les jeunes à la prise de risque entrepreneuriale.  Le grand prix ? Un million d’euros   sous forme de dotation. “Cette année y a eu deux finalistes, nous et Laboté, et nous avons donc reçu seulement la moitié. Avec cet argent, on devrait pouvoir ouvrir un nouveau restaurant sur Paris.”

En plus de la dotation, un prix est l’occasion d’être repéré par des financeurs. Ce qui explique leur prolifération. Le Prix PEPITE Tremplin par exemple, a récompensé 53 projets de start-ups innovantes en 2017, sur 150 nominés. Les trois premiers lauréats ont chacun reçu une dotation de 20 000 euros. En plus de cela, de nombreuses écoles, universités et régions ont leur propre concours.

Chaque année depuis sa création en 2014, le nombre de demandeurs du statut d’étudiant-entrepreneur double. Entre le début du projet et 2016, ils étaient plus de 2000 diplômés. Pourtant, les acteurs du milieu estiment que ce système est encore mal connu du public, et espère que cette croissance impressionnante ne soit qu’un début.

Louise Boutard

 

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Paris n’est pas forcément la meilleure ville pour boire un verre tranquille !

La ville de Rouen compte plus de 75 bars pour 100 000 habitants. Crédit : Frédéric BISSON
La ville de Rouen compte plus de 75 bars pour 100 000 habitants.
Crédit : Frédéric BISSON

 

Les Français sont très attachés à leurs bars et bistros. Mais quelles villes présentent le meilleur ratio d’établissement par habitant ? La réponse n’est pas mitigée, pourtant il s’agit d’une ville normande : Rouen. Avec plus de 75 bars pour 100 000 habitants. En deuxième position vient Lille, repère nordique bien connu des étudiants. Et troisième sur le podium, Bordeaux. La capitale sort grande perdante de ce classement avec un bar pour 1964 habitants.

 

Nombre de bars en fonction du nombre d'habitants
Nombre de bars en fonction du nombre d’habitants

Dans les autres villes bien placées au classement, citons dans l’ordre : Caen, Rennes, Montpellier, Angers, Strasbourg, Nantes. Jeunesse et culture étudiante semblent inspirer la création d’établissements dédiés à la boisson et à la convivialité. Mais avant de choisir votre prochaine destination en fonction de ce classement, mieux vaux vérifier la qualité des établissements !

 

Louise B.

 

Sans contrats aidés, le Troisième café risque de fermer

Le Troisième café, lieu associatif et solidaire du troisième arrondissement de Paris, risque de mettre la clé sous la porte. La raison : le non-renouvellement de contrats aidés, annoncé cet été par le gouvernement.

 

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Le Troisième café n’est pas un bistrot comme les autres; des activités et concerts y sont aussi organisés. Crédits : Lou Portelli

« Ici, on ne peut pas rester seul. Tout le monde se mêle des conversations des autres. » Voilà comment une bénévole résume le Troisième café après avoir déjeuné sur place. Dans ce troquet associatif au cœur du quartier du Marais à Paris, règne une ambiance familiale. Tous les adhérents, seuls à pouvoir consommer sur place, s’y sont déjà croisés au moins une fois. Certains y mangent tous les jours. D’autres laissent des pourboires pour nourrir un démuni de passage. Mais leurs habitudes risquent de changer.

Depuis la rentrée, le non-renouvellement de trois contrats aidés remet en cause la pérennité du bistrot. L’annonce a été faite cet été par le gouvernement. « Sur cinq salariés, quatre sont en contrats-aidés. Ils nous sont indispensables. Sans leur renouvellement, on ne peut pas continuer la même activité », regrette Anne Esambert, présidente de l’association.

Une aide annuelle d’environ 30 000 euros

Ces contrats aidés – 26 heures par semaine maximum – réservés notamment aux chômeurs de longue durée et aux titulaires du RSA, sont financés par l’État, à hauteur de 50 à 80% du SMIC selon plusieurs critères comme l’âge du bénéficiaire. « Notre café perçoit 2 000 euros par mois pour payer une partie des contrats aidés. Par an, on reçoit une aide d’environ 30 000 euros », résume Anne Esambert. Le quatrième contrat aidé du café se termine le 30 octobre. « L’association perdurera, espère la présidente, mais sans le café, ça n’a plus de sens… »

Nathalie C., 53 ans, a travaillé pendant deux ans au Troisième café. Son contrat aidé est arrivé à terme. Mais ce jeudi midi, elle est naturellement venue donner un coup de main. « Je me sens bien ici. Ce lieu permet à des gens de tous les horizons de se rencontrer et à d’autres de trouver du boulot, confie-t-elle entre deux gorgées de café, à la fin de son service. Quand j’ai appris la nouvelle, je me suis dit que ça allait être compliqué pour le Troisième café et pour tous les autres bistrots solidaires (une dizaine à Paris, ndlr). Il va falloir que je songe à autre chose. »

Si l’association ne trouve pas de solution, elle se verra obligée dans un premier temps de fermer le soir. Faute d’aide financière, le bistrot pourrait mettre la clé sous la porte. Empêchant alors les 5 000 adhérents de profiter des spécialités syriennes de Mahassen, la cuisinière en CDI, et des nombreuses autres activités proposées. En attendant, l’esprit est aux préparatifs : vendredi soir, l’association fêtera son troisième anniversaire.

 

Lou Portelli