Dans l’enfer de l’ouverture de comptes bancaires des étudiants étrangers en France

Photo via CardMapr.nl

De nombreux étudiants étrangers mettent du temps à pouvoir ouvrir des comptes bancaires en France, chaque demande est étudiée à part, selon la nationalité de l’étudiant. Des cas de refus peuvent être signalés.

Si les rentrées scolaires et académiques ne passent jamais sans entraves, elles sont pour les étudiants étrangers source de problèmes sans fin.

Dès leur arrivée dans l’Hexagone, ces étudiants sont confrontés à un défi de taille : ouvrir un compte bancaire, indispensable au bon déroulement de l’année académique.

Des rejets et des silences

Nour (nom d’emprunt), étudiante libanaise en Lettres à l’ENC a tout d’abord approché le Crédit Agricole pour tenter d’y ouvrir un compte. Arrivée avec une somme avoisinant 7000 euros, issus d’un travail de deux ans, l’étudiante n’a reçu aucune réponse de la banque. « Je leur ai présenté mon contrat de travail qui justifie une rémunération de 400 dollars par mois sur deux ans, et malgré ça, je n’ai reçu aucune réponse de leur part, ce que j’ai considéré comme un refus ».

Déterminée à ouvrir un compte, Nour se dirige vers la Société Générale où elle constate un service client plus compréhensif de son cas. « Lorsque le conseiller bancaire a appris que j’avais une somme importante, il m’a recommandé de ne pas la déposer entièrement afin d’éviter les questionnements autour de sa source, ce qui prolongerait la durée d’ouverture du compte ».

Sans carte bancaire, les étudiants sont comme paralysés : « je ne peux pas payer ma Contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) et par conséquent cela retarde mon inscription administrative. Il en va de même pour d’autres procédures comme la carte de métro » regrette Nour.

Même son de cloche du côté de Patricia (nom d’emprunt), étudiante tunisienne à l’Université Paris-Saclay qui a ouvert un compte début septembre à BNP Paribas, et qui attend toujours de recevoir ses identifiants. « À chaque fois que j’essaie de les joindre, ils me demandent de patienter encore quelques jours en raison du volume de demandes pressant issu de la rentrée. Les trois premières semaines, j’avais l’impression de ne pas avoir de compte ».

Pour Saïd (nom d’emprunt), étudiant algérien, la question a été d’autant plus difficile qu’il est arrivé En France à l’âge de 17 ans, à deux mois de sa majorité. Les banques ont refusé de lui ouvrir un compte sans la présence de ses parents. « C’était l’enfer, le Crous n’acceptait pas d’encaisser en liquide, je ne pouvais pas manger à prix réduit. Pour mon forfait mobile, j’ai dû prendre des cartes prépayées et changer mon numéro plusieurs fois, ma famille s’inquiétait souvent » se souvient-il.

Des restrictions bancaires sur un certain nombre de pays

Si la loi française garantit à chaque individu le droit d’avoir un compte de dépôt bancaire en vertu du droit au compte, il n’en demeure pas moins que les origines des étudiants ou même des particuliers peuvent s’avérer contraignantes pour mener le processus à bout.

En effet, c’est en raison de mesures pour la lutte contre le blanchiment d’argent que des ressortissants de certaines nationalités peuvent connaître un retard, voire un refus, de l’ouverture de leur compte bancaire.

La Direction générale du Trésor, dépendant du Ministère de l’Économie et des Finances, a pour rôle de prendre des mesures pour lutter contre le blanchiment.

Le GAFI (Groupe d’action financière de 39 pays dont la France fait partie) dresse les deux listes indiquant les états à juridictions sous surveillance (liste grise) et les pays à juridiction à haut risque (liste noire). Ces juridictions visent à protéger le système financier mondial en luttant contre le blanchiment de capitaux.

La liste grise comprend des pays tels que l’Albanie, la Jordanie, la Syrie et le Yémen. La liste noire comprend trois pays: la Corée du Nord, l’Iran et la Birmanie.

Ainsi, les ressortissants des pays classés gris qui souhaitent s’installer en France rencontreront des difficultés à ouvrir un compte bancaire.

« La sécurité financière des banques s’attèlera donc à bien étudier le dossier de chacun des ressortissants de ces pays afin de démontrer que l’argent qui va être déposé en banque est propre. Des pays comme le Liban ou l’Algérie sont considérés comme étant dans une zone dite rouge, on nous demande d’être très prudents avec les cas qui se présentent » affirme un conseiller bancaire du groupe CIC qui a requis l’anonymat.

« Pour les pays classés noirs, il est impossible d’ouvrir un compte en banque; le rejet est systématique », poursuit-il.

L’Unef, l’Union nationale des étudiants de France, estime sur son site web qu’une banque a le droit de refuser l’ouverture d’un compte, mais qu’elle est « tenue de fournir une attestation de refus qui fera valoir le « droit au compte » auprès de la Banque de France ». Le syndicat estudiantin ajoute que des ressortissants de pays figurant sur la liste noire de la Commission Européenne ne peuvent pas effectuer de transferts de ou vers ces pays. Le syndicat ne propose pas de solutions à ce problème qui relève de juridictions nationales et européennes.

Au final, une issue

Chacun des étudiants interrogés a fini par obtenir son compte bancaire avec ses identifiants. Au bout de longues semaines de patience, les conseillers bancaires ont fini par les joindre et leur annoncer que leurs cartes étaient prêtes à retirer.

Pour Saïd, il a fallu qu’il attende sa majorité pour que sa banque accepte qu’il ouvre un compte. Patricia a dû attendre une vingtaine de jours entre la déposition de sa demande et l’activation de son compte à BNP Paribas. Quant à Nour, elle a fini par avoir son RIB quelques jours seulement après sa seconde demande à la SG.

Que ce soit un problème d’âge ou bien un classement du pays dans des listes grises, rouges ou noires, ouvrir un compte en banque s’avère être un défi de taille pour les étudiants étrangers. Entre un système qu’ils ne comprennent pas et un traitement au cas par cas, leur rentrée universitaire peut se révéler difficile.

Elie Joe Bassil

Saint-Denis : la Pride des banlieues célèbre les fiertés des quartiers populaires

Ce samedi 3 juin aura lieu la troisième édition de la Pride des banlieues à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), une marche militante visant à mettre en avant les revendications des personnes LGBTQIA+ des quartiers populaires.

Samedi 3 juin, le cortège de la Pride des banlieues défilera dès 14h dans les rues de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Crédit : La Pride des banlieues/Twitter

« Placer les marges au centre des luttes ». Telle est la volonté du collectif de la Pride des banlieues, créé en 2019 par des membres de l’association Saint-Denis au centre. L’objectif : déconstruire le supposé obscurantisme des quartiers populaires face aux questions LGBTQIA+ et rendre visibles les personnes LGBTQIA+ des quartiers populaires, notamment de Seine-Saint-Denis. Il s’agit de porter les revendications propres à ces territoires afin de « dégager des solutions aux problématiques vécues par les habitants de Seine-Saint Denis de façon autodéterminée », a expliqué Mihena Alsharif, membre du comité d’organisation dans un billet de blog sur Mediapart.

Pour cause, dans les quartiers populaires, l’homophobie et la transphobie sont souvent couplés à d’autres discriminations et les personnes concernées ne se sentent pas toujours représentées dans la traditionnelle Marche des fiertés parisienne. « Lorsqu’on est LGBTQI+ en quartiers populaires, aux LGBTphobies viennent s’ajouter le racisme, la précarité et l’abandon des services publics. Nos revendications prennent donc en compte ces enjeux qui s’intersectionnent », détaille Yanis Khames, l’un des coordinateurs de la Pride des banlieues dans les pages du média Komitid.

Un accès élargi à la PMA, la revendication centrale en 2023

Après une première édition en 2019 et une seconde en 2022, centrée sur la question du logement pour les personnes LGBTQIA+ des quartiers populaires particulièrement touchées par le mal-logement, cette année la revendication mise en avant est celle de la PMA pour tous et toutes. En effet, malgré l’ouverture de la procréation médicalement assistée aux femmes seules et aux couples de femmes en 2021, les hommes trans, qui peuvent pourtant dans certains cas porter un enfant, en sont toujours exclus. Le collectif pointe aussi du doigt les inégalités face au droit à la PMA, notamment pour les personnes non-blanches, qui font face à des délais d’attente plus longs pour accéder à un don de gamètes en raison de l’obligation d’appariement.

Plusieurs personnalités publiques ont d’ores et déjà apporté leur soutien à l’évènement comme l’humoriste Tahnee, l’acteur et réalisateur Océan, ou encore l’actrice Adèle Haenel.

L’année dernière, 10 000 personnes avaient rejoint le cortège dans les rues de Saint-Denis, soit trois fois plus qu’en 2019. Suite à ce succès, le collectif d’organisation de la marche est devenu un mouvement actif tout au long de l’année. Dans cette optique, Yanis Khames, a écrit un livre, intitulé Les marges au centre de la lutte (Double ponctuation, 2023) qui est sorti en mai dernier. Dans celui-ci, il pose les bases théoriques et pratiques du mouvement, afin d’expliciter leur démarche.

Marie SCAGNI