StopCovid : le devenir de l’application encore incertain

Dans son allocution devant l’Assemblée nationale ce mardi, le Premier ministre a déclaré qu’il jugeait la question de l’application StopCovid « prématurée ». Il a également annoncé que cette application, très controversée, ferait l’objet d’un vote spécifique.

L’application StopCovid pourrait servir à traçer les personnes ayant contracté le coronavirus. Flickr

« Il me semble que le débat est un peu prématuré. Lorsque l’application, en cours de développement, fonctionnera, nous organiserons un débat spécifique suivi d’un vote spécifique », a déclaré Edouard Philippe dans son allocution concernant les modalités du plan de déconfinement, présenté dans l’après-midi du 28 avril. Parmi les points qui devaient être évoqués, la question d’une application de « contact tracing » avait été pointée du doigt par l’opposition. Une mesure que le Premier ministre a donc choisi d’éluder pour le moment.

Une application pour géolocaliser les malades

Actuellement utilisée en Corée du Sud, en Chine ou à Singapour, une telle application pourrait servir à tracer les personnes testées positives au Covid-19. L’objectif est de prévenir les personnes saines, qui ont pu rencontrer une personne malade durant sa période d’incubation, soit 10 à 15 jours avant l’apparition des premiers symptômes.

À ce jour, la version européenne de l’application est encore en train d’être mise au point par les chercheurs franco-allemands. Mais ce qui inquiète les opposants à l’application, c’est surtout le devenir des données collectées.

Une application qui fait débat

L’application provoque l’indignation des défenseurs des libertés publiques. Pour Eric Le Quellenec, avocat spécialiste droit des nouvelles technologies et de l’informatique, « l’application comporte trois risques principaux« . Le premier risque repose sur le fait que StopCovid comporte des données médicales. La diffusion de ces données pourraient porter préjudice « si l’on souhaite contracter un prêt par exemple« , illustre l’avocat. De plus, pour ce spécialiste, une telle application pourrait constituer une atteinte à la liberté publique, notamment en raison de la géolocalisation permanente qu’elle implique. Enfin, il s’inquiète également des conséquences que pourraient avoir le Wifi et le Bluetooth sur la santé des utilisateurs.

Le flou qui persiste autour des modalités exactes de l’application entretient les inquiétudes. « Il y a trop de questions en suspens. On ne sait pas combien de temps les données collectées seront par exemple conservées et qui pourra y avoir accès« , redoute Eric Le Quellenec.

Pour le spécialiste, la mise en place de ce système ne peut se faire sans de solides garde-fous. Certaines associations alertent également sur cette application.

La Commission nationale de l’informatique et des libertés de France (CNIL) a d’ailleurs rendu un avis dans ce sens. Elle « appelle à la vigilance et souligne que l’application ne peut être déployée que si son utilité est suffisamment avérée et si elle est intégrée dans une stratégie sanitaire globale. Elle demande certaines garanties supplémentaires. Elle insiste sur la nécessaire sécurité du dispositif, et fait des préconisations techniques. »

Une efficacité mise en doute

« L’approche de l’Union européenne sur le sujet est une approche basée sur le volontariat« , souligne Eric Le Quellenec. Il est impossible d’imposer à tous les possesseurs de smartphones d’installer l’application, ce qui devrait entacher son efficacité. Édouard Philippe a assuré que StopCovid ne constitue qu’un levier parmi d’autres pour organiser le déconfinement. Le Premier ministre mise avant tout sur l’attitude responsable de la part des Français, et sur le respect des consignes imposées.

Eric Le Quellenec reste donc très prudent vis-à-vis de l’efficacité de l’application. « À Singapour, par exemple, l’application n’a pas fait ses preuves puisqu’un reconfinement a été mis en place. Il y a des risques, même involontaires. Une démarche de prudence s’impose« , conclut l’avocat.

Léa Sirot et Pauline Paillassa

Football : les clubs adaptent leurs réseaux sociaux au confinement

Les community managers des clubs de foot, chargés du contenu publié en ligne, doivent s’adapter à l’interruption de toutes les compétitions sportives liée à la pandémie de Covid-19 et au confinement. Comment parviennent-ils à garder l’attention de toute une communauté de d’abonnés ?

Entrée du Stade Vélodrome de Marseille. Flickr

L’arrêt brutal des championnats sportifs dans l’Hexagone a pris de court tous les supporters ainsi que les clubs. Et modifier la communication de ces derniers sur les réseaux sociaux. Les joueurs, confinés comme le reste de la population, ont jeté leur dévolu sur les jeux vidéo. Ils s’affrontent lors de tournois de football en ligne disputés sur le jeu FIFA 20. Parfois, ces compétitions virtuelles sont à but caritatif comme la ePremier League Invitational en Angleterre. Des extraits de ces rencontres sont repris et diffusés sur les réseaux sociaux par les community manager, ces personnes chargées de gérer tout le contenu du club publié sur internet. Ils permettent de continuer à faire vivre le club auprès de toute la communauté d’abonnés.

Mais les supporters peuvent se réjouir, les rencontres virtuelles ne constituent qu’une minorité des publications partagées sur les réseaux sociaux des clubs. Le confinement est l’occasion pour certains clubs de faire rejaillir la gloire d’antan. Grâce à des photos et des vidéos, les équipes permettent à leurs communautés de vivre ou revivre des matchs des légende, des victoires en coupe nationale ou européenne mais surtout les meilleurs moments du club. A l’image du FC Nantes qui, dans une publication Instagram datée du 23 avril, rappelle le parcours européen des Canaris lors de la saison 1985-1986. Cette année-là, les Nantais échouaient en quart de finale face aux Italiens de l’Internazionale Milan. Le community manager en profite également pour annoncer que ce match qui fait partie de l’histoire du club sera diffusée « en direct vidéo sur toutes [leurs] plateformes ».

L’Olympique de Marseille (OM) suit la même tendance que son concurrent en Ligue 1. Raison de plus, cette année l’OM fête ses 120 ans. L’arrêt du championnat n’empêche pas l’équipe de les célébrer avec ses supporters, le tout à distance. Les comptes du club mettent autant en avant son histoire récente que lointaine. Jeudi dernier, Marseille célébrait sa deuxième victoire consécutive en Coupe de la Ligue, en 2011. Pour cet anniversaire, les community manager ont publié un montage photo en insérant des références à l’univers des jeux vidéo, en particulier FIFA. Le buteur qui donna la victoire à l’OM est affiché sur la couverture du jeu, dont le nom est remplacé par celui de la compétition. La photo s’accompagne d’une vidéo du but inscrit en finale. La légende de la publication est sommaire : « L’OM remportait sa deuxième @CoupeLigueBKT ». La localisation est celle du Stade de France, lieu du sacre. La riche histoire du club lui permet de renouveler ce genre de post régulièrement.

Messages de solidarité

Les clubs tentent de diversifier leurs publications sur les réseaux sociaux. Au-delà du sport, les équipes affichent leurs soutiens au personnel soignant et autres professions mobilisées dans la lutte contre le Covid-19. Le Paris Saint-Germain a posté sur son compte Instagram de nombreux messages de solidarité. Certains sont mêmes publiés avec des photos d’abonnés qui travaillent avec le maillot sur les épaules ou le drapeau du club dans leur bureau. Le PSG manifeste son soutien à ceux qu’il surnomme affectueusement les #HérosDuQuotidien. Les joueurs aussi sont mis à contribution, dans des messages vidéo, ils invitent les supporters à rester chez eux et à ne pas prendre de risques inutiles. A l’instar de l’équipe parisienne, le FC Nantes et l’Olympique de Marseille affichent aussi leurs soutiens aux soignants. Les Phocéens ont rejoint avec leur fondation Phocéo, le fonds de dotation de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille.

Abdou-Karim Diop

Le confinement, heure de gloire du sport à domicile

Face à la fermeture forcée des espaces sportifs à cause du confinement lié au Covid-19, l’offre de coaching en intérieur connaît une croissance fulgurante. Les réseaux sociaux et autres applications deviennent un refuge salutaire pour la population confinée ; un eldorado de circonstance pour les professionnels du secteur.

De l’extérieur à l’intérieur, le sport se pratique désormais depuis son salon. @Hugo Roux

« Encore une fois, c’est la dernière ! Et on relâche, soufflez bien. » Alors que de fines gouttes de sueur terminent leur course sur le tapis du salon, Charlotte retrouve sa respiration. La séance sportive, qu’elle suivait sur son ordinateur portable, est terminée. Depuis l’interruption de son service civique à cause du confinement, la jeune femme de 22 ans a dû troquer son bureau de l’Opéra national de Paris pour son appartement exigu, situé en banlieue parisienne. Elle remarque avec joie les progrès réalisés depuis sa reprise du sport, échappatoire aux trente mètres carré dans lesquels elle demeure enfermée et à l’isolation physique.

Comme elle, un grand nombre de sportifs néophytes ont décelé en cette période de confinement un moment propice pour s’essayer aux pompes et autres exercices de musculation. Contrer l’inactivité et se défouler ont incité une partie croissante de la population cloîtrée chez elle à user des contenus sportifs sur Internet. A l’heure où piscines, salles de sport et terrains sont fermés, ce sont notamment les réseaux sociaux qui ont accueilli à bras ouverts les professionnels du secteur sportif.

Renouer en direct ou en différé avec l’effort

« Ça m’est venue très naturellement, cette idée de proposer des cours en live sur les réseaux sociaux », s’enthousiasme Erika Arzac. Depuis 2016, la coach sportif met à profit son entrain dans une grande enseigne de salles spécialisées. C’est dorénavant derrière un écran que la pétulante femme de 38 ans offre gratuitement ses services. 30 personnes en moyenne participent à ses séances quotidiennes, diffusées en direct sur Facebook. « Je mets toujours beaucoup de conviction, beaucoup de passion dans la réalisation de ces vidéos. Je m’efforce de rester le plus naturel possible, fais en sorte de reproduire ce que je fais réellement en cours », souligne-t-elle. Corollaire de cette recette authentique gagnante, la croissance galopante du nombre de ses abonnés est constituée de fidèles, mais aussi de petits nouveaux du monde du sport qui ont fait le choix d’investir les réseaux sociaux.

Publiée par Erika Coach sportif sur Mercredi 25 mars 2020

Pour sa part, c’est lors d’une intervention sur un feu que Maxime a décidé de redresser la barre, avant même le confinement. Ce pompier volontaire résidant à Tarbes, dans les Hautes-Pyrénées, a  opté pour un entraînement personnalisé via une application. « Elle me permet d’avoir un suivi régulier, je pense que l’intelligence artificielle, un coach virtuel, analyse nos performances et nous envoies sur d’autres exercices afin de progresser », détaille ce directeur de centre de loisirs de 26 ans. Le temps libre octroyé par l’obligation de rester chez lui l’enjoint à conserver sa motivation. Et de ne pas retomber dans des travers peu diététiques. Comme le précise Elodie Dincuff, community manager de l’application à l’échelle européenne, Maxime semble faire partie du pic habituel d’abonnements, en phase avec les bonnes résolutions du Nouvel an et de la rentrée. Reste que l’application a grimpé de la 750e à la 113e place au classement des applications quotidiennement téléchargés sur iPhone, d’après les données analytiques d’App Annie, spécialiste du suivi des industries des applications mobiles.

Face à l’instauration de la limite d’une heure de jogging quotidienne, les pouvoirs publics s’efforcent tout autant de proposer des alternatives sportives en intérieur. Le ministère des Sports, qui recommande une heure d’activité physique par jour pour les enfants, a développé une nouvelle offre en partenariat avec certaines fédérations : la Fédération française de cyclisme (FFC) a ainsi lancé son #RoulezChezVous, tandis que la Fédération française d’éducation physique et de gymnastique volontaire (FFEPGV) propose sur son site des vidéos d’activités supervisés par des professionnels.

https://twitter.com/FFCyclisme/status/1255079131726983169?s=20

Les intérêts multiples du sport

Le confinement confirme en parallèle un phénomène autrement plus circonstanciel : une communication accrue entre les différents sportifs à domicile, mus en une communauté à part entière. « Cela a été un facteur décisif dans le choix d’utiliser une application, avec l’entraide et les conseils qui vont avec », confirme Elodie, qui profite de la fin de sa reconversion professionnelle dans la mécanique ferroviaire pour s’atteler à reprendre le crossfit. Preuve que le sport sous-tend un lien social recherché à l’occasion du confinement. « J’ai fortement été surpris de voir que, lors de mes lives, il y avait des gens de ma région normande, mais aussi des gens du Grand-Est, de Lyon, de Marseille et de Paris », explique Erika, dont les vidéos ont fait l’objet de l’engrenage numérique de partages et commentaires. Ce rôle social associé à son métier, la coach sportif s’efforce de le faire prospérer par l’intermédiaire des claviers, entre réconfort pour une motivation défaillante et encouragements.

Contre l’isolation suscitée par le confinement, il y a une unanimité des néo-sportifs d’intérieur sur l’intérêt mental de l’exercice physique. « J’ai tiré parti du confinement pour débuter le sport et dynamiser ma condition physique, mais aussi pour garder le moral et éviter le canapé », confie Charlotte, alors qu’elle conclut ses étirements à l’aide d’une chaise. Tout comme Maxime, elle met en exergue une confiance en soi revigorée et une activité ranimée alors que le spectre de la procrastination n’est jamais loin. « Les journées se ressemblent cruellement toutes. Et la séance de sport est un peu devenu le rendez-vous bien-être du quotidien », ajoute l’étudiante.

Toutefois, le secteur du sport essuie un étonnant contraste dans les conséquences économiques de cette période de confinement. Alors que d’innombrables offres de coaching, par application ou vidéos, font florès, il est encore difficile d’établir le développement financier de ces structures. D’autres demeurent dans l’appréhension, tel Erika Arzac qui a acquis un statut d’autoentrepreneur en 2018. L’ancienne militaire espère ainsi que le déblocage exceptionnel de l’Aide à l’entreprise (ARCE), décidé en mars par le gouvernement, sera reconduit au mois d’avril. « Avec un déconfinement le 11 mai et une réouverture bien plus tardive des salles de sport, j’ai peur des retombées économiques par rapport au fait que, si on ne peut plus disposer de cette aide, cela risque d’être très compliqué », pointe-t-elle. Surtout, la pugnace coach de l’Eure espère retrouver le plus rapidement possible le monde concret, où sport rime, de toujours, avec le plaisir de se retrouver.

Hugo Roux

#BiblioSolidaire, la bibliothèque participative des réseaux sociaux pendant le confinement

En six semaines, la Bibliothèque solidaire du confinement comptabilise 60 000 membres sur Facebook. L’objectif est d’assurer la continuité de la recherche, en échangeant ouvrages et conseils de lecture, en attendant la réouverture des bibliothèques. 

Sur Facebook, le groupe La Bibliothèque solidaire permet aux étudiants et chercheurs de s’échanger des ouvrages pendant le confinement. / Flickr

Déplacer les bibliothèques sur vos réseaux sociaux. C’est l’idée qu’a eu un groupe d’étudiants après l’annonce de la fermeture des bibliothèques le 12 mars, en raison de l’épidémie de Covid-19. La Bibliothèque solidaire du confinement a été lancée sur Facebook par Eugène Ascifer – un pseudonyme – après avoir repéré une initiative similaire sur Twitter. Le concept est simple : il suffit de poster la référence du livre recherché et, si quelqu’un le possède, il l’enverra par message privé.

La démarche est motivée par l’urgence de la situation : face à la fermeture des bibliothèques, de nombreux étudiants-chercheurs se sont retrouvés sans accès à leurs ressources, pourtant essentielles pour mener à bien leurs travaux.

« Cette initiative était nécessaire pour la continuité de la recherche et nous n’avions en réalité pas vraiment d’autres choix que de la mettre en place », affirme Alice Lcd, administratrice du groupe, elle aussi touchée par le manque d’accès aux données scientifiques.

Plus de 60 000 adhérents

Avec 500 membres au lancement du groupe le 16 mars dernier, la Bibliothèque solidaire a dépassé les 60 000 adhésions le 26 avril. Un engouement auquel ne s’attendait pas Alice Lcd. « Les premières semaines, nous avions environ 3 000 nouveaux membres par jour. Aujourd’hui c’est plus calme », affirme-t-elle.

Avec une publication environ toutes les trois minutes, les responsables du groupe ont mis en place un certain nombre de règles. Pas de publications hors sujet, interdiction de faire de l’autopromotion, et la nécessité de catégoriser les publications. « Nous classons les posts dans une rubrique générale puis avec des hashtags précis. Si le post n’est pas conforme, il est supprimé », détaille Alice Lcd.

« Nous avons l’oeil sur les publications qui peuvent mal tourner dans les commentaires. »

Avec déjà 172 000 publications, les administrateurs et modérateurs du groupe restent vigilants. « Pour les personnes irrespectueuses, nous avons mis une échelle. » Au premier commentaire déplacé, l’internaute est ainsi mis en sourdine pendant trois jours. La deuxième fois, c’est une sanction de sept jours. Puis au troisième commentaire irrespectueux, les modérateurs l’excluent du groupe. Et dans le cas de propos homophobes, racistes ou encore antisémites, l’exclusion est immédiate.

Pour l’heure, la jeune administratrice n’est pas contre l’idée de poursuivre la Bibliothèque solidaire. « La survie du groupe va dépendre de la réouverture des bibliothèques et de l’avis des administrateurs. » Les responsables du groupe prévoient aussi de sonder les internautes à la fin du confinement pour décider de l’avenir du #BiblioSolidaire.

 

Mélanie Leblanc