Ehpad : le reste à charge encore trop élevé pour les résidents et leur famille

Les trois quarts des séniors en Ehpad n’ont pas les revenus nécessaires pour payer la facture de leur résidence. Face à ce constat, la députée PS Christine Pirès-Beaune propose des solutions dans un rapport qui doit être examiné cet automne.

Le reste à charge reste trop cher. Soixante-seize pourcent des résidents en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) n’ont pas les entrées d’argent suffisantes pour le payer. Même après les aides auxquelles ils peuvent avoir droit. « L’accessibilité financière pour les familles demeure un vrai problème », pointe Christine Pirès-Beaune, députée PS du Puy-de-Dôme. Elle a été mandatée par la Première ministre pour suggérer des solutions censées alléger le reste à charge en Ehpad. A l’occasion des assises nationales des Ehpad ces 12 et 13 septembre, elle revient sur ses propositions.

Le reste à charge pour les résidents ou leur famille s’élève à 1957 euros par mois. Il n’est que de 47 euros mensuels quand le sénior est hébergé à domicile, selon une étude de la Dress sur les données de 2019. Il y a plus d’un an, le journaliste Victor Castanet épinglait hyper profits d’établissements privés dans son livre-enquête Les Fossoyeurs.

« Le niveau de vie des retraités va continuer d’augmenter, mais moins vite que celui des actifs », assure Jean-Philippe Vinquant, président du Haut Conseil de l’Âge (HCFEA). Concrètement, les séniors vont connaître une perte relative de pouvoir d’achat. Aujourd’hui, leur niveau de vie est « trop souvent inférieur au reste à charge », déplore Jean-Philippe Vinquant. Il rappelle que « le niveau de vie des résidents en Ehpad est en-deçà d’une centaine d’euros à celui des non-résidents ».

Aides insuffisantes

Aujourd’hui, les personnes vivant en Ehpad peuvent bénéficier d’aides au logement, de l’aide sociale à l’hébergement (ASH), et de l’aide personnalisée d’autonomie (APA). La loi permet aussi des réductions d’impôts jusqu’à 25 %, quand le retraité intègre un Ehpad. Cette mesure est « insuffisante » pour Christine Pirès-Beaune. « Il n’y a que ceux qui payent des impôts que ça aide », pointe-t-elle. Les résidents les moins aisés se retrouvent lésés.

« Il persiste des disparités territoriales très importantes », souligne Jean-Philippe Vinquant. Pour Christine Pirès-Beaune, il y a « presque autant de règles que de départements pour l’aide sociale à l’hébergement (ASH) ». Des règles « disparates » qui compliquent leur accès. « L’ASH en est le meilleur exemple », rappelle-t-elle. Le taux de recours à cette aide stagne à 28%.

Solutions

Face à ce constat, Christine Pirès-Beaune propose de fusionner les quatre aides auxquelles peuvent avoir droit les résidents. « Cela limiterait les non-recours », explique-t-elle. Place à une allocation universelle et solidaire d’autonomie en établissement (Ausae). Une aide unique « plus juste, car elle varierait en fonction des revenus », selon la députée.

Autre proposition : transformer l’actuelle réduction d’impôts en crédit d’impôt. Christine Pirès-Beaune imagine aussi une fusion des sections soins et dépendances. « Ce serait 150 euros de moins dans le reste à charge pour les familles », déclare-t-elle. Enfin, la députée aimerait que les établissements privés payent une contribution. Son rapport doit être examiné cet automne, à l’occasion du prochain projet de loi de finance de la sécurité sociale (PLFSS 2024). « Cela fera débat », plaisante-t-elle.

 

Léo Guérin

Procédure d’impeachment contre Biden, une stratégie à double tranchant pour les républicains

Le président républicain de la chambre des représentants, Kevin McCarthy, a annoncé mardi l’ouverture d’une procédure d’impeachment à l’encontre du président Biden, accusé de corruption en faveur de son fils Hunter. Une manoeuvre loin de faire l’unanimité dans son propre camp.

 

Alors que Donald Trump est inquiété ces derniers mois dans pas moins de quatre procès, c’est son principal rival aux présidentielles de 2024, Joe Biden, qui risque virtuellement de se retrouver sur le banc des accusés. Il est en effet visé, depuis mardi, par une procédure d’impeachment déclenchée par le président républicain de la chambre des représentants, Kevin McCarthy.

Une commission de la Chambre va mener une enquête sur des soupçons de corruption portant sur le temps où Joe Biden était vice-président de Barack Obama. Les républicains l’accusent de longue date d’avoir profité de sa position d’alors pour favoriser les affaires controversées de son fils, Hunter, en Ukraine.

Pression d’une « frange extrémiste »

Pour Michael Behrent, historien américain écrivant notamment sur la politique américaine dans la revue Esprit, cette procédure à cependant « très peu de chances d’aboutir. Il n’est même pas sûr que les républicains aient une majorité à la Chambre pour la poursuivre au-delà. » Les représentants doivent pourtant voter un à un les actes de mise en accusation avant un éventuel procès du président devant le Sénat.  

Mais cet impeachment est le fruit de la pression exercée sur Kevin McCarthy par une « frange assez extrémiste du parti, qui ne représente qu’une minorité de l’électorat, peut-être entre 30 et 40%. » S’ils ont obtenu gain de cause, cette procédure « représente un réel risque de retour de flamme, car il pourrait montrer que le parti est complètement sous contrôle » de cette minorité d’élus pro-Trump.

Plutôt que d’affaiblir Joe Biden, l’impeachment pourrait surtout souligner les importantes divisions du Grand old party (GOP), majoritaire à la Chambre des représentants. Il avait déjà fallu 15 tours de scrutin, un record, pour élire Kevin McCarthy comme speaker de la Chambre.

Un potentiel repoussoir

Pour l’historien, cette manœuvre relève donc probablement « davantage d’une stratégie strictement personnelle de ces députés » que d’une offensive généralisée contre Joe Biden. Il est d’ailleurs « intéressant de noter que les élus qui s’y opposent ne sont pas forcément modérés », souligne-t-il.

Et si les défenseurs de l’impeachment ont parfois reçu « 60 à 70% des scrutins  » lors des midterms, une partie des autres républicains sont moins certains d’être réélus. Le sénateur Mitch McConnell s’est notamment signalé contre ce choix qui risque d’agir comme un repoussoir pour les électeurs centristes qui ont été une des clés de la victoire du GOP dans des Etats ou des circonscriptions très disputés.

En outre, le soutien apporté par Donald Trump à différents candidats dans des états traditionnellement acquis aux républicains n’a pas empêché leur conquête par les démocrates.

« Aveu de faiblesse »

Pour Micheal Behrent, la décision de lancer l’impeachment est un « aveu de faiblesse » pour Kevin McCarthy, forcé aux concessions par une majorité qu’il ne parvient pas à contrôler. Comme un symbole, il n’a finalement pas soumis l’éventualité d’un impeachment au vote, comme il s’y était engagé, faute de disposer d’une majorité.

Mais, si cet impeachment ne devrait pas trop inquéter Joe Biden, l’historien s’inquiète de la « grande polarisation » de la société américaine. Même si Donald Trump devait être condamné dans un ou plusieurs de ses procès, « beaucoup y verraient un coup d’Etat contre lui, et se verraient renforcés dans leurs convictions. »

Inceste: la difficile formation des enseignants

Alors que le gouvernement vient tout juste de dévoiler sa première campagne de sensibilisation aux violences sexuelles sur les enfants, dans lequel le mot inceste est prononcé pour la première fois. La secrétaire d’État chargée de l’Enfance, Charlotte Caubel, a quant à elle affirmé mardi 12 septembre, sur le plateau de l’émission Quotidien que les enseignants étaient « formés régulièrement au repérage des violences subies par les enfants ». Un propos qui fait réagir les concernés.

« C’est un manque que je ressens au quotidien, on se sent complètement démunis ! » assure Karim* enseignant dans un collège à Marseille. Ce dernier exerce depuis sept ans en SEGPA (section d’enseignement général et professionnel adapté des classes accueillant des jeunes élèves présentant des difficultés personnelles et scolaires importantes) et regrette le manque de formation sur les violences sexuelles. 

« Ce sont des élèves qui subissent d’autant plus les violences et ce n’est pas normal de ne pas avoir eu de formation sur cette question en formation initiale et continue », déplore-t-il.

« On ne comprend pas cette absence de formation »


Le Code de l’éducation nationale prévoit, depuis le 22 juin 2000, que les professeurs reçoivent obligatoirement une formation initiale et continue dans le domaine de la protection de l’enfance en danger. Pourtant, l’ensemble des témoignages convergent. Ils n’ont jamais bénéficié de cette formation sur les violences sexuelles. « J’ai effectué un signalement oral il y a quelque temps pour une élève de 14 ans, ce n’était pas une affaire d’inceste mais il s’agissait de violences sexuelles, elle fréquentait un adulte de 32 ans. J’ai signalé ce cas à la CPE mais on est assez seul dans ce processus », résume Pierre, un enseignant d’arts plastiques à Metz.

Le temps passé par les enfants dans les établissements scolaires est important et les enseignants se trouvent logiquement en première ligne pour détecter, repérer et signaler les violences sexuelles. Pour rappel, d’après la Ciivise (Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants) 160.000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année en France. Un chiffre impressionnant qui nécessite une meilleure prise en charge.

Karim* a récemment effectué un signalement « on doit se débrouiller, le formulaire n’est pas évident à trouver et à compléter. On ne sait pas à qui l’envoyer, on ne connaît pas ses interlocuteurs, c’est vraiment flou », regrette-t-il.

Un plan d’action gouvernemental de lutte contre les violences sexuelles intrafamiliales a été mis en place depuis la rentrée scolaire 2021, dans lequel on retrouve un guide à destination des personnels et en particulier des enseignants. L’objectif de ce guide est d’améliorer la connaissance et la compréhension des violences sexuelles/ d’outiller les personnels afin de favoriser la libération de la parole et le repérage des élèves victimes et renforcer les actions de préventions, notamment en éducation à la sexualité.

« On ne sait pas vers qui se tourner donc on bricole »

Confrontés à ce manque de formation, d’outils mis à disposition pour écouter et accompagner les enfants victimes d’inceste, les enseignants se débrouillent seul pour repérer les victimes. « Ça fait des années que je travaille au rectorat de Paris et la question de la formation aux violences sexuelles n’est jamais venue dans les discussions, donc les propos de la ministre sont hypers violents pour nous ! », fulmine Elisabeth Kutas membre du syndicat Snuipp-FSU Paris et professeur des écoles. Toutes les trois minutes un enfant est victime d’inceste en France, entre un et deux élèves par classe est concerné, « on ne nous apprend pas du tout à les repérer, à les prendre en charge, à écouter la parole de l’enfant. On ne sait pas vers qui se tourner donc on bricole »

Les assistantes sociales et les psychologues sont essentiels pour repérer les enfants victimes et sont un soutien pour le corps enseignant. Certains professeurs décèlent des indices dans les copies des élèves, dans les comportements et plus rarement des élèves peuvent se confier. « J’ai de la chance d’avoir une assistante sociale et une équipe géniale qui intervient mais ce ne sont pas des gens internes à l’éducation nationale », explique l’enseignante.

Sollicité par notre média, le cabinet de la secrétaire d’État chargée de l’Enfance indique que les enseignants sont de plus en plus sensibilisés à cette question et qu’il existe des dispositifs pour lutter contre ce fléau.

Comment représenter l’inceste au cinéma ?

En salles depuis mercredi, L’été dernier de la réalisatrice Catherine Breillat revient sur la relation torturée et incestueuse entre une mère et son beau-fils. Un thème souvent abordé au cinéma, entre dénonciation et banalisation. 

Un secret entre nous, que personne ne peut comprendre. Au cinéma, la formule est courante et suffit pour planter un décor incestueux; un même sujet qui se retrouve au cœur du quatorzième film de Catherine Breillat, sorti mercredi dans les salles obscures. L’été dernier, c’est l’histoire d’Anne, avocate, et de Théo, son beau-fils de 17 ans. L’histoire de leur romance surtout, et du désir naissant qui finit par consumer Léa Drucker, érigée en Phèdre des temps modernes. La réalisatrice prend le parti de filmer le basculement de l’avocate incestueuse qui menace de briser l’équilibre familial et bourgeois qui régnait jusque-là. Jusqu’à voir cette passion assumée ?

Le chemin de croix des victimes

Ce n’est pas la première fois que la question se pose pour le septième art, où l’inceste, lorsqu’il est abordé, constitue souvent la clef de voûte d’une intrigue qui voit ses personnages sombrer ou se sacrifier jusqu’à « avouer » le crime dont ils ou elles ont fait l’objet. Le plus rapide à briser la tension étant le film du cinéaste danois, Thomas Vinterberg. Avec Festen en 1998, le fondateur du Dogme95 frappe fort et retranscrit le sentiment d’impuissance des victimes d’abus et le chemin de croix jusqu’à la reconnaissance du crime commis sur eux.

En filmant la réunion familiale à la manière de vieilles cassettes qu’on regarde tous ensemble à Noël, le réalisateur montre l’isolement du personnage principal, qui n’a de cesse de dénoncer les abus du patriarche devant sa famille au complet. Pourtant, le silence devient la pire des sentences; il ne faut pas déranger l’assemblée. Comme une page blanche où tous les reproches s’écriraient, la simplicité du silence inflige le refus d’une reconnaissance en tant que victime. Petit à petit, le doute finira par s’instiller; les convives peinent à y croire. Le spectateur, quant à lui, commence à récréer le fil des évènements, et comprend la détresse de chaque membre de la fratrie.

Ce même poids de la complicité se retrouve dans le récent Paula, d’Angela Ottobah. Pour son premier film sorti en juillet, la réalisatrice française aborde son histoire personnelle – les abus commis par son père. Cette fois-ci, la caméra épouse le regard incestueux du père à la dérive envers sa fille, retardant sans jamais montrer les moments redoutés. La menace plane, se devine, se dénie, devient une évidence. Aucune parole en ce sens ne sera pourtant prononcée. La mère, silencieuse et désintéressée campe à l’écran un spectateur impuissant. Autour, les amis de la petite fille s’interrogent, sans poser de questions.

L’élément de résolution

Pour d’autres films toutefois, le terme « inceste » n’apparaît que comme l’élément de résolution, implicite ou explicite. On peut ainsi citer Volver (2006), le chef-d’œuvre du réalisateur Pedro Almodovar, où les abus sont présentés comme une malédiction qui frappe les femmes de chaque génération et où chacune ignore que l’autre sait. La compréhension d’un schéma itératif permet de briser cette fatalité et ce secret de famille. Dans ce cas précis, l’ensemble des actes incestueux commis n’est révélé qu’à la toute fin, mettant fin au cauchemar d’une famille – et aux fantômes du passé incarné par la supposée grand-mère « ressuscitée ».

En feignant de ramener les morts à la vie, le cinéaste espagnol libère la parole de ses héroïnes, et met fin aux années de silence coupable; le même parti pris cinématographique se retrouve dans Le Monde de Charlie (2013), adapté du roman de Stephen Chbosky. Charlie, un adolescent dépeint comme un peu bizarre, pas en accord avec les autres de son âge, laisse transparaître son malaise grandissant jusqu’à hurler les abus qu’il a subis. Ce n’est donc pas tant la tragédie de l’inceste que ses conséquences irréversibles sur l’émancipation de leurs personnages que ces deux longs-métrages abordent.

Le spectre du fantasme

Ce qui fait que le désir basculant en passion incestueuse n’est que rarement filmé, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une relation entre une femme plus âgée et un enfant mineur – Dalva (2022) d’Emmanuelle Nicot se concentrait sur l’emprise exercée sur une petite fille. Le crime incestueux se mue souvent en personnage à part entière, à l’instar d’une ombre faisant planer un sentiment distillé de malaise tout au long de la narration. Sujet de cinéma, l’inceste manquerait parfois de devenir son fantasme.

Aussi bien dans Mommy (2012) que dans L’Associé du diable (1997) ou même dans la série Game of Thrones, le vice revêt des allures de fantasme inavouable. Plus classique, le conte Peau d’Âne, adapté par Jacques Demy, l’instaure en élément déclencheur, sans réellement mentionner l’immoralité d’une telle relation entre un père et sa fille. Sans condamnation morale de la part du réalisateur, il faudrait attendre du spectateur lui-même de tirer les conclusions d’une telle représentation d’actes incestueux. Mais au-delà du traitement entre dénonciation et banalisation, le septième art s’empare d’un sujet de société tabou. Alors que le gouvernement français vient de diffuser la toute première campagne de prévention télévisée sur l’inceste, sans doute que sa présence à l’écran ne peut qu’alerter de sa réalité.

Lise Tavelet