Qui est Cardi B, la rappeuse n°1 aux Etats-Unis ?

L’Américaine de 25 ans cartonne avec son morceau, « Bodak Yellow« . Elle s’impose désormais comme l’artiste rap féminine la plus populaire outre-atlantique. 

La rappeuse Cardi B (c) The Source / Wikipedia
(c) The Source / Wikipedia

« I’m the hottest in the street, know you prolly heard of me » (je suis la plus populaire, je sais que vous avez probablement entendu parlé de moi) dégaine Cardi B dans son hit, « Bodak Yellow ». Elle ne croyait pas si bien dire. Depuis trois semaines, la rappeuse new-yorkaise squatte la première place du Hot 100 du Billboard, le classement des chansons, avec ce single. Cardi B est la deuxième artiste rap à atteindre cette place. Avant elle, il y a eu Lauryn Hill avec le morceau culte « Doo Woo (That Thing) », il y a 19 ans.

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Jeune femme de son époque, pour Cardi B, le succès est venu avant la musique. Il y a eu le strip-tease, dans un club new-yorkais du Bronx. « Je suis devenue strip-teaseuse pour m’échapper de mon petit-ami violent« , confie-t-elle. Déjà, elle se sert de son corps et de son image pour s’émanciper. La jeune femme acquiert une petite célébrité locale qu’elle cultive grâce à des vidéos et photos postées sur les réseaux sociaux.

D’abord star des réseaux sociaux

Elle y raconte sa vie, ses relations amoureuses et distribue des conseils. Son humour fait mouche tandis que son nombre d’abonnés grandit. Influenceuse précoce, elle gagne sa vie grâce à ses posts à grande audience. « Cardi B fait partie d’une nouvelle génération. C’est un stratège, les artistes doivent désormais être de bons commerciaux« , souligne Eloïse Bouton, co-fondatrice du site Madame Rap.

A ce stade, la musique est encore un rêve un peu fou pour elle. « J’ai toujours eu peur de suivre mes rêves car si je les suis et j’échoue, je ne pourrais plus rêver. C’est plus facile d’en espérer moins« , confie-t-elle au magazine Fader. Son manager repère son flow, il l’encourage à se frotter au rap. Cette première tentative la conduit non pas dans un studio d’enregistrement mais dans Love & Hip-Hop, une émission de télé-réalité qui suit les péripéties de célébrités à la carrière dormante, ayant déjà (un peu) trempées dans le monde de la musique.

Féministe revendiquée

L’émission est son tremplin, elle n’y reste qu’un an avant de la quitter pour se consacrer à sa carrière musicale. En mars 2016, sa mixtape Gangsta Bitch Music Vol. 1 sort avec son premier tube : « Foreva ». Son succès est nourri par son omniprésence sur les réseaux sociaux alors que les maisons de disque ne parient pas souvent sur les femmes dans le milieu très masculin qu’est le rap. « C’est très dur pour les femmes d’avoir une visibilité dans les radios et les magazines. Les maisons de disque font le choix de promouvoir certains artistes et les rappeuses souffrent de ce sexisme institutionnalisé« , explique Eloïse Bouton.

Dans ses chansons, Cardi B parle d’argent, de sexe… les thèmes classiques du gangsta rap. « Elle a choisi de s’approprier les codes du rap viril pour les détourner« , souligne la spécialiste. Féministe revendiquée, elle montre son corps modelé par la chirurgie esthétique et hyper-sexualisé dans ses clips pour se l’approprier, à l’image de Nicki Minaj se touchant le pubis dans « Side to Side ». Dans une de ses plus célèbres vidéos « A Hoe Never Gets Cold« , Cardi B s’exprime en soutien-gorge et jupe ultra-moulante. Elle assume s’habiller comme elle veut parce qu’une « salope ne prend jamais froid« .

Son succès, elle l’assume et le partage avec ses 11 millions d’abonnés sur Instagram, un réseau social de partage d’images. Elle communique directement avec ses fans, donne ses réactions, aussi bien musicales que politiques.

(Ne soyez pas naïfs les gars, Face de carotte [Donald Trump] utilise juste l’épisode du football comme une distraction de la Corée du Nord qui veut nous faire exploser.)

Son succès est aussi une bonne nouvelle pour la place des femmes dans le monde du rap. Eloïse Bouton se réjouit : « cela montre une évolution dans l’audience du rap. Les gens sont de plus en plus prêts à voir une rappeuse pour son art et pas comme juste comme une fille« .

 

Anaïs Robert

La petite entreprise du rap français

Faire de la musique ne leur suffisait pas, les rappeurs français bâtissent leur propre empire. Entre vente de prêt-à-porter, labels musicaux ou encore sponsoring, les artistes se comportent comme de vrais chefs d’entreprise.

booba
Même en concert le rappeur Booba ne sort jamais sans sa panoplie Ünkut.

« Ma question préférée : Qu’est-ce que je vais faire de tout cet oseille ? » se demande Booba dans sa chanson Kalash. Beaucoup de choses sûrement avec un chiffre d’affaire de dix millions d’euros juste pour sa marque de vêtements Ünkut en 2013. Le rappeur français est le pionnier d’une nouvelle tendance qui a émergé dans le rap français ces dernières années: celle du rappeur-businessman. Pour ces artistes, il est devenu nécessaire, voire indispensable d’élargir leur champ d’activité en investissant dans d’autres domaines que la musique. Comment expliquer cette nouvelle tendance en France ? Pourquoi ces artistes éprouvent-ils le besoin de se transformer en entrepreneur ? Le sociologue Karim Hammou, chargé de recherches au CNRS, spécialisé dans les cultures et sociétés urbaines, et auteur du livre Une histoire du rap en France répond : « C’est lié à la logique de l’auto-production, qui se développe dans les années 1990 dans le rap français et impose une diversification des artistes pour investir la production, la promotion, voire la distribution. Des contraintes qui les oblige à diversifier aussi leurs sources de revenu ». Ainsi, ils s’inspirent du modèle américain où rappeurs et hommes d’affaires sont une seule et même personne. « Les carrières dans l’industrie musicale sont en général courtes, et la question de la diversification des activités se pose très vite pour les artistes » explique Karim Hammou.

Le plus souvent la première étape est le prêt-à-porter. « La vente de t-shirt est très rentable, à la fois parce qu’ils sont peu coûteux à produire, faciles à distribuer et c’est également une source de promotion efficace » affirme Karim Hammou.Dès le début des années 2000, le rap français envahit le « streetwear ». Cette mode importée des Etats-Unis qui allie à la fois des vêtements larges propres au hip-hop américain à un style européen plus classique et sobre. Ainsi, on assiste à l’émergence de nombreuses marques de vêtements associées à des rappeurs français : Ünkut et Booba, Distinct et Rohff, Swagg et La Fouine ou encore la marque éponyme du label Wati-B, producteur notamment de Maître Gims et Black M. Une activité qui se révèle être très lucrative pour certains d’entre eux. Les ventes génèrent plusieurs millions d’euros de revenus, la marque de Rohff a réalisé un chiffre d’affaire de deux millions et demi d’euros en 2012.

Wati-B est allé encore plus loin. Le label a décidé de devenir l’un des sponsors officiels de deux clubs de Ligue 1, Montpellier et Caen. En s’affichant sur les maillots de ces deux clubs, le label s’assure une visibilité chaque week-end sur les terrains de Ligue 1.

Loin de ces poids lourds, même les rappeurs moins médiatisés se sont lancés dans le business. C’est le cas de la Scred Connexion, groupe majeur fondé en 1995, qui a ouvert sa boutique en 2015.

scred boutique
Dans la « Scred Boutique », DJ Diemone accueille les clients.

« Nous on veut promouvoir les artistes indépendants »

18e arrondissement de Paris, tout au bout de la rue Marcadet, où les Kebabs et les Cafés ont laissé la place aux immeubles. Enfin, pas seulement aux immeubles. Une boutique à la vitrine soignée et bien travaillée interpelle. Le grillage est légèrement baissé et laisse apparaître un joli graffiti. Derrière la vitrine, un vélo clinquant, des bombes de graffitis, des illustrations de murs tagués et des casquettes. Ecrit en grandes lettres rouges : Scred Connexion. Dj Diemone, membre du collectif nous accueille : « C’est moi qui m’occupe de la boutique et du site internet www.scredconnexion.fr. » C’est donc le groupe lui-même qui s’occupe de la distribution contrairement aux boutiques Wati-B ou Unküt où les artistes délèguent, logiquement, l’activité. Mais c’est également l’ambition qui est différente : « Nous on veut promouvoir les artistes indépendants, les aider en vendant leur CD, en parlant d’eux sur notre site internet. » Il faut dire que la Scred Connexion est experte en indépendance. Depuis leurs débuts, ils n’ont jamais signé dans une des grosses maisons de disques (Universal, Warner, Sony). « Cette boutique ce n’est que la suite logique de ce qu’on fait depuis le début. Pour rester indépendant, il faut diversifier ses activités et ses sources de revenus. Voilà pourquoi ce projet est né. » Mais pourquoi cette obsession pour l’indépendance ? « D’abord, parce que financièrement on gagne plus dans le cas où ça marche. Un artiste signé dans un label ne prend que quelques pourcents sur chaque disque vendu. En indé c’est 100%. Ensuite parce qu’on fait absolument ce qu’on veut. » Il n’y a qu’à descendre au premier étage pour le comprendre : vinyles de rappeurs indépendants, CD d’artistes underground (qui ne sont pas connus mais appréciés des connaisseurs), une caverne pour passionnés de Hip-Hop.

L’indépendance comme motivation donc. Mais la boutique reste confidentielle, bien caché dans le 18e arrondissement de Paris, lieu d’origine de la Scred Connexion. Les revenus existent-ils vraiment ? « Le site marche très bien ! On vend beaucoup sur le site depuis longtemps. » La boutique n’a ouvert qu’en 2015. Pourquoi ouvrir un magasin si le site se suffisait à lui-même ? « Pour cet esprit familial. C’est plus spontané, et comme c’est le groupe qui s’occupe de la boutique, les gens viennent aussi pour ça. On a beaucoup de provinciaux qui sont en visite à Paris et qui veulent absolument passer par la Scred Boutique. C’est comme la Tour Eiffel ! » Et le collectif n’a pas fini de se diversifier. Après le site internet, la boutique, c’est la Scred Radio qui va être lancé. Sans en dire plus, le Dj de 40 ans avoue tout de même : « on veut donner aux jeunes rappeurs indépendants ce que nous n’avons pas eu à notre époque. Une vraie vitrine, une radio qui les passe, un lieu d’exposition quoi. » Cela fait maintenant 8 ans que le groupe de rap n’a rien sorti. Et qu’il continue de vivre grâce à ses activités. Leur devise ? « Jamais dans la tendance, toujours dans la bonne direction. »

Créer son propre média, nouvelle tendance des rappeurs français

Les rappeurs français savent aussi innover. La création d’un média semble être la prochaine étape pour ces rappeurs-entrepreneurs. Encore une fois, c’est Booba qui a une longueur d’avance sur la concurrence. Le rappeur a décidé d’étendre son empire à l’univers médiatique en créant tout d’abord une plate-forme de diffusion Oklm.com qui s’est déclinée, à partir de 2015, en une radio en ligne nommée OKLM Radio. « Pour nous, par nous » est le slogan de ce média qui veut se placer en concurrence directe avec des radios traditionnelles comme Skyrock. Lui qui a souvent critiqué le traitement du rap français fait par certains médias veut sortir de ce cadre en proposant un contenu nouveau.

C’est dans la communication que l’entrepreneur Booba se démarque. Lorsqu’il lance sa radio, il a déjà tout anticipé en prenant soin de populariser l’expression « Oklm » à travers un single éponyme qu’il dévoile sur le plateau du Grand Journal de Canal +. L’influence musicale de Booba est donc devenue un moyen de promouvoir directement ses autres activités sans attendre d’être contacté par d’autres journalistes. Après le site et la radio, il enchaîne avec la création de la chaîne de télévision OKLM TV fin 2015. Un challenge de plus pour le rappeur qui s’écarte de la liberté de ton de la radio pour se tourner vers les contraintes imposées par la télévision. Des clips, des interviews, des reportages, une programmation presque identique à une chaîne de musique traditionnelle. Mais la chaîne OKLM devient un outil promotionnel unique pour certains jeunes rappeurs adoubés par le « DUC » et qui auront l’honneur d’être diffusé sur sa chaîne.

En plus de Booba, d’autres rappeurs français se sont lancés dans la création d’un média. Le très engagé Kery James vient de lancer, en avril dernier, son propre média alternatif appelé LeBanlieusard.fr. Il présente ce site comme une « plate-forme d’information indépendante et alternative ». Comme Booba, Kery James a créé ce média pour s’opposer aux médias traditionnels. Mais de son côté, il souhaite apporter un nouveau regard sur l’actualité, et en particulier celle des banlieues. Au programme, la diffusion de plusieurs émissions politiques, des débats sur les violences policières dans les banlieues, etc… Pour ce rappeur considéré comme le leader du « rap conscient », il était devenu nécessaire de créer un média avec une ambition plus sociétale que musicale. « C’est dans la lignée de ce que je défend depuis vingt dans ma musique » affirme-t-il. Lui qui déclarait dans son titre Vent d’Etat en 2012 : « J’accuse les médias d’être au service du pouvoir, de propager l’ignorance et de maquiller le savoir », veut apporter sa propre vérité à travers son site d’information. Pour le moment, Kery James finance entièrement son média.

Après les vêtements, les labels, les médias, quoi d’autre ? Pourquoi pas de l’alcool ? Ah ! Booba vient d’annoncer le lancement de sa nouvelle marque de whisky humblement nommée D.U.C.

Ryad Maouche & Clément Dubrul

La nuit Queer ne fait plus mauvais genre

Cindy au bar la Mutinerie, jeudi 18 mai.
Cindy au bar la Mutinerie, jeudi 18 mai.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Drag queens, travestissement, musique techno… Très présente dans le milieu de la nuit parisienne, la communauté LGBT met sa culture si unique au service de soirées populaires. Trop populaires, peut-être. Les soirées LGBT, victimes de leur succès, attirent un public très large, parfois même au détriment des membres de la communauté, qui recherchent alors une transgression plus forte encore.

« J’évite les soirées hétéro, il s’y passe rien. On s’amuse tellement plus dans les soirées gay ! » Ces mots, ce sont ceux d’Adèle Cano, habituée du bar le Mastroquet, dans le 12e arrondissement parisien. Autour d’elle, ce sont surtout des groupes de même sexe qui dansent, boivent et s’amusent. Sur la scène, deux drag queens se déhanchent au son d’une musique techno endiablée. Adèle est hétérosexuelle, mais elle se mêle aisément aux populations diverses habituées des lieux de sociabilité homosexuels. Pour elles, la fête l’emporte ; et c’est encore dans les lieux LGBT que l’on s’amuse le plus.

« Les soirées estampillées gay attirent un gros public, bien plus large que la simple communauté LGBT à Paris », explique Hugo Platière, collaborateur de la soirée House of Moda et habitué du milieu. Les principaux collectifs organisateurs de soirées LGBT à Paris sont au nombre de quatre. La Flash Cocotte est l’une des soirées parisiennes les plus connues, grâce à Anne-Claire Gallet qui est l’une des DJs les plus présentes du milieu. Il y a aussi la House of Moda, qui est l’archétype de la soirée queer, avec beaucoup de drag queens, de gens déguisés et un thème centré sur la culture queer. Il y a également la soirée Bizarre Love Triangle au Maxim’s et le Bal Con.

« Queer », c’est l’adjectif employé pour décrire ces bars, boîtes de nuits et clubs animés par et pour un public homosexuel, bisexuel, trans ou autre. Un seul mot d’ordre : échapper au modèle hétérosexuel et aux rôles de genre classiques. « Queer, c’est quelque chose de plus grand que la seule communauté LGBT », selon Hugo Platière. « C’est une volonté d’assumer l’individu tel qu’il est, d’assumer ses différences, d’assumer son anormalité supposée. C’est une culture qui entoure le monde de la nuit et la fête, propre à la communauté LGBT, et qui aujourd’hui séduit un public toujours plus large. »

 

Une originalité qui attire

Marginalisée pendant des siècles, la communauté LGBT a appris à se serrer les coudes. La population LGBT avait besoin de se retrouver, la nuit parisienne est finalement devenu son environnement naturel, et pas uniquement un lieu de détente occasionnel.

« Pour la communauté LGBT, le clubbing représente quelque chose d’important parce que c’est le lieu par excellence où les minorités n’ont pas à subir l’oppression ordinaire que l’on rencontre dans la vie quotidienne », analyse Hugo Platière. Et cela se ressent. « Pouvoir se lâcher sans avoir peur du regard d’autrui », c’est la réponse qui est sur toutes les lèvres lorsque l’on demande ce que ces lieux apportent d’unique. « La culture gay est une culture gaie », affirme Wilfried Auvigne, patron d’un bar gay.

Des divertissements de qualité, de la bonne musique, des activités créatives… Autant de raisons évoquées pour justifier la popularité des soirées queer. « La culture LGBT, c’est aussi une culture de la musique, de la fête, du déguisement, qui se ressent dans ces soirées-là. », dit Hugo Platière. « Ces soirées sont faites pour que personne ne se sente mal à l’aise ou pas à sa place dans cet environnement. »

Les soirées queer sont un royaume d’exubérance dont les drag queens sont les reines. Incontournables de la culture queer, ces individus sont adeptes du déguisement, de l’exagération et de la subversion. Tous les jeudis, la scène du bar gay Le Mastroquet est envahie par Cookie Kunty, une drag queen aux airs de vraie reine : diadème clinquant, maquillage coloré encadré par une large perruque blond platine, elle parade dans son manteau de fourrure encombrant. Manteau qu’elle n’hésite pas à délaisser pour une robe de soirée élégante lorsqu’elle envahit la scène. Et elle danse, se déhanche sans gène, ses lèvres remuant au rythme du playback. Elle n’hésite pas à marcher au milieu du public, aussi, à toucher, parler et plaisanter avec les clients, dans une ambiance à la fois envoûtante et détendue.

La drag queen Cookie Kunty au bar le Mastroquet, jeudi 18 mai.
La drag queen Cookie Kunty au bar le Mastroquet, jeudi 18 mai.

« Ce n’est pas dans des soirées hétéro que tu vas trouver de telles performances. Il va peut-être y avoir de bons DJs ou des danseurs, mais c’est très impersonnel et ils ne vont pas échanger avec toi », expose Eloise Gaspard, habituée du Mastroquet. Une heure après, la jeune femme discutait autour d’un verre avec Cookie Kunty.

A lire aussi: Maison Chérie: A la rencontre d’une drag house parisienne

 

Un phénomène en pleine expansion

« Il n’y aurait pas de soirées techno hétéros si les pédés n’étaient pas passés par là. » Avec cette phrase lapidaire, Hugo Platière exprime quarante ans de culture LGBT souvent ignorés.

L’origine même des soirées techno se retrouve dans les milieux noir et gay américains des années 80. « Quand on va dans une soirée techno, c’est l’héritage d’une certaine culture gay, d’une certaine culture des minorités. On a tendance à l’oublier, mais la communauté LGBT a largement contribué à structurer ce qu’est la nuit aujourd’hui. Ce sont surtout des DJs LGBT, des DJs de minorités qui ont contribué à la culture du clubbing. Le clubbing est un outil d’émancipation. C’est un environnement parfait pour l’expression des minorités. »

Dans les années 90, la peur de la drogue donne lieu à une répression du clubbing, des raves et des soirées à ciel ouvert. Le milieu homosexuel français, particulièrement impliqué dans la culture des soirées subversives, est marginalisé du même coup. Dès la fin des années 2000, on voit un renouveau de la culture des soirées LGBT. Le Pulp, le plus grand club lesbien de Paris, ferme en 2007. En, réaction, les organisateurs de soirées queer s’attèlent alors à proposer un nouveau format de soirées plus moderne. « Cela fait une petite dizaine d’années que le clubbing techno et le clubbing LGBT ont prit leur envol et évoluent parallèlement », conclut Hugo Platière.

Les soirées LGBT sont donc un phénomène jeune, en pleine expansion, et qui séduit plus d’un public. Aujourd’hui, difficile d’aller dans une soirée queer sans croiser des fêtards hétéros, ou dans une soirée classique sans retrouver des éléments propres à la culture queer. Pour Hugo Platière, « c’est un gage de qualité, quand tu prends un petit peu de la culture queer, ça donne un cachet cool à la soirée. C’est très bien que ça se mélange, mais il ne faudrait pas pomper l’esthétique des soirées queer sans être plus tolérant avec les personnes LGBT. »

 

De la normalisation à la subversion

Les soirées queer sont extrêmement populaires. Confrontée à la normalisation de ses codes, valeurs et modes d’expression, une partie de la communauté LGBT amplifie la subversion.

Pour certains, cela passe par l’interdiction pour certaines populations d’accéder à des soirées. Une décision pour « se protéger contre l’homophobie » que Hugo Platière défend avec un certain agacement. Lui, comme de nombreuses autres personnes, a été victime d’actes homophobes ; ceux-ci ont connu une augmentation de 19,5% en 2016 selon SOS Homophobie. « Oui, aujourd’hui, il y a des soirées interdites aux hétéros, ou réservées aux femmes ou aux hommes. La convergence des luttes et la non mixité sont en train d’exploser au niveau politique. »

Maria, étudiante en sociologie, à la Mutinerie
Maria, présente à la Mutinerie lors d’une soirée lesbienne
Le bar la Mutinerie, dans le Marais
Le bar la Mutinerie, dans le Marais

D’autres franges de la communauté LGBT ont choisi de mettre sur pied des événements plus portés sur la sexualité pour marquer leur individualité. Dans le bar lesbien la Mutinerie, c’est priorité absolue aux femmes et aux transsexuels en cas de forte fréquentation. C’était le cas pendant le festival « Porn Yourself », qui avait lieu à Paris du 18 au 21 mai. Samedi 20 au soir, c’est l’artiste transsexuelle Emi Fem qui réalise une performance. Sur le titre Fever de Peggy Lee, et en marchant autour d’un vélo, elle enlève progressivement ses vêtements puis ses sous-vêtements, du bas vers le haut. Après s’être aspergée d’huile puis de champagne, elle entreprend de mimer un acte sexuel avec son vélo qu’elle couche par terre. A la fin de la performance, Emi Fem fend la foule sous les cris d’enthousiasme.

Les réactions du public à ces nouveaux modes d’expressions sont contrastées. Julien, co-gérant de la Mutinerie considère ces performances comme une facteur d’acceptation : « La culture queer a des codes qui lui sont propres et s’adresse à un public qui la connaît et la comprend. Le but de ces performances, c’est de dire : « Regardez comme on peut être sexy. Je suis désirable tel que je suis » ». Des films pornographiques à tendances sado-masochistes ont aussi été projetés pendant ce festival. L’un d’entre eux mettaient en scène une pianiste et sa professeure qui lui versaient de la cire rouge brûlante sur tous le corps avant de la fouetter. Ces projections n’ont pas fait l’unanimité dans l’assistance. « J’ai trouvé cela vraiment offusquant. Je suis sortie jusqu’à la fin de la projection. C’était assez hard et je trouve cela bizarre de regarder cela tous ensemble. Je viens assez souvent dans ce bar et c’est la première fois que je suis choquée. Je pense que l’objectif, c’est de montrer une différence par rapport aux hétérosexuels, mais le faire à ce point, cela n’a pas de sens », réagit Amina, 22 ans.

Tout l’enjeu de ce genre de manifestations est de conserver l’identité particulière des habitués sans être exclure qui que ce soit. «C’était original et courageux de projeter des films pornographiques. On a été étonnées mais pas choquées. On comprend que certaines personnes aient pu l’être. C’est sûr qu’il y a une culture spécifiquement queer mais elle doit aussi être ouverte à ceux qui veulent y entrer», témoignent Tiphaine, Charlotte et Eva, habituées de la Mutinerie.

Après 22 heures, la Mutinerie retrouve son visage habituel, tout le monde se retrouve au bar et sur la piste de danse, redevenant ainsi un lieu de sociabilité LGBT plus traditionnel, à la fois convivial et surprenant.

  • Jean-Gabriel Fernandez & Anaëlle De Araujo

Eminem attaque en justice le parti au pouvoir en Nouvelle-Zélande

Lundi, le rappeur Eminem a entamé une procédure judiciaire contre le NZNP (parti national de Nouvelle-Zélande), parti de centre droit actuellement au pouvoir en Nouvelle Zélande, qu’il accuse d’avoir utilisé sans licence son tube « Lose Yourself » dans une campagne politique.

Les avocats de l’artiste américain ont assuré à la Haute Cour de Wellington qu’il n’avait pas autorisé le Parti National à utiliser sa chanson, présente dans le film 8 Mile, sorti en 2002.

De son côté, la formation de centre droit se défend en expliquant que le titre utilisé provenait d’une « banque de sons générique issue du fournisseur de musique Beatbox ».

 

Lose Yourself a été classé par le magazine Rolling Stone parmi les 500 plus grandes chansons de tous les temps, et récompensé de deux Grammys et d’un Academy Award.

Marie Lecoq.