Décryptage : les municipales au Mexique sont-elles un danger pour la démocratie ?

Dans moins d’une semaine, les élections municipales débuteront au Mexique, alors que 34 candidats ont déjà été assassinés par des bandes criminelles qui cherchent à maintenir leurs alliances. 

34 candidats aux municipales au Mexique ont été assassinés par des bandes criminelles. © Pixabay

Menaces, enlèvements, assassinats… Les élections municipales qui auront lieu le 6 juin prochain au Mexique font l’objet de violences répétées. Les cartels de la drogue sont soupçonnés d’être derrière la mort d’au moins 34 candidats, pour influencer les votes.

Dernier en date, Abel Murrieta, candidat à la mairie de Cajeme, gangrenée par le narcotrafic, a été assassiné le jeudi 13 mai, dans une rue fréquentée et en plein jour. Cet avocat de 58 ans, candidat au parti Movimiento Ciudadano, promettait d’affronter les mafias locales et l’affirmait dans son slogan de campagne: « Je n’ai pas peur ! »

« Le crime organisé essaie d’influer sur le cours de ces élections »

Entre le 7 septembre 2020 et le 30 avril 2021, l’étude Etellekt a compté 71 menaces envers des politiques mexicains et 61 homicides intentionnels. Ces attaques sont perpétuées par des groupes criminels locaux qui cherchent à placer au pouvoir des candidats qui leur sont favorables. « Le crime organisé essaie d’influer sur le cours de ces élections », a déclaré la ministre de la sécurité, Rosa Icela Rodriguez.

Si les élus sont remplacés, les narcotrafiquants seront obligés de renégocier les pactes qu’ils ont déjà établis. Les bandes criminelles à l’origine des menaces et exécutions au Mexique ne cherchent pas nécessairement à imposer leurs candidats, mais à maintenir ceux avec lesquels ils ont des accords, qui leur sont profitables.

« Les pouvoirs criminels locaux ont bâti leur pouvoir sur ce qu’on appelle des pactes avec les autorités locales »

Les assassinats de candidats aux municipales sont devenus une pratique courante depuis les années 2000. « Les courbes sont en hausse, de plus en plus de candidats se font tuer », affirme Jean Rivelois, chercheur et spécialiste des narcotrafiquants au Mexique. En 2018, 152 politiciens se sont fait assassiner dont 48 candidats. 18 autres ont déjà annoncé leur retrait des élections depuis le début de l’année.

Une pratique qui s’explique par un basculement dans le régime de domination entre le pouvoir et les cartels. « Avant, dès la fin des années 70, il y avait une connivence entre les acteurs politiques, les policiers et les criminels, mais le pouvoir politique restait dominant. Maintenant, c’est le pouvoir criminel qui a pris le dessus », indique Jean Rivelois.

Les exécutions ont de plus en plus un coté macabre selon le chercheur qui met en évidence une nouvelle pratique, selon lui héritée des djihadistes du Moyen-Orient : «Ils cherchent à instiller la terreur parmi la population en décapitant et en démembrant des corps, en placardant des affiches avec des inscriptions. Ils visent à rendre leurs exécutions spectaculaires .» 

Une protection rapprochée limitée

Face aux attaques fréquentes que subissent les candidats aux municipales, la police a mis en place un service de protection rapprochée avec la police fédérale, moins corrompue que les polices municipales et régionales. Le programme, mis en place depuis mars dernier seulement, a été initié par le président mexicain Andrés Manuel López Obrador, surnommé AMLO.

« Le programme reste très limité, explique Jean Rivelois. Le problème, c’est que la police est très corrompue au niveau local. Ils n’ont pas le choix, sinon, ils sont assassinés. »

« C’est un pays qui vit dans la terreur »

Ce régime de terreur constante constitue une menace pour la démocratie représentative qui ne peut plus fonctionner correctement. « Il y a moins de motivation à se porter candidat, tout le monde à peur. C’est un pays qui vit dans la terreur », selon Jean Rivelois. Pessimiste, il assure que des changements ne seront pas visibles avant dix ou vingt ans, malgré les efforts du gouvernement actuel.

« Le risque, c’est que la population en ait marre, appelle les militaires au pouvoir et abandonne la démocratie », s’inquiète le spécialiste.

Lise Cloix

En Syrie, près de 500 000 morts depuis le début du conflit

L’Observatoire syrien des droits de l’Homme révèle ce mardi 1er juin que la guerre en Syrie a fait près d’un demi-million morts. Débuté en 2011, le conflit est encore en cours, malgré une baisse d’intensité suite à un cessez-le-feu partiel en 2020.

Ruines mosquée Azaz Syrie
Ruines d’une mosquée à Azaz, en Syrie, en 2021. © Christiaan Triebert

La guerre civile syrienne a fait près d’un demi-million de morts dans le pays, depuis qu’elle a débuté en 2011, selon le nouveau bilan de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), publié ce mardi 1er juin. Ce nombre comprend 100 000 victimes supplémentaires confirmées par l’ONU.

Le bilan réel pourrait être encore plus élevé, car selon l’OSDH, 606 000 personnes auraient été tuées en Syrie depuis 2011. 494 438 morts ont pu être comptabilisées par l’ONG, entre le 15 mai 2011 et le 30 mai 2021, dont environ 25 000 enfants.

Drapeau syrien et oiseau
Parmi les morts liés au conflit, 25 000 étaient des enfants. © Rafael Medina

L’OSDH, basé en Grande-Bretagne, dispose d’un réseau de sources militaires et médicales en Syrie. Les attaques du régime syrien et de milices alliées sont responsables de la majorité des décès.

Un conflit qui s’enlise

Le conflit débute en 2011 avec la répression de manifestations pro-démocratie par Damas. Depuis, de multiples acteurs régionaux et internationaux y ont pris part, forçant des millions de Syriens à l’exil.

L’intensité des combats diminue depuis 2020, en raison d’un cessez-le-feu dans le nord-ouest du pays, près d’Idleb. Le contrôle de la Syrie est encore réparti entre plusieurs belligérants, et seuls les deux tiers du territoire sont contrôlés par Damas.

Bachar Al-Assad réélu à 95,1 % des voix

Bachar Al-Assad accède à la présidence en 2000, après les 30 ans de règne de son père. Il est réélu le 27 mai 2021 pour un quatrième mandat. Son score de 95,1 % des voix est douteux, car le nombre d’électeurs avancé par le régime semble impossible.

Cette élection survient en plein marasme économique, avec une dépréciation historique de la monnaie, une inflation galopante, et plus de 80 % de la population vivant dans la pauvreté. Il s’agissait de la deuxième présidentielle depuis le début du conflit.

Jean Cittone

Laurent Gbagbo rentrera le 17 juin en Côte d’Ivoire

L’ancien président ivoirien a été acquitté de crimes contre l’humanité par la Cour pénale internationale en mars. Il attendait le feu vert des autorités de son pays pour pouvoir rentrer, après une décennie de déboires avec la justice.

Laurent Gbagbo s’adressant à l’assemblée générale des Nations unies. © Unsplash

« Je vous annonce que le retour du président Laurent Gbagbo sur la terre de Côte d’Ivoire est prévu pour le 17 juin », a déclaré Assoa Adou, le secrétaire général du Front populaire ivoirien (FPI), le parti créé par Laurent Gbagbo, qui fut président de 2000 à 2010. Depuis son acquittement en mars par la Cour Pénale Internationale (CPI) de crimes contre l’humanité, le retour de l’ex-président était très attendu par ses partisans. En avril, l’actuel président de la Côte d’Ivoire Alassane Ouattara avait affirmé que son rival pouvait rentrer quand il le souhaitait.

Fervent critique de la « Françafrique », Laurent Gbagbo avait refusé de reconnaître sa défaite face à Alassane Ouattara lors de l’élection présidentielle controversée de 2010. Avaient suivi des violences post-électorales ayant fait quelque 3 000 morts. C’est pour ces violences que Laurent Gbagbo a été inculpé puis acquitté par la justice internationale.

Une décennie de troubles

Arrêté en avril 2011, l’ex-président ivoirien a été détenu dans un premier temps au nord de la Côte d’Ivoire, avant d’être transféré dans une cellule de la CPI à La Haye. Son procès s’est finalement ouvert le 28 janvier 2016 aux Pays-Bas. Laurent Gbagbo était poursuivi pour l’existence d’un « plan commun » destiné à « conserver le pouvoir par tous les moyens, y compris par l’emploi de la force contre des civils ». Il a été  finalement acquitté le 15 janvier 2019, mais tenu de rester en Europe dans le cas d’un éventuel procès en appel.

Il a obtenu ’asile politique en Belgique, où habitait sa deuxième épouse, Nady Bamba. Il avait annoncé dès lors à plusieurs reprises son intention de rentrer « bientôt ». La Cour pénale internationale (CPI) a fini par confirmer l’acquittement de l’ex-président de la Côte d’Ivoire le 31 mars 2021.

L’ancien chef d’État reste néanmoins sous le coup d’une condamnation en Côte d’Ivoire à vingt ans de prison pour le « braquage » de la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest pendant les violences post-électorales de 2010-2011. L’abandon de ces poursuites paraît toutefois presque certain après le feu vert du président Ouattara au retour de son prédécesseur.

Apaisement politique en Côte d’Ivoire

Des négociations sur les conditions de ce retour ont eu lieu ces dernières semaines, le gouvernement ivoirien voulant éviter tout débordement lors de l’accueil de Laurent Gbagbo par ses partisans, à Abidjan.

Ce retour est un signe fort de la décrispation de la vie politique ivoirienne depuis les dernières législatives de mars qui se sont déroulées dans le calme. Les grands partis d’opposition avaient décidé d’y participer, notamment le FPI, qui boycottait tous les scrutins depuis 10 ans.

Réélu pour un troisième mandat controversé au cours d’une élection elle boycottée par tous les partis d’opposition – qui jugeaient ce nouveau mandat inconstitutionnel – l’actuel président de la Côte d’Ivoire Alassane Ouattara multiplie les gestes d’apaisement depuis. Plusieurs prisonniers arrêtés pendant cette dernière crise électorale ont été libérés et le pouvoir a autorisé le retour d’exilés partisans de Laurent Gbagbo. Fin avril, des cadres du FPI et la sœur cadette de l’ancien président, Jeannette Koudou, sont ainsi rentrés du Ghana en accord avec le gouvernement ivoirien au nom de la « réconciliation nationale ».

Mehdi LAGHRARI

Biden à Tulsa, théâtre d’un massacre d’Afro-américains longtemps oublié

Joe Biden est attendu ce mardi 1er juin à Tulsa, en Oklahoma, pour commémorer les 100 ans d’un des plus grands massacres de l’histoire américaine, longtemps passé sous silence. Les survivants et les descendants d’Afro-américains assassinés ou forcés à fuir demandent aujourd’hui réparation.

Joe Biden Tulsa massacre
Les Afro-américains ont joué un rôle clef dans l’élection de Joe Biden. © CC

« Je veux juste qu’il ressente notre douleur », exprime Kristi Williams, activiste et descendante d’une des 300 victimes du massacre de Tulsa, survenu dans la nuit du 31 mai au 1er juin 1921. Elle souhaite que Joe Biden « rende justice » aux victimes de ce drame, par une reconnaissance financière et mémorielle.

Le massacre de Tulsa est resté longtemps tabou. Le 31 mai 1921, le quartier de Greenwood, surnommé le « Black Wall Street » est une des communautés noires les plus riches du pays. On y trouve notamment deux cinémas, un hôpital et deux sièges de journaux. Le lendemain, tout le quartier est rayé de la carte.

Un lynchage pour une fausse accusation

Au départ, un incident entre Dick Rowland, un cireur de chaussures noir, et Sarah Page, une liftière blanche, dans l’ascenseur d’un immeuble du centre-ville. Celle-ci accuse Rowland de l’avoir agressée. Plus tard, elle écrira une lettre l’exonérant.

Pendant le procès, une foule blanche se rassemble à l’extérieur du tribunal. Des vétérans afro-américains de la Première Guerre mondiale se rendent sur place pour empêcher son lynchage. Un coup de feu est tiré. La foule, armée et vindicative, décide alors de marcher en direction de Greenwood.

« Ils essayaient de tuer tous les noirs qu’ils voyaient »

Un déchaînement de violence frappe alors « Black Wall Street ». Les historiens s’accordent sur les chiffres de 300 morts et 10 000 habitants devenus sans-abri. « Ils essayaient de tuer tous les Noirs qu’ils voyaient », explique George Monroe, survivant du massacre, dans un documentaire de 1999. Il avait 5 ans ce soir-là.

Les maisons sont pillées et brûlées. Des avions lâchent des bombes de kérosène et de térébenthine. Le lendemain, le quartier n’est plus qu’une ruine. Nul n’est tenu responsable à l’époque. Les demandes de remboursement sont refusées par les assurances. Après le massacre, un silence s’installe sur la nuit du 31 mai.

Un procès intenté contre la ville de Tulsa

« J’ai vécu au travers du massacre tous les jours ». Viola Fletcher, l’une des dernières survivantes, âgée aujourd’hui de 107 ans, témoignait la semaine dernière devant la Chambre des représentants américaine.

Les survivants intentent actuellement un procès contre la ville de Tulsa. Ils accusent notamment la police de la ville d’avoir missionné et armé les habitants blancs de Tulsa afin de piller et brûler le quartier de Greenwood, et d’assassiner ses occupants.

Des fouilles sont actuellement entreprises pour trouver les fosses communes où ont été enterrées les victimes noires du massacre. Le travail de mémoire se poursuit, pour la reconnaissance des dommages causés.

Jean Cittone