Ukraine : Poutine mobilise 300.000 réservistes russes

Le président Vladimir Poutine a annoncé ce matin la mobilisation de 300.000  Russes pour combattre en Ukraine. Dans une allocution préenregistrée et diffusée ce mercredi, il a prévenu l’Occident que Moscou utiliserait « tous les moyens » pour se défendre.

« Ce n’est pas du bluff », a martelé, Vladimir Poutine, accusant les pays occidentaux de vouloir « détruire » la Russie, d’avoir recours au « chantage nucléaire » contre elle et signifiant ainsi qu’il était prêt à utiliser l’arme nucléaire.

Face à des contre-offensives éclair des forces de Kiev qui ont fait reculer l’armée russe, le président russe a choisi de miser sur une escalade du conflit, avec une mesure qui ouvre la voie à l’afflux de militaires russes en Ukraine. « J’estime nécessaire de soutenir la proposition (du ministère de la Défense) de mobilisation partielle des citoyens en réserve, ceux qui ont déjà servi (…) et qui ont une expérience pertinente », a déclaré Vladimir Poutine ce mercredi. « Nous ne parlons que de mobilisation partielle », a-t’il insisté, alors que des rumeurs sur une mobilisation générale suscitaient l’inquiétude de nombreux Russes.

Le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, a précisé que 300.000 réservistes étaient concernés par cet ordre de mobilisation, soit à peine « 1,1% des ressources mobilisables ». Cet ordre entre en vigueur dès mercredi 21 septembre.

Accusation de l’occident

Vladimir Poutine s’en est pris une fois encore à l’Occident avec virulence, l’accusant d’avoir « dépassé toutes les limites dans sa politique agressive » et de vouloir « affaiblir, diviser et, en fin de compte, détruire notre pays ».

« Nous utiliserons certainement tous les moyens à notre disposition pour protéger la Russie et notre peuple », a-t-il poursuivi, rappelant que la Russie  » possède divers moyens de destruction, dont certains sont plus modernes que ceux des pays de l’Otan ».

Après l’annonce mardi de l’organisation de « référendums » d’annexion dans quatre régions de l’est et du sud de l’Ukraine à partir de vendredi, la mesure prise par le président russe marque un tournant dans le conflit. D’autant que la doctrine militaire russe prévoit la possibilité de recourir à des frappes nucléaires si des territoires considérés comme russes par Moscou sont attaqués.

Le discours de Vladimir Poutine intervient après que l’armée russe ont essuyé des revers face à des contre-offensives ukrainiennes dans les régions de Kherson (sud) et de Kharkiv (nord-est), où les forces de Moscou ont été contraintes de céder beaucoup de terrain. Le ministre russe de la Défense a déclaré mercredi que l’armée russe avait perdu 5.937 soldats depuis le début de l’offensive, un bilan officiel bien supérieur au précédent, mais très en deçà des estimations ukrainiennes et occidentales qui font état de dizaines de milliers de pertes.

Législatives dans les Hauts-de Seine : une 5ème circonscription éclatée

Les 12 et 19 juin prochains, les habitants de la cinquième circonscription des Hauts-de-Seine (92) devront élire leur député à l’Assemblée nationale. Ces élections seront déterminantes compte tenu de la fragmentation sur plusieurs échelles des villes de Levallois-Perret et Clichy qui composent la circonscription.

La campagne électorale pour les législatives bat son plein, dans la cinquième circonscription des Hauts-de-Seine (92), divisée entre les villes de Clichy et Levallois-Perret que tout oppose depuis 35 ans. Dans le département, la configuration “ville de droite plus aisée et ville de gauche plus populaire” est assez répandue. Une sociologie électorale qui s’est confirmée lors du premier tour de la présidentielle en avril 2022. Clichy a plébiscité Jean-Luc Mélenchon à 42,15%, tandis que 41,96% des Levalloisiens ont préféré Emmanuel Macron. 

Pourtant, l’opposition historique tend à s’amenuiser depuis une dizaine d’années avec l’arrivée en 2015 de Rémi Muzeau (Les Républicains) à la mairie de Clichy, rompant avec l’héritage socialiste. Cet ami du couple Balkany, qui a régné sur Levallois-Perret de 2001 à 2020, encourage la rénovation de la ville clichoise sur le modèle de sa voisine, entraînant sa gentrification. “Levallois regarde vers Neuilly et Clichy regarde vers Levallois”, résume Sylvie, un chariot à la main dans le marché Henri-Barbusse de Levallois. Mais la récente élection présidentielle a sorti de terre l’électorat de gauche qui dépeint des différences profondes entre les deux villes.  “Les enjeux ici, il y en a guère parce qu’on n’est pas malheureux, l’enjeu pour moi c’est la terre, l’Europe, l’Ukraine, la guerre”, confesse Sylvie, jeune retraitée et Levalloise de longue date. Pourtant à Clichy, on s’inquiète du pouvoir d’achat : “Avant le coronavirus, on faisait des sorties avec les enfants, ça allait bien, le coronavirus a gâché ma vie, et je sais que je ne suis pas la seule”, déplore Katia, Clichoise de 30 ans, accompagnée de deux de ses trois enfants. 

Une pluralité de candidats, source de luttes intestines

La circonscription divisée doit aussi faire face à la multiplication des candidats. Au nombre de 14, ils témoignent de l’éclatement entre les deux villes, mais aussi des partis politiques. A l’exception de la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale (NUPES), ils n’ont pas su se réunir sous les mêmes couleurs.  Quelques candidats de gauche sont présents face à la représentante de la NUPES, Léa Druet, à l’instar de Mireille Lambert pour Lutte Ouvrière, Zaya Gacem (Divers Extrême Gauche), Mina Khalil (NPA) et Cyril Crosnier-Leconte (Ecologistes). “Il y a toujours eu des micros candidatures, qui vont rafler 0,2, c’est toujours dommage mais avec le succès de LFI au premier tour, on a un vrai terreau commun« , précise Jean-Michel venu distribuer des tracts en faveur de la jeune candidate à l’entrée du marché de Clichy. 

Au marché de Clichy, les sympathisants LR, soutien du candidat Pierre Chassat, et l’équipe de la candidate Léa Druet (NUPES) vont simultanément à la rencontre des Clichois. (©Johanne Malin)

La fragmentation des candidats étonne et exaspère. “C’est ridicule! Ridicule! Quand vous avez un choix pareil, vous ne savez plus pour qui voter”, s’exclame Maïté, arrivée à Levallois-Perret, il y a 35 ans. A droite et au centre, ce sont 8 candidats qui se présentent, dont la plupart sont investis par des grands partis nationaux. Agnieszka Gebarska représente le RN tandis qu’Alexandre Rousset-Leblond, le mouvement Reconquête. Fabrice Garoyan, est candidat de Debout La France et Sonia Rabotoson, secrétaire nationale auprès des Républicains se présente sous l’étiquette “divers droites”.

C’est au cœur des Républicains que la bataille fait le plus rage. Les tensions entre les deux municipalités se sont exacerbées à l’aune de la campagne. “Notre candidat a été investi par LR alors que l’autre candidate, [Caroline Mercier] est investie par le maire de Clichy”, pointe de manière moqueuse Hamid, militant LR et retraité. 

Des candidatures à droite considérées comme “fantaisistes ou dissidentes qui rencontreront peu l’adhésion des électeurs” selon Pierre Chassat, qui rappelle « l’unanimité » de son investiture par le parti Les Républicains. Ce dernier, adjoint à la mairie de Levallois-Perret dispose d’un ancrage géographique, face à des candidats qu’il qualifie de “parachutés”. 

L’ancien directeur de campagne Les Républicains ne s’inquiète pas de ses casseroles : une condamnation de trois ans d’emprisonnement dont deux avec sursis et cinq ans d’inéligibilité dans le cadre de l’affaire Bygmalion. Celui qui a été condamné en première instance pour “abus de confiance, complicité d’escroquerie et financement illégal de campagne électorale” a fait appel de cette décision au motif des “nombreuses failles sur l’individualisation des peines ou de la rétroactivité de certaines lois”. Finalement “ce qui compte c’est l’homme et son travail sur la ville, pas les affaires”, avance Hamid. 

Un 3ème tour des élections présidentielles

Un panel des droites divisé et fragilisé, qui pourrait favoriser Céline Calvez, actuelle députée de la circonscription sous les couleurs de la majorité présidentielle (Renaissance, ex-LREM). Candidate sortante, elle reste plébiscitée dans la circonscription qu’elle dirige depuis 2017. « Je ne connais pas le nom des candidats, mais je vais voter pour la majorité présidentielle », argue Romain, ingénieur vivant à Levallois. “Emmanuel Macron me paraît être le plus éclairé et le plus à même de gouverner le pays. Je pense qu’il a besoin d’un soutien à l’Assemblée nationale”, poursuit-il.

A Levallois-Perret comme à Clichy, certains candidats n’ont toujours pas collés leurs affiches sur les panneaux électoraux, participant à leur invisibilisation auprès des électeurs à moins de deux semaines du scrutin. (©N’namou Sambu)

Faute d’une méconnaissance des candidats aux législatives et de leurs programmes, il semble que la lutte éclatée de la 5e circonscription des Hauts-de-Seine se joue principalement entre les grands partis. Celui du président Emmanuel Macron (Renaissance) veut se maintenir dans une circonscription et un département qu’il a largement conquis en 2017 (10 circonscriptions sur 13) alors que la menace des partis Les Républicains et La France Insoumise s’impose comme opposition principale. Ces élections législatives se présentent donc comme une sorte de 3ème tour de l’élection présidentielle.

Si une majorité des habitants rencontrés sur le marché Henri-Barbusse, près de la mairie de Levallois semblait séduit par le parti présidentiel, plus que par la candidate en elle-même dont ils ignorent souvent le nom, les habitants de Clichy ont d’autres sensibilités. Avec une telle disparité entre les villes qui constituent cette cinquième circonscription, Céline Calvez doit convaincre les Clichois davantage que les Levalloisiens. Ces derniers avaient soutenu, dès le premier tour, le candidat Emmanuel Macron à presque 42 %.

Des sympathisants LFI/NUPES, dont Jean-Michel, aux abords du marché de Clichy (92). (©N’namou Sambu)

C’est également sur cette disparité que le parti de La France Insoumise et plus précisément l’alliance NUPES peut s’appuyer. Vainqueur lors du premier tour de l’élection présidentielle avec 43 % des voix à Clichy, LFI peut tirer son épingle du jeu dans ce bastion historique de gauche (dont la mairie est passée à droite en 2015.)

« Je vais voter pour tout ce qui est avec le parti de Mélenchon. Je suis en harmonie avec ce qu’il dit. J’espère qu’il tiendra ses promesses car je suis en désaccord avec Macron. J’aimerais qu’il y ait une personne au pouvoir qui peut essayer de le contrôler », explique Katia. Elle a voté pour le candidat LFI lors du premier tour de la présidentielle et croit beaucoup en les chances du parti qui l’a poussé à se politiser. « Ma génération, celle née en 1990, n’a pas beaucoup voté lors de la présidentielle 2022 », poursuit la jeune femme. « Même moi, il y a cinq ans, je ne suis pas allée voter. J’étais tellement dépitée mais aujourd’hui, je parle beaucoup avec des jeunes sur Facebook. Nous avons fait un groupe pour essayer de motiver ceux de notre âge à aller voter », une nécessité aujourd’hui pour la Clichoise qui, comme beaucoup d’habitants habitués du marché du centre de Clichy, souhaite faire entendre sa voix lors de ces élections législatives.

Johanne Mâlin et N’namou Sambu

Hauts-de-Seine : La gauche veut reprendre la 11e circonscription

L’ensemble des communes qui réunit Montrouge, Malakoff et Bagneux (Hauts-de-Seine) voyait la gauche remporter les élections législatives depuis 1988. En 2017, et pour la première fois, c’est La République En Marche qui l’a emporté. Cinq ans plus tard, EELV, PCF, PS et LFI présentent une candidature commune pour tenter de renverser la situation.

Onze jours avant le premier tour des élections législatives, en ce matin de juin, Aurélien Saintoul se trouve à l’entrée du métro « Mairie de Montrouge » avec quelques autres militants pour distribuer des tracts. Sur ces derniers, on y retrouve en première page un photo montage de lui, aux côtés de Jean-Luc Mélenchon. Investi par la NUPES, Aurélien Saintoul est en concurrence avec neuf autres candidatures pour prendre la tête de la 11e circonscription des Hauts-de-Seine. Dans ce bastion historiquement ancré à gauche, l’homme figure parmi les favoris. Pourtant, en 2017, c’est Laurianne Rossi de La République en Marche qui avait remporté la 11e circonscription, un changement radical, que le candidat de la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale (NUPES) a bien l’intention de faire oublier : « il y a une parenthèse à fermer » déclare-t-il à propos de la députée sortante.

Aurélien Saintoul a choisi des points stratégiques pour tracter. Ici, à l’entrée de la station de métro Mairie de Montrouge, sur la ligne 4.

 

Une circonscription historiquement de gauche

Agrégé de lettres classiques, Aurélien Saintoul s’est engagé auprès de Jean-Luc Mélenchon en 2009. Militant La France Insoumise depuis la première heure, il a d’abord été professeur de lettres avant de devenir assistant parlementaire et membre de l’opposition à la mairie de Montrouge. Selon lui, la victoire est possible. « En 2017, les gens pouvaient avoir des illusions quant à Emmanuel Macron, estime Aurélien Saintoul. Aujourd’hui, ils ont compris que ça n’avait pas marché. » En 2017, sept à neuf candidatures pouvaient être identifiées comme des candidatures de gauche ou écologistes. Aujourd’hui, seules 5 candidatures peuvent être perçues comme telles, notamment grâce au rassemblement de certains partis sous l’étiquette de la NUPES, ce qui augmente les chances d’Aurélien Saintoul d’accéder à l’Assemblée nationale.


L’ancrage à gauche de la circonscription encourage également le candidat. Depuis le redécoupage géographique de la circonscription en 1986 et jusqu’en 2017, tous les députés ont été des candidats du Parti Communiste Français (PCF) ou du Parti Socialiste (PS). Cela s’explique notamment par l’attachement à gauche présent dans deux des trois villes composant la circonscription, à savoir Bagneux et Malakoff. Dans ces deux villes, toutes les élections municipales de l’après-guerre ont été remportées par le Parti Communiste Français. A Montrouge, la mairie est investie par l’UDI (anciennement CNIP et UDF) depuis 1958. Mais cela ne semblait pas faire basculer les résultats des élections législatives jusqu’en 2017. « Ce sont trois villes très différentes, explique Aurélien Saintoul. Elles n’ont pas toutes les mêmes préoccupations mais il y a des sujets qui peuvent les réunir comme l’urgence écologique. » À titre d’exemple, selon l’INSEE, le revenu moyen des habitants de Bagneux en 2019 était de 2456€ par personne, contre 3431€ pour les habitants de Montrouge. Pour le candidat de la NUPES, ces villes ne sont pas irréconciliables. « Même les personnes qui vivent dans des situations plus confortables peuvent penser à ceux moins favorisés, pour l’intérêt général » argumente l’agrégé de lettres classiques. Lors du premier tour de l’élection présidentielle, Emmanuel Macron était arrivé en tête à Montrouge avec 35,2% des voix, mais suivi par Jean-Luc Mélenchon avec 28,4% et Yannick Jadot avec 8,3%. Tout semble donc encore pouvoir se jouer pour le candidat de la NUPES dans la ville la plus incertaine des trois que comporte la circonscription.

En distribuant les tracts devant la bouche de métro, Aurélien Saintoul lance à la volée « Votez pour les législatives ! » sans mentionner son parti ou sa propre personne. « C’est assez délicat de dire aux gens « votez pour moi » directement, avoue le candidat. Mais c’est aussi parce qu’il y a un deuxième combat dans cette élection, c’est la lutte contre l’abstention. » Ces dernières années, l’abstention n’a fait qu’augmenter dans cette circonscription pour les élections législatives. En 2002, elle s’elevait à 35% au premier tour. Ce chiffre n’a cessé d’augmenter depuis, pour arriver à 47% en 2017. « Pour former une majorité, il faut convaincre les gens » estime Aurélien Saintoul. Parmi les habitants de Montrouge, Sabrina, par exemple, ne compte pas voter le week-end prochain. « J’ai voté pour Jean-Luc Mélenchon au premier tour de la présidentielle mais je ne vais pas voter aux législatives, je ne vote jamais pour ces élections » explique la commerçante de 40 ans.

« On est raisonnablement confiants »

Du côté de la député sortante, Laurianne Rossi, la bataille semble loin d’être perdue d’avance. Questeure à l’Assemblée Nationale et bien placée au sein de LREM, de nombreux habitants pensent accorder une nouvelle fois leur confiance à la candidate de la majorité. « Je trouve qu’elle a été une bonne députée, qu’elle a apporté quelque chose, qu’elle a participé activement à l’Assemblée nationale confie Sylvie, 59 ans. Je ne me vois pas du tout voter pour un autre candidat et notamment celui de La France Insoumise. »

D’autres candidats, eux, souhaitent surtout porter une voix dissidente dans ces élections. C’est le cas de Dominique Broussaudier, candidate du Parti animaliste. « Honnêtement, je sais qu’il y a très peu de chance que je sois élue, a-t-elle déclaré. J’ai quand même décidé de m’investir dans cette élection pour contester l’oubli de la cause animale en politique. Et puis il faut bien que ce parti commence quelque part même s’il ne gagne pas de suite. » Selon elle, sa candidature est nécessaire faute de quoi les autres candidats ne se sentiraient pas obligés de mettre dans leur programme des mesures à propos de la cause animale.Malgré la dizaine de candidatures enregistrées dans la 11e circonscription, le candidat de la NUPES se voit déjà reprendre le bastion. « On est raisonnablement confiants confie Aurélien Saintoul. On est devant dans certains sondages. On sait que rien n’est gagné d’avance mais on peut espérer. Quand je tracte, j’ai l’impression que les gens sont réceptifs, c’est agréable. » Plus tard dans la journée, dans le centre-ville de Montrouge toujours, les habitants peuvent croiser Jules, 23 ans, et Pascal, 34 ans, en train de coller des affiches à l’effigie d’Aurélien Saintoul. Pour Jules, militant de Génération.s à l’origine, c’était évident de s’investir pour la NUPES. « Cela faisait plusieurs années que je ne m’étais pas investi en politique mais la NUPES m’a redonné envie, explique l’étudiant. En plus, on est un bon groupe à Montrouge, il y a toujours quelqu’un pour faire quelque chose. » Si les militants cherchent encore à convaincre les habitants de la 11e circonscription, certains d’entre-eux sont, au contraire, déjà derrière Aurélien Saintoul. C’est le cas de Maria, 57 ans. « J’ai toujours voté à gauche, assure-t-elle. Pour la présidentielle, j’ai regretté que les candidats ne s’unissent pas. Je ne souscrit pas à toute la politique de la NUPES, notamment sur le plan international mais en plus de ça, je trouve que Monsieur Saintoul est super, j’avais voté pour lui aux dernières municipales. » Reste à voir dans un peu plus d’une semaine, si les actions du candidat lui auront permis de reprendre ce bastion historique de la gauche dans les Hauts-de-Seine.

Pascal, au premier plan, et Jules, militants NUPES se mobilisent à Montrouge.

Marine Allain et Dylan Berrached

Hauts-de-Seine : La droite rêve de reconquérir la 9e circonscription à une majorité embarrassée par l’ombre de Thierry Solère

A Boulogne-Billancourt en région parisienne, la neuvième circonscription des Hauts de Seine s’apprête à tourner la page Thierry Solère. Mis en examen pour treize chefs d’accusation, le député de la majorité a choisi de ne pas se présenter à sa propre succession aux législatives. Tandis que deux élus des Républicains espèrent affronter son remplaçant au second tour, la candidate écologiste tente d’imprimer des thèmes de gauche à une ville acquise à la droite durant 50 ans.

Boulogne, mercredi 1er juin. A quelques centaines de mètres de la place Marcel-Sembat, la rue du Vieux Pont de Sèvres est en effervescence. Sous les étals du marché couvert Billancourt, des visages inhabituels se mêlent aux habitués en train de faire leurs emplettes. Plusieurs candidats aux législatives ont en effet profité de ce rendez-vous hebdomadaire pour aller à la rencontre de leurs électeurs. Ils seront douze à briguer la succession de Thierry Solère, le député sortant macroniste : Lutte Ouvrière, le Nouveau Parti Anticapitaliste, l’Union des démocrates musulmans français, Europe Ecologie-Les Verts (EELV), la Fédération de la gauche républicaine, La République En Marche (LREM), le Parti Animaliste, le Mouvement pour la ruralité, Les Républicains (LR), le Rassemblement national, Reconquête ! ainsi qu’un élu divers droite. “Malheureusement, ils viennent le mercredi. C’est pas forcément le jour où on a le plus de temps. Ca serait bien qu’ils viennent un jour où les gens sont plus disponibles”, regrette Eric, fraîchement installé à Boulogne depuis 6 mois. Les principales têtes de liste sont pourtant toutes là, à onze jours du premier tour de l’élection.

Pascal Louap, investi par LR, entame la conversation avec plusieurs commerçants qu’il connaît bien. Cet éducateur de 49 ans, adjoint au maire de Boulogne depuis 2008, a fait de son ancrage dans la vie politique locale son cheval de bataille. Selon lui, “ l’enjeu pour Boulogne, est d’avoir un député présent. Ce n’est pas le cas de Thierry Solère qui brille par son absence. Il faut quelqu’un qui puisse représenter tous les Boulonnais, qui sera présent à l’hémicycle et sur le terrain. Ma première action de député sera d’ouvrir une permanence à Boulogne pour rester en lien avec la population”.

Pascal Louap, adjoint au maire et candidat LR dans ces législatives. 

Une absence présente dans tous les esprits

 Bien qu’il ne soit pas candidat, Thierry Solère est incontournable. Hormis dans son propre camp : “ce n’est pas vraiment un sujet. L’héritage dans le cadre d’une législative est moindre à celui d’une municipale par exemple. Il n’y a pas de débat autour de la question, Thierry Solère s’est retiré au profit d’Emmanuel Pellerin “, affirme un militant LREM. Le député, mis notamment en accusation pour fraude fiscale, emploi fictif et financement illicite de dépenses électorales, est pourtant le président du comité de soutien d’Emmanuel Pellerin, annoncé comme candidat à sa succession le 19 mai dernier. “Un timing assez court”, de l’aveu de son équipe de campagne pour cet avocat de 52 ans, jamais élu. Ses soutiens assurent que son profil plaît aux Boulonnais, malgré “un petit déficit de notoriété”. Ennuyeux lorsqu’on se présente à une circonscription où 46.6% des votants ont glissé un bulletin Emmanuel Macron au premier tour de l’élection présidentielle, le record du département. D’autant que bon nombre des habitants croisés sur le marché ne semblent pas encore avoir arrêté leur choix pour le 12 juin prochain. Christelle, par exemple, est très méfiante face à la classe politique et aux potentiels futurs élus Boulonnais.

Christelle, Boulonnaise depuis 10 ans, ne se sent pas concernée par les législatives

A côté des candidats portés par les grands partis, certains noms ressortent, toujours dans l’ombre du député sortant. C’est le cas d’Antoine de Jerphanion, candidat divers droite. S’il prend part à cette élection, c’est parce qu’il estime ne pas se reconnaître dans les choix de Pascal Louap, candidat des Républicains. “Aujourd’hui, quand vous êtes de droite, vous allez vers la majorité présidentielle pour aider le pays et Boulogne à avancer. Ou alors vous siéger dans l’opposition, ce que veut faire le candidat des Républicains alors que cela va complètement isoler Boulogne du reste du territoire.” Antoine de Jerphanion a par ailleurs reçu des propositions de Thierry Solère, qu’il a toujours refusé. Sa priorité : “les électeurs”. “J’organise une grande réunion publique le mercredi 8 juin. Je vois que les autres candidats ne le font pas mais je trouve que c’est important d’avoir un programme à présenter et à expliquer aux Boulonnais.”

La gauche en embuscade 

En parallèle de la droite, une candidate fait de plus en plus parler d’elle. Aussi parce que son passé médiatique la précède. Elle est celle qui brandissait une pancarte de Vladimir Poutine et Marine Le Pen lors d’une conférence de presse de cette dernière. Celle qui brandissait l’écrito « criminel climatique » à l’unique meeting d’Emmanuel Macron. Ou encore l’attaché de presse du sosie de Jean-Michel Blanquer. Elle, c’est Pauline Rapilly Ferniot. 

Pauline Rapilly Ferniot et son équipe sont plus détendus qu’Emmanuel Pellerin, en costume, en arrière-plan.

Aujourd’hui candidate pour NUPES, l’union de la gauche, elle se réjouit de sentir le soutien constant des locaux. Dans un style très décontracté, la candidate profite du marché pour débattre et discuter avec les Boulonnais. “Les autres candidats viennent nous voir en nous disant “on aimerait bien faire campagne comme vous mais on ne peut pas”. Notre campagne est une campagne sympa”. Tellement “sympa” que la candidate NUPES propose des activités d’échange originales. Comme un canapé de discussion posé partout dans Boulogne où passeront Noël Mamère et Eric Piolle, entre autres. “Ici, à Boulogne, beaucoup de gens ont envie de voter pour autre chose et ont intériorisé le fait qu’au second tour, ce sera la droite ou la droite. Ces gens-là, il suffit d’aller les voir pour leur dire qu’aujourd’hui il y a quelque chose d’autre qui est possible.” Seulement, dans les faits, peu croient à un sursaut réel de la gauche au sein de Boulogne. 

C’est le cas d’Elizabeth, qui, pourtant de gauche, a décidé de voter pour la majorité aux prochaines élections dans le but de “faire avancer les choses”. 

Elizabeth, Boulonnaise depuis cinq ans, a choisi le vote utile.

Et si, pour cette élection, le combat opposera sans nul doute la majorité présidentielle à la droite, c’est parce qu’aucun candidat jugé à gauche de l’échiquier politique n’a remporté cette circonscription depuis des décénnies. La droite tient la main mise sur Boulogne aux législatives depuis 1967. Même en 2017, Thierry Solère était techniquement affilié aux Républicains au moment de son élection. Mais Emmanuel Pellerin fera-t-il de la résistance? 

 

Thibault Azoulay et Antoine Bouchet