Slasheurs : ils cumulent les emplois par contrainte ou par passion

Crédits : Axelle B, public domain pictures
16 % de la population active s’identifie comme slasheur. Crédits : Axelle B, public domain pictures

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Fini le rêve de l’emploi unique et stable. Dépassée l’époque où l’on restait des décennies dans une même entreprise. Désormais, le travail s’envisage différemment. Plus de 4 millions de Français jonglent avec les boulots. On les appelle les slasheurs. Mais quelles sont les motivations ?

  • « Slasheurs » : ça vient d’où ?
« Cumuler les jobs, c’est dur. Parfois, je suis content que la semaine se termine ». A 25 ans, Romain Guiraud est chauffeur-livreur en CDI, mais aussi auto entrepreneur. Il y a un mois, il a monté son entreprise dans le secteur de l’évènementiel. Organisation, polyvalence ou encore créativité figurent parmi les compétences requises pour devenir slasheur. En France, ces pluriactifs seraient plus de 4 millions, soit 16 % des actifs, selon une étude publiée en 2016 par le Salon des micros entreprises.
C’est en 2007, aux Etats-Unis, que le terme « slasheur » est employé pour la première fois. L’expression vient de l’utilisation de la petite barre inclinée pour signifier une accumulation. Par exemple : vendeur / chanteur / informaticien.
Cette façon de travailler a toujours existé, selon le sociologue Serge Guérin. « Particulièrement dans les catégories modestes, les gens ont toujours cumulé des “petits boulots”. Le cas typique est celui de l’aide ménagère qui est en même temps caissière et babysitteur pour arriver à joindre les deux bouts en fin de mois », explique-t-il.
  • Est-ce qu’on slash par contrainte ?

« Plusieurs amis infirmiers ne trouvent pas de CDI, c’est compliqué. Je ne pense pas en avoir un en sortant de l’école. Alors, s’il le faut, je serai slasheuse »

L’argent est la raison première de la pluriactivité (pour 73 % des slasheurs). Anaïs N’Diaye, 19 ans, est étudiante en soins infirmiers. Les week-ends, la jeune femme travaille en maison de retraite et trois samedis par mois elle fait des babysitting. « Il faut payer les frais de la vie quotidienne, et j’ai aussi envie de me faire plaisir. Je suis arrivée à un stade où j’en veux toujours plus, je n’aurai jamais assez d’argent », raconte-t-elle. Ses études bientôt terminées, Anaïs N’Diaye se prépare à l’idée de continuer à cumuler les emplois : « Plusieurs amis infirmiers ne trouvent pas de CDI, c’est compliqué. Je ne pense pas en avoir un en sortant de l’école. Alors, s’il le faut, je serai slasheuse ».
  • Certains cumulent-ils les métiers par passion ?
Oui : pour Serge Guérin, la contrainte financière n’est pas une systématique. Il observe qu’une partie des slasheurs choisissent ce mode de vie par conviction, par passion. « Les jeunes s’ennuient dans le système professionnel classique. Ils ont besoin de liberté et de varier les expériences. La précarité de l’emploi les a amenés à envisager le travail autrement », affirme-t-il. Le sociologue, qui se qualifie lui-même de slasheur, voit cette évolution culturelle d’un bon œil : « C’est signe d’une hyperactivité dans le société ». L’envie de toucher à tout donne l’impulsion. « Les jeunes prennent des risques au bénéfice de leurs passions. Ils gardent une activité alimentaire et en parallèle développent leur propre entreprise, par exemple ».
« Mon job alimentaire me plaît et j’ai la force de cumuler, alors pourquoi se priver ? »
C’est le cas de Gauthier Vancayzeele. A 33 ans, il est à la fois chargé de mission dans une communauté de communes du nord de la France, chef d’entreprise et intervenant à l’université. Son premier emploi est financier, les autres sont le fruit de ses envies. « Mon job alimentaire me plaît et j’ai la force de cumuler, alors pourquoi se priver ? », lance-t-il, fier d’avoir une telle marge de manœuvre.
  • Quelles sont les principales difficultés quand on est slasheur ?
77 % des pluriactifs exercent leur deuxième métier dans une branche différente de leur activité principale. Ils sont amenés à jongler avec divers statuts : salariat, autoentreprenariat… Héloïse Tillinac, consultante, coach et fondatrice de Slasheurs.fr est en même temps salariée et indépendante. Elle se confronte à « un casse-tête administratif. Pour la sécurité sociale, je ne savais pas si je devais choisir le régime général ou le régime social des indépendants. On n’est pas du tout orienté, il n’y a aucune transparence ». Elle regrette que cette nouvelle conception du travail ne soit pas encore entrée dans les mœurs, alors que celle-ci « ne risque pas de s’éteindre ».
Si ce nouveau mode de vie professionnelle prend de l’ampleur, il reste encore méconnu et parfois même, mal perçu. Certains employeurs conçoivent la pluriactivité comme un manque de stabilité. La diversification peut faire peur et se confondre avec éparpillement. Par ailleurs, les banques et les agences immobilières sont encore très « frileuses » quand elles ont affaire à des slasheurs. Sans CDI, difficile de décrocher un prêt.
Ambre Lepoivre
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Top 3 des bad buzz les plus marquants des derniers mois

Bad Buzz

Un bouche-à-oreille négatif qui enflamme les réseaux sociaux, c’est ce qu’on appelle un “bad buzz”. Critiques acerbes sur Facebook et tweets dévastateurs mettent à mal l’image d’une entreprise, causent des surcoûts financiers, et impactent l’activité et la e-réputation des entreprises.

 

3) Electronic Arts : 52% des ventes de son jeu phare

Dans le jeu Star Wars Battlefront 2 de l’américain Electronic Arts, il faut payer un prix élevé pour jouer les divers personnages, en plus des 60 dollars que coûte le jeu. La communauté des joueurs est immédiatement montée au créneau. EA a reçu un nombre record de votes négatifs sur Reddit, le plus grand forum au monde : 673 000. Star Wars Battlefront 2 est devenu un échec commercial retentissant, avec moins de la moitié des ventes attendues.

Sur le site Metacritic, le jeu a une moyenne de 0,9 sur 100 donnée par les utilisateurs, et une moyenne de 68% par la presse.
Sur le site Metacritic, le jeu a une moyenne de 9% donnée par les utilisateurs, et une moyenne de 68% par la presse. Les joueurs sanctionnent le jeu pour la politique d’Electronic Arts.

 

2) United Airlines : 4 points en bourse

La compagnie aérienne américaine a défrayé la chronique en éjectant violemment un passager d’un avion surbooké. Deux vidéos postées sur Twitter montrent un médecin, le visage ensanglanté et les vêtements déchirés, suppliant de le laisser rester dans l’avion.

En réponse, le PDG d’United Airlines a choisi de blâmer publiquement la victime. La réaction sur les réseaux sociaux ne tarde pas et l’entreprise subit un boycott sans précédent. L’action United Airlines chute de 4 points en bourse dans les heures qui suivent, coûtant à la compagnie 1 milliard de dollars selon le journal The Independant. Depuis, l’action United est passée de $72 à $63,1, en chute constante depuis le bad buzz. Ironiquement, le PDG d’United Airlines avait reçu le mois précédant le prix de communicant de l’année.

 

1) Samsung : 5 milliards de dollars

Le Galaxy Note 7 explose, c’est la rumeur qui circule sur les réseaux sociaux à la sortie du nouveau smartphone du coréen Samsung. Des images de téléphones calcinés, postées réseau social chinois Baidu, se répandent inexorablement. Samsung estime que seuls 0,0024% des appareils présentent un risque potentiel, mais le bad buzz est inarrêtable.

La compagnie se résigne finalement à rappeler tous les téléphones en circulation. C’est le bad buzz le plus cher de l’histoire, avec un coût estimé à 5 milliards de dollars.

 

Jean-Gabriel Fernandez

 

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Community manager, un métier difficile devenu indispensable

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Community manager, un métier difficile devenu indispensable

En une dizaine d'années, la gestion des réseaux sociaux est devenue vital pour les entreprises Crédits : Pexel
En une dizaine d’années, la gestion des réseaux sociaux est devenue vital pour les entreprises
Crédits : Pexel

Dépositaire de l’image publique de l’entreprise, le community manager est un élément clef souvent sous-estimé. C’est un métier difficile, en constante évolution, dont dépendent pourtant les habitudes d’achats de nombreux consommateurs.

La compagnie aérienne américaine United Airlines a perdu un milliard de dollars suite à la publication en avril dernier de deux vidéos sur Twitter. Celles-ci montraient des employés de la compagnie être violents avec un passager. Maîtriser les réseaux sociaux est devenu vital, à l’ère où les commentaires Facebook et les tweets peuvent faire la fortune ou la ruine d’une entreprise.

“Attirer de nouveaux clients tout en satisfaisant les anciens”

Depuis l’apogée des réseaux sociaux, le garant de l’image d’une marque sur internet, c’est lui. Le community manager (CM), animateur de réseaux sociaux, est devenu l’outil indispensable des entreprises. Son objectif ? Attirer de nouveaux clients tout en satisfaisant les anciens.

Répondre aux usagers en colère, c’est la partie la plus visible de son travail. La tâche est chronophage mais permet de créer le sentiment d’une relation humaine, au cas par cas. “On répond avec bienveillance, c’est évident”, affirme Yohan Ammouri, 28 ans, community manager indépendant depuis quatre ans. “Je suis adepte du précepte “le client est roi. Mais s’il y a des insultes, notre charte stipule que l’on peut bannir les utilisateurs. Un peu comme on appelle la sécurité dans un magasin.” Le CM doit répondre dans l’instant pour contenter les clients, et tous les lecteurs potentiels.

Ces clients ne sont pas que les jeunes internet natives. “Sur Facebook, il y a tout le monde, les personnes actives ont entre 25 et 45 ans », constate Amélie Bourgeois, cogérante de l’agence Zébrure. « Pour autant, il faut garder un esprit jeune pour renouveler sa communication.” Il est donc important pour les marques de renvoyer une image positive, mais aussi de publier régulièrement pour donner rendez-vous sur le site.

Pour cela, il est indispensable de maîtriser les particularités de chaque réseau. Les hashtags sur Twitter, les émoticons sur Facebook et les photos sur Instagram. “Il faut bien saisir quel réseau choisir dès le début. Une dimension stratégique est venue s’ajouter, ce métier évolue sans cesse”, explique Yohan Ammouri.

Des conséquences directes sur le chiffre d’affaires

Les réseaux sociaux permettent de toucher une audience très large, très rapidement. Contrairement aux journaux, à la radio ou à la télévision, internet permet de cibler directement les personnes qui voient les messages des entreprises grâce à des algorithmes précis. Ainsi, la page Facebook d’un hôtel de luxe sera recommandée aux personnes avec un certain niveau de revenus et qui ont l’habitude de voyager.

Une bonne campagne sur les réseaux sociaux est probablement le meilleur investissement qu’une entreprise puisse faire pour atteindre les clients”, affirme Tristan Mendès-France, spécialiste de la question. “Mais sans community manager, il y a peu de chances que la présence en ligne soit efficace.

40% des utilisateurs admettent avoir été influencés par les réseaux sociaux pour faire un achat important, selon une étude de Vision Critical. La même étude a trouvé que le plus important pour une marque est d’être représentée par une personne amusante et humaine sur internet. Plus que la qualité des produits ou services vendus, c’est le ton du CM qui attire et fidélise les clients.

Un métier commercial et créatif

La place du community manager dans l’entreprise est primordiale et elle attire des profils différents de la plupart des métiers du digital. Le community manager-type est une femme de moins de 30 ans, diplômée d’un bac + 5 en école de commerce. Sa rémunération est très variable, mais commence à environ 2 000€ brut par mois.

La majorité des community managers sont des femmes.
La majorité des community managers sont des femmes.

Mais certains recherchent des profils différents de ce carcan, comme Amélie Bourgeois. Elle n’a retenu aucune candidature issue d’une école de commerce ou de marketing digital. “Un diplôme dans le numérique, ça ne suffit pas. Il est plus important de fournir un contenu créatif”, explique-t-elle.

Ce “métier du futur” convient particulièrement aux jeunes recrues, déjà férues de réseaux sociaux. Pour les jeunes diplômés, ce poste est souvent un premier emploi pour “mettre un pied dans la porte”. Le community manager reste rarement plus de 5 ans en poste. Les jeunes qui l’exercent ont rapidement envie de gagner plus d’argent et de responsabilités.

L’autre explication est moins glorieuse : le métier est éreintant. Toujours collé à un écran, le CM n’a pas de temps libre, il doit répondre aux sollicitations en permanence. “On répond le plus vite possible”, témoigne Amélie Bourgeois “mais on reste des humains, on répond sur les horaires de bureaux pour “éduquer” la communauté.” Sans compter le caractère souvent agressif des messages des utilisateurs. Des critères qui expliquent les risques de burn out, particulièrement élevés dans la profession.

Louise Boutard & Jean-Gabriel Fernandez

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Sur Instagram, Camille Caucian partage des images de voyages et de cuisine, ses deux spécialités (capture d'écran)
Sur Instagram, Camille Caucian partage des images de voyages et de cuisine, ses deux spécialités (capture d’écran)

Elle vous fait découvrir la cuisine et les voyages depuis votre canapé. A 27 ans, Camille Cancian est community manager pour la petite entreprise niçoise de restauration Socca Chips. Elle anime sur internet la communauté de la société créée depuis deux ans.

Difficile de se lancer en Freelance

Diplômée d’un bachelor en business marketing, la jeune blonde énergique a eu différentes expériences professionnelles. En particulier celle de community manager indépendante, qu’elle exerce encore sur son temps libre. “J’avais envie de travailler pour moi et j’appréciais de pouvoir gérer ma journée comme je l’entendais, travailler sur la plage par exemple”, explique-t-elle. Mais la jeune femme peine à percer seule. Elle cherche un emploi à mi-temps pour assurer son salaire. A temps-plein chez Socca chips depuis juin dernier, Camille reste dans un univers culinaire et méditerranéen.

En indépendante ou au sein d’une entreprise, le métier reste le même.  »Il faut toujours être en alerte, avoir une présence sur les réseaux, et savoir s’adapter. » Une caractéristique appréciée par cette autodidacte :  »Sur Instagram, l’échange est très personnel, donc je signe facilement de mon nom. Sur Facebook c’est différent, je signe uniquement si on a eu un échange suivi. »

Le blog de Camille Cancian lui permet de travailler en tant qu'indépendante (capture d'écran)
Le blog de Camille Cancian lui permet de travailler en tant qu’indépendante (capture d’écran)

Qualités requises

Autre aspect primordial du métier : la créativité.  »On a une liberté d’expression totale”, s’enthousiasme Camille. “Certains clients savent précisément ce qu’ils veulent. Ce n’est pas très intéressant. A l’inverse, parfois, il est difficile de cerner leurs besoins, ils demandent de modifier le rendu en permanence. »

Le point faible de Camille a d’abord été le réseautage.  »C’est quelque chose de vital quand on n’a pas de carnet d’adresse, et j’ai négligé cette partie dès le début. » Désormais, elle se renseigne auprès de plateformes dédiées comme Malt. Indispensables, ces sites mettent en relation les différents métiers du digital et leur actualité.

Camille Cancian aime son métier. Pourtant, elle assure que les réseaux sociaux ne lui sont pas indispensables au quotidien.  »C’est un plaisir, pas une passion. J’ai besoin de souffler parfois.”‘ Alors que certains community manager sont toujours connectés et s’en plaignent, la jeune femme s’impose des horaires.  »Je vais voir mes publications le soir, et je réponds parfois, mais jamais trop tard. » Pour elle, les réseaux sociaux ne sont qu’un métier, elle ne les laisse pas dévorer sa vie.

Louise Boutard

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