“S’ils ont leurs concours alors on a réussi notre job !”

Les jeunes se produisent plusieurs fois dans l'année afin de continuer à pratiquer la musique.
Les jeunes se produisent plusieurs fois dans l’année afin de continuer à pratiquer la musique.

Bernard Renaudin est chargé de projet de l’Orchestre des Jeunes Lauréats du Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris (CNSM). Cet ensemble, fondé dans les années 90, se présente comme un outil d’insertion pour les jeunes musiciens.                                   

A quoi sert l’orchestre des jeunes lauréats?

C’est donner la possibilité aux jeunes diplômés du CNSM d’exercer leur métier pendant qu’ils préparent leurs concours pour entrer dans les orchestres. L’idée n’est pas d’embaucher les musiciens et de se substituer aux orchestres nationaux mais plutôt de donner un outil pédagogique. Jouer en permanence, créer, etc…, les jeunes musiciens continuent de pratiquer leurs instruments en situation d’orchestre. En plus, s’ils font toute la saison, l’orchestre permet aux lauréats de faire leurs 507 heures et donc de bénéficier du régime d’intermittent du spectacle. Et s’ils ont leurs concours dans l’année, alors on a réussi notre job ! « 

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Quels sont les débouchés pour les jeunes musiciens ?

La majorité des jeunes musiciens trouveront un emploi dans les orchestres nationaux ou régionaux. Pour les musiciens diplômés du conservatoire, le taux d’insertion est important et ils finissent par réussir les concours même si cela peut prendre des années. Certains musiciens se tournent également vers l’enseignement, en parallèle de leur travail dans un orchestre.

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Quelle est la situation du marché du travail ?

Ca dépend des instruments. Pour les bois par exemple, il y a beaucoup de demande pour peu de place dans les concours. Donc pour eux, c’est compliqué de trouver du travail. A l’inverse, ceux qui s’en sortent le mieux sont les cornistes. Peu nombreux, il y a toujours du travail pour eux. Ce qui est surprenant, c’est que depuis quelques années, les jeunes, parfois pas encore diplômés, s’en sortent souvent mieux que les “anciens” aux concours. Je pense qu’on peut l’expliquer par leur candeur quand ils les passent. Forcément, l’enjeu n’est pas le même et donc le stress non plus !

Dorine Goth

La galère des jeunes musiciens

En 2016, ils sont près 8 000 étudiants en cycle supérieur de musique dans les conservatoires. Face à un afflux croissant de jeunes musiciens sur le marché du travail, leur insertion sur le marché du travail pose problème.

Depuis les années 80, le nombre de musiciens professionnels ne cesse de croître. Selon un rapport publié en novembre, les artistes de la musique et du chant étaient plus de 31.000 en France en 2015. Ce nombre cache pourtant une autre réalité : la difficulté de leur insertion professionnelle. Les écoles communiquent peu sur les chiffres. « Ils ne sont pas pertinents », se défend Bernard Renaudin, chargé de production de l’Orchestre des Jeunes Lauréats du Conservatoire de Paris. Aux chiffres d’insertion globale, le chargé de production préfère l’excellence. “ Regardez les plus grands musiciens dans le monde ! De Paris à New York, il y a des musiciens du Conservatoire de Paris dans des orchestres prestigieux ”, s’enorgueillit-il. Des symboles qui participent au rayonnement de l’institution. Mais pour les 8 000 étudiants dans les conservatoires de musique, les places sont chères. Alors quel avenir professionnel après les études ?

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58% des musiciens sont enseignants

En 2014, 69% des diplômés de l’enseignement supérieur de musique étaient salariés du secteur public. Cependant, de membre de l’orchestre national à professeur de musique, ce chiffre cache de grandes disparités. « On parle de ceux qui réussissent mais pas des autres. On est nombreux à penser qu’on ne pourra pas faire de la musique. On se dit qu’on devrait aller enseigner au collège ou devenir instituteur. Il y a un décalage entre nos attentes et ce que propose l’administration », s’inquiète un étudiant du Conservatoire National Supérieur de Musique. En 2014, 58% des diplômés de l’enseignement supérieur de musique sont enseignants.

A la galère de l’insertion, s’ajoute la galère de l’administration. 16% des diplômés sont sous le régime intermittent du spectacle. Un régime compliqué pour Manon, jeune musicienne de 22 ans, qui se sent dépassée. « C’est une vraie galère ! Il faut donner beaucoup de justificatifs de dates, de concerts. Mais le nombre d’heures à justifier a été augmenté, il devient donc de plus en plus difficile d’avoir le statut. Tout ça pour un SMIC à 600 euros ! ».

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Musique classique vs musique actuelle

Les problématiques de l’insertion ne sont pas abordées de la même manière que ce soit du point de vue des musiques classiques ou actuelles. Dans le secteur classique la carrière se conçoit comme une évolution logique dans le temps. « Nous on souhaite évoluer au sein d’un orchestre, pas forcément devenir célèbre. On évolue selon un schéma professionnel classique », explique Cyprien, violoniste au conservatoire. Son rêve ? « Devenir violon soliste ». Dans les musiques actuelles, la notion notoriété prend plus de place. « La réflexion sur l’insertion s’accompagne immédiatement d’une réflexion sur le fait de « durer », inquiétude qui devient essentielle face au zapping incessant du public et du marché », souligne Bob Revel, dans une étude sur les dispositifs d’insertion professionnelle dans le secteur musical.

 

Dorine Goth

Insertion professionnelle : La filière STAPS en forme olympique

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C’est une réussite de haut niveau : la majorité des étudiants de la filière de sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps) trouvent un emploi immédiatement après leur cursus. Pour comprendre ce phénomène, décryptage d’un parcours universitaire qui concilie connaissances scientifiques et excellence sportive.

Jamais la filière Staps n’a été aussi populaire depuis sa création en 1974. Elle est une des plus prisées par les futurs étudiants : La plateforme Admissions Post-Bac (APB), sur laquelle doivent postuler les bacheliers, enregistre toujours plus de demandes chaque année pour les licences en sciences du sport, comme le montre l’infographie ci-dessous :

Les études de Staps (licence en trois ans puis possibilité de poursuite en master) visent à combiner maîtrise des connaissances scientifiques liées au sport et une pratique de bon, voire de haut niveau. Contrairement à ce que l’ont pourrait croire, on ne fait pas que du sport : les heures consacrées à la pratique sportive ne représentent qu’un tiers de l’enseignement. Le reste est dédié aux sciences (biologie, anatomie, physiologie, biomécanique…) et aux sciences humaines (psychologie, sociologie, histoire du sport…). Des modules de formation en secourisme et en informatique complètent le programme.

Comment explique-t-on le succès d’une filière qui, il y a encore peu de temps, était considérée comme une voie de garage pour des étudiants qui ne brillaient qu’en cours d’EPS ?

Un emploi à la clé

C’est une des forces de la filière : Le taux d’insertion dans la vie professionnelle est excellent. L’université Paris -Descartes réalise depuis plusieurs années des suivis des étudiants sortis de Staps. Ainsi, sur les onze personnes concernées par la dernière étude sur la formation Sciences du sport, dix ont trouvé un emploi 30 mois après leurs études. Par ailleurs, une majorité d’entre eux est employée en CDI.

Cette réussite s’explique d’abord par la variété des métiers du sport : accompagnement adapté de personnes handicapées, demande de coachs grandissante dans les salles de sports, travail dans l’événementiel ou recrutement dans les clubs : autant de secteurs qui ont toujours besoin de professionnels.

Du sport… mais pas que

Les universités ont également changé leur manière de promouvoir les études en STAPS. « Nous avons arrêté de communiquer uniquement sur le sport, précise Amélie Murat, Responsable du service professionnalisation et communication au sein de l’UFR STAPS de l’Université de PoitiersNous voulons avant tout former des jeunes sportifs avec un cerveau, des vrais professionnels, extrêmement compétents dans leur domaine et pas simplement des sportifs de haut niveau ». Il existe cinq formations qui préparent les étudiants à travailler dans différents secteurs :

Le revers de la médaille

Le succès des études Staps reste toutefois à nuancer. Premièrement, une partie non-négligeable d’étudiants en STAPS abandonnent en cours de L1 ou trouve un travail dans un secteur totalement différent une fois diplômés. De plus, le succès se retourne parfois contre les universités : les capacités d’accueil sont insuffisantes, et les conditions d’études se dégradent : amphithéâtres trop petits, matériel insuffisant, obligation de trouver des salles sur d’autres campus… De nombreux bacheliers n’étaient pas assurés de pouvoir entrer en Staps en septembre ( 83 000 attendaient encore une réponse après le seconde phase APB du 26 juin 2017) et d’autres se sont retrouvés sur la carreau début septembre, les filières étant toutes complètes.

Autre défi d’avenir pour la filière Staps :  la féminisation des effectifs. Le cursus est encore un univers très masculin où les filles ne représentent que 29% des étudiants.

Clément Dubrul et Asmaa Boussaha

Slasheurs : ils cumulent les emplois par contrainte ou par passion

Crédits : Axelle B, public domain pictures
16 % de la population active s’identifie comme slasheur. Crédits : Axelle B, public domain pictures

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Fini le rêve de l’emploi unique et stable. Dépassée l’époque où l’on restait des décennies dans une même entreprise. Désormais, le travail s’envisage différemment. Plus de 4 millions de Français jonglent avec les boulots. On les appelle les slasheurs. Mais quelles sont les motivations ?

  • « Slasheurs » : ça vient d’où ?
« Cumuler les jobs, c’est dur. Parfois, je suis content que la semaine se termine ». A 25 ans, Romain Guiraud est chauffeur-livreur en CDI, mais aussi auto entrepreneur. Il y a un mois, il a monté son entreprise dans le secteur de l’évènementiel. Organisation, polyvalence ou encore créativité figurent parmi les compétences requises pour devenir slasheur. En France, ces pluriactifs seraient plus de 4 millions, soit 16 % des actifs, selon une étude publiée en 2016 par le Salon des micros entreprises.
C’est en 2007, aux Etats-Unis, que le terme « slasheur » est employé pour la première fois. L’expression vient de l’utilisation de la petite barre inclinée pour signifier une accumulation. Par exemple : vendeur / chanteur / informaticien.
Cette façon de travailler a toujours existé, selon le sociologue Serge Guérin. « Particulièrement dans les catégories modestes, les gens ont toujours cumulé des “petits boulots”. Le cas typique est celui de l’aide ménagère qui est en même temps caissière et babysitteur pour arriver à joindre les deux bouts en fin de mois », explique-t-il.
  • Est-ce qu’on slash par contrainte ?

« Plusieurs amis infirmiers ne trouvent pas de CDI, c’est compliqué. Je ne pense pas en avoir un en sortant de l’école. Alors, s’il le faut, je serai slasheuse »

L’argent est la raison première de la pluriactivité (pour 73 % des slasheurs). Anaïs N’Diaye, 19 ans, est étudiante en soins infirmiers. Les week-ends, la jeune femme travaille en maison de retraite et trois samedis par mois elle fait des babysitting. « Il faut payer les frais de la vie quotidienne, et j’ai aussi envie de me faire plaisir. Je suis arrivée à un stade où j’en veux toujours plus, je n’aurai jamais assez d’argent », raconte-t-elle. Ses études bientôt terminées, Anaïs N’Diaye se prépare à l’idée de continuer à cumuler les emplois : « Plusieurs amis infirmiers ne trouvent pas de CDI, c’est compliqué. Je ne pense pas en avoir un en sortant de l’école. Alors, s’il le faut, je serai slasheuse ».
  • Certains cumulent-ils les métiers par passion ?
Oui : pour Serge Guérin, la contrainte financière n’est pas une systématique. Il observe qu’une partie des slasheurs choisissent ce mode de vie par conviction, par passion. « Les jeunes s’ennuient dans le système professionnel classique. Ils ont besoin de liberté et de varier les expériences. La précarité de l’emploi les a amenés à envisager le travail autrement », affirme-t-il. Le sociologue, qui se qualifie lui-même de slasheur, voit cette évolution culturelle d’un bon œil : « C’est signe d’une hyperactivité dans le société ». L’envie de toucher à tout donne l’impulsion. « Les jeunes prennent des risques au bénéfice de leurs passions. Ils gardent une activité alimentaire et en parallèle développent leur propre entreprise, par exemple ».
« Mon job alimentaire me plaît et j’ai la force de cumuler, alors pourquoi se priver ? »
C’est le cas de Gauthier Vancayzeele. A 33 ans, il est à la fois chargé de mission dans une communauté de communes du nord de la France, chef d’entreprise et intervenant à l’université. Son premier emploi est financier, les autres sont le fruit de ses envies. « Mon job alimentaire me plaît et j’ai la force de cumuler, alors pourquoi se priver ? », lance-t-il, fier d’avoir une telle marge de manœuvre.
  • Quelles sont les principales difficultés quand on est slasheur ?
77 % des pluriactifs exercent leur deuxième métier dans une branche différente de leur activité principale. Ils sont amenés à jongler avec divers statuts : salariat, autoentreprenariat… Héloïse Tillinac, consultante, coach et fondatrice de Slasheurs.fr est en même temps salariée et indépendante. Elle se confronte à « un casse-tête administratif. Pour la sécurité sociale, je ne savais pas si je devais choisir le régime général ou le régime social des indépendants. On n’est pas du tout orienté, il n’y a aucune transparence ». Elle regrette que cette nouvelle conception du travail ne soit pas encore entrée dans les mœurs, alors que celle-ci « ne risque pas de s’éteindre ».
Si ce nouveau mode de vie professionnelle prend de l’ampleur, il reste encore méconnu et parfois même, mal perçu. Certains employeurs conçoivent la pluriactivité comme un manque de stabilité. La diversification peut faire peur et se confondre avec éparpillement. Par ailleurs, les banques et les agences immobilières sont encore très « frileuses » quand elles ont affaire à des slasheurs. Sans CDI, difficile de décrocher un prêt.
Ambre Lepoivre
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