Quel avenir pour le parc nucléaire français ?

58 réacteurs répartis entre 19 centrales. Le nucléaire représente 70% de la production énergétique en France. Mais, à l’image du réacteur de Flamanville, dont le chantier vient une nouvelle fois d’être retardé, l’avenir du parc nucléaire français semble incertain. Décryptage.

EDF a annoncé ce mercredi un surcoût de 1,5 milliards d’euros pour son EPR de Flamanville, soit une facture totale s’élevant à 12,4 milliards d’euros. Une annonce qui remet à nouveau en cause l’avenir du parc nucléaire français.

Qu’est-ce que le parc nucléaire français ?

On désigne par « parc nucléaire français » l’ensemble des 58 réacteurs en fonctionnement de différents niveaux de puissance répartis entre 19 centrales dans le pays. Le nucléaire représente en France la première source de production et de consommation d’électricité, à hauteur de 70%.

Le parc nucléaire français est le deuxième plus important parc au monde en termes de puissance, derrière celui des Etats-Unis. 12 réacteurs sont arrêtés et 9 sont actuellement en cours de démantèlement.

 

 

 

Quelle durée de vie pour les réacteurs ?

La durée d’exploitation des réacteurs est l’un des enjeux économiques majeurs autour du parc nucléaire français. La loi française ne fixe pas de réglementation précise et de durée de vie maximale pour les réacteurs. Tous les 10 ans, un contrôle de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) doit être effectué pour délivrer ou non une autorisation d’exploitation.

Si les centrales ont été conçues pour une durée de 30 ans environ, EDF, qui exploite les centrales, envisage d’allonger la durée de fonctionnement jusqu’à 50 ou 60 ans. Actuellement, les plus anciens réacteurs en fonctionnement, Fessenheim 1 et 2, sont opérationnels depuis 1977, soit 42 ans. Ils devraient être arrêtés à la mise en service de l’EPR de Flamanville.

 

Quels sont les enjeux de l’allongement de la durée du parc nucléaire français ?

La grande majorité des 58 réacteurs, environ 80%, ont été mis en service en l’espace d’une dizaine d’années. Selon Daniel Heuer, professeur de physique subatomique et de cosmologie à l’université de Grenoble Alpes, l’extension de la durée des réacteurs peut facilement atteindre « les 60 ans si on modifie les pièces abîmées ». « Les réacteurs ne fonctionnement qu’à 70% de leur pleine puissance, donc la durée pourrait encore s’allonger », analyse-t-il.

Pour Yves Mérignac, directeur de l’agence WISE-Paris, service d’études et d’information sur l’énergie, le problème est plus complexe. « L’industrie nucléaire est enfermée dans un paradoxe. EDF est sur une stratégie d’extension de vie du parc existant, une stratégie extrêmement risquée ». Un risque qui vient du fait que la stratégie d’EDF se concentre uniquement sur l’allongement de la durée de vie des réacteurs : « EDF masque le caractère risqué de sa méthode en en faisant une évidence, en ne faisant rien d’autre. Aujourd’hui, le coût engagé par EDF est difficile à justifier par rapport aux alternatives », regrette Yves Mérignac.

 

 

 

 

Le fait qu’EDF va devoir mettre aux normes la plupart de ces réacteurs d’ici les prochaines années n’est pas « rentable » selon Yves Mérignac. « Les coûts vont être pharamineux, la Cour des comptes a parlé de 100 milliards d’euros et cela va entraîner la hausse des coûts de production des réacteurs qui va rendre les réacteurs de moins en moins compétitifs face aux nouvelles énergies », explique-t-il.

Quelles solutions sont envisageables l’avenir ?

Yves Mérignac évoque deux possibilités pour sortir de ce système : « un accident nucléaire ou financier qui va amener de façon extrêmement brutale à un correctif » ou « un sursaut politique qui assume de passer à autre chose ». L’idée de rallonger la durée de vie des réacteurs ne convainc pas non plus Daniel Heuer. « On n’imagine pas recommencer un tel chantier [en construisant de nouveaux réacteurs en une dizaine d’années], on ne sait pas ce qu’on veut faire », détaille-t-il.

« On est enfermé dans un statu quo nucléaire », regrette Yves Mérignac, « il y a une trop grande difficulté à affronter le changement ».

 

Fanny Rocher

Reconnaissance faciale numérique : « Le gouvernement essaye d’habituer les moeurs à ces nouvelles technologies »

La France va mettre en place dès le mois de novembre prochain un système de reconnaissance faciale afin de se connecter aux sites de services publics. Celui-ci prendra la forme d’une application nommée Alicem. Un projet néanmoins contesté, notamment par l’association La Quadrature du net, qui défend les droits et libertés sur Internet.

La Quadrature du net s’oppose à la reconnaissance faciale.
ILLUSTRATION / MAGAN CRANE / AFP

Développée par le ministère de l’Intérieur et l’ANTS (Agence nationale des titres sécurisés), l’application Alicem (pour Authentification en ligne certifiée sur mobile) permettra aux détenteurs d’un passeport ou d’un titre de séjour biométrique de s’identifier aux sites de services publics (impôts, assurance maladie, service de retraite etc.) via un système de reconnaissance faciale. Dès novembre prochain la France sera alors le premier pays européen à déployer un système d’identité numérique unique. Néanmoins, l’association de défense des libertés sur internet La Quadrature du net est farouchement contre ce déploiement. Arthur Messaud juriste de l’association nous explique pourquoi ils s’y opposent.

  • Journaliste : Pourquoi selon l’association, l’application Alicem pose problème ?

Arthur Messaud : Ce service propose la création d’une identité numérique, qui exige systématiquement pour les utilisateurs de se soumettre à un système de reconnaissance faciale. Ce qui est problématique. Il suffit de lire l’avis rendu par la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) à ce sujet pour s’en rendre compte. Elle a rendu un avis négatif en considérant ce système contraire à la loi. Or, depuis plusieurs années et particulièrement depuis le RGPD (Règlement général pour la protection des données) qui est rentré en application le 25 mai 2018, le consentement n’est pas valide s’il est donné sous la contrainte de ne pas pouvoir accéder à un service. Ici, on a clairement une violation de ce principe-là. Il n’y a pas d’alternative. On ne peut pas juste aller à la mairie pour demander une identité Alicem, il faut se soumettre à la reconnaissance faciale. Or, la reconnaissance faciale c’est quelque chose qui, en droit des données personnelles est reconnue comme quelque chose d’extrêmement sensible. C’est un traitement de données biométriques qui par défaut est interdit et ne peut être levé que sous certaines conditions limitatives et bien strictes, notamment le consentement de la personne concernée. Là le consentement n’est pas valide.

J : Le ministère de l’Intérieur propose tout de même des alternatives à Alicem pour se connecter aux services publics

A.M : Alicem ça permet de se connecter à FranceConnect qui est un réseau d’identification qui est plus grand qu’Alicem et qui existait depuis un moment. On peut arriver sur FranceConnect depuis les impôts ou la sécurité sociale et c’est pour ça qu’Alicem n’est pas non plus le drame de l’année. Il n’empêche que si on regarde juste l’application, ils devraient fournir des moyens alternatifs d’avoir une identité Alicem. La façon dont on accède à FranceConnect ce n’est pas là l’enjeu immédiat, l’enjeu de société immédiat c’est la reconnaissance faciale et la banalisation de ces mesures dystopiques et inadmissibles.

  • J : Pourquoi vous opposez-vous à la reconnaissance faciale ?

A.M : Ce que l’on craint c’est que le gouvernement l’utilise pour faire rentrer dans la culture l’idée que c’est normal que les personnes s’identifient avec leur visage au travers d’une analyse automatique. En fait, on pense que le gouvernement essaye d’habituer les moeurs à ces nouvelles technologies. Aujourd’hui, les gens voient encore ça comme de la science-fiction dystopique et ça doit rester comme ça. Le gouvernement veut rendre sexy ce qui aujourd’hui est dystopique. Pour à terme, et Christophe Castaner lui même l’a dit, avoir des outils d’identification de toute la population automatisée, notamment pour s’identifier sur internet.

  • J : Peut-on craindre la fin de l’anonymat sur internet ?

A.M : Non seulement on peut craindre la fin de l’anonymat sur internet (…) mais aussi dans la rue. Parce qu’on a différentes dispositions dans la loi qui sont très floues, qui évoquent la reconnaissance faciale sans définir clairement les contours. Ce qu’on pourrait craindre c’est la fin de l’anonymat en ligne et hors-ligne dans le but de forcer les gens à être constamment responsable vis-à-vis du gouvernement et y compris quand le gouvernement veut abuser de ses pouvoirs pour s’opposer à ses adversaires politiques.

J : Le ministère de l’intérieur explique pourtant que les données ne seront pas transmises à la police ou à d’autres organismes…

A.M : Alicem n’est a priori pas directement une mesure de surveillance de masse. C’est plus une mesure d’acculturation. Des outils de reconnaissance faciale dans les mains de la police ça existe déjà, seulement c’est très peu accepté par la population, heureusement. Ce qu’on craint avec Alicem c’est que ce soit une façon de faire accepter la reconnaissance faciale à la population en présentant la reconnaissance faciale comme un outil qui rend les choses plus pratiques. C’est tellement plus simple de se connecter aux impôts avec son visage plutôt qu’avec sa feuille d’impôts qu’il faut aller retrouver dans ses papiers. A force, les gens qui trouveront ça pratique, accepteront plus facilement de s’y soumettre lors de manifestations ou à l’aéroport.

A Nice et à Marseille, deux lycées vont expérimenter la reconnaissance faciale pour l’entrée des élèves. C’est une autre chose très alarmante pour laquelle on a aussi attaqué devant le tribunal administratif. Ils pensent que ça sera plus sécurisé mais en fait, un humain est largement plus efficace qu’un robot quant à la reconnaissance faciale. C’est juste pour habituer les enfants, la population au fait qu’en fait la technologie c’est chouette et qu’il ne faut pas la redouter.

  • J : L’association a déposé un recours en juillet dernier devant le Conseil d’Etat, y-a-t-il eu des avancées ?

A.M : Le Conseil d’Etat est plutôt favorable aux volontés sécuritaires de l’Etat, donc il ne faut pas non plus espérer qu’il nous sauve de cette affaire. Après, il y a aussi les juridictions européennes qui pourront se pencher sur la question. L’avis de la CNIL a déclaré le texte illégal, le gouvernement n’a pas changé une virgule. Nous on l’attaque, a priori il ne recule pas. Le gouvernement aurait pu décider d’attendre la décision du conseil de l’Etat avant de se lancer, ça aurait été assez sage de sa part de faire ça, mais a priori ils ne le font pas. (…) Si on gagne, ça serait une façon de mettre un stop aux avancées du gouvernement ou de différentes villes, pour leur dire qu’il faut un débat. Il faut un débat public, il faut arrêter de voir ces expérimentations ou ces applications se multiplier dans le silence.

 

Propos recueillis par Sylvia Bouhadra

Des femmes dans les stades en Iran: une première depuis plus de 40 ans

 

Des protestations apres la mort de Sahar Khodayari

A l’occasion du match de qualification de l’Iran pour le Mondial-2022 de football face au Cambodge, près de 3500 iraniennes ont pu acheter des billets pour la rencontre qui se déroulera a Teheran. Pour la première fois depuis plus de quarante ans, les supportrices pourront assister au match sur le stade.

C’est une délégation de la fédération internationale qui a fait pression sur le gouvernement lors d’une visite a Teheran en septembre. La mort tragique de Sahar Khodayari, une jeune femme qui s’est immolée pour avoir cru être condamnée a la prison ferme pour sa tentative d’entrer dans un stade. Beaucoup de pressions internationales ont été faites a l’Iran pour permettre aux femmes d’accéder aux matchs masculins. Beaucoup de militants avaient même pressé la Fifa de Bannir l’Iran des compétitions internationales.

La journaliste sportive Raha Pourbakhsh ne cache pas sa joie, « Je n’arrive toujours pas à croire que cela va arriver. Après toutes ces années […] à regarder tout à la télévision, je vais maintenant pouvoir vivre ça en personne« .

La présence des femmes dans le stade restera tout de même surveillée, elles seront placés dans des sièges spécifiques et surveillées par plus de 150 policières.

Les internautes de twitter trouvent cet avancée insuffisante et lancent le hashtag #wakeUpFifa, soit réveil toi Fifa surtout après la mise en place de barrières pour séparer les femmes des hommes.

Cet internaute écrit:  » Ceci est ridicule et humiliant et je n’arrive pas a y croire. Ils ne vendent pas de tickets aux femmes et maintenant ils installent des cages pour nous?« .

Amnesty International dénonce aussi la vente de ticket comme un coup de pub cynique; « Tout ce qui n’est pas un reversement complet de l’interdiction d’accés des femmes aux stades est un insulte à la mémoire de Saharr Khodayari et un affront aux droits de toutes les femmes d’Iran.« 

Le Royaume-Uni dans l’impasse à l’approche du Brexit

Alors que le Royaume-Uni est censé quitter l’Union européenne le 31 octobre, les négociations patinent. Les ministres britannique et européen en charge du Brexit ont rendez-vous jeudi à Bruxelles pour tenter, une nouvelle fois, de trouver un accord de sortie. Pour l’instant, la perspective d’un no-deal est la plus probable.

« Vu le temps qu’il reste, il faudrait une extension du Brexit ». C’est ce qu’a affirmé David Haigron à Celsalab. Mais pour ce maître de conférences en civilisation britannique à l’université de Rennes 2, le Premier ministre Boris Johnson préfère sortir de l’Union européenne sans accord le jour d’Halloween.

L’universitaire dénonce la stratégie du clash, propre à l’ancien maire de Londres. « Il veut sortir grandi de ce conflit avec l’Europe », analyse-t-il, soulignant le caractère combatif de celui qui « prétend incarner le peuple contre les élites ».

Une méthode qui porte ses fruits selon le professeur, car malgré son côté clivant, Boris Johnson reste le favori des sondages en cas d’élections législatives anticipées. « Les gens en ont marre. Ils veulent quelqu’un haut en couleur » qui mette en œuvre le Brexit. La victoire du UKIP aux dernières élections européennes montre la lassitude des Britanniques, fatigués par le Brexit qui s’éternise depuis plus de trois ans.

Préserver les accords de paix

Selon l’universitaire, l’accord de Theresa May, pourtant rejeté à trois reprises par le Parlement, faisait à peu près consensus. « Avec le backstop, l’accord posait une base de travail ». Ce filet de sécurité, qui permet d’éviter une frontière entre les deux Irlande, est perçu par Londres comme un rapprochement entre l’Ulster au nord et la république d’Irlande au sud.

S’il est indispensable pour les Européens, c’est pour préserver les accords de paix de 1998, qui mirent fin à trente ans de guerre civile entre catholiques et protestants. Selon David Haigron, le retour d’une frontière physique serait « un retour au passé traumatique pour beaucoup de familles ». Puis d’ajouter que l’Armée républicaine irlandaise (IRA) pourrait reprendre ses activités et raviver les tensions.

Les anti-Brexit espèrent toujours un second vote sur la sortie de leur pays de l’UE. « Certains veulent un autre référendum car ils estiment que la situation a changé. Et les jeunes, majoritairement contre le Brexit, ne pouvaient pas voter il y a trois ans », indique le professeur. Pour autant, pas sûr que le résultat serait différent. Pour David Haigron, il pourrait même être confirmé, si un second référendum avait lieu.

Alexandre Cool