Irlande du Nord : « L’éducation est une priorité pour faire avancer les accords de paix », juge le père Aidan Troy

L’Irlande du Nord fête mardi les 20 ans de la signature de l’accord de paix, mettant alors fin à plus de trente ans de conflit entre catholiques et protestants. A l’occasion de cet anniversaire, le père Aidan Troy revient sur l’importance de ce pacte. Aujourd’hui curé de l’église anglophone Saint Joseph à Paris, il est devenu l’un des héros de la réconciliation lors d’un mouvement de protestation lancé dans une école catholique pour filles en 2001.

Aidan Troy, curé de l'Eglise Saint Joseph à Paris 8ème.
Aidan Troy, curé de l’Eglise Saint Joseph à Paris 8ème.
Où étiez vous pendant la période qui marque la fin du conflit et la signature des accords de paix?

J’étais en réalité à Rome en 1998, quand les accords ont été signés. Mais trois ans plus tard, en 2001, j’ai été envoyé dans le nord de Belfast, auprès de la paroisse d’Ardoyne. Deux mois avant mon arrivée, un affrontement avait éclaté entre catholiques et protestants à la Holy Cross School, une école primaire catholique réservée aux filles. Située dans un quartier protestant, elle était bloquée depuis mi-juin par des protestants. C’était impossible de rentrer, et les enfants n’avaient pas pu aller à l’école depuis. À mon arrivée au mois d’août, j’ai rencontré les parents de chaque communauté, mais aussi les responsables politiques, et tous étaient d’accord pour condamner ce blocus. Personne n’est mort, mais cela nous a rappelé combien l’accord de paix pouvait être sous tension encore.

Jugez-vous que la situation a évolué positivement entre catholiques et protestants depuis la paix signée en 1998 ?

L’évolution est constante oui, même si on peut toujours faire plus. Mais personne ne saurait contredire le fait que la situation s’est nettement améliorée en Irlande du Nord grâce à ces accords de paix. Je crois fermement que l’on continue aujourd’hui encore à faire de réels progrès.

Comment expliquez-vous alors qu’il reste encore des dizaines de « murs de la paix » à Belfast, ces façades qui séparent les quartiers protestants des catholiques ?

Les murs ne sont jamais bons. Mais ces gens de part et d’autre de ces murs de séparation, je les connais. Et ce serait malvenu de décider d’abattre ces murs d’un coup, sans leur consentement. Il faut d’abord travailler à créer plus de confiance entre les deux communautés. Ils ont besoin de cette confiance, ces murs sont comme une soupape de sécurité pour eux aujourd’hui. Mais j’espère et je prie pour qu’un jour très prochain ils puissent être démolis.

Quels sont les prochaines actions à mener en vue de fortifier la paix en Irlande du Nord ?

Ce qui me paraît le plus important c’est de s’occuper de l’université et de faire en sorte que plus de jeunes y aillent et soient éduqués. Depuis des dizaines d’annéee nous évoluons dans un système éducatif cloisonné, où catholiques et protestants ne se mélangent pas jusqu’à parfois leur majorité. Mais à l’université, tout le monde se côtoie. Et c’est pour certains la première fois qu’ils font la rencontre de personnes de l’autre communauté. Alors je pense que l’éducation est une priorité pour faire avancer les accords de paix oui, afin que les communautés apprennent à mieux se comprendre et s’accepter.

Propos recueillis par Clara Losi

Syrie : « Le recours à l’option militaire n’est pas une garantie de succès » pour la communauté internationale

Lors de la réunion en urgence du Conseil de sécurité à New York, lundi 9 avril, la France et les Etats-Unis ont accusé le régime syrien d’être derrière l’attaque présumée chimique survenue à Douma samedi. Les deux pays ont fait planer la menace de frappes punitives. Benjamin Hautecouverture, maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) à Paris, expert en sécurité internationale, apporte son éclairage sur la situation.

Maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) à Paris, expert en sécurité internationale.
Benjamin Hautecouture, maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique, est revenu pour le Celsalab sur une éventuelle escalade militaire en Syrie. Crédits : DR

 

Celsalab : Dès le mois de mai 2017, Emmanuel Macron avait déclaré à Vladimir Poutine, alors reçu à Versailles, que l’utilisation d’armes chimiques en Syrie était pour lui une « ligne rouge », et que le recours à de telles armes « par qui que ce soit » ferait l’objet d’une « riposte immédiate », y compris par la France seule. Cette ligne rouge vient d’être franchie pour la deuxième fois. Pensez-vous qu’Emmanuel Macron va choisir de réagir ou de renoncer à cet engagement ? 

Benjamin Hautecouture : La France est, avec les Etats-Unis, le seul pays à avoir adopté une position ferme vis-à-vis de l’utilisation des armes chimiques dans le conflit syrien depuis 2013. Cette position a été dans une certaine mesure à l’origine de la réaction russe provoquant l’adoption forcée par la Syrie de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques (CIAC) en septembre 2013 et le démantèlement de son arsenal déclaré. Face à la recrudescence des cas d’emploi de l’arme chimique dans le monde, y compris en Syrie, l’initiative française d’un partenariat international contre l’impunité d’utilisation d’armes chimiques, présentée le 23 janvier dernier à Paris est une réaction politique qui peut fédérer beaucoup Etats et formaliser un front commun international. Plus de trente Etats et organisations internationales soutiennent déjà l’initiative. C’est un mécanisme souple qui permet de référencer les personnes physiques et morales impliquées dans des programmes chimiques militaires, une forme de partenariat qui est un premier pas face à l’ampleur des dégâts en cours en Syrie.

La question qui se pose après les allégations d’emploi de l’arme chimique par le régime syrien, samedi 7 avril, est celle d’une action concertée visant à établir des éléments de preuve s’agissant des responsables des attaques chimiques en Syrie. Sans preuve, il est impossible d’établir des responsabilités, et donc de mettre en œuvre une réponse ciblée. C’est bien ce manque de preuve entérinée de manière collective par le Conseil de sécurité des Nations unies qui permet au régime de Bachar El Assad et à son allié russe de se tenir sur la frontière étroite de ce qui est licite et de ce qui ne l’est pas.

Celsalab : Le ton est encore monté d’un cran entre la Russie et les Occidentaux. Pensez-vous que l’on puisse toujours espérer une amélioration de la situation grâce à des actions diplomatiques ? L’ONU peut-elle cesser d’être paralysée ou peut-on penser qu’il ne reste plus que le recours à la force, alors que Trump et Macron viennent de s’entretenir par téléphone pour la deuxième fois en deux jours et ont souhaité « une réaction ferme » de la communauté internationale ?

Benjamin Hautecouture : Schématiquement, les Nations unies sont paralysées dans le dossier syrien depuis novembre 2017. Depuis lors, la fin contrainte du mandat de la mission baptisée « Mécanisme d’enquête conjoint » (Joint Investigative Mechanism, JIM), de l’ONU et de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), mise en place par la résolution 2235 du Conseil de sécurité du 7 août 2015 et reconduite en 2016 (résolution CSNU 2319 du 17 novembre 2016), ne permet plus à un organe doté d’un mandat onusien de mener sur place un travail de vérification visant à établir des faits et à déterminer des responsabilités. Le JIM était spécifiquement « chargé d’identifier les personnes, entités, groupes ou gouvernements qui ont perpétré, organisé ou commandité l’utilisation comme armes, en République arabe syrienne, de produits chimiques, y compris le chlore ou d’autres produits toxiques ». Fin octobre 2017, le Conseil de sécurité n’est pas parvenu à adopter un projet de résolution visant à renouveler d’un an le mandat du JIM arrivant à expiration le 16 novembre 2017 du fait du veto exercé par la Russie.

Au regard des obstructions russes permanentes au sein du Conseil de sécurité (la Russie a utilisé son droit de veto à onze reprises depuis 2011 dans le dossier syrien), on voit mal comment la « communauté internationale » telle que représentée par l’organe exécutif des Nations unies pourrait adopter une « réaction ferme ». Si réaction ferme il y a dans les prochains jours ou les prochaines semaines, se sera donc sans doute via une coalition internationale d’Etats préoccupés par l’utilisation des armes chimiques sur le théâtre syrien. La forme que peut prendre une telle réaction passe notamment par le recours à la force. Mais le recours à l’option militaire n’est pas en tant que tel une garantie de succès. On se souvient que la base militaire aérienne syrienne d’Al-Chaayrate avait été bombardée début avril 2017 par 59 missiles de croisière Tomahawk tirés depuis les navires américains USS Porter et USS Ross en réponse à l’attaque chimique de Khan Cheikhoun. Or à l’évidence, cette réaction militaire, bien entendu condamnée par la Russie à l’époque, n’a pas suffi.

Pensez-vous qu’une alliance militaire entre la France et les Etats-Unis soit à envisager ? La Grande Bretagne pourrait-elle aussi y participer?

La demande de réunion d’urgence du Conseil de sécurité formulée par la France et neuf autres Etats issus de toutes les régions du monde, la réaction officielle du Service européen d’action extérieure (SEAE) et les réactions des Etats du Golfe persique indiquent déjà qu’une forte pression est exercée sur le régime syrien et sur ses alliés iranien et russe. Alors que le secrétaire américain à la Défense rappelle que toutes les options sont sur la table, y compris une nouvelle option militaire, la question sera d’abord de savoir si un nouvel organe d’enquête sur le terrain pourra être mis en place dans les prochaines semaines. En seconde analyse, la question de la constitution d’une alliance militaire contre la Syrie se pose comme élément de pression sur la Russie pour que cet Etat ne bloque pas, une nouvelle fois, la mise en œuvre d’une initiative collective visant à établir des éléments de preuve sur le terrain.

Propos recueilli par Chloé Sartena

Syrie : le secrétaire général de l’ONU demande une enquête sur les attaques chimiques présumées

Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU, a appelé mardi à une enquête « impartiale » pour faire la lumière sur l’attaque chimique présumée ayant fait plus de 40 morts à Douma en Syrie. 

Antonio Guterres, le secrétaire général de l'ONU, a exigé que les enquêteurs internationaux sur l'attaque chimique présumée bénéficient "d'un accès total, sans aucune restriction".
Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU, a exigé que les enquêteurs internationaux sur l’attaque chimique présumée bénéficient « d’un accès total, sans aucune restriction ». @ Eric Bridiers.

Quatre jours après l’attaque chimique présumée ayant fait au moins 40 morts à Douma, dans la région syrienne de la Ghouta orientale, l’Organisation des nations unies a réagi officiellement. « Toute utilisation confirmée d’armes chimiques, par n’importe quelle partie du conflit et en toutes circonstances, est odieuse et constitue une violation flagrante du droit international », a déclaré Antonio Guterres dans un communiqué, mardi 10 avril.

Faisant référence aux soupçons qui planent sur le régime de Bachar Al Assad concernant cette attaque en zone rebelle, le secrétaire général de l’ONU a estimé que « la gravité des récentes allégations nécessite une enquête approfondie utilisant une expertise impartiale, indépendante et professionnelle ». 

Damas conteste les accusations occidentales

Comme lors des précédentes attaques au gaz toxique survenues lors du conflit syrien, cette enquête reviendra à l’Organisation des armes chimiques (OIAC). Antonio Guterres a exigé qu’elle bénéficiera « d’un accès total, sans aucune restriction ou entrave à ses activités » . 

La veille, l’ambassadeur syrien à l’ONU Bachar al-Jaafari a soupçonné les Etats-Unis, la France et d’autres pays occidentaux d’accuser Damas d’être à l’origine de ce drame « de façon à ouvrir la voie à une attaque en Syrie comme l’agression criminelle des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne en Irak en 2003 ». 

Alexandre BERTEAU avec AFP

Volkswagen envisage le licenciement de son PDG

 Le géant allemand de l’automobile Volkswagen a annoncé mardi dans un communiqué envisager des « évolutions dans la gouvernance du groupe » parmi lesquelles un potentiel « changement de PDG ».

Vorabendveranstaltung der Volkswagen AG zum Genfer Automobilsalon 2016
Matthias Müller est à la tête du géant de l’automobile allemand depuis septembre 2015. Sa nomination a fait suite à la révélation du scandale Dieselgate. Crédits photo : Wikipédia commons

Dans un communiqué publié le mardi 10 avril, Volkswagen a expliqué envisager « des évolutions dans la gouvernance du groupe » qui « pourraient inclure un changement de PDG », ce qui engendrerait donc le départ de l’actuel patron, Matthias Müller, à la tête du géant de l’automobile allemand depuis septembre 2015.

Le quotidien économique Handelsblatt évoque de son côté, citant « des sources au sein de l’entreprise », un remplacement de M. Müller par Herbert Diess, déjà directeur de la marque.

Le premier constructeur automobile au monde est confronté à des difficultés, et peine à se remettre du scandale du « Dieselgate », révélé en 2014 et qui l’a contraint à rappeler plusieurs millions de voitures dans le monde afin de les remettre aux normes anti-pollution. Volkswagen a depuis dû faire face à d’autres scandales, comme celui impliquant des pompes à essence déficientes sur certains de ses véhicules.

Axelle Bouschon avec AFP