Greta Thunberg, prochain prix Nobel de la paix?

Vendredi, le lauréat sera annoncé. La militante écologique Greta Thunberg pourrait-elle l’obtenir? Les experts sont partagés. 

 

Greta Thunberg participe à la Grève mondiale pour le climat à New York, le 20 septembre 2019. Photo de Johannes EISELE / AFP

Elle est, selon l’AFP, la favorite des bookmakers pour remporter le prix de Nobel de la paix, décerné vendredi à Oslo, en Norvège. La Suédoise Greta Thunberg est devenue, en un peu plus d’un an, le symbole de la lutte contre le réchauffement climatique. 

Sa « grève de l’école » qui a mobilisé des milliers de jeunes dans le monde, lui a valu d’être distinguée par plusieurs prix. Cette année, par exemple, elle a gagné  Right Livelihood Award, le “Prix Nobel alternatif”. Pourrait-elle aussi obtenir le Nobel, le vrai cette fois? Les spécialistes de ce prix prestigieux sont assez partagés, comme l’observe Antoine Jacob, journaliste et auteur de Histoire du prix Nobel, publié chez François Bourin Editeurs. 

Trop jeune?

Greta Thunberg est devenue, en quelques mois, la cheffe de fil de la prise de conscience du danger climatique”, souligne Antoine Jacob. Mais, selon lui, elle est déjà trop sollicitée par les médias. Selon l’auteur, le comité norvégien qui attribue le Nobel de la paix chaque année pourrait vouloir éviter de mettre davantage de « pressions » sur la Suédoise. 

L’âge de Greta Thunberg pourrait également être un obstacle. “Elle n’a que 16 ans, rappelle l’auteur, elle est peut-être un peu jeune.” Pourtant, à seulement 17 ans, Malala Yousafzai, une militante pakistanaise des droits des femmes, avait été primée en 2014. “Mais elle ne l’avait pas eu toute seule” souligne Antoine Jacob. Le militant indien Kailash Satyarthi avait également été récompensé par le Nobel de la paix cette année-là. 

Le dérèglement climatique, source de conflits

Autre point soulevé par Henrik Urdal, le directeur de l’Institut de recherche sur la paix d’Oslo, lors d’un entretien à l’AFP : le lien entre changement climatique et conflit armé reste à établir scientifiquement. Selon ce politologue, il n’est pas sûr que la lutte contre le réchauffement climatique contribue au maintien de la paix. Et la relation entre la cause porté par le nominé et l’établissement de la paix dans le monde est évidemment le critère premier pour obtenir le Nobel. 

Pourtant, le Comité norvégien a déjà tranché sur la question. En 2007, le GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, et l’ancien vice-président américain Al-Gore se sont vus décerner le Nobel de la paix. “Un des arguments du comité était que les vagues migratoires liées à des problèmes climatiques, comme les sécheresses, par exemple, créent des tensions dans les pays d’accueil”, précise Antoine Jacob.

 

Greta Thunberg a affirmé lors d’un entretien avec la Radio télévision suisse (RTS) que le prix Nobel de la paix “serait une reconnaissance” du mouvement « Fridays For Future ». 

Mais la militante écologiste n’est pas la seule candidate. 301 personnes ont été nommées cette année pour obtenir le Nobel de la paix. Il faudra donc attendre vendredi pour connaître le lauréat.  

Constance Cabouret

La « rébellion » des militants écologistes continue à Paris

Depuis lundi 7 octobre, les militants du collectif « Extinction Rébellion » occupent la place du Châtelet en plein cœur de Paris. Ils se sont associés avec de nombreuses associations écologistes pour organiser une semaine de mobilisation ancrée dans l’esprit de la désobéissance civile.  Le temps du débat est dépassé, il s’agit maintenant pour ces militants de prendre les commandes.

 

 

De nombreuses tentes ont étés installés à même le sol sur le carrefour de la place du Châtelet. / Crédit : Thomas Coulom

Paul Feutra, 19 ans, est l’un de ces militants. Étudiant en design à Toulouse, il sèche les cours toute la semaine pour suivre “Extinction Rébellion” et occuper la place du Châtelet.

Paul Feutra, étudiant Toulousain venu à Paris occuper la place du Châtelet.
/crédit : Thomas Coulom

Assis à l’abri sous une bâche il raconte : “ C’est un truc de fou ce qu’on vit ici. J’ai fait le déplacement dimanche avec un ami, j’avais prévu de rester seulement lundi et mardi mais maintenant que je suis là, je veux occuper la place toute la semaine.  C’est ma première vraie action militante. J’étais sensibilisé à la question mais c’est vraiment “Extinction Rébellion” qui m’a interpelé. Notamment le fait qu’ils soient radicaux et non-violents. Mon but c’est de tenir toute la semaine ici”, argue le jeune homme tout sourire.

Lundi 7 octobre, il participait à une action nommée “le plastique nous intoxique” organisée par le collectif écologiste. Accompagné de plusieurs militants ils ont proposé aux clients d’un supermarché avoisinant de troquer leurs emballages plastiques contre des bocaux et des sacs en tissus. Ils prévoient de stocker ces déchets dans de grands filets de pêche puis de les renverser sur un des “lieux de pouvoir” de Paris. Interrogé sur les conditions de vie sur le campement éphémère, le toulousain se remémore une nuit difficile : “J’ai somnolé une heure à peu près, dormir comme ça dans la rue, surtout avec la pluie c’est difficile… Mais l’ambiance générale fait que ça passe. J’ai rencontré beaucoup de monde avec qui je sympathise depuis hier.”

Urgence climatique

“On est plus chauds, chauds, chauds que le climat !” Malgré la pluie, les militants du collectif écologiste “Extinction Rébellion” chantent en chœur et tentent de se réchauffer sous les bâches. Ils sont plusieurs centaines à continuer d’occuper ce mardi 8 octobre la place du Châtelet à Paris. La veille, ils dormaient dans des tentes aux abords des points stratégiques de blocage. Extinction Rébellion se définit comme un “mouvement international de désobéissance civile non-violente.” Leur but : “opérer un changement radical afin de minimiser le risque d’effondrement écologique.” Avec cette action ils espère faire entendre leurs voix et sensibiliser le public aux risques liés au réchauffement climatique. Toutes les causes écologistes sont les bienvenues, mais les militants ne visent pas un point de tension en particulier. Il s’agit surtout pour eux de communiquer sur « l’urgence » et la « nécessité » d’agir rapidement pour le climat.

Des militants tendent la corde qui maintient en place les bâches ou s’abritent les manifestants. / Crédit : Thomas Coulom

Une cause universelle

Si la mobilisation touche en majorité les plus jeunes, toutes les tranches d’âge sont présentes place du Châtelet. Hélène Clavereul, 40 ans, formatrice dans le domaine médico-social n’a pas hésité à “poser des jours de congés pour être présente aujourd’hui.” Une habitude qu’elle a prise depuis longtemps : “Ce n’est pas la première fois que je milite contrairement à beaucoup qui sont présents ici. La cause du climat est tellement importante qu’il ne faut pas hésiter à joindre des actions comme celles-ci.” Elle voit dans l’occupation pacifique d’”Extinction Rébellion”, une filiation avec les actions de “Nuit Debout” et des “Indignés” : “Sur certains points on est assez similaires, notamment de par nos organisations en assemblées citoyennes. On remet en question la démocratie aujourd’hui.”

 

Un militant prend la parole lors de l’assemblée générale du mouvement / Crédit : Thomas Coulom

Sur l’ensemble des points de blocages les militants s’organisent en assemblée pour proposer des actions diverses. Au programme, ateliers de cuisine ou encore formations juridiques avec la “legal team” (équipe juridique) du mouvement. Les militants précisent aussi leurs actions pour les journées à venir. Jeudi 10 octobre, le collectif organisera un nouveau blocage non violent en soutien aux migrants. Vendredi 11 octobre, ils entendent défiler à vélo sur les routes de la capitale pour freiner le trafic, symbolisant pour eux la consommation effrénée de nos sociétés. Les prises de parole se succèdent, chacun y va de sa petite idée, un militant blagueur propose de “créer une cagnotte pour acheter des lunettes à Ségolène Royale” en référence à sa prise de parole au micro de France-Inter dans laquelle elle demandait à ce que l’on “réprime très rapidement” le mouvement “Extinction Rébellion.” Les militants souhaitent apparemment par là lui rappeler le fondement non-violent du groupe.

Une action qui ne fait pas consensus

Dans le quartier, tous ne partagent pas les convictions de ces militants. Thomas est restaurateur place du Châtelet. Excédé par le blocage des militants il s’interroge sur le fondement de leurs actions : “J’aimerais bien voir comment ces gens agissent pour l’environnement au quotidien. Je suis actif personnellement, je m’approvisionne uniquement en circuit court et je choisis moi-même mes produits. C’est une cause importante mais il y a d’autres manières de faire que d’emmerder les gens.” Pour le restaurateur qui a fermé boutique le temps des blocages, il faudrait : “viser les vrais responsables et pas les gens qui travaillent. Pourquoi ils vont pas devant l’assemblée nationale?”

Ces “gens qui travaillent”, la gérante du kiosque de place du Châtelet en fait partie. Elle a fait le choix de rester ouverte, alors qu’elle réside au centre des points de blocage. “ça affecte mon commerce, c’est une certitude mais je suis d’accord avec ces actions. Je les voit de manière positive mais j’espère surtout qu’elles seront suivies par des actes politiques.”

Des actions sont prévues tout au long de la semaine à Paris, mais aussi simultanément dans d’autres grandes villes du monde comme Sydney, New York ou encore Londres. Les responsables du mouvement “Extinction Rébellion” parlent de plus de 700 militants déjà arrêtés dans le monde suite aux actions de blocages autour du globe.

Thomas Coulom

Convention citoyenne sur le climat : la publicité en ligne de mire

La Convention citoyenne sur le climat s’est ouverte vendredi dernier. Jusqu’à janvier 2020, les participants vont devoir faire des propositions de lois au gouvernement pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. Parmi elles pourrait se trouver la réglementation de la publicité, accusée par les experts de participer au réchauffement climatique.
Vendredi 4 octobre, le premier ministre Edouard Philippe a livré un discours lors du premier jour de la Convention Citoyenne sur le climat. Une initiative souhaitée par Emmanuel Macron en marge du « grand débat ». (Photo by Ian LANGSDON / POOL / AFP)

 

Ils ont quatre mois pour légiférer sur le climat. Les 150 citoyens tirés au sort pour participer à la Convention Citoyenne sur le climat ont pour mission de proposer des textes de lois au gouvernement, qui feront ensuite l’objet d’un référendum, d’un vote au Parlement, ou d’un décret. Pour parvenir à cet objectif, les participants ont la possibilité d’auditionner de nombreux spécialistes sur leurs domaines d’expertise. L’une des premières à avoir été convié : la paléoclimatologue Valérie Masson-Delmotte, également co-présidente du groupe n°1 du GIEC depuis 2015. Au terme d’une conférence d’initiation aux effets concrets de l’activité humaine sur le climat, on lui a demandé LA mesure qu’elle prendrait en premier. « Je pense que la question de la publicité est à considérer,  a-t-elle répondu. Parce qu’on dit aux gens que d’un côté, il faut baisser les émissions de gaz à effet de serre, et de l’autre, on est submergés de publicité qui poussent à faire l’inverse. »

 

 

« Pour moi, il y a un encouragement permanent à une consommation massive par la publicité, et c’est quelque chose que les Français ont compris, développe Valérie Masson-Delmotte, qui se félicite de la réception positive des participants de la Convention à sa proposition. Mais surtout, il n’y a aucun encadrement de cette publicité. Quand on voit le nombre de pub pour de nouveaux SUV [NDLR : sport utility vehicle] ou des voyages avec avion qui vont à l’encontre d’une certaine conscience écologique, c’est inquiétant  », ajoute-t-elle. Pour cause, l’automobile est l’un des plus gros publicitaires en France. A commencer par Renault, qui, selon des chiffres de Kantar Media, a dépensé près de 95,8 millions d’euros en publicité rien qu’au 1er trimestre de l’année 2018.

 

Une « double pollution »

 

En 2001, dans un article pour la revue Ecologie et Politique, le géographe environnemental Estienne Rodary expliquait déjà qu’un changement en faveur du climat devrait concerner « non seulement la production, mais aussi la consommation ».« C’est le type de consommation actuel, fondé sur des faux besoins […] qui doit être mis en question ». Un avis que partage Thomas Bourgenot, porte-parole de l’association Résistance à l’Agression Publicitaire, pour qui publicité et impact négatif sur le climat vont de paire. « C’est une double pollution : d’abord intrinsèque, liée au numérique, aux prospectus, mais également extrinsèque, liée à une certaine surconsommation », explique-t-il.

Chez les experts et les militants écologiques, le message est donc le même : la publicité est une cause indirecte du réchauffement climatique. Et chez les politiques, des voix engagées commencent elles-aussi à se faire entendre. Dans son bulletin hebdomadaire diffusé sur les réseaux sociaux ce matin, François Ruffin, député de la Somme (80) assurait que l’« on ne peut pas aller vers une réduction de 40% des gaz à effet de serre d’ici 2030 sans rompre avec le productivisme-consumérisme, qui nous dit que le bonheur c’est le produit, c’est l’achat »

« Le lobby publicitaire est très puissant »

 

Selon des chiffres communiqués par le BUMP (Baromètre unifié du marché publicitaire), les investissements publicitaires devraient atteindre 12,3 milliards d’euros cette année. Un chiffre en hausse de 3,9% par rapport à 2018, qui témoigne de la puissance du marché. « Le lobby publicitaire est très puissant », affirme Thomas Bourgenot.« Nous avons déjà pu le constater lors du Grenelle pour l’environnement de 2012 auquel nous avons participé avec l’association », raconte-t-il. Résistance à l’Agression Publicitaire y avait effectué plusieurs propositions, qui portaient majoritairement sur les formats publicitaires. Ils réclamaient qu’ils soient revus à la baisse, ce qui « entrainerait une démarche active des citoyens pour aller vers la publicité, et non l’inverse », explique le porte-parole de l’association. Mais aucune de leurs propositions n’a été retenue. « Alors que celles de l’Union des annonceurs, oui », ajoute-t-il.

Pour Valérie Masson-Delmotte, la solution réside surtout dans la prévention et l’information auprès des consommateurs. « On arrivera jamais à une totale suppression de la publicité, assure-t-elle, mais je pense qu’il devrait y avoir un étiquetage sur chacune d’entre elles, pour informer sur l’impact environnemental de chaque produit ou service qu’elle promeut. Et il y a un réel manque de courage des élus sur ce sujet », martèle-t-elle.  

Le dernier espoir des anti-pub semble donc résider dans la Convention citoyenne sur le climat. Mais pourra-t-elle agir concrètement sur une réglementation de la publicité ? «J’ai peur qu’ils se heurtent à la même problématique que nous lors du Grenelle de l’environnement, regrette Thomas Bourgenot. Mais voir des citoyens s’emparer de ce sujet, c’est déjà un énorme pas en avant ».

 

Alice Ancelin

Des pesticides au domicile de 75 % des Français

Trois Français sur quatre ont utilisé au moins un pesticide chez eux, au cours des douze derniers mois, selon une enquête publiée lundi 7 octobre par l’Anses. L’agence de santé alerte sur les potentiels dangers de ces produits, dont les conditions d’utilisation ne sont généralement pas respectées.

Utiliser des pesticides au moins une fois au cours de l’année, c’est le cas pour près de 75 % des Français, d’après les révélations de l’enquête Pesti’home, publiée, ce lundi 7 octobre, par l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail). L’agence sanitaire alerte sur les dangers liés à l’utilisation de ces produits potentiellement toxiques. Une habitude qui pourrait avoir des conséquences néfastes sur la santé des Français.

 

C: Pixabay

– Quels pesticides utilisent les français ?

Insecticides, vermifuges, solutions contre les poux … Dans les intérieurs métropolitains, les pesticides s’utilisent donc principalement dans deux secteurs : pour jardiner et pour protéger les habitations des rongeurs, insectes et autres animaux indésirables. Les bombes insecticides sont entrées dans les habitudes de 40 % des Français et 61 % des propriétaires d’animaux domestiques les traitent contre les puces ou les tiques.

– Quels sont les risques sanitaires ?

Le risque principal provient de la mauvaise utilisation de ces produits chimiques. Si les Français sont globalement attentifs au mode d’emploi des pesticides utilisés pour jardiner, ils n’ont pas la même rigueur pour ceux utilisés en intérieur. Les précautions à prendre sont pourtant écrites sur les emballages, « en lettres un petit peu petites » souligne le rapport. Se laver les mains après utilisation, sortir de la pièce et l’aérer après pulvérisation, porter des gants pendant l’utilisation, il est important de respecter les protocoles d’utilisation.

Pourtant, environ un ménage sur trois ne lit jamais les instructions des emballages d’anti-acariens et anti-rongeurs et un quart d’entre eux ne les lit jamais pour les produits contre les insectes volants et rampants.

L’Anses insiste sur le caractère potentiellement cancérigène de ces pesticides et rappelle qu’il s’agit, bien souvent, des mêmes molécules que pour les produits utilisés en extérieur, dont se méfie pourtant plus les français.

– Que recommande l’Anses ?

Globalement, c’est une vigilance accrue que préconise l’Anses, à commencer par une lecture attentive des notices d’utilisation. Les femmes enceintes et les enfants doC: Pixabayivent faire encore plus attention, par exemple, ils doivent éviter de dormir avec leur animal de compagnie après qu’il ait été traité avec une pipette antiparasite

L’enquête soulève également un autre point problématique : un quart des ménages a toujours dans ses placards des pesticides prohibés, acquis avant leur interdiction légale. On peut supposer que cette proportion de produits illicites est désormais plus élevé, avec l’interdiction de l’utilisation de produits phytosanitaires chimiques en jardinage pour les particuliers au 1e janvier dernier, après le déroulé de l’enquête en 2014.

Les Français doivent donc se débarrasser de ces pesticides mais attention, certains d’entre eux n’ont pas leur place dans les poubelles classiques. Selon l’enquête, 60 % des métropolitains y jettent leurs produits chimiques périmés ou les vident dans leur évier, alors que ceux-ci devraient être apportés en déchèterie. Une pratique détrimentale sur le plan sanitaire et environnemental.