Sur les bancs de la fac plusieurs jeunes étudiants se trouvent être sans domicile fixe à Paris. Une problématique qui inquiète les associations mais aussi les agences immobilières qui remarquent un réel manque de propositions de locations par rapport aux années précédentes.
« Je n’ai jamais vécu un truc pareil. Etre obligée de dormir à l’hôtel le jour de la rentrée », déclare Noa Perret, 21 ans étudiante en master de journalisme à Paris. « Je viens de Haute- Savoie, je ne connaissais pas du tout Paris avant. Et depuis trois semaines je suis toujours obligée de loger à l’hôtel avec mon copain car nous n’avons toujours pas trouvé de logement. » Mi-septembre, les cours ont bien repris dans les différentes universités de Paris pour autant de nombreux étudiants sont encore en recherche active d’un lieu où domicilier le temps de leurs études. C’est également le cas de Yan Daniel, qui vient également d’arriver sur Paris depuis près d’un mois. « Pour l’instant je squatte le canapé de mon cousin à Asnières. J’ai de la chance d’avoir un plan de secours mais je ne veux pas profiter de l’hospitalité », explique-t-il tout aussi embarrassé que Noa, qui se voit mal aller dormir chez ses amis étudiants locataires de studios dans la capitale.
Une année exceptionnelle
Chaque année la question du logement étudiant est une réelle problématique en France. Pour autant cette année scolaire 2023-2024 semble plus compliquée que les précédentes. « Cela fait 32 ans que je fais ce métier. J’en ai vu passer des crises mais depuis deux ans c’est de plus en plus compliqué », affirme Cyril de Lachaise, président de l’agence immobilière de LACHAISE dans le 5ème arrondissement de Paris. « Le problème n’est pas le nombre d’étudiant qui reste environ le même chaque année mais le nombre de logements en location qui diminue. » Une baisse des propositions de logements qui s’expliquent par plusieurs raisons. Tout d’abord, l’impossibilité pour les professionnels de l’immobilier de proposer à leurs clients les logements considérés comme passoires thermiques. Depuis le 1er janvier 2023 le seuil maximal de consommation d’énergie finale d’un logement est fixé à 450 kWh/m2 et en janvier 2025 ce sera aux logements classés F, ceux consommant entre 331 et 450 kWh/m² par an d’être interdits à la location. « Certains bailleurs ont anticipé leurs travaux pour 2025. Ils préfèrent attendre et voir avec leur diagnostiqueur de performance énergétique pour les mettre aux normes avant 2025. Ces logements sont donc pour l’instant indisponibles », explique Emmanuelle Devevey chargée des locations chez Orpi.
Pas assez de logements Crous
La production du logement étudiant est en nette baisse : 5300 logements construits en 2022 contre 7 000 en 2017. La Fondation appelle au lancement d’un grand plan de construction de 15 000 logements étudiants conventionnés par an pour loger les 700 000 étudiants boursiers en 🇫🇷. pic.twitter.com/H4elgxNUtb
— FondationAbbéPierre (@Abbe_Pierre) September 7, 2023
Pour de nombreuses associations, les passoires thermiques ne sont pas les seuls fautifs. « 5300 logements construits en 2022 contre 7 000 en 2017. » C’est ce qu’a annoncé cette semaine La Fondation Abbé-Pierre appelant à un réveil du gouvernement autour de la question de la précarité étudiante. Selon l’association seulement 25% des étudiants boursiers et 6 % de l’ensemble des 2,7 millions d’étudiants peuvent être logés au sein des résidences Crous. Droit au Logement dénonce quant à eux le profit qu’essaient de tirer les bailleurs de la Coupe du monde rugby. « Beaucoup de locations à l’année, de locations étudiantes de 9 mois, seront donc indisponibles jusqu’à fin octobre, car les bailleurs ont prolongé leur saison d’été grâce à la coupe du monde, particulièrement autour du stade de France, mais aussi dans les 8 autres métropoles », déclarent-ils dans un communiqué appelant à manifester le 30 septembre pour la baisse des loyers et de l’énergie.
Plus d’une centaine d’appels par annonce
Des logements qui se font de plus en plus rares et des étudiants obligés de scruter chaque nouvelle annonce dans la crainte de la voir leur échapper dans la minute qui suit. « Je paie des abonnements sur des sites d’annonces en ligne chaque mois mais le parc locatif est tellement saturé qu’on n’a accès à rien. Avec la reprise des cours la recherche est encore plus compliquée. On n’a pas le temps d’être toute la journée sur l’ordinateur », déplore Yan. Un phénomène remarqué par les agences immobilières qui peuvent recevoir des centaines d’appels dès la publication d’une location. « J’ai déjà eu 350 appels pour un 18 m² », affirme Emmanuelle Devevey qui contrairement à Cyril de Lachaise continue d’en proposer sur internet. « Cet été je ne mettais plus sur internet les studios. Je ne peux pas gérer autant d’appels. Je les proposais seulement à la première personne qui se présentait à l’agence mais ça crée encore plus d’inégalités à l’accès au logement finalement. »
Alyssia Gaoua