Mauvais résultats tricolores : « La fédération française de tennis accompagne trop les joueurs. C’est problématique »

Ce jeudi 1er juin dans la soirée, le couperet est tombé. Après 1968 et 2021, aucun français ne sera au troisième tour de Roland-Garros après la défaite en quatre sets d’Arthur Rinderknech face à Taylor Fritz. Christophe Thoreau, journaliste spécialiste dans le tennis, nous livre son expertise. 

Crédit : Piktochart

 

Dernier tricolore en lice ce jeudi soir, Arthur Rinderknech s’est incliné face à Taylor Fritz au 2e tour du tournoi parisien. Une élimination malheureusement logique et qui scelle le fiasco français sur cette édition 2023 de Roland Garros.

Comment expliquer l’échec des Français à Roland-Garros ? Est-il si surprenant ?

 

Ce n’est pas surprenant : tout le reste de l’année, les Français n’ont pas été suffisamment performants. La seule tête de série était Caroline Garcia, qui était également en manque de résultats avant Roland-Garros. Tout cela vous conduit à vous retrouver à jouer des joueurs plus fort que vous.

La chose qui me gêne, c’est que pour les médias généralistes, le tennis se limite à Roland-Garros. Alors qu’il y a du tennis onze mois sur douze dans l’année, et, depuis plus de 20 ans, les Français ont de bons résultats. Il y a 11 français parmi les 100 meilleurs du monde, ce n’est pas rien quand même.

Les gens doivent comprendre que le tennis est un sport individuel. Un champion va être débusqué, repérer, la Fédération va l’accompagner jusqu’au haut niveau, c’est-à-dire jusqu’à la 200/250e place mondiale, et après ce n’est qu’entre les mains du joueur lui-même. Et s’il n’a pas les capacités techniques, il va caler, il aura du mal à vivre de son sport en étant autour de la 140ᵉ place mondiale.

Dans un article sur Ouest France, Gilles Moretton le président de la fédération française de tennis, affirme que l’un des problèmes est que l’instance accompagne trop les joueurs. Êtes-vous d’accord avec ce constat ?

 

Totalement, c’est l’un des reproches que je fais à la Fédération qui accompagne trop les joueurs en France. Le tennis est un sport individuel et le joueur doit se poser la question après l’accompagnement dont je vous ai parlé. « Est-ce que j’ai envie d’être champion?  » doit être la question à se poser.

Le tennis est le seul sport où le joueur va engager l’entraîneur et le payer. Certains joueurs ont du mal avec ce rapport à l’investissement. Un entraîneur réputé coûte beaucoup d’argent. C’est une vraie volonté, en France la Fédération est riche, et c’est un confort qui est peut-être de trop. On a eu de grands joueurs comme Monfils, Tsonga, Gasquet et Simon qui sont tombés sur trois monstres [Nadal, Federer et Djokovic, ndlr], donc il faut arrêter de dire « le » tennis français dans l’ensemble est mauvais.

Aux alentours de la 100e place, le joueur doit se poser la question suivante : est-ce qu’il veut vivre cette vie de joueur de tennis qui est particulière ? Les joueurs sont souvent blessés car ils jouent tout le temps, les voyages sont incessants… Est-ce qu’il a envie de réussir et mettre tous les outils chaque jour pour le faire ?

Que faudrait-il changer selon vous ?

 

Je pense qu’il faudrait abaisser l’âge à partir duquel les joueurs ne peuvent plus avoir d’aide fédéral. On peut aussi imaginer faire cela à partir d’un certain classement, par exemple la 100e place. A partir de là, le joueur se débrouille, et investit dans une structure pour pouvoir réussir au haut niveau.

On peut également s’inspirer du modèle italien. Les voyages font partis de la vie d’un joueur de tennis et coûtent cher, le tennis est en général un sport cher. C’est pourquoi la fédération italienne a donc décidé, pour limiter les frais de déplacement, de monter la plus grande catégorie de tournois Futures. Ils se sont dit il fallait avoir un maximum de tournois de 2ᵉ et 3ᵉ division. L’Italie est un pays de tradition tennistique avec des joueurs comme Panata, Pietrangeli… L’Italie sait détecter, former mais fait désormais en sorte que les joueurs privilégient les tournois locaux et voyagent de moins en moins.

Peut-on être optimiste pour le tennis tricolore ?

Je pense qu’un joueur comme Ugo Humbert, qui est un beau joueur de tennis, peut faire des choses. Il est reparti sur un bon cycle, il a gagné plusieurs matchs sur terre battue face à de très bons joueurs, même si c’était en Challenger. Il a de nouveau envie de jouer après une période compliquée au moment du Covid. Il peut selon moi rapidement se retrouver parmi les 30 premiers mondiaux.

Arthur Fils et Lucas Van Assche sont désormais dans le top 100, ils sont dans une phase où ils ont basculé car ils vont joueur les Grands Chelems et les Master 1000. Leur vie change, ça va être dur, surtout les six premiers mois parce qu’ils affronteront des joueurs beaucoup mieux classés et plus fort qu’eux. Ça y est, ils ont basculé dans un autre monde. Je pense qu’ils vont réussir à être à leur place.

Lucas Van Assche me fait penser à un Arnaud Clément moderne. Il a de bonnes jambes et il est malin. Arthur Fils quant à lui tient vraiment bien l’échange, il est costaud, sa balle va vite et il sert bien. Je l’ai vu lors de son premier tour face à Davidovitch Fokina qui est un très bon joueur et il tenait très bien l’échange.

Ce sont deux bons joueurs et la manière avec laquelle ils mènent individuellement leur carrière et font les efforts incitent à l’optimisme. Mais je ne vous dis pas qu’ils vont gagner des Grands Chelems !

Aïssata Soumaré

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