Confinement : pourquoi est-il difficile de vivre sans contact physique ?

Si le confinement protège notre santé en limitant la propagation de l’épidémie de Covid-19, il restreint aussi nos déplacement et nos échanges sociaux. A tel point que le manque de contacts physiques affecte le bien-être de certains d’entre nous. Comment s’explique-t-il, quels sont ses effets et comment les pallier ?

Des invités se tiennent sur des croix marquées au sol dans le respect des exigences de distanciation sociale lors de l’ouverture officielle du NHS Nightingale Hospital Bristol, en Angleterre, lundi 27 avril 2020. (Illustration / Photo by Ben Birchall / POOL / AFP)

Les personnes confinées seules, les célibataires et les personnes âgées isolées peuvent en témoigner : la période actuelle est d’autant plus éprouvante que les mesures de distanciation sociale et de confinement font obstacle aux contacts physiques. Qu’ils soient partenaires sexuels, amis ou parents, l’absence de toucher des autres provoque un manque.

Un phénomène bien connu des Américains, des Danois ou des Allemands, pour qui les expressions skin hunger, hudsult et hauthunger – comprendre « faim de peau » – désignent cette soif d’affection. En 2013, Kory Floyd, professeur à l’école de communication de l’université d’Etat de l’Arizona (Tempe, Etats-Unis) a étudié ses conséquences sur 509 adultes. « De la même façon que le manque de nourriture, d’eau et de repos provoque des effets néfastes, le manque d’affection aussi », en a-t-il conclu dans le magazine américain spécialisé Psychology Today. Comment ce phénomène s’explique-t-il, et quels sont les « effets néfastes » qu’il induit ?

« Pas faits pour ça »

La soif d’affection s’explique d’abord à travers l’évolution des espèces. « Nous sommes des animaux sociaux. Tous les grands singes sont des animaux sociaux« , développe Aurore Malet-Karas, docteure en neurosciences et sexologue. « Les singes se papouillent tout le temps. Evidemment, ils s’enlèvent les puces, mais il y a vraiment un lien social qui se crée par ce biais. En confinement, il est normal que les gens qui sont seuls manquent cruellement de chaleur humaine, d’un corps, de câlins… »

« Le manque de contacts peut générer de l’anxiété. Nous ne sommes pas faits pour ça ! »

A cette première explication, d’ordre comportemental, vient toutefois s’en ajouter une seconde, plus surprenante : les contacts physiques favorisent la sécrétion d’ocytocine. « C’est une neurohormone qu’on a découverte en étudiant les liens d’attachement mère-enfant : on a vu que des sécrétions d’ocytocine permettaient de renforcer leur lien« , précise Aurore Malet-Karas. « Mais, avec le temps, on s’est rendu compte qu’elle avait un rôle beaucoup plus complexe : elle agit notamment sur tous les muscles lisses. Ce sont des muscles profonds, qu’on contrôle inconsciemment, et dont le relâchement permet une détente profonde. »

« En fait, la sécrétion d’ocytocine permettrait de réduire le stress, de nous calmer. C’est un messager biochimique qui traduit ce qui se passe en nous et autour de nous à notre cerveau pour qu’il comprenne qu’on ne doit pas montrer les crocs ou partir en courant quand on est en sécurité. On s’est aperçu qu’on la secrète (notamment) dans des moments de bien-être. »

C’est le cas après l’orgasme par exemple. Plus largement, c’est le cas lorsque nous nous sentons en sécurité, comme dans les bras de notre mère ou d’une personne qui nous est chère. Un argument sur lequel s’est appuyé la psychologue clinicienne Céline Rivière en 2015, dans un livre intitulé « La Câlinothérapie », pour encourager à « redonner toute sa valeur au toucher » et inciter à rechercher le mieux-être à travers… le câlin.

Quelles alternatives ?

Mais comment les personnes isolées peuvent-elles pallier ce manque ? « Il y a quelque chose qui marche très bien, c’est la zoothérapie. On met des animaux dans des prisons, dans des hôpitaux, dans des EHPAD, et on sait que ça procure un réel mieux être« , indique Aurore Malet-Karas. Voilà qui peut expliquer l’explosion d’adoptions d’animaux de compagnie aux Etats-Unis avec l’épidémie de coronavirus.

« Avoir un contact avec sa propre peau, c’est quelque chose d’important : prendre soin de soi, prendre soin de son corps. Ce sont des choses très simples, mais que je recommande aux clients qui viennent me voir, notamment quand ils ont été victimes de violences dans l’enfance ou qu’ils ne savent pas prendre soin d’eux« , conclut Aurore Malet-Karas. « Et la masturbation peut aussi être un très bon palliatif. »

 

Clémentine Piriou

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