Monumenta, le défi de la médiation

Des milliers de personne se sont retrouvées samedi soir au Grand Palais pour découvrir l’édition 2016 de Monumenta, consacrée à l’artiste chinois Huang Yong Ping. Au programme de cette nocturne annuelle, la visite, bien sûr, mais surtout des rendez-vous avec des médiateurs pour mieux comprendre l’œuvre.

Pas question de se laisser abattre par la pluie. Alors que dans le monde entier, des millions de passionnés découvrent les monuments pendant la nuit des musées, la foule se presse en masse devant les marches du Grand Palais pour l’édition 2016, malgré le mauvais temps. Et déjà, sous les parapluies, les sourires s’affichent sur les visages impatients. Passée la sécurité où les fouilles ont été largement renforcées en vue de l’arrivée massive du public, ces mêmes sourires se transforment en « oh » d’émerveillement. Passionné d’art ou esthète curieux, difficile de ne pas se laisser impression par l’immensité de l’œuvre de Huang Yong Ping.

Pourtant, une fois l’étonnement mis de côté, l’empilement gigantesque peut laisser perplexe. Des containers, sur lesquels s’étire la carcasse géante d’un serpent argenté, trônant lui-même au-dessus d’un bicorne napoléonien version XXL, c’est certes impressionnant mais quelque peu déconcertant.

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« Empires » de Huang Yong Ping (crédit : Marie Boscher)

C’est ici qu’interviennent Gwennaëlle Le Barber et toute l’équipe de médiateurs. Postés aux endroits clés de l’exposition, c’est à quelques mètres de la bouche béante du reptile, tous crocs sortis, qu’elle attend ce soir les visiteurs avides de réponses.  « On est là pour faire l’interface entre les gens et l’œuvre, entre ce qu’ils ont sous les yeux et ce que l’artiste a voulu montrer », explique-t-elle. Huang Yong Ping l’a voulu accessible : l’idée est ici de faire un message sur le monde qui nous entoure avec quelques clés qu’il a lui-même donné aux médiateurs.

Monumenta se veut accessible, en tout point. Le gigantisme, déjà, provoque tout une palette d’émotion qui pour certains, résume l’art. Des sens aiguisés et des émotions pas toujours positives. « Les gens viennent plutôt vers nous, soit pour poser des questions, soit pour nous dire ce qu’ils en pensent, raconte Gwennaëlle. Ce n’est pas toujours sympathique parce qu’on est vraiment le réceptacle, même une fois que l’on a expliqué. »

L’œuvre a-t-elle besoin d’être comprise pour être appréciée ? « Pas du tout, on peut juste trouver ça beau et original », répond Mathieu, 26 ans, venu spécialement à l’occasion de la nuit des musées. « Je ne serais pas forcément venu si ce n’était pas gratuit ce soir, c’est l’occasion de découvrir le lieu aussi ». Une autre visiteuse, Gisella, 68 ans, prend elle le temps de faire le tour de l’œuvre, guide à la main. Tout à l’heure, elle ira voir l’équipe de Gwennaëlle pour confronter sa perception à la leur.

Des visiteurs lors de la nuit des musées au Grand Palais (crédit : Marie Boscher)
Des visiteurs lors de la nuit des musées au Grand Palais (crédit : Marie Boscher)

Si l’artiste a voulu laisser l’interprétation libre de son œuvre, il ne faut pas oublier le titre de l’exposition : Empires. Il y décrit le monde tel qu’il le perçoit. Un empire économique dématérialisé, « qui a pris le pas sur tous les autres » à travers le commerce, représenté par les containers, face aux empires politiques et militaires, « de territoires », illustrés par le chapeau de Napoléon. « Pour faire le lien entre tous les éléments, on a le serpent, explique Gwennaëlle, là pour symboliser le renouveau et la renaissance dans le symbolisme chinois mais aussi les cycles car aucun empire n’est éternel. »

Un serpent qui fait beaucoup parler de lui, d’après la médiatrice : « Les gens nous demandent combien il pèse, mais surtout il nous donne leur regard. Il y a énormément d’interprétations possibles et ce sont des choses intéressantes que l’on peut nous-mêmes réutiliser en médiation après ».

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(crédit : Marie Boscher)

C’est aussi l’un des objectifs du Grand Palais : rendre l’art interactif et participatif. À travers les échanges avec les médiateurs, ils récoltent ainsi directement les perceptions et peuvent véhiculer toute sorte de messages. La technologie sert également cet objectif, grâce notamment à la mise en place d’une application pouvant servir d’audioguide ou encore aux relais des photos de visiteurs sur les réseaux sociaux du monument. D’ailleurs, au détour de la balustrade majestueuse de la nef, on trouve des dizaines de personnes jouant des coudes pour capter la meilleure image depuis ce point de vue imprenable sur la nef, à l’aide de leur smartphone. Comprise ou pas, Empires aura au moins un vrai succès : près de 10 000 photos ont été postées sur Instagram avec le hashtag Monumenta jusqu’ici.

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Une photo publiée par Margaux Avril (@margauxavril) le

 

Marie Boscher

 

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