A Boulogne-Billancourt, retour de la guerre Solère-Baguet

La 9ème circonscription des Hauts-de-Seine est le théâtre d’un duel interne à la droite : Thierry Solère, le député sortant (LR) à Boulogne-Billancourt affronte son meilleur ennemi, le maire (LR) de Boulogne.

Les affiches des deux candidats avec le même logo LR-UDI. Crédit: Asmaa Boussaha
Les affiches des deux candidats avec le même logo LR-UDI. Crédit: Asmaa Boussaha

 

Tous les cinq ans, la même histoire se répète. A chaque élection, les Républicains règlent leurs comptes sur la place publique à Boulogne-Billancourt. Et celle-ci ne déroge pas à la règle. Thierry Solère, le député (LR) sortant s’oppose de nouveau à son rival de longue date, le maire (LR) de Boulogne Pierre-Christophe Baguet.

Ce mardi matin, le traditionnel marché Escudier attire les habitants. Et les candidats aux législatives. Marie-Laure Godin est la première à se rendre à la rencontre des Boulonnais et des commerçants, accompagnée d’un soutien de poids : Pierre-Christophe Baguet justement. Adjointe au maire et soutenue par la majorité municipale, elle se positionne en dissidente de Thierry Solère. La commission nationale d’investiture des Républicains a en effet désigné l’organisateur de la primaire de la droite et du centre comme candidat sous l’étiquette LR-UDI. Problème : M.-L. Godin se revendique également de cette affiliation. Pour preuve, les deux logos sont présents sur les affiches de campagne des deux candidats.

 

Marie-Laure Godin et Pierre-Christophe Baguet ont été à la rencontre des commerçants et des habitants ce mardi sur le marché Escudier à Boulogne-Billancourt.Crédit: Asmaa Boussaha
Marie-Laure Godin et Pierre-Christophe Baguet ont été à la rencontre des commerçants et des habitants ce mardi sur le marché Escudier à Boulogne-Billancourt.Crédit: Asmaa Boussaha

 

 Une guerre de logos

Ce quiproquo a poussé l’UDI à réagir. Jean-Christophe Lagarde, président du parti, a envoyé une lettre à la candidate pour lui demander « de ne plus utiliser le logo de l’UDI » sur les affiches et à sa permanence de campagne.

Le courrier que Jean-Christophe Lagarde, président de l'UDI, a envoyé à Marie-Laure Godin. Crédit: DR
Le courrier que Jean-Christophe Lagarde, président de l’UDI, a envoyé à Marie-Laure Godin. Crédit: DR

 

Une missive que semble ignorer le maire de Boulogne : « On n’a pas fait l’objet d’un seul constat d’huissier, d’une seule remarque, on n’a pas été poursuivis en justice donc on a bien le soutien LR-UDI et des dirigeants. Ce sont des affabulations de Monsieur Solère ». Du côté de l’UDI, on assure que le courrier de mise en demeure a bien été envoyé : « Il a été signé de la main de Jean-Christophe Lagarde. Thierry Solère est le candidat officiel et est le seul à ce titre à pouvoir utiliser le logo de l’UDI. On ne peut pas vérifier tous les panneaux d’affichage mais il n’a pas le droit ». Et l’UDI a tenu à rétablir la vérité sur le terrain. Jean-Louis Borloo, président d’honneur du parti, a accompagné le candidat officiel ce matin sur le marché.

Avant la venue dimanche de François Baroin, chargé de mener la bataille des législatives pour les Républicains.

Thierry Solère : « Je ne suis pas en marche mais je veux que ça marche »

Pourtant Thierry Solère a été quelque peu infidèle à la droite ces derniers mois. Après avoir démissionné de son poste de porte-parole de François Fillon, il a fait de nombreux appels du pied en direction d’Emmanuel Macron. Résultat : aucun candidat de La République en Marche (LREM) n’a été investi dans sa circonscription. Contactée, la fédération LREM des Hauts-de-Seine affirme que « Thierry Solère a signé l’appel en réponse à la main tendue lancée par Emmanuel Macron. Dans le cadre de l’envie d’ouverture du mouvement, la Commission nationale d’investiture n’a pas investi de candidat LREM dans la 9e circonscription ». T. Solère ne se cache pas d’être « Macron compatible » : « Si nous ne sommes pas majoritaires nous Les Républicains moi je voterai toutes les réformes proposées par le gouvernement qu’Emmanuel Macron a désigné qui vont dans le bon sens. (…) Je ne suis pas en marche mais je veux que ça marche », ironise le député.

 

Une décision qui fait grincer des dents sur le marché. « Thierry Solère il n’aura pas ma voix. C’est une certitude absolue plus 15 personnes autour de moi. On ne trahit pas comme ça, il ne faut pas prendre les gens pour des demeurés. Son attitude m’agace, un pied à droite, un pied à gauche et là il attend les résultats des élections pour se déterminer. Qu’est-ce qu’il a fait à l’Assemblée Nationale pour Boulogne ? », se demande Raymond Nart, habitant du quartier.

Le point qui fâche : la fusion Boulogne-Issy-les-Moulineaux

La rivalité entre les deux hommes a repris de plus belle depuis le projet de fusion avec la commune d’Issy-les-Moulineaux voulu par le maire de la ville. T. Solère ne s’en cache pas : « J’ai un différend avec lui, c’est qu’il veut fusionner Boulogne et Issy-les-Moulineaux et moi je réclame un référendum local parce que je pense qu’on n’a pas le droit de faire disparaître la ville sans demander l’avis de la population ». Ce projet perturbe également les riverains qui ne se sentent pas assez informés sur le sujet. « Je ne suis pas vraiment pour mais on n’est pas assez au courant », assure une habitante. « Les justificatifs avancés sont assez légers, renchérit son mari. C’est une attitude qui semble purement politicienne. Qu’est-ce qu’il (ndlr : Pierre-Christophe Baguet) cherche à travers ça ? Peut être de peser dans l’Ouest parisien, de peser dans la future métropole. C’est plus une question de prestige individuelle ».

Pierre-Christophe Baguet et Thierry Solère: les deux rivaux du même camp (passez votre souris sur les images)

 

Ce point de friction a en tout cas relancé la guerre des clans. Et ce n’est pas T. Solère qui y mettra fin : « Si les habitants veulent une droite constructive ils votent pour moi, s’ils veulent une candidate de la Manif pour Tous excitée sur les sujets de la fusion de Boulogne et bien ils ne votent pas pour moi ». Ambiance.

Chloé TIXIER

A lire aussi:

5 questions à Aminata Niakaté, candidate écologiste dans la 9e circonscription des Hauts-de-Seine

Législatives dans la 9e circonscription: Bruno Ricard, chantre de la cause animale

18789669_10210205537550491_1688893211_o18817449_10210294763859600_538225255_o

 

10e circonscription des Hauts-de-Seine : le renouveau pour champ de bataille

Affiches des candidats à la législative 10e circonscription des Hauts de Seine. Crédit photo : Emilie Salabelle
Affiches des candidats à la législative 10e circonscription des Hauts de Seine. Crédit photo : Emilie Salabelle

A quinze jours du premier tour, la tranquille 10e circonscription des Hauts-de-Seine est bousculée par des candidats qui s’essayent au défi du renouveau. L’esprit de la campagne présidentielle a imprégné sa marque dans la course aux législatives.

A Issy-les-Moulineaux, Vanves, Meudon, et Boulognes-Billancourt Sud, le prochain scrutin est un saut dans l’inconnu. Il signera la fin du mandat de l’historique André Santini (Union des Démocrates et Indépendants (UDI)), maire d’Issy et député depuis 1988, qui renonce à se représenter, répondant ainsi à l’exigence de non-cumul des mandats.

Le siège vide n’a pas tardé à trouver de nouveaux aspirants. Pas moins de 17 candidats à la députation se présentent, soit cinq de plus qu’en 2012. Pour succéder au long règne de M. Santini, la carte du renouveau est toute trouvée. C’est d’abord par la refonte des partis politiques qu’elle se joue. Plusieurs candidats se présentent hors parti, notamment Bertrand Soubelet. L’ex numéro 3 de la gendarmerie, qui avait fait un court passage dans le parti d’Emmanuel Macron avant d’en claquer la porte, a décidé de se présenter sans étiquette.

Des candidats de tout bord, des favoris qui se détachent

Du côté des étiquettes justement, les Marcheurs et les Insoumis incarnent tout naturellement cet appel à un nouvel ordre politique, dont ils sont en grande partie à l’origine. Le parti de Jean-Luc Mélenchon est allé loin dans l’esprit de rupture  en investissant un surprenant candidat : Gérald Dahan, l’humoriste célèbre pour avoir piégé de nombreux politiques dans des canulars téléphoniques. La nouvelle a été accueillie diversement par les habitants.

« C’est étonnant. Je n’apprécie pas vraiment l’humoriste, avance, à Vanves, Jean-Michel, sympathisant de la France Insoumise (FI). Mais il peut très bien être un mauvais humoriste et avoir des points de vue intéressants sur le plan politique, même au niveau national » concède-t-il.  « Je suppose qu’il va suivre le programme du parti », imagine Vincent, lui aussi pro-Mélenchon. Malgré l’intérêt suscité par le leader du mouvement, la victoire de la FI dans une circonscription traditionnellement de droite paraît improbable. « Je pense que c’est pour ça qu’il a été positionné ici, ça permettait de faire un coup de com’ sur la personne sans qu’il n’ait aucune chance », analyse Jean-Michel.

Le centre droit (UDI-LR) challengé par l’arrivée de La République en marche

Le véritable enjeu de la campagne se situe probablement dans des eaux plus centristes. Le mois de juin signera-t-il la fin d’un fief UDI dans la 10e circonscription ? L’ancien maire adjoint de Vanves, Jérémy Coste (UDI-Les Républicains (LR)), le successeur d’André Santini qui reste suppléant, doit faire face à une nouvelle concurrence de taille : celle du candidat investi par La République en marche (REM), Gabriel Attal. Certes, le travail de son prédécesseur recueille une relative unanimité auprès des habitants, les Isséens saluant notamment un maire « compétent et à l’écoute ». Mais ces bonnes opinions ne garantissent pas la fidélité dans les urnes. « Je ne vote pas aux législatives pour un candidat, mais pour un parti et un programme. Je veux donner ma voix à Macron, pour qu’il puisse avoir une vraie majorité au Parlement, et que cela lui donne les moyens de redresser le pays », résume Caroline, habitante d’Issy-les-Moulineaux.


Comment vont voter les Isséens et les Venvéens ?

Les regards glissant rapidement sur les tracts n’aident certainement pas à distinguer les deux candidats. Car, à première vue, les profils concurrents ne sont pas sans points communs : dans les deux cas, des hommes aux sourires décidés et aux physiques altiers incarnent le dynamisme et la nouveauté de la jeunesse. Le renouvellement est affiché, mais il s’illustre plus dans la continuité que dans la rupture : forte attache au programme macronien pour l’un, héritage santinien pour l’autre. Deux visages neufs qui appellent à transcender les divergences partisanes pour incarner une force d’écoute et de collaboration.

Des leçons de la part des nouveaux centristes, je n’ai pas à en recevoir. Jeremy Coste

Mais la comparaison fait bondir Jeremy Coste : « Je suis centriste depuis l’âge de seize ans, donc des leçons de la part des nouveaux centristes, je n’ai pas à en recevoir. Le dialogue, on sait ce que ça veut dire. je n’en dirais pas autant de mon concurrent qui en réalité est socialiste… Il siège au parti socialiste de la mairie de Vanves et s’oppose à toutes les délibérations municipales de la majorité centriste de Bernard Gauducheau. Quand il prône le dialogue entre la droite et la gauche, ce n’est pas ce qu’il fait concrètement au quotidien. »

Face à un candidat de REM qu’il considère inféodé au programme du nouveau président, Jeremy Coste veut assumer un rôle actif. « Si les gens veulent donner une vraie majorité à Macron, il faut qu’ils votent pour des députés constructifs », assure-t-il avec conviction, lors d’un café-rencontre organisé à Meudon. L’avis est partagé par Hervé Marseille, vice-président du Sénat et maire de Meudon : « S’il y a une majorité uniforme, tous les députés seront interchangeable, il y aura un mot d’ordre, tout le monde votera dans le même sens. Il est important qu’il y ait des députés qui puissent exprimer les valeurs qui sont les nôtres, et qui aient la possibilité de voter ce qui est positif tout comme de s’exprimer sur les choses qui ne vont pas. »

Affiche de campagne de Jérémy Coste, candidat UDI-LR.
Affiche de campagne de Jérémy Coste, candidat UDI-LR.

Le pari de la jeunesse

Etre député à trente ans, est ce un atout ou une faiblesse ?  L’arme peut être à double tranchant. « On réclame souvent du sang neuf, et en même temps, il y a un climat de défiance face aux jeunes responsables. On se demande comment il ont pu en arriver là si rapidement. Ce sont des questions légitimes, mais assez contradictoire. Les jeunes ne sont pas plus aptes, mais il y a une notion d’inconscience et de spontanéité qui manque aujourd’hui aux plus matures » estime  Saïda Belaïd, conseillère municipale à Meudon, et soutien de Jeremy Coste.

L’intéressé assume avec auto-dérision cet atout ambivalent : « Le nouveau président a 39 ans. A priori dans la trentaine on est capables de faire des choses. Mais je fais plus jeune, ma mère est réunionnaise, et dans nos îles là-bas, souvent, on ne fait pas nos âges » sourit-il.

A ceux qui argueraient un manque d’expérience, Jeremy Coste a préparé sa réponse : « Je ne suis pas un nouveau en politique, et je l’assume. Justement la démarche que je défend en politique, c’est le fruit d’un parcours, de connaissances de terrain et de connexion avec les élus. Si demain on veut être efficaces très rapidement, il faut être en mesure de faire remonter les besoins identifiés sur le territoire au niveau national. » « Expérience et renouveau », le slogan de sa campagne résume l’idée. Entre équilibre et équilibrisme.

Emilie Salabelle

Les 17 candidats à la 10e circonscription des Hauts-de-Seine  (Boulogne-Billancourt-Sud (partie), Issy-les-Moulineaux,Vanves, Meudon (partie))
1 – Mme Laurence VIGUIÉ EXG
2 – M. Gérald DAHAN FI
3 – Mme Pauline COUVENT ECO
4 – M. Michel FOSSAERT ECO
5 – M. Stéphane CROS DIV
6 – M. Gabriel ATTAL REM
7 – M. Bertrand SOUBELET DIV
8 – M. Jeremy COSTE UDI
9 – M. Boris AMOROZ COM
10 – Mme Anne-Laure MALEYRE FN
11 – M. Thomas PUIJALON SOC
12 – M. Nicolas MOREAU DVG
13 – M. Messaoud ZAZOUN DIV
14 – Mme Philippine COUR DLF
15 – Mme Laurence LECOCQ DIV
16 – Mme Marie-Thérèse DRELON DIV
17 – Mme Anne-Violaine VIGNON DVD

Continuer la lecture de « 10e circonscription des Hauts-de-Seine : le renouveau pour champ de bataille »