Tinder, un moyen de passer le temps en confinement

Pas facile de faire des rencontres à l’époque du Covid-19. Mieux vaut ne pas trop compter sur les rares sorties autorisées comme la promenade du chien et les courses au supermarché. Il faut bien le dire, on a connu plus glamour. Tinder devient alors une option séduisante. La célèbre application de rencontres offre une alternative aux célibataires enfermés chez eux qui peuvent continuer de draguer, même en pyjama.

Depuis le confinement, Tinder enregistre un record de « swipe » à droite. (Stocklib)

Léa s’était inscrite sur Tinder peu avant le confinement. Installée récemment à Bordeaux, l’application de rencontre lui a permis de flirter dans cette nouvelle ville : « Je connaissais pas grand monde et ça occupe pas mal quand on s’ennuie », résume-t-elle. Pour Léa, ne pas pouvoir conclure ses « matchs » par un rendez-vous n’est pas un problème :

« Le confinement ne change pas grand chose parce que je rencontre très rarement les mecs avec qui je parle. C’est plus une distraction qu’autre chose et je n’ai pas le temps de toute façon. Donc je gère plutôt bien de pas pouvoir les rencontrer. »

La réputation de l’application a la peau dure. Les membres savent qu’ils n’y trouveront sûrement pas l’âme sœur. « Je n’espérais rien en m’inscrivant. Il y a peut-être une ou deux personnes avec qui j’aimerais avoir un date mais ça reste Tinder donc je n’attends pas grand chose de tout ça », continue Léa. Finalement, pour l’étudiante, Tinder c’est « comme les magasins de vêtements : si tu cherches quelque chose de précis tu ne trouveras jamais« , explique-t-elle pragmatique.

Un moyen de passer le temps

Pour Côme, 22 ans, Tinder est avant tout un passe-temps. Célibataire, il s’occupe en discutant sur l’application. « Oui, on peut dire que c’est pour faire passer le temps. Je n’ai pas de copine actuellement et j’ai du temps à perdre avec le confinement. » Son bilan après plusieurs semaines sur Tinder : « On arrive à la fin du confinement et le temps passe vite alors je suis content. Et puis ça m’a permis de rencontrer quelqu’un de cool« , confie-t-il.

Les sites de rencontres peuvent-être un bon moyen pour briser la solitude. Camille, 24 ans, a installé l’application sur le conseils de ses amis. Séparée peu de temps avant le confinement, elle a eu envie de s’amuser.

« Je me suis dit que c’était une façon d’initier des discussions qui pourraient aboutir à un verre au moment du déconfinement. »

Mais finalement, le site de rencontre ne l’a pas totalement convaincue. Après deux semaines d’utilisation, elle a fini par désinstaller l’application. « Je ne m’amusais pas spécialement en fait. Hormis quand je « swipais » les profils« , raconte-t-elle. « Je pense que ce type de rencontres ne me correspondent pas. De base, Je n’ai jamais aimé apprendre à connaître quelqu’un par message« . Camille ne reste toutefois pas fermée à l’idée de réinstaller Tinder après le confinement. « A ce moment-là, je pourrais plus facilement rencontrer les personnes avec qui je parlais« , conclut-elle.

Une drague version confinée ?

Léa, confinée dans son appartement bordelais, rigole à cette question.

« Ce que j’ai observé, c’est surtout que les mecs sont encore plus insistants que d’habitude et qu’ils veulent briser le confinement un maximum, ou du moins, c’est un des principaux sujets de conversation. »

Un effet de la quarantaine qui déplaît à Camille : « Ca devenait assez ennuyant à la longue. On n’avait pas grand chose à se dire vu que les journées se ressemblent« , se désole-t-elle.

Côme, lui, a observé une autre évolution. « J’ai écouté un podcast à ce sujet. Ils disaient qu’il y avait plus de « salut ça va ? » pour un premier message qu’avant le confinement. Mon avis est peut-être influencé par cette émission mais je suis d’accord. »

Si le site de rencontres connaît une explosion avec le début du confinement, c’est un bilan mitigé que dressent ces trois étudiants. La quarantaine ne les a pas tout à fait réconciliés avec Tinder, mais après tout, pourquoi pas, « ça passe le temps ».

 

Juliette Lerond-Dupuy

Génération Tinder: l’amour aux temps du numérique

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Aujourd’hui, 1 Français sur 5 a déjà utilisé une application de rencontres au moins une fois dans sa vie. Flirts, choix superficiels mais aussi heureux couples formés… Malgré un rapport uberisé à la sexualité et la peur de l’engagement, les utilisateurs sont, paradoxalement, toujours à la recherche du véritable amour.

« Célibataire, 37, sérieux, épouserait gentille demoiselle ville, campagne, propriété… ». Cinquante ans plus tard, les annonces matrimoniales du Chasseur Français nous font sourire. Aujourd’hui, c’est plutôt : « Hello, tu baises ? ». Tinder, Grindr, Happn… Ce sont quelques unes de la multitude des applications mobiles de rencontres, massivement utilisées depuis quelques années.

Les couples ont toujours eu recours à une aide extérieure pour se former. L’invention de l’agence matrimoniale date du XIXe siècle. La démocratisation des annonces matrimoniales est née avec le développement de la presse, plus particulièrement du Chasseur Français. Ce magazine spécialisé dans la chasse, créé en 1885 est surtout connu pour ses dernières pages remplies de petites annonces.

Après les marieuses, les applications mobiles sont une suite logique. Leurs usages se développent : une aventure d’une nuit voire de quelques heures, une relation longue, des rencontres homosexuelles… Les applications permettent plus de liberté et remettent en question notre rapport à l’amour et à la sexualité.

« J’utilise les applications pour meubler »

Benjamin est attablé dans un bar du 9ème arrondissement de Paris. Avec sa casquette rouge mise en l’envers, des lunettes à monture noire et une barbe de quelques jours, ce jeune chef de chantier est l’incarnation du Parisien branché. Il s’est inscrit sur le site de rencontres AdopteUnMec.com il y a sept ans et Tinder, il y a cinq ans. Le fonctionnement de cette appli est simple : elle fait défiler les profils des inscrits selon plusieurs critères, les plus importants étant leur sexe et la position géographique. L’utilisateur zappe ces profils en indiquant s’il les apprécie ou non. Si l’attraction est partagée, les deux inscrits sont mis en relation et peuvent commencer à échanger. Côté sécurité, seule la possession d’un compte Facebook est exigée.

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« Grâce à Tinder et autres applications, j’ai déjà dû avoir une quinzaine de relations plus longues et peut être soixante-dix aventures d’une nuit », hésite Benjamin. Pour ce Parisien, Tinder « est une manière de combler une névrose de séduction. Je peux me sentir valorisé et garder une superficialité dans la relation en même temps ».

Il n’hésite pas à profiter pleinement des opportunités qu’offre l’application. « Je vois souvent plusieurs filles en même temps, ce ne sont pas des relations explicitement monogames ». Mais il se sert de cet outil surtout par nécessité. « Si je pouvais m’en passer, je m’en passerai. Je préfère cent fois prendre un verre dans la vraie vie que de parler derrière un écran ! »

Découvrez le témoignage de Benjamin:


Pour Nicole Beauchamp, psychanalyste, le nombre très élevé des aventures d’une nuit auxquelles s’adonnent les utilisateurs s’inscrit dans une logique de protection de soi-même : « C’est une défense contre les émotions, la peur d’engagement et du désir ».

Valentin, 22 ans, est étudiant en communication visuelle. Il allume sa cigarette entre deux gorgées de café. Depuis cinq ans, il utilise régulièrement Grindr, application basée sur les principes similaires à ceux de Tinder, spécialisée dans les rencontres gay. Grindr met en relation des utilisateurs surtout pour des rencontres à objectif clairement défini : le sexe. Chaque profil comporte une photo, une description et le statut VIH.

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Habituellement, après un échange de messages sur l’application, cet étudiant rencontre ses partenaires directement chez eux ou chez lui. « Je ne fais jamais de ‘dates’, ça me fait trop peur. On discute, mais soit chez moi, soit chez lui, au bord du lit ».

Malgré son côté désenchanté, le jeune homme rêve de trouver une âme sœur. « Bien sûr que je cherche l’amour. Les applications sont là pour meubler entre temps ». Mais il ne se fait pas d’illusion quant à la possibilité de le trouver sur internet : « J’ai du mal à me projeter avec une personne rencontrée sur l’appli. Si elle est plus facile d’accès pour moi, c’est qu’elle l’est aussi pour les autres ». Sa dernière vraie histoire amoureuse a duré six mois et s’est achevée à cause de manque de confiance entre les deux partenaires. « Je sais qu’il allait sur des sites de rencontre, des applications… ».

La désillusion amoureuse

Les applications permettent de rencontrer plus de gens, plus rapidement, à côté de chez soi. Pour Pauline, lobbyiste, inscrite sur Tinder depuis un an, l’utilisation de l’appli a changé sa vision de l’amour. « Je suis devenue plus pessimiste. Forcément, quand on rencontre plus de gens, on est plus souvent confronté à la déception ». Elle adopte donc une attitude pragmatique : ne pas s’attendre à une rencontre extraordinaire pour ne pas être déçue. « Tinder c’est un peu comme la vie, tu ne sais pas dans quelle direction évoluera ta relation ».

L’utilisateur peut y découvrir la personne, sans même avoir à la rencontrer dans le réel. Blond(e), brun(e), taille, profession… Sur les applis, on retrouve toutes sortes de critères. Mais que reste-t-il à découvrir de l’autre ? François Charvin, psychanalyste, répond : « Il ne peut y avoir de rencontre si l’on connaît tout de la personne avant ». Peut être est-il mieux d’en savoir moins quitte à être déçu ensuite.

Avant que Pauline ne décide de rencontrer un homme dans la vraie vie, il doit répondre à un certain nombre de critères sur l’application. S’il écrit avec des fautes d’orthographe, n’utilise pas de formules de politesse, si dans ses photos il n’y a que des selfies, pour Pauline, c’est éliminatoire. Tout comme le garçon qui l’a contactée il y a plusieurs jours en commençant la conversation par le charmant : « Hello, on baise ? ».

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Les applications ont déplacé le terrain de la drague. Ce n’est plus dans la rue, dans des bars, des boîtes de nuit que l’on rencontre des gens. Aujourd’hui, c’est l’espace virtuel qui offre le plus de possibilités. « Quand je sors avec mes potes, je ne cherche pas à parler à des filles, j’ai internet pour ça », explique Benjamin. Les applications accompagnent leurs utilisateurs partout, sans limiter les moments de drague à un temps précis, jusqu’à en devenir des passe-temps, voire des addictions. Sur le téléphone de Valentin, Grindr reste très souvent allumé. « Quand je bosse, je me connecte, je vois ce qui se passe… Parfois ça devient une drogue, surtout quand t’as très envie de trouver quelqu’un ».

Benjamin:


Les applications permettent aussi d’économiser le temps. « Les rencontres en ligne se caractérisent par une explicitation des intentions amoureuses et sexuelles. Elles accélèrent l’enchaînement des évènements », analyse la sociologue Marie Bergström.

« Je fais toujours un tri drastique sur les meufs avant de les rencontrer, ça me permet de ne pas perdre mon temps », avoue Benjamin. Une sélection poussée parfois aux extrêmes. « Je me rends compte qu’il m’arrive de zapper des mecs pour des raisons complètement ridicules, par exemple quand je n’aime pas leur prénom… », constate Pauline. « C’est vraiment une logique de supermarché », explique cette blonde aux yeux bleus.

La grande force de l’application, pour Benjamin, c’est de mettre en contact des personnes qui ne se seraient pas rencontrées autrement, dans la vraie vie. Le jeune homme apprécie le fait de pouvoir élargir ses horizons en rencontrant des femmes venant d’univers différents du sien. « C’est un super moyen de faire connaissance avec des gens que je n’aurais jamais croisés. Parmi les filles que j’ai rencontrées sur Tinder, certaines sont devenues de vraies amies ».

« L’amour n’a pas de règle »

Histoires d’un soir, rude sélection, zapping des profils… Dans cet univers virtuel de relations rapides, peut-on encore trouver son âme sœur ? « L’amour n’a pas de règle et le coup de foudre existe ! » assure la psychanalyste Nicole Beauchamp.

Aude, 29 ans, responsable de boutique, en est la preuve. Elle s’est inscrite sur Tinder il y a quatre ans pour oublier sa relation précédente. Depuis plus d’un an, elle partage sa vie avec Mathieu. Ils se sont rencontrés grâce à l’application. « En février 2016 j’avais repéré ses photos. Ça se voyait que c’était un gentil », raconte la jeune femme aux grands yeux verts. Après plusieurs rendez-vous, ils ont décidé de se mettre ensemble.

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Les photos sont un grand critère de choix sur les applications de rencontre. « Juste en les regardant, on peut sentir ce que cherche le mec en face. Les selfies, les lunettes de soleil, tout ça est mauvais signe. Les photos de Mathieu étaient prises par ses potes, pendant les vacances. J’ai eu un bon feeling ».

Découvrez le témoignage d’Aude:


Certains considèrent que les applications encouragent l’infidélité. Une fois en couple, l’utilisateur serait toujours tenté d’aller voir ce qu’il y a ailleurs. La psychanalyste Nicole Beauchamp rassure : « Les applications facilitent les choses mais l’infidélité a toujours existé. Quand on a envie de tromper, on trouve toujours un moyen de le faire ». Aude fait la même analyse. « L’infidélité ? Si tu veux tromper il n’y a pas que Tinder. Je ne me sens pas menacée dans mon couple par les applications, comme je ne me sens pas menacée par une jolie fille dans un bar ».

Aujourd’hui, le couple commence à parler d’emménagement. Aude n’hésite pas à se projeter avec Mathieu en glissant dans la conversation que d’ici trois ans ils aimeraient bien quitter la capitale ensemble.

Malgo Nieziolek


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Les applications ou la tentation de l’infidélité

Les applications ou la tentation de l’infidélité

Les applications de rencontre permettent, comme leur nom l’indique, de faciliter les rencontres sexuelles ou amoureuses. Toutefois, elles ont fait de l’infidélité un nouveau marché. Les sites spécialisés se comptent désormais par dizaines, en France. Avec près de 1,6 million de membres à travers le monde, dont 800 000 dans l’Hexagone, Gleeden se présente comme le numéro un français. L’enseigne à la pomme croquée affiche un chiffre d’affaires de 15 à 20 millions d’euros.

Cathy est divorcée depuis trois ans. Il y a un an et demi, cette quadragénaire rencontre son nouveau compagnon sur Tinder, application qu’elle considérait jusqu’alors comme le « siège des détraqués ». Thierry lui apparaît comme un homme « différent » des autres. Ils se rencontrent assez rapidement et puis emménagent ensemble. Un jour, Thierry oublie son téléphone à la maison et demande à sa compagne de regarder son planning. Préoccupé par son travail, Thierry en oublie le reste. Cathy découvre alors une notification Tinder, sur l’écran de son téléphone.

Il n’a jamais supprimé son compte. Ce qui lui plaisait, c’était de parler à des femmes jusqu’à ce qu’elles lui envoient des photos à caractère sexuel. Je ne pensais pas que ces échanges pouvaient conduire à une rencontre physique.

Pour le démasquer, la quadragénaire décide de se créer un faux compte Tinder. Elle découvre le profil de son compagnon. Ils matchent. Après avoir discuté quelques minutes, Thierry propose, sans le savoir, un rendez-vous à sa compagne. Depuis cet échange, Cathy est décidée à rompre avec Thierry. « L’infidélité, ça ne pardonne pas. Surtout lorsqu’elle est programmée, comme sur les applications de rencontre ».

Marie Lecoq