Exclusion des Républicains : un parti face au risque de la division

Le Premier ministre Edouard Philippe et quatre autres dissidents pro-Macron ont jusqu’à ce mercredi pour clarifier leur situation au sein des Républicains. Leur exclusion du parti devrait être actée dans la foulée.

L’heure tourne pour les Républicains (LR) pro-Macron. Le Premier ministre, Edouard Philippe, les ministres Gérald Darmanin et Sébastien Lecornu, ainsi que les députés constructifs Thierry Solère et Franck Riester vont devoir choisir leur camp. Ils ont jusqu’à ce mercredi 19 heures pour s’expliquer devant une commission spéciale. Sans réponse de leur part, « leur départ des Républicains sera acté » a jugé la direction des Républicains lors d’un bureau politique mardi dernier.

D’après Le Parisien, Thierry Solère et Franck Riester ont rencontré mardi matin le maire LR d’Antibes Jean Leonetti, un des trois membres de cette commission. De son côté, Edouard Philippe ne devrait pas répondre à l’appel. « Je n’ai jamais été très fan des ultimatums », a-t-il lâché lundi sur Europe 1, dans une volonté de se positionner au-dessus des querelles partisanes. Il a ensuite fustigé son parti, qu’il a « vu s’étioler au fil des années, s’appauvrir autour d’une ligne idéologique de plus en plus à droite qui perdait d’abord le centre, ensuite la droite modérée ».

 

Entre exclusion et conciliation, un parti divisé

Ces propos passent mal chez certains cadres du parti. « On peut brûler ce qu’on a aimé. S’il est là aujourd’hui, c’est aussi parce que la droite l’a poussé. S’il trouve à ce point détestables ses anciens amis de droite, qu’il s’en éloigne », confie, amer, un député LR expérimenté. Selon lui, « il faut couper la branche (…) Allons jusqu’au bout ! Le en  »même temps » n’est pas possible tout le temps, estime-il. On a besoin de ces exclusions pour clarifier la situation du parti. Il faut indiquer aux militants qu’on les a entendu ». Mais depuis cet été, la direction du parti traîne des pieds. Elle a même fait volte-face sur le cas de Gérald Darmanin. Le ministre de l’Action et des Comptes publics avait d’abord été exclu du parti mardi dernier car il était candidat, en position non éligible, sur une liste La République en Marche pour les sénatoriales dans le Nord. Mais la direction a finalement temporisé en lui laissant un délai de huit jours pour répondre au courrier de la commission spéciale. L’ancien maire de Tourcoing a indiqué au Figaro qu’il « va demander à être entendu, de manière contradictoire, à moins que l’on ne soit dans un procès stalinien ! »

Hormis Edouard Philippe, les dissidents semblent bien déterminer à se battre. Sébastien Lecornu, ministre délégué à la Transition écologique et solidaire, a également prévenu mardi sur RTL qu’il pourrait faire recours de son exclusion. « Je compte bien mener toutes les voix de recours interne, et pourquoi pas externe pour faire entendre ma position car j’estime ne rien faire de mal », a-t-il affirmé.

Une chose est sûre, la question divise cette famille politique. Certains plaident pour un assouplissement des sanctions. « Il ne faut pas que l’on rentre dans un psychodrame. Je suis favorable à constater et acter le départ de certains de notre famille politique, c’est-à-dire qu’ils doivent être démis de leurs fonctions, mais la porte reste ouverte, explique un député LR proche des Constructifs. On a besoin d’une clarification mais pas de victimisation, il ne faut pas insulter l’avenir. La droite va devoir rassembler et tourner la page ». Les Républicains, en pleine recomposition politique, éliront leur nouveau président les 10 et 17 décembre prochains.

 

Chloé Tixier

A Boulogne-Billancourt, retour de la guerre Solère-Baguet

La 9ème circonscription des Hauts-de-Seine est le théâtre d’un duel interne à la droite : Thierry Solère, le député sortant (LR) à Boulogne-Billancourt affronte son meilleur ennemi, le maire (LR) de Boulogne.

Les affiches des deux candidats avec le même logo LR-UDI. Crédit: Asmaa Boussaha
Les affiches des deux candidats avec le même logo LR-UDI. Crédit: Asmaa Boussaha

 

Tous les cinq ans, la même histoire se répète. A chaque élection, les Républicains règlent leurs comptes sur la place publique à Boulogne-Billancourt. Et celle-ci ne déroge pas à la règle. Thierry Solère, le député (LR) sortant s’oppose de nouveau à son rival de longue date, le maire (LR) de Boulogne Pierre-Christophe Baguet.

Ce mardi matin, le traditionnel marché Escudier attire les habitants. Et les candidats aux législatives. Marie-Laure Godin est la première à se rendre à la rencontre des Boulonnais et des commerçants, accompagnée d’un soutien de poids : Pierre-Christophe Baguet justement. Adjointe au maire et soutenue par la majorité municipale, elle se positionne en dissidente de Thierry Solère. La commission nationale d’investiture des Républicains a en effet désigné l’organisateur de la primaire de la droite et du centre comme candidat sous l’étiquette LR-UDI. Problème : M.-L. Godin se revendique également de cette affiliation. Pour preuve, les deux logos sont présents sur les affiches de campagne des deux candidats.

 

Marie-Laure Godin et Pierre-Christophe Baguet ont été à la rencontre des commerçants et des habitants ce mardi sur le marché Escudier à Boulogne-Billancourt.Crédit: Asmaa Boussaha
Marie-Laure Godin et Pierre-Christophe Baguet ont été à la rencontre des commerçants et des habitants ce mardi sur le marché Escudier à Boulogne-Billancourt.Crédit: Asmaa Boussaha

 

 Une guerre de logos

Ce quiproquo a poussé l’UDI à réagir. Jean-Christophe Lagarde, président du parti, a envoyé une lettre à la candidate pour lui demander « de ne plus utiliser le logo de l’UDI » sur les affiches et à sa permanence de campagne.

Le courrier que Jean-Christophe Lagarde, président de l'UDI, a envoyé à Marie-Laure Godin. Crédit: DR
Le courrier que Jean-Christophe Lagarde, président de l’UDI, a envoyé à Marie-Laure Godin. Crédit: DR

 

Une missive que semble ignorer le maire de Boulogne : « On n’a pas fait l’objet d’un seul constat d’huissier, d’une seule remarque, on n’a pas été poursuivis en justice donc on a bien le soutien LR-UDI et des dirigeants. Ce sont des affabulations de Monsieur Solère ». Du côté de l’UDI, on assure que le courrier de mise en demeure a bien été envoyé : « Il a été signé de la main de Jean-Christophe Lagarde. Thierry Solère est le candidat officiel et est le seul à ce titre à pouvoir utiliser le logo de l’UDI. On ne peut pas vérifier tous les panneaux d’affichage mais il n’a pas le droit ». Et l’UDI a tenu à rétablir la vérité sur le terrain. Jean-Louis Borloo, président d’honneur du parti, a accompagné le candidat officiel ce matin sur le marché.

Avant la venue dimanche de François Baroin, chargé de mener la bataille des législatives pour les Républicains.

Thierry Solère : « Je ne suis pas en marche mais je veux que ça marche »

Pourtant Thierry Solère a été quelque peu infidèle à la droite ces derniers mois. Après avoir démissionné de son poste de porte-parole de François Fillon, il a fait de nombreux appels du pied en direction d’Emmanuel Macron. Résultat : aucun candidat de La République en Marche (LREM) n’a été investi dans sa circonscription. Contactée, la fédération LREM des Hauts-de-Seine affirme que « Thierry Solère a signé l’appel en réponse à la main tendue lancée par Emmanuel Macron. Dans le cadre de l’envie d’ouverture du mouvement, la Commission nationale d’investiture n’a pas investi de candidat LREM dans la 9e circonscription ». T. Solère ne se cache pas d’être « Macron compatible » : « Si nous ne sommes pas majoritaires nous Les Républicains moi je voterai toutes les réformes proposées par le gouvernement qu’Emmanuel Macron a désigné qui vont dans le bon sens. (…) Je ne suis pas en marche mais je veux que ça marche », ironise le député.

 

Une décision qui fait grincer des dents sur le marché. « Thierry Solère il n’aura pas ma voix. C’est une certitude absolue plus 15 personnes autour de moi. On ne trahit pas comme ça, il ne faut pas prendre les gens pour des demeurés. Son attitude m’agace, un pied à droite, un pied à gauche et là il attend les résultats des élections pour se déterminer. Qu’est-ce qu’il a fait à l’Assemblée Nationale pour Boulogne ? », se demande Raymond Nart, habitant du quartier.

Le point qui fâche : la fusion Boulogne-Issy-les-Moulineaux

La rivalité entre les deux hommes a repris de plus belle depuis le projet de fusion avec la commune d’Issy-les-Moulineaux voulu par le maire de la ville. T. Solère ne s’en cache pas : « J’ai un différend avec lui, c’est qu’il veut fusionner Boulogne et Issy-les-Moulineaux et moi je réclame un référendum local parce que je pense qu’on n’a pas le droit de faire disparaître la ville sans demander l’avis de la population ». Ce projet perturbe également les riverains qui ne se sentent pas assez informés sur le sujet. « Je ne suis pas vraiment pour mais on n’est pas assez au courant », assure une habitante. « Les justificatifs avancés sont assez légers, renchérit son mari. C’est une attitude qui semble purement politicienne. Qu’est-ce qu’il (ndlr : Pierre-Christophe Baguet) cherche à travers ça ? Peut être de peser dans l’Ouest parisien, de peser dans la future métropole. C’est plus une question de prestige individuelle ».

Pierre-Christophe Baguet et Thierry Solère: les deux rivaux du même camp (passez votre souris sur les images)

 

Ce point de friction a en tout cas relancé la guerre des clans. Et ce n’est pas T. Solère qui y mettra fin : « Si les habitants veulent une droite constructive ils votent pour moi, s’ils veulent une candidate de la Manif pour Tous excitée sur les sujets de la fusion de Boulogne et bien ils ne votent pas pour moi ». Ambiance.

Chloé TIXIER

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