Croyance en Dieu : l’Eglise ne convainc plus, l’Islam oui

Plus de 51% des Français ne croient plus en Dieu selon un sondage publié ce jeudi par l’Association des journalistes d’information sur les religions (AJIR). Entre société matérialiste, scandales de l’Eglise et nouvelles problématiques sociales, les explications sont multiples. 

 

Qu’on l’appelle Dieu ou Allah, la moitié des Français ne croient plus en lui. Selon un sondage publié ce jeudi par l’Association des journalistes d’information sur les religions (AJIR), plus de 51% des Français ne croient plus en Dieu. Seuls 48% des jeunes y croient encore, contre 68% chez les plus de 65 ans.

Premières mises en causes : les institutions, selon Geneviève Delrue, présidente de l’AJIR. Elles sont selon elle devenues impuissantes face à une technique aujourd’hui omniprésente qui a façonné notre relation à l’inexplicable et donc à la religion : «La technique éloigne ce qu’on ne savait pas expliquer avant, à l’époque où on disait : « C’est Dieu qui l’a voulu ! »»

Pour autant, la spiritualité demeure : «Il n’y a pas de rejet du mystère, la question métaphysique demeure. Le problème, c’est plutôt l’image du dieu véhiculé par les institutions», raconte Geneviève Delrue.

L’Eglise, en particulier, ne convainc plus. Elle manque d’audace et de simplicité selon le père Emmanuel Péteul : «Elle gagnerait à oser dire ce qu’on vit, qui on est et comment notre foi nous aide. Dire que nous sommes heureux dans notre religion.»

 

La croyance, un sujet tabou

«Les Français n’ont plus besoin de Dieu», affirme le prêtre, prêtre de la paroisse Sainte Jeanne d’Arc à Versailles. Pour lui, la raison réside dans une société française à la fois riche et matérialiste, mais aussi une certaine gène qui s’est installée au sein des foyers: «Parler de sa foi, c’est devenu aussi compliqué que de parler de sa sexualité.»

Les personnes interrogées dans le sondage discutent effectivement de moins en moins de religion en famille. Un sujet devenu tabou donc, mais qui fait aussi face à de nouvelles problématiques .

« Les gens sont mal à l’aise parce que le christianisme est mis en péril par les théories du genre ou de sexualité. Si votre fille est homosexuelle, ce n’est pas facile de le concilier avec votre foi. On a peur de perdre ses enfants, alors on finit par se détourner de ce que dit l’Eglise », explique le père Emmanuel Péteul.

Des scandales sexuels à répétition

Et si cette crise de l’Eglise influence autant le taux de croyance en Dieu, c’est parce que la France, longtemps surnommée la fille aînée de l’Eglise, s’est historiquement construite sur cette religion.

«La république s’est fondée contre l’Eglise depuis la révolution française», selon Virginie Larousse, journaliste spécialiste des religions. Plus récemment, ce sont les scandales sexuels «qui contribué à l’éloigner des Français».

Des jeunes en quête de spiritualité

Une crise institutionnelle que ne connaissent pas les autres grandes religions de France comme l’Islam et le judaïsme. «Au contraire, il y a dans ces religions une croyance en Dieu beaucoup plus forte. Les jeunes musulmans ont par exemple un taux de pratique beaucoup plus important», raconte Virginie Larousse.

En France, 97% des musulmans croient en Dieu, contre seulement 62% des catholiques selon le sondage publié par l’AJIR. Bien qu’encore minoritaire en France, la religion musulmane rassemble tout de même 5.43 milliards de fidèles en 2020.

De plus, même si plus de la moitié des Français ne croient aujourd’hui pas en Dieu, la religion n’a pas dit son dernier mot. La question spirituelle connait un rebond chez les plus jeunes, selon la journaliste : «Ils sont en quête de connaissances. La croyance n’est pas amenée à disparaître.»

Lise Cloix

 

 

 

 

 

 

Coronavirus : Internet à la rescousse de la messe

Avec le coronavirus et le confinement qui l’accompagne, les lieux de cultes ont du adapter leurs pratiques. Pour maintenir un lien avec les fidèles, certaines paroisses ont fait le choix de diffuser leur célébrations en direct. 

En cette période de confinement, les bancs des Eglises sont vides. (Photo Flickr)

Un orgue retentissant, quatre prêtres, un sacristain, un chantre… Au premier abord la messe dominical de la basilique Sainte-Clotilde à Paris ressemble à s’y méprendre à une cérémonie ordinaire. A un détail près, qui n’est pas sans importance : ce dimanche 26 avril point de fidèles dans l’église, les ouailles suivent l’office depuis chez eux, derrière leurs écrans. Retransmise sur la chaîne YouTube de la paroisse, la messe se déroule dans une église étrangement vide.

Depuis un peu plus d’un mois, cette situation inédite est devenue habituelle pour les 14 000 prêtres catholiques répartis en France. Coronavirus oblige, le confinement décrété le 17 mars a sonné le glas des offices religieux célébrés en communauté. Pour pallier la pénurie de fidèles, les paroisses ont été contraintes de s’adapter. Depuis plusieurs semaines, certaines d’entres elles ont fait le choix de diffuser la messe en direct. Un système qui permet aux paroissiens d’assister aux offices. « Ça a été mis en place dès le deuxième dimanche après le confinement. C’est un moyen de rester en lien avec les fidèles, d’avoir un rendez-vous », raconte Edouard Dacre-Wright, l’un des prêtres de la paroisse Sainte-Clotilde.

La messe, un moment important pour les paroissiens

Organisées au cas par cas selon les paroisses, les messes en direct sur Internet sont devenues un élément important pour les prêtres et leurs paroissiens. « Cela permet de dynamiser la spiritualité dans une période compliquée où les gens ont peur, et de garder un lien avec les autres. Ils viennent chercher l’appartenance visible à une communauté», raconte Thomos Binot, curé pour la paroisse Saint-Vincent de Paul à Clichy, en région parisienne.

« Le fait de savoir que nous prions ensemble ça nous aide tous »

Avec internet, l’Eglise s’est découverte un allié inattendu pour affronter la crise du coronavirus. « Ça c’est montré fort utile. Grâce à Facebook et YouTube on a pu célébrer tous les jours la messe en direct et avoir pas mal de monde », confirme Thomas Binot.

Pour l’occasion les fidèles ont du se frotter à internet; une découverte pour certains d’entres eux. «Très clairement certains se sont mis aux nouvelles technologies. Ils y en avaient qui n’avaient jamais utilisé YouTube. Ils s’y sont connectés pour la première fois, ils étaient fiers d’y être arrivés», confirme le père Dacre Wright. Dans certains cas, les prêtres se sont mêmes transformés pour l’occasion en professeurs d’informatique « On les a aidés à faire les manipulations nécessaires, on les a guidés par téléphone », raconte le père Thomas Binot.Cette solution reste toutefois un expédient bien éphémère; suspendue aux annonces du gouvernement, l’Eglise attend avec impatience la réouverture des lieux de culte. « Nous espérons retrouver rapidement nos ouailles » conclut le père Dacre Wright.

Paul de Boissieu

Abus sexuels : des victimes saisissent la justice fédérale contre le Vatican

Cinq américains veulent saisir la justice fédérale des États-Unis afin que celle-ci ordonne au Vatican d’ouvrir ses archives, pour «révéler les identités de milliers d’agresseurs connues uniquement du Vatican». Cette annonce survient quelques jours après l’obligation dictée par le pape d’obliger les prêtres à dénoncer tout abus sexuel, que de nombreuses victimes jugent insuffisante.
Une procédure de justice pour l’ouverture des archives du Vatican avait déjà été engagée par un Américain en octobre dernier / Crédit : Pixabay.

 

La chasse aux sorcières est lancée aux États-Unis. Cinq Américains se disant victimes d’abus sexuels, commis par des prêtres catholiques, vont saisir la justice fédérale américaine pour qu’elle ordonne au Vatican d’ouvrir ses archives. Ils veulent que le Saint-Siège « révèle les identités de milliers d’agresseurs connues uniquement du Vatican« , ainsi que « leurs dossiers » et « leurs histoires« , écrit le cabinet d’avocats Jeff Anderson dans un communiqué. Les cinq plaignants, dont trois n’ont jamais parlé publiquement, expliqueront leur démarche lors d’une conférence de presse mardi à Saint-Paul, dans le Minnesota.

Ils ont décidé de rendre leur action publique après l’annonce par le pape François le 9 mai dernier d’une modification de la loi canonique. Celle-ci oblige désormais l’ensemble des prêtres et religieux à signaler à l’Église tout soupçon d’agression sexuelle, de harcèlement ou de dissimulation.

« Un pas timide » ou un « écran de fumée« . Des associations et des victimes de prêtres pédophiles se sont dites déçues après l’annonce du souverain pontife. Le pape aurait dû selon elles rendre obligatoire le signalement de faits d’agressions aux autorités civiles. « Secret et silence sont la clef de voûte de l’agression sexuelle (…) C’est très facile de créer l’impunité quand l’enquête est faite par la même partie (l’Église, NDLR) », a commenté à l’AFP José Andrès Murillo, une victime chilienne qui a créé en 2010 une association de lutte contre les agressions sexuelles. En communiquant sur leur démarche, les cinq victimes américaines souhaitent mettre fin à l’opacité du Vatican qui pèse sur la question de la pédophilie dans l’Église.

Des listes incomplètes

De l’Australie au Chili, en passant par l’Europe ou le Japon, l’Eglise catholique traverse une profonde crise de confiance en raison des révélations d’agressions sexuelles, notamment sur mineurs, commis par des prêtres et longtemps couverts par leur hiérarchie. Aux États-Unis, une enquête des services du procureur de Pennsylvanie a révélé en août des sévices sexuels perpétrés par plus de 300 « prêtres prédateurs » sur au moins 1 000 enfants. Depuis, des procédures en justice ont été ouvertes dans plusieurs Etats et de nombreux diocèses ont publié des listes de prêtres ayant été visés par des accusations crédibles depuis les années 1950. Mais ces listes contiennent surtout des dossiers de prêtres déjà connus, jugés ou décédés. Les associations de victimes soupçonnent ces listes d’être incomplètes.

Quelque 500 cas dans l’archevêché de Los Angeles

En octobre dernier, un Américain de 52 ans, violé par un prêtre lorsqu’il était adolescent, avait annoncé avoir porté plainte contre le Vatican pour forcer le clergé catholique à révéler les noms de tous ceux en son sein qui sont soupçonnés d’actes pédophiles, quel que soit le pays. « Je cherche juste la vérité, il ne s’agit de rien d’autre que cela », avait déclaré le plaignant, Manuel Vega. « Vous ne pouvez pas imaginer ce que ces prêtres nous ont fait. Et l’Eglise catholique est restée inactive (…). Cette inaction continue à faire du mal aux enfants« , avait poursuivi le plaignant. Alors qu’il était enfant de chœur, il aurait été abusé durant cinq ans par Fidencio Silva-Flores, à l’époque curé d’une paroisse d’Oxnard en Californie. Manuel Vega fait partie des quelque 500 personnes victimes d’attouchements ou de viols commis par des prêtres qui ont conclu en 2007 un accord avec l’archevêché de Los Angeles, le plus grand des Etats-Unis. Les plaignants ont reçu au total 660 millions de dollars de l’archevêché contre l’abandon des poursuites.

Cécile Da Costa