Saint-Denis : la Pride des banlieues célèbre les fiertés des quartiers populaires

Ce samedi 3 juin aura lieu la troisième édition de la Pride des banlieues à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), une marche militante visant à mettre en avant les revendications des personnes LGBTQIA+ des quartiers populaires.

Samedi 3 juin, le cortège de la Pride des banlieues défilera dès 14h dans les rues de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Crédit : La Pride des banlieues/Twitter

« Placer les marges au centre des luttes ». Telle est la volonté du collectif de la Pride des banlieues, créé en 2019 par des membres de l’association Saint-Denis au centre. L’objectif : déconstruire le supposé obscurantisme des quartiers populaires face aux questions LGBTQIA+ et rendre visibles les personnes LGBTQIA+ des quartiers populaires, notamment de Seine-Saint-Denis. Il s’agit de porter les revendications propres à ces territoires afin de « dégager des solutions aux problématiques vécues par les habitants de Seine-Saint Denis de façon autodéterminée », a expliqué Mihena Alsharif, membre du comité d’organisation dans un billet de blog sur Mediapart.

Pour cause, dans les quartiers populaires, l’homophobie et la transphobie sont souvent couplés à d’autres discriminations et les personnes concernées ne se sentent pas toujours représentées dans la traditionnelle Marche des fiertés parisienne. « Lorsqu’on est LGBTQI+ en quartiers populaires, aux LGBTphobies viennent s’ajouter le racisme, la précarité et l’abandon des services publics. Nos revendications prennent donc en compte ces enjeux qui s’intersectionnent », détaille Yanis Khames, l’un des coordinateurs de la Pride des banlieues dans les pages du média Komitid.

Un accès élargi à la PMA, la revendication centrale en 2023

Après une première édition en 2019 et une seconde en 2022, centrée sur la question du logement pour les personnes LGBTQIA+ des quartiers populaires particulièrement touchées par le mal-logement, cette année la revendication mise en avant est celle de la PMA pour tous et toutes. En effet, malgré l’ouverture de la procréation médicalement assistée aux femmes seules et aux couples de femmes en 2021, les hommes trans, qui peuvent pourtant dans certains cas porter un enfant, en sont toujours exclus. Le collectif pointe aussi du doigt les inégalités face au droit à la PMA, notamment pour les personnes non-blanches, qui font face à des délais d’attente plus longs pour accéder à un don de gamètes en raison de l’obligation d’appariement.

Plusieurs personnalités publiques ont d’ores et déjà apporté leur soutien à l’évènement comme l’humoriste Tahnee, l’acteur et réalisateur Océan, ou encore l’actrice Adèle Haenel.

L’année dernière, 10 000 personnes avaient rejoint le cortège dans les rues de Saint-Denis, soit trois fois plus qu’en 2019. Suite à ce succès, le collectif d’organisation de la marche est devenu un mouvement actif tout au long de l’année. Dans cette optique, Yanis Khames, a écrit un livre, intitulé Les marges au centre de la lutte (Double ponctuation, 2023) qui est sorti en mai dernier. Dans celui-ci, il pose les bases théoriques et pratiques du mouvement, afin d’expliciter leur démarche.

Marie SCAGNI

Harry Styles au Stade de France : « Tu es et tu aimes qui tu veux »

Ce jeudi 1er juin dès l’aube, une joyeuse foule s’est réunie aux abords du Stade de France. De nombreux fans attendent avec impatience le concert de leur idole pop Harry Styles. Sous les couvertures de survie des plus courageux, sur place dès la veille, les tenues les plus extravagantes sont permises, à l’image du chanteur qui revendique sa bienveillance et son ouverture d’esprit. Si certains accusent ce dernier de s’approprier les codes de la culture queer pour vendre, ses fans affirment qu’il représente un véritable changement bénéfique des critères de masculinité.

Les fans attendent le concert d’Harry Styles devant le Stade de France / Photo : Léa Warrin

Derrière les barrières qui les séparent de l’entrée, Marine et Marion se maquillent assises par terre. Les deux jeunes femmes de 19 et 23 ans sont là depuis six heures du matin. Elles racontent l’histoire qui les lie à leur idole : dès 2010, elles écoutaient les CD des One Direction dans leur chambre de jeunes adolescentes. Le boysband auquel appartenait Harry Styles se démarquait déjà par la bienveillance de ses paroles : « On regarde souvent avec mépris les groupes de fans féminins, elles passent pour des hystériques. Les One Direction ont réussi à former une grande communauté très forte, bienveillante et majoritairement féminine. On les aimait en tant que groupe, mais on aimait aussi chacun des membres pour leur personnalité« , témoigne Marine.

Autour d’elles, beaucoup de groupes se sont formés au gré des nouvelles rencontres. De nombreuses fans sont venues seules, persuadées qu’elles trouveraient des consœurs avec qui partager ce moment. C’est de cette manière que Linda et Morgane, 50 ans, se sont rencontrées. Ses deux fans de la première heure ont sympathisé dans la fil d’un concert et depuis elles parcourent le monde pour suivre leur idole ensemble. Linda affirme : « Nous sommes dans un monde régi par les hommes et Harry Styles est une figure qui permet de casser les codes. Il prône des valeurs de liberté et de respect qui sont importantes à transmettre. C’est comme cela qu’il a créé toute une sororité autour de lui ».

Les fans se rencontrent et se changent pour ce soir devant le stade de France / Photo : Léa Warrin

La majorité des personnes présentes ont grandi avec les One Direction et sont entrées dans l’âge adulte au rythme des chansons d’Harry Styles : une évolution au diapason qui renforce encore l’attachement. Pendant qu’elle peint de grands cœurs rouges sur une pancarte, Pauline, 18 ans, raconte : « Quand j’étais plus petite, j’aimais que le groupe parle des histoires d’amour entre adolescents. Aujourd’hui ce n’est plus ce que j’attends d’un artiste. Harry Styles évoque beaucoup les thèmes de la santé mentale dans ses chansons, et ça me parle« . Un discours qui évolue au rythme de son audience, et qui prend en compte des sujets de société comme le harcèlement, l’anxiété ou la dépression. En somme, Harry Styles se fait le porte-drapeau des luttes émergentes chez les adolescents en refusant de s’inscrire dans les stéréotypes de la masculinité.

Linda et Morgane se sont rencontrées à un concert et depuis elles parcourent le monde au rythme de leur idole / Photo : Léa Warrin

« Pas besoin de faire partie de la communauté pour la soutenir »

Certains considèrent que les engagements d’Harry Styles ne sont qu’une manière de rester en vogue. Il est accusé de « queerbaiting« , une pratique marketing visant à tenter d’attirer les personnes de la communauté LGBT en reprenant leurs codes. Du côté des fans, c’est la levée de boucliers : Evan, 20 ans, dénonce ce qu’il considère comme les travers de sa communauté : « Je suis LGBT et pour autant je trouve que ces accusations sont injustes. Le propos de la lutte est de mettre fin aux cases qui définissent les êtres humains de manière arbitraire, et lorsque quelqu’un d’extérieur reprend ces principes ça déplaît. Ça n’a aucun sens« .

Juliette colle les derniers strass sur son costume avant le concert / Photo : Léa Warrin

Quelques mètres plus loin, Juliette, 24 ans, continue à coller les strass multicolores sur son costume. Pour elle, les figures très médiatisées comme Harry Styles permettent de mettre en lumière les luttes féministes et LGBT : « Il remet en question ce que représente la masculinité et c’est comme ça qu’il participe à l’évolution des mentalités. Pas besoin de faire partie de la communauté pour la soutenir« . Devant le Stade de France, les avis sont dithyrambiques : cette icône contemporaine est positive et joyeuse, il ne faut pas chercher au-delà. Gwen, 20 ans, estime qu’une distance est nécessaire entre les artistes et le public : « Avec les réseaux sociaux, on essaye de faire coller nos idoles à nos idéaux, ce n’est pas sain. Je l’aime pour ce qu’il représente, au fond je ne sais pas ce qu’il est« .

Léa warrin
Manon et Marion ont fait leur costume ensemble pour l’occasion / Photo : Léa Warrin

 

Mois des fiertés : le soutien intéressé des grandes marques

Juin est un mois particulier pour la communauté LGBTQIA+. Surnommé « mois des fiertés », il marque l’occasion de célébrer les minorités sexuelles et les personnes transgenres, partout dans le monde. Une occasion, aussi, pour les marques de s’assurer la fidélité de toute une clientèle.

Tous les ans, la période des « pride » s’accompagne souvent d’achats / crédit
Angela Compagnone via Unsplash

Le 1er juin marque le début du « mois des fiertés ». En France, les « pride », ces manifestations festives qui célèbrent la communauté LGBTQIA+ (Lesbiennes, Gays, Bisexuels, Transgenre, Queer, Asexuels et autres), n’attendent pas nécessairement le mois de juin. À Papeete, en Polynésie Française, le bal s’est ouvert dès le 18 février. Des grandes villes comme Lille, Reims ou Angers ont fêté la pride au mois de mai. Marseille, Rouen et Nice marcheront en juillet, et Limoges clôturera le bal en septembre.

La tendance grandissante du « capitalisme arc-en-ciel »

Une autre tendance se fait de plus en plus remarquer : le « rainbow capitalism » (capitalisme arc-en-ciel, en référence aux couleurs du drapeau LGBTQIA+). Ce néologisme est né outre-Atlantique. Il décrit la tendance des grandes marques à cibler cette clientèle dans leur communication pour lui vendre des produits aux couleurs du drapeau. Le phenomène d’autant plus fort lors du mois des fiertés. Comme pour le « green-washing », qui passe par la mise en avant des valeurs du respect de l’environnement, le « pinkwashing » est aussi une manière de redorer l’image de marque de certaines entreprises. Promouvoir la communauté LGBTQIA+ devient ainsi un argument commercial.

Souvent, le moyen le plus utilisé consiste à accoler un drapeau arc-en-ciel au logo d’une marque, publier un communiqué de presse au début du mois des fiertés, en soutien aux personnes LGBTQIA+. En 2019, les laboratoires Pfizer et les entreprises postales UPS et Fedex ont tenté l’expérience. En parallèle, ces entreprises ont toutes financé des campagnes de politiciens ouvertement opposés aux droits de la communauté, selon des journalistes de Forbes .

Mais, souvent, le rainbow capitalism tente de créer des produits à destination de ladite communauté, et souvent pour plus cher. Par exemple, le géant suédois IKEA facture son classique sac bleu 0.99€. Le même format, aux couleurs de l’arc-en-ciel, coûte 1,70€. En 2021, la marque présentait une série de canapés dessinés par des artistes de la communauté. Un design hors du commun, en particulier, censé représenter la bisexualité, affublée d’un « personne ne te croît », trait d’ironie sur le préjugé de la bisexualité considérée comme une « étape » vers l’homosexualité.

@victoriahammett The headline😭 “ikea made an ugly judgemental couch”#greenscreen ♬ original sound – Victoria Hammet

Toute représentation est-elle bonne à prendre ?

Pourtant, l’objectif productiviste des grandes marques permet quand même aux personnes LGBTQIA+ de se voir exister, célébrées même. Le choix de soutenir la communauté LGBTQIA+, quelles que soient les motivations des marques, ne fait pas juste ressortir la capacité des publicitaires à innover pour continuer à vendre. C’est également un choix risqué, en particulier dans des climats sociaux marqués par l’homophobie. Aux Philippines, le restaurateur McDonald’s a dévoilé un spot publicitaire qui met en scène une romance naissant entre deux jeunes femmes. Exit le balcon de Vérone, les jeunes amoureuses vivent leur romance à travers la fenêtre du drive. Un geste, peut-être intéressé, mais pas anodin dans un pays dont le président Rodrigo Duterte affirmait en 2019 avoir « soigné son homosexualité« , comparant l’homosexualité à une maladie.

Un soutien plus ou moins intéressé qui fait réagir les conservateurs. Target, la chaîne de supermarchés très populaire aux Etats-Unis en a fait les frais. Habitué des collections spéciales mois des fiertés, les supermarchés ont annoncé la semaine dernière retirer de leurs rayons une partie de leur offre. Une offre qui s’élève à plus de 2 000 produits spécifiquement fabriqués pour l’occasion. La marque cite une augmentation des violences dans ses magasins pour justifier le retrait d’une partie de cette marchandise. En avril, la chaîne de magasin avait déjà fait face à des vagues de violences de certains clients conservateurs après que la marque de bière Budlight, distribuée chez Target, ait collaboré avec l’influenceuse transgenre Dylan Mulvaney.

@screenshothq He deserves a nice cold can of Bud light after that hard work 🤣 #budlight #dylanmulvaney #transcommunity #walmart ♬ original sound – EpicGamingMusic

Le designer à l’origine des collections de la « pride » de Target, Erik Carnell, un homme transgenre et gay, a déploré la décision du retrait de ses marchandises. « Cela établit un dangereux précédent, si des personnes s’agitent suffisamment autour de produits que vous vendez, vous pouvez vous désolidariser entièrement de la communauté LGBT, quand et si cela vous arrange« , confie-t-il à l’agence Reuters. Il aurait reçu des menaces de mort lors des dernières semaines, et n’aurait reçu aucun soutien de la chaîne.

Shad De Bary

Les “stratégies d’invisibilité” des personnes LGBT+ pour éviter les agressions

Les actes de violence physique envers les personnes LGBT+ ont progressé de cinq points en un an en France selon une étude Ifop publiée ce lundi 13 mai. Face à cette escalade de la violence, la communauté LGBT+ se cache de plus en plus.
« Plus d’une personne LGBT+ sur deux déclare avoir fait l’objet d’une agression homophobe au cours de sa vie » / Crédits : Jaime Perez, Creative Commons

Plus de la moitié des personnes LGBT+ (55%) ont subi une agression au cours de leur vie.  C’est “une hausse significative”, souligne l’Ifop, qui a réalisé cette enquête pour la fondation Jasmin Roy-Sophie Desmarais. Révélée ce lundi 13 mai, dans le Monde et sur France Info, elle met en évidence une escalade de la violence à l’égard de cette communauté.

La dernière enquête de ce genre réalisée par l’Ifop datait de juin 2018. A cette époque, 3% des personnes LGBT+ avaient subi des violences physiques. Aujourd’hui le chiffre a doublé et atteint les 7%.

Des “stratégies d’invisibilité”

Le questionnaire adressé aux  1.229 personnes homosexuelles, bisexuelles et transgenres, âgées de 18 ans et plus, montre également que pour éviter les agressions, la communauté LGBT+ se cache. Près de sept personnes LGBT+ sur dix (68%) ont mis en place des “stratégies d’invisibilité” dans leur vie quotidienne pour éviter les agressions. Deux-tiers des personnes interrogées évitent de s’embrasser en public (67%) ou de se tenir la main dans la rue (62%). La moitié des personnes LGBT+ interrogées ne se montrent pas à leurs voisins en compagnie d’une personne de même sexe. Et enfin 28% évitent de voir certains de leurs proches.

Même dans le Marais, à Paris, on évite de se montrer, les insultes pleuvent très vite” confie Nico, un jeune trans bénévole au Centre LGBT Paris Ile de France. Selon lui, “gommer son identité”, comme il le dit, devient indispensable pour se protéger. Au détriment de son affirmation identitaire. “Il faut ruser », poursuit-il, « le soir c’est toute une affaire. Il faut éviter de rentrer seul, avec une tenue provocante”.

 

A « l’invisibilité » s’ajoutent les “stratégies d’évitement”. Certains territoires jugés “anxiogènes” sont ainsi contournés. Ainsi, 37% des personnes interrogées évitent certaines rues ou quartiers de leur ville. C’est trois points de plus que l’année dernière. L’enquête révèle à ce titre que 16% d’entre elles aimeraient changer de ville en raison de l’hostilité qu’ils y ressentent envers leur orientation sexuelle.

Se protéger, une nécessité

Face à la recrudescence d’actes anti-LGBT+, les associations ont décidé de conseiller les personnes en cas d’agression. Des cours de self défense LGBT+ ont même été mis en place, comme à Nice. Depuis deux ans, Pierre-Yves en dispense pour les personnes homosexuelles, bisexuelles ou transgenres, “qui souhaitent apprendre les techniques à adopter en cas d’agression”. En pratique, les gestes enseignés ne diffèrent pas vraiment des cours habituels d’auto-défense mais, réservés à la communauté LGBT+, ils se concentrent aussi sur la confiance en soi et l’affirmation de son identité.

L’application Hornet, concurrente du site de rencontre américain Grindr, a même élargi son champ d’action en ouvrant un site avec une ligne éditoriale. Sur leur page, de nombreux articles proposent des techniques pour sortir en sécurité. Il énumère également les cinq conseils établis par Catherine Haycraft, directrice de EMERJ-SafeNow, une organisation américaine qui enseigne différentes stratégies pour faire face à ce genre de situations. Parmi ces conseils, l’Américaine recommande par exemple de toujours planifier sa soirée  – allers et venues – pour ne pas être seul, de dire à ses proches où l’on va et avec qui. Il est conseillé de se tenir éloigné des haies, “qui offrent un camouflage idéal aux agresseurs” ou encore de crier en cas de danger pour attirer l’attention d’éventuels passants.

Les résultats de cette enquête seront présentés mardi 14 mai par Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes, à quatre jours seulement de la journée mondiale de la lutte contre l’homophobie et la transphobie le 17 mai.

 

Anne-Cécile Kirry