Cinq raisons d’aller voir le spectacle « Carmen(s) »

José Montalvo, chorégraphe et metteur en scène français, signe un spectacle de danse sur le personnage de Carmen, une bohémienne andalouse symbole de la liberté. En dépit de quelques longueurs et de gestes imprécis, voici cinq raisons pour lesquelles ce spectacle vaut le détour…

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1. Un spectacle politique

Liberté. Le personnage de l’opéra de Bizet incarne l’émancipation féminine, l’indépendance d’une bohémienne qui préfère mourir plutôt que de céder aux avances de son ex-amant. Car « l’amour est enfant de bohème, qui n’a jamais jamais connu de lois… » Mais cette liberté n’est pas réservée aux femmes : les hommes peuvent s’identifier à l’héroïne, comme ce danseur qui dira pendant le spectacle : « Carmen, c’est moi. »

Les seize danseurs balancent ainsi entre sensualité et force de caractère, et c’est là une originalité de l’oeuvre de José Montalvo : dévoiler la personnalité de chaque danseur, notamment lors d’une séquence où leurs témoignages sont projetés sur la scène. Fiers, touchants, les artistes disent ce que Carmen signifie pour eux, tandis que, seuls sur le plateau, ils meuvent leur corps librement et dans leur style respectif.

Support d’un discours sur la sexualité libre, Carmen évoque aussi l’exil. Chaque migrant est une Carmen, ce qui explique encore une fois le pluriel apposé au titre du spectacle. Et là encore, la danse vient libérer ces danseurs, qui viennent de France, d’Espagne ou de Corée.

2. Un classique revisité

On réécoute l’opéra de Bizet, ses morceaux orchestrés ou humés, chantonnés, frappés par les danseurs. Danse classique, claquettes, flamenco ou hip-hop s’harmonisent en un métissage rappelant le thème de la migration. De quoi enrichir cette oeuvre dont le thème semblait fait pour accueillir ce mélange de cultures.

3. Du bon usage de la vidéo

José Montalvo met aussi à profit ses compétences de vidéaste. Derrière les danseurs, un grand panneau projette des scènes qui viennent parfois faire partie intégrante du spectacle, comme lors de la séquence de témoignages dont nous avons parlé, ou quand une des danseuses joue avec un taureau… C’est aussi un moyen d’approcher les comédiens qui sortent de l’anonymat produit par la distance de la scène. On découvre leur personnalité, leur visage, leur style vestimentaire au quotidien… L’écran nous rappelle l’inscription politique de Carmen et brise la frontière du théâtre.

4. De la danse… et du chant

Les danseurs ont aussi des qualités de musicien. Ils se saisissent de percussions, d’une flûte exotique ou d’une cornemuse revisitée. Ils chantent, aussi, avec leur accent asiatique, anglophone ou hispanique. A capella, et avec justesse.

5. De l’humour

Le spectacle invite enfin au rire. Comme avec cette danseuse espagnole au caractère bien trempé et dont l’énergie est contagieuse. Elle est d’autant plus attachante que le public est parfois directement interpellé. Des scènes miment des bagarres échevelées aux accents ninja, d’autres se moquent du sexisme. Le tout est distillé de petites pointes d’humour. Et comble du plaisir : les danseurs, visiblement, s’éclatent.

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Fanny Guyomard

Décryptage : la mode des web radios Hip-Hop

OKLM Radio est la plus connue mais pas la première des web radios. Elles pullulent sur internet, se déclinent sous plusieurs formes, se multiplient comme des cailloux dans la chaussure de Skyrock, Générations, ou du Mouv’, les radios FM qui ont le monopole du Hip-Hop en France. No Fun, Zone 26, Radio RapTz ou Piiaf, les web radio Hip-Hop, séduisent et rassemblent de plus en plus d’audience. Comment expliquer ce phénomène ? D’abord, un point commun est essentiel pour toutes ces radios : la liberté de ton. On ne s’interdit rien. La seule règle est la pertinence et la qualité du son diffusé. Mehdi Maizi, animateur de l’émission « La Sauce » sur OKLM Radio et du podcast No fun résume : « On veut donner la parole à tous ceux que l’on trouve bons, qu’ils soient en train d’éclore ou non. »

Ces nouvelles radios profitent également du peu de contraintes dont elles sont sujettes. « On est obligé de diffuser 40% de morceaux en français, de respecter un cahier des charges et de rendre des comptes au CSA » précise Fred Musa, tête d’affiche de Skyrock. Elle peut aussi se targuer d’être écoutée par 4 millions d’auditeurs par jour, pendant qu’OKLM, la plus connue des WebRadios a été téléchargée environ 1 million de fois. Dj Diemone, membre du collectif Scred Connexion explique cela par « un vide médiatique». « Générations ou Skyrock ne passent que du rap commercial et ne font plus découvrir d’artistes. Aux Etats-Unis, il y a des radios qui passent du rap en continue et pas forcément connu. ». Désormais, en France, les web radios font la même chose.

 

Clément Dubrul et Ryad Maouche

Les millionnaires du rap américain

Jay-Z
Chemise blanche et cravate noir, le rappeur Jay-Z porte la tenue du parfait chef d’entreprise.

Si la pratique du rappeur-businessman n’est encore qu’à ses débuts en France, aux Etats-Unis elle est monnaie courante. Absent de la scène rap depuis 2015, Sean Combs surnommé Puff Daddy, s’impose comme l’artiste hip-hop le mieux payé du monde en 2016 selon le classement du magazine Forbes. Il a engrangé 62 millions de dollars rien que sur l’année précédente, lui permettant d’atteindre une fortune totale estimée à plus de 800 millions de dollars. Mais d’où vient tout cet argent ? Création d’une marque de vêtements, d’une chaîne de restaurants, d’un parfum et plus récemment, un partenariat avec la marque de vodka Cîroc, « P. Diddy » est sur tous les fronts.

Deuxième du classement avec 53 millions de dollars en 2016, le rappeur Jay-Z n’est pas à plaindre. Lui qui affirme dans sa chanson Diamonds From Sierra Leone : « I’m not a businessman, I’m the business, man ! », a bâti un véritable empire commercial. En vendant sa marque de vêtements Rocawear en 2007 il a empoché la modique somme de 204 millions de dollars. Grâce à cela, il a racheté la marque de champagne Armand de Brignac, a lancé sa plate-forme de streaming Tidal et s’est même permis d’être actionnaire minoritaire d’une équipe de NBA. Enfin, comment ne pas citer le rappeur Dr.Dre. En 2014, il est devenu le premier rappeur milliardaire grâce à la vente de sa société de casques audio Beats à Apple pour 620 millions de dollars (!). Le rap français a donc encore de longues années devant lui avant d’espérer se rapprocher des sommes générées Outre-Atlantique.

 

Clément Dubrul et Ryad Maouche

Booba, le patron du « game »

Lorsque l’on s’intéresse à cette question des rappeurs-entrepreneurs, il est difficile de passer à côté d’Elie Yaffa alias Booba. Elu « Businessman de l’année » par le magazine GQ en 2016, le natif de Boulogne-Billancourt s’est imposé comme l’exemple à suivre.

 

Booba Unkut
Booba se fait égérie de sa propre marque Ünkut

 

Plus d’un million d’albums vendus en vingt ans de carrière, « le Duc de Boulogne » est clairement devenu l’un des poids lourd du rap français ces dernières années. Pour obtenir et conforter ce statut, le rappeur de 40 ans a très vite décidé d’investir dans d’autres secteurs que la musique. Dès 2004, il annonce la création de sa marque de vêtements streetwear : Ünkut. Une initiative qui va révéler au grand jour le côté businessman du rappeur qui s’est beaucoup inspiré de ses homologues américains Jay-Z ou Puff Diddy.

En bon chef d’entreprise, il comprend très vite les règles de ce nouvel environnement. Tout d’abord, il a fait en sorte de créer une marque qui n’est pas adressée uniquement à ses fans mais à un public beaucoup plus large. Le nom Ünkut (qui signifie littéralement « non-coupé », « non-censuré ») ne fait aucune référence au rappeur lui-même. Ensuite, tout se joue dans la communication. Booba insère de nombreuses références au sein même de ses chansons : « Si ton polo c’est pas du Ünkut, négro, ne le mets pas » affirme-t-il dans sa chanson B2OBA sortie en 2009. De plus, au sein de ses clips ou sur les réseaux sociaux, le rappeur ne porte que des vêtements Ünkut. L’image du rappeur est donc éternellement associée à cette marque dont il fait exclusivement la promotion. Enfin, il obtient une énorme visibilité lorsque certaines stars du football comme Karim Benzema ou Cristiano Ronaldo s’affichent en portant des vêtements Ünkut.

 

Une stratégie parfaitement bien huilée qui a permis à la marque de devenir une référence incontournable de la mode streetwear dès les années 2010. Avec 450 points de vente, cinq boutiques officielles et une clientèle très variée, qui ne se limite pas aux jeunes de banlieue, le pari est plus que réussi pour Booba. De quoi lui faire pousser des ailes et le conduire à élargir son champ d’activité en dehors de la musique. Un parfum en 2014, sa radio et sa chaîne de télé « OKLM » en 2015, et même son propre whisky en 2017, le « boss » veut étendre son empire. Celui qui a annoncé qu’il arrêterait la musique aux alentours de 45 ans, peut déjà envisager l’avenir sereinement.

 

Clément Dubrul et Ryad Maouche