Aux Mureaux, une rénovation exemplaire ?

Troisième plus grand projet de rénovation de l’Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU), la réfection de 70 hectares dans la ville des Mureaux, en Yvelines, se veut exemplaire. Le projet, initié en 2006, est financé à hauteur de 409 millions d’euros par l’ANRU et concerne 15 000 habitants – soit près de la moitié de la population – et 30 % de la surface de la ville. Ecoquartier, nouveau parc, attraction d’entreprises d’envergure… Le pari semble réussi aux Mureaux.

Pourtant, des critiques ne manquent pas de s’élever contre ce projet. Plus d’un tiers des personnes relogées ont été déplacées hors de la ville et les loyers des personnes qui restent dans le quartier rénové ont augmenté. Bien que cette hausse ne soit pas démesurée, elle reste importante pour des habitants de faible niveau socio-économique. Et la part de logements sociaux réservés aux plus faibles loyers est passée sous les 10 %.

Gautier VIROL et Ambre LEPOIVRE

Détruire les cités pour reconstruire leur avenir

La cité Gagarine à Ivry-sur-Seine, son enclavement, sa vétusté et les difficultés sociales qu’elle renferme. Autant de raisons qui font que ce quartier fait partie du Projet National de Rénovation Urbaine, afin d’améliorer la qualité de vie de ses habitants. Cette restructuration est un phénomène national qui s’applique aux grands ensembles les plus fragiles de France. 490 secteurs sont déjà en cours de rénovation pour mettre fin aux situations d’enclavement et de misère sociale. Ces projets d’envergures, encouragés par le projet de la métropole du Grand Paris, sont bien acceptés dans la plupart des cas. Mais à Gagarine, comme ailleurs, ils soulèvent néanmoins de nombreuses critiques : boboïsation, gentrification, déplacement de population. En Ile-de-France, les principaux concernés par ces rénovations urbaines ne sont pas toujours satisfaits des conséquences de ces aménagements.

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 La cité Gagarine, en passe d’être démolie d’ici 2018.

« C’est bien de rénover mais qu’est-ce qu’on devient, nous ? ». Au tabac de la rue Saint-Just, à Ivry-sur-Seine, les discussions tournent toutes autour de la rénovation du quartier de la cité Gagarine. Le propriétaire du bar-tabac se préoccupe de son avenir car il souffre depuis un an d’une baisse de son chiffre d’affaires à cause des départs entrainés par la démolition de 376 logements, programmée pour 2018. « Je ne sais pas si j’arriverai à tenir jusqu’à ce que le quartier soit reconstruit », lance-t-il, accoudé à sa caisse, devant les paquets de cigarettes. « On nous éloigne de notre quartier de toujours », déplore Riad Bekaebir, un fidèle client, son café à la main.

Gagarine est à cheval entre le centre-ville d’Ivry et le quartier Parmentier. 380 familles vivent derrière ces murs aux briques rouges, hauts de treize étage. Quelques commerces gravitent autour de ce grand ensemble agencé en forme de « T » : une boulangerie, une pharmacie, un tabac et un supermaché desquels les habitants sortent les bras chargés de courses. Le temps s’arrête autour des groupements de jeunes assis sur leur scooter, en bas des tours. La résidence est peu accueillante. « Le quartier pâtit d’une mauvaise image », raconte Johan Rayneau, chef du projet de rénovation pour la mairie. « Gagarine est également en proie à des difficultés sociales. Notre but est de l’intégrer dans la ville et de lui redonner vie ».

La cité Gagarine a été construite en 1961. A l’image de beaucoup d’autres cités de cette même époque, les bâtiments sont très dégradés. « Ils ont été construits sur des prêts de 50 ans avec l’idée qu’ensuite ils seraient démolis », explique l’urbaniste Alain Bourdin. C’est ce qui se passe aujourd’hui. Le projet, mené par la municipalité d’Ivry-sur-Seine et son Office Public d’Habitat (OPH), prévoit la démolition de la cité Gagarine et le relogement de ses habitants, la réhabilitation des deux tours Truillot (composée de 269 logements), la rénovation d’une copropriété comprenant 402 logements et la création de nouvelles rues et équipements publics. « On a choisi de construire une ZAC (zone d’aménagement concertée) sur 12,6 hectares », détaille Johan Rayneau. « 1430 nouveaux logements vont être construits dont 430 logements sociaux et 1000 en accession à la propriété, ajoute-t-il, ainsi que 65000 mètres carrés de bureaux et 2000 mètres carrés de commerces de proximité. »

Des commerces mis à mal

Mais pour l’instant, l’inquiétude porte sur la situation des commerçants actuels, qui ne bénéficient d’aucune aide pour subsister durant cette période transitoire. « Depuis un an, on subit la baisse du chiffre d’affaires. Ce sera mieux avec les constructions, de nouvelles personnes viendront mais on ne sait pas si on pourra rester jusque-là », déplore Abdellah Anejjara. Il tient sa boulangerie à l’angle de la cité depuis des années et regrette le départ de ses clients.

Le constat est le même pour la pharmacie d’en face. « Le problème c’est que les familles qui partent ne sont pas forcément relogées à côté, donc elles ne viennent plus dans notre pharmacie », raconte Océane Prével. Du côté de la mairie, on rassure les commerçants en leur promettant un meilleur « lendemain ». Mais il semble que ce jour ne soit pas si proche. La jeune femme s’inquiète du départ de ses clients et ne se réjouit pas à l’idée de quitter elle aussi sa cité. Locataire d’un cinq pièces à un prix « très abordable », elle voit d’un mauvais œil les nouveaux logements proposés. « Ils sont neufs, plus petits et en moyenne 25 %  plus chers. » La jeune femme compte rester à Gagarine tant que l’Office Public d’Habitat ne lui offrira pas une solution à son goût. « Ça m’est égal de retarder les travaux, ils ne détruiront pas tant que des familles resteront. Il n’est pas question que je bouge pour aller dans un appartement qui ne me plaît pas », déclare-t-elle avec conviction.

Des habitants perturbés par les travaux

La nouvelle du projet de rénovation est bien accueillie par certains habitants, heureux à l’idée de vivre dans des locaux moins vétustes. « Je suis bien contente de partir. On se sent en insécurité totale ici, la police n’ose même plus entrer dans la cité. On était comme abandonnés », témoigne une jeune habitante qui ne s’attarde pas au bas des immeubles.

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Rue Emile Blin, des familles sont relogées depuis un an. 61 logements sont prévus à cet effet.

Guitane B., elle, a quitté Gagarine il y a un an et est relogée dans un des 61 nouveaux appartements de la rue Emile Blin, située à 15 minutes à pied de son ancien deux pièces. L’immeuble moderne à la façade noire et aux grandes baies vitrées convient parfaitement à la maîtresse de l’école Rosalind Franklin. Elle n’a qu’à parcourir 100 mètres pour atteindre l’établissement scolaire. « La cité Gagarine, c’était le ghetto. C’est une bonne chose qu’on soit partis. Des gens urinaient dans les cages d’escaliers ou les ascenseurs. Il y a même eu des coups de feu, un jour », se souvient-elle, soulagée d’avoir quitté cet environnement. Toutefois, elle doute de la bonne ambiance dans sa nouvelle résidence. « A Gagarine, tout le monde se connaissait. Parfois à Noël, on s’échangeait des plats entre voisins. Ici, même pas en rêve on va retrouver cette ambiance », regrette-t-elle.

Cette mélancolie, Coulibaly Karamoko, le gardien de la cité Gagarine, l’observe chez de nombreux anciens locataires. « Le projet promet une nouvelle vie mais beaucoup d’habitants ont déjà la nostalgie du quartier. » D’après le cinquantenaire à la voix grave et profonde, 50 % des gens ne voulaient pas partir. Ils sont tristes d’avoir perdu leurs habitudes et, pour les 122 appartements encore occupés, tous les moyens sont bons pour retarder le moment du départ. « Les locataires se trouvent des excuses, trop petit, trop cher ou trop loin, pour refuser les logements qu’on leur propose », affirme-t-il, installé dans sa loge totalement délabrée, cigarette aux lèvres. Le gardien salue toutefois l’initiative de la Ville : « Les lieux sont extrêmement vétustes. Les sols s’affaissent. On ne peut pas faire une simple rénovation dans les étages si les sols eux-mêmes sont en mauvais état. »

Un quartier éclaté, des relogements discutés

Depuis deux ans, les habitants sont relogés aux quatre coins de la ville, contraints parfois d’abandonner leurs habitudes dans le centre-ville. « Les gens sont dispersés entre le patrimoine ancien de l’OPH et sept nouveaux sites », précise Palmyre Vallade, responsable du relogement. D’après elle, tout est mis en place pour proposer des loyers identiques à ceux des anciennes habitations. « On est attentifs aux demandes de chacun des locataires », assure la femme aux cheveux courts, dans son bureau sombre et étriqué, perdu dans la galerie commerçante d’Ivry.

En principe, l’organisme doit faire deux propositions de relogement à l’issue desquelles il peut y avoir expulsion si aucune n’est acceptée. « On essaye de ne pas se cantonner à ces deux offres et de trouver la solution la plus satisfaisante pour nos locataires », dit-elle. Palmyre Vallade va plus loin en expliquant que les personnes en difficultés bénéficient d’un suivi pour que leur déménagement se passe au mieux. « Une personne âgée avait des inquiétudes. Nous l’avons fait suivre par l’association Soliha qui l’a accompagnée dans ce changement afin que la transition se passe au mieux. »

Certains Ivryens se plaignent aussi de ne plus avoir accès aux commerces et aux transports dans leur nouvelle résidence, parfois excentrées et coupées des activités urbaines. Pour le spécialiste de la rénovation urbaine, Alain Bourdin, ces dysfonctionnements peuvent être évités si la municipalité les prend en compte. « La ville doit être capable d’apporter des solutions provisoires. Mais toutes les communes n’ont pas les moyens de le faire. » Il faut envisager des alternatives non ruineuses. « Installer des bus qui permettent aux habitants d’une nouvelle zone d’aller jusqu’au métro ou RER », par exemple.

Très vite, les nouveaux logements sont dégradés

Les nouvelles résidences comme Émile Blin, les Champs blancs ou encore Madiba répondent aux objectifs qu’Ivry s’est fixés. Elles rompent avec la conception des cités des années 60 en ne dépassant pas les sept étages. Elles sont construits selon une architecture moderne et épurée, et sont entourés de verdure accueillante. Mais des dégradations apparaissent déjà. « Des baies vitrées ont été cassées, des portes ne fonctionnent plus, l’ascenseur a été détérioré, il y a des tags. Ça va vite », constate Guitane B., lasse. Dès lors, les défauts du projet urbain ressortent. « On ne fait que déplacer le problème. On peut imaginer que dans quelques années, les problèmes sociaux que ces gens connaissaient dans leur cité, réapparaitront », prédit l’urbaniste. « Le problème ne vient pas de l’état des immeubles mais des populations. » Alors, les rénovations c’est bien sur le moment, mais que donneront-elles sur le long terme ?

Comme 119 autres quartiers d’Ile-de-France, et 500 sur l’ensemble du territoire français, le quartier Gagarine fait partie du Programme National pour la Rénovation Urbaine (PNRU), lancé par l’ANRU. L’objectif est de transformer ces secteurs considérés comme « fragiles » et classés en Zones Urbaines Sensibles (ZUS). La rénovation a déjà commencé pour 490 quartiers répartis entre la métropole et les outre-mer. « Quand on créé un espace nouveau, on crée de la société. Il y a un lien constant entre l’urbanisme et l’évolution des milieux sociaux », relate Alain Bourdin.

Le PNRU cherche à transformer les ZUS qui présentent une forte concentration de familles en difficultés sociales et économiques. Il intervient dans les villes où les cités font fuir les éventuels nouveaux locataires et les commerçants à cause de l’insécurité ambiante. La rénovation urbaine est guidée par la volonté d’offrir une meilleure qualité de vie et de mettre fin au phénomène de ghettoïsation. C’est précisément le but recherché avec les travaux de la cité Gagarine.

Un beau projet, pas fait pour les gens de la cité

Un sentiment d’incompatibilité plane cependant dans les allées de la cité. Certains pensent que ce projet ne leur est pas dédié. Plus encore, il favoriserait plutôt la « boboïsation » des villes proches de Paris. « Avec ce projet, on a l’impression qu’ils veulent dégager les Ivryens. Ils proposent de quitter la cité pour des logements plus chers, au-dessus des moyens des habitants de Gagarine. Alors la seule solution pour eux c’est de quitter Ivry », dénonce Riad Bekaebir. Le trentenaire habite le quartier depuis l’enfance. Ici, il connaît tout le monde. Au comptoir du bar-tabac, il s’inquiète de voir les frontières de Paris s’étendre et les petits commerçants disparaître. Avec son ami Ahmed Naas, il critique plus généralement le projet de la métropole du Grand Paris. « A cause de ça, le quartier va se boboïser. C’est un beau projet mais il n’est pas fait pour les gens de la cité, comme nous. »

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Ahmed Naas (à gauche) et Riad Bekaebir (à droite) finissent leur café devant le bar-tabac de la rue Saint-Just.

Améliorer les cités et permettre d’y rester 

Cette crainte, Thomas Degos, directeur général de la métropole du Grand Paris, la comprend. Il admet que ce phénomène s’est déjà produit à l’intérieur de Paris. « En y améliorant la qualité de vie, on a entraîné la hausse des prix et des habitants de longue date n’ont pas pu y rester. Ils ont dû s’éloigner de la capitale », explique-t-il. La même gentrification risque effectivement de se produire en rénovant les quartiers défavorisés de la petite couronne.

Le directeur général pointe une ambivalence dans ce projet de rénovation urbaine. D’une part, il refuse de laisser les gens évoluer avec une qualité de vie médiocre. Il faut donc améliorer le quotidien et l’esthétique des anciennes cités tout en permettant à leurs habitants d’y rester. Pour cela, il faut « maîtriser le foncier grâce à des outils de régulation adaptés ». D’autre part, pour des raisons de mixité sociale, la hausse du prix des logements est parfois nécessaire afin d’attirer de nouvelles populations dans les quartiers populaires.

Le Grand Paris vise à intégrer ses 131 communes « dans un espace homogène », détaille Thomas Degos. « On veut respecter la diversité des territoires en apportant des solutions de logement. » Le modèle urbain de la métropole du Grand Paris ambitionne d’harmoniser le territoire et d’intégrer de la mixité sociale dans tous les quartiers. Dans l’idéal, 40 000 logements devraient être créés chaque année. La rénovation urbaine préexiste au projet du Grand Paris, qui l’a intégrée à sa politique. Il y a une volonté des communes et de la métropole de faire évoluer les cités des années 60. Thomas Degos résume son projet : « On veut donner un sentiment d’appartenance métropolitain à l’ensemble de l’Île-de-France ».

Gautier VIROL et Ambre LEPOIVRE

« Le Cluster Paris-Saclay, un potentiel fantastique »

Le « cluster » Paris-Saclay, géré depuis la loi de juin 2010 par l’établissement Public Paris Saclay (EPPS), regroupe un pôle universitaire en mutation et en plein développement, ainsi que des entreprises de pointe dans des secteurs variés comme la pharmaceutique, l’automobile ou l’aérospatiale. Sans le Grand Paris, et le développement de nouvelles infrastructures de transport permettant de désenclaver le lieu, ce projet vieux de plusieurs décennies aurait pu rester un rêve inachevé.

Tout existe pour que le projet décolle. Il ne manque plus que l’intégration de ce territoire à Paris par un réseau de transport adéquat. Patrick Cheene, le directeur du développement économique de l’EPPS est enthousiaste mais réaliste. « Les entreprises ne viendront pas s’installer si le lieu est situé à 1h30 du centre de Paris en heure de pointe. Avec la ligne 18 du métro qui sera opérationnelle à l’horizon 2023, l’intégration sera réellement effective, et ce pôle de recherche aura les moyens de devenir un véritable MIT (Massachusetts Institute of Technology) à la française. ». Et pour Patrick Cheene, c’est bien là l’apport principal du projet du Grand Paris, dont le développement des transports est géré par la Société du Grand Paris.

Le projet du cluster Paris-Saclay est défini comme une opération d’intérêt national (OIN).
Avec la loi de juin 2010 créant l’établissement public Paris-Saclay, l’Etat souhaitait offrir à ce pole technologique d’Île-de-France un nouvel élan.
Situé à une dizaine de kilomètres du centre de la capitale, le plateau de Saclay, qui couvre un territoire à cheval entre les Yvelines et l’Essonne (voir infographie), bénéficie à partir de 2009 du plan campus qui vise à moderniser les structures universitaires afin de les rendre attractives à travers le monde. L’idée de faire de cette place forte du monde universitaire français, un véritable pôle d’attractivité pour les investissement français et internationaux a donc fait son chemin.

Infographie du Cluster « Paris-Saclay »

Patrick Cheene, a travaillé plus de 15 ans aux Etats-Unis sur les campus du MIT à Boston et de la Silicon Valley en Californie. « Ce qui fait la différence entre ces centres universitaires et les autres à travers le monde, c’est l’émulation permanente qui existe entre les étudiants et les startups les plus puissantes de leurs secteurs. C’est pour tenter de faire la même chose ici que je suis venu ! »
« Le potentiel du projet est fabuleux. » C’est avec un réel enthousiasme que Patrick Cheene évoque ce sujet. Le directeur du développement économique de l’EPPS a comme mission de développer l’assise économique du cluster. « Il existe déjà des communautés sectorielles sur l’ensemble du territoire. Ce qu’il faut, c’est renforcer celles qui existent et en attirer d’autres. »

« Sans le Starbuck local, Google n’aurait peut être jamais existé »

Comme dans la Silicon Valley, les entreprises présentes sur le territoire Paris-Saclay adoptent depuis deux ans le label « Paris-Saclay ». « Une preuve que tout le monde croit au développement du lieu. » selon Patrick Cheene. Des entreprises comme Sanofi, Air Liquide, ou Alcatel ont été les pionnières du lieu et toutes ont labellisé leurs centres locaux « Paris-Saclay ». La proximité avec le campus universitaire qui est en pleine mutation et comportera bientôt 19 écoles et universités de pointe offre un vivier exceptionnel d’ingénieurs, d’informaticiens ainsi que de chercheurs qualifiés et motivés.
Le symbole de cette émulation productive que cherche à créer Patrick Cheene est probablement le Proto 204 « Un lieu neutre ou les acteurs du cluster, étudiants, chercheurs ou professionnels, se rencontrent. Il ne faut pas sous estimer ces lieux de rencontre. En Californie par exemple, sans le Starbuck local, Google n’aurait peut être jamais existé.

Nicolas HORLAIT  et Gaspard WALLUT

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Le Grand Paris est parti pour changer la vie des Franciliens

Paris est la quatrième ville la plus chère au monde en terme d’immobilier. Beaucoup n’ont pas ou plus les moyens de s’y loger. Ils doivent partir en périphérie de la capitale en contrepartie de trajets allongés et difficiles pour le moindre déplacement. Aujourd’hui, les Franciliens ont besoin d’une heure et vingt minutes aller-retour en moyenne pour se rendre sur leurs lieux de travail contre dix minutes il y a soixante ans. Les chantiers du Grand Paris en matière de transport et d’immobilier ont pour but de changer leur quotidien.

Les dates clés de la création du Grand Paris

Né en janvier 2012, le projet Grand Paris Express a pour objectif de rendre aux habitants d’Île-de-France un temps de trajet lieu de vie – lieu de travail raisonnable.

De plus, l’adoption du projet Grand Paris en juin 2010 par le Parlement a entériné un objectif de construction de 70 000 nouveaux logements par an sur vingt-cinq années.

L’objectif combiné de ces deux mesures est de faire tomber les barrières séparant Paris de sa banlieue. Avec plus de 200 kilomètres de rails supplémentaires, la construction de soixante-douze gares et l’ouverture de quatre nouvelles lignes de métro, le Grand Paris va améliorer de façon significative le quotidien des Franciliens. A l’horizon 2030, 90% d’entre eux habiteront à moins de deux kilomètres d’une gare.

Un réseau repensé et modernisé

Dans un premier temps, la ligne 14 sera prolongée. Reliant aujourd’hui Saint-Lazare à Olympiades, elle permettra à l’horizon 2024 de relier le pôle d’affaires de Saint-Denis Pleyel au nord à l’aéroport d’Orly au sud, et ce en moins de vingt minutes. Aujourd’hui un tel trajet nécessite d’emprunter deux métros et un bus pour une durée totale d’une heure et vingt minutes.

La ligne violette, déjà 100% automatique, sera aussi modernisée : de nouvelles rames de huit voitures contre six aujourd’hui verront le jour. La capacité maximale progressera de 30 000 voyageurs par heure à 40 000, les temps d’attente entre chaque rame ont par ailleurs déjà diminué de dix secondes en moyenne.

La RATP souhaite faire de la ligne 14 l’épine dorsale de son nouveau réseau et ainsi désengorger le réseau existant, avec une mobilisation accrue pour la ligne 13. Cette dernière compte en moyenne 4,5 personnes par mètre carré soit une surcharge de 116% par rapport à la norme. De surcroît c’est l’une des lignes que les usagers aiment le moins. La cause de cette surcharge ? 10% du réseau RATP reçoit 40% du trafic ferroviaire francilien.

L’augmentation de 21% du trafic ferroviaire en dix ans n’a rien arrangé à ce déséquilibre. Il était devenu indispensable à la RATP de repenser son réseau. C’est pourquoi elle ouvrira quatre nouvelles lignes de métro d’ici à 2030 et sera au cœur du développement de nouveaux pôles. Ce projet est soutenu par la Cour des comptes qui a conclu le 8 avril 2015 à la nécessité de bâtir des villes aux portes de la métropole.

Ainsi, les quatre nouvelles lignes seront toutes reliées à la station Saint-Denis Pleyel qui a vocation à devenir un véritable pôle d’influence du Grand Paris. Il s’agit déjà d’un vivier d’entreprises intéressant. Selon l’INSEE, le taux d’emploi est de quatre points soit un habitant pour quatre emplois. D’autres centres et pôles économiques profiteront du prolongement du réseau RATP comme par exemple le cluster technologique Paris-Saclay (lire notre article « Le cluster Paris-Saclay, un potentiel fantastique »).

La ligne 15 sera la première nouvelle ligne en service. Elle desservira 34 stations autour de Paris en réalisant un tour complet de la capitale. Les habitants des départements franciliens n’auront plus obligatoirement à passer par Paris dans leurs trajets banlieue – banlieue. C’est un premier pas vers le développement de la périphérie.

INFOGRAPHIE TEMPS DE TRAJET

Les lignes 16, 17 et 18 ont pour rôle de désengorger le RER en reliant des villes de grande banlieue comme Le Mesnil-Amelot ou Orsay. Grâce à elles il sera possible de relier les aéroports d’Orly et de Roissy en une trentaine de minutes, contre plus d’une heure aujourd’hui.

Guillaume Fis, 25 ans, est impatient à l’idée de réduire son temps de trajet par trois : « je vis à Meudon et je travaille à la Plaine-Saint-Denis. Je mets 1H30 chaque jour pour aller au travail et 1H30 pour en revenir. Avec l’Arc Express je mettrai seulement 30 minutes ! » Quant à elle, Marion Cieutat est étudiante et accomplit chaque jour un périple similaire pour se rendre sur son lieu d’études : « Au mieux je mets 35 minutes de Mantes-la-Ville à Saint-Lazare en transilien puis 20 minutes en métro. Au pire c’est 1H10 de transilien plus 20 minutes de métro ».

« Nous allons vers un Paris 2XL avec le doublement des infrastructures ferroviaires, retient le secrétaire national PS au travail François Kalfon. Il sera bientôt possible d’aller de la Seine-et-Marne au fort d’Issy-les-Moulineaux en 20 minutes grâce au métro. C’est aujourd’hui infaisable en voiture, même à minuit. »

Le réseau RATP s’améliorera aussi en confort puisque les usagers pourront bénéficier d’internet dans les rames avec un réseau 5G, soit un débit jusqu’à trente fois supérieur à celui de la 4G.

Le grand pari du logement

On retrouve également de grands chantiers pour étendre l’offre immobilière en banlieue. La loi promulguant le Grand Paris prévoit la construction de soixante-dix mille nouveaux logements par an jusqu’en 2025. La construction en périphérie va dans le sens de l’agrandissement du réseau de la RATP : le but est de désenclaver la banlieue pour l’intégrer dans la métropole que doit constituer le Grand Paris. La chute des frontières entre la capitale et sa périphérie offre à l’agglomération douze millions d’habitants et un tiers du produit intérieur brut français.

Aujourd’hui la région ne parvient pas à respecter le cap fixé par la loi Grand Paris du 20 mai 2010, elle est à peine à quarante mille nouvelles constructions par an. La faute à certains élus qui refusent la construction de logements sociaux dans leurs communes. Le problème devrait cependant rapidement trouver une réponse : l’État réfléchi actuellement à utiliser le processus des opérations d’intérêt national (OIN) dans les zones qui “bloquent”, un cadre juridique qui permet de faire construire dans une commune sans avoir besoin de l’approbation du maire.

Le gouvernement est légitime à agir. Bien que le projet soit géographiquement local il aura un rayonnement sur tout le territoire national, voire même sur le territoire international. D’autant que selon le gouvernement chaque logement construit représente 1,87 emploi durable.

Les travaux du Grand Paris induisent la création d’un certain nombre d’emplois dès aujourd’hui. « Ce projet crée 18 000 emplois directs et 55 000 emplois induits : c’est une véritable opportunité, retient François Kalfon. Le Grand Paris peut devenir un bon démonstrateur de l’effet de levier de l’investissement public. Ca peut devenir un laboratoire de bonnes pratiques. »

En charge de rencontrer les maîtres d’ouvrages, il veut garantir un quart des emplois directs créés aux jeunes issus des zones urbaines sensibles. Un objectif rempli selon lui. Les entrepreneurs « s’insèrent dans le tissu local et recrutent sur place. Cela permet une meilleure insertion des jeunes éloignés de l’emploi, d’après François Kalfon. Les entrepreneurs les recrutent, les forment et les accompagnent vers l’emploi durable. »

Une fois dans l’emploi, ces jeunes verront différents pôles d’habitations et d’emplois se rapprocher d’eux. Un pas de plus dans le désenclavement des banlieues.

Il faut aussi construire les soixante-douze nouvelles gares, et tout ce qui va autour d’elle : commerces, restaurants, services à la personne… Le Grand Paris va bouleverser le quotidien des Franciliens en les rapprochant inévitablement d’un centre d’influence tout en créant des emplois quotidiennement au fil des chantiers.

C’est aussi un projet social qui vise à mettre fin aux inégalités d’accès à l’emploi entre habitants du centre et habitants de la périphérie. D’autant que les établissements publics fonciers (EPF), qui décident de la construction des logements sociaux, devraient fusionner en un EPF unique pour la région. La ministre du logement Sylvia Pinel a annoncé cette mesure pour la fin de l’année 2015. Pour cette dernière c’est « la première pierre du Grand Paris du logement ». C’est en tout cas un moyen de coordonner l’action de l’État en Île-de-France pour passer outre la guerre que se livrent les élus à ce sujet (lire notre article « Le logement au centre d’un clivage politique insoupçonné »).

L’agrandissement du parc immobilier accompagné par une meilleure desserte de la périphérie devrait par ailleurs uniformiser les prix sur le Grand Paris. Aujourd’hui le prix du mètre carré dans Paris même approche les 8 000€ de moyenne en raison de l’offre limitée.

La concurrence pour se loger dans le centre sera moindre avec les opportunités nouvelles offertes par la périphérie : la répartition équilibrée de l’offre de logement aura pour conséquence la diminution générale des coûts de l’immobilier. Un plus non négligeable pour les Franciliens qui doivent actuellement se loger de plus en plus loin de leurs lieux de travail.

On voit aujourd’hui apparaître sur les sites d’agence immobilière de grands projets de construction avec la mention : “desservie par le nouveau métro” explique François Kalfon. Un signe de l’efficacité de l’élargissement de l’offre de transport sur l’offre de logement. Les deux sont intimement liés et entraînent avec eux bien d’autres conséquences positives pour le rayonnement du Grand Paris.

Selon la directrice commercial de l’agence Century 21 Wilson à Saint-Denis Mme Rosard : « Nous développons pour les biens du quartier une argumentation prenant en compte les futures lignes de métro du Grand Paris. Il y a un impact direct sur les ventes. C’est un argument important pour les investisseurs à long terme. » Au contraire, l’agence Titom Transaction située rue Carnot à Saint-Denis constate que : « la préoccupation première est la sécurité. Les transports du Grand Paris ne rentrent pas encore dans l’argumentaire de vente. »

L’écologie au cœur du projet

Là aussi on touche un point qui concerne directement le quotidien des Franciliens. Avec les récents pics de pollution, on a pu observer que le problème ne se réglerait pas en activant la circulation alternée une fois de temps en temps. Il fallait bien un projet pensé sur le long terme.

Avec une grille de transports en commun agrandie ainsi qu’une offre immobilière mieux développée, les temps de trajet de l’extrême majorité des Franciliens diminueront à l’horizon 2030. Une nouvelle frange de la population d’Île-de-France, aujourd’hui habituée à prendre la voiture pour le moindre déplacement, pourrait alors choisir de changer son mode de déplacement pour le métro.

D’autant que les transports en commun pourront recevoir beaucoup plus d’usagers qu’aujourd’hui, laissant ainsi la route à une minorité. Les émissions de CO2 de la région devraient alors diminuer. Lorsque l’on voit l’effet d’une mesure ponctuelle, comme l’est la circulation alternée, sur la qualité de l’air (diminution de la présence dans l’air de particules fines de 6% en un jour d’après l’agence Airparif), on peut imaginer l’influence de mesures réfléchies et pérennes. La ministre de l’écologie Ségolène Royal a elle-même insisté fin mars sur la « nécessité de trouver des réponses globales sur la durée contre la pollution ».

La maire de Paris Anne Hidalgo a elle aussi insisté sur la nécessité de changer les choses car la Ville organise de grands événements sportifs comme par exemple le marathon ce dimanche 12 avril. La France organise aussi le championnat d’Europe de football en 2016 avec une part importante de rencontres jouées au Stade de France.

La métropole a également les yeux rivés sur les Jeux Olympiques 2024 alors il ferait tâche d’apparaître comme une ville polluée couverte par un nuage gris menaçant. L’organisation des JO est un projet intéressant en ce que les villages olympiques pourraient être recyclés en parcs immobiliers de grande taille. Par ailleurs la modernisation et la création de nouvelles infrastructures sportives serviront d’élan à la construction des pôles aux portes du centre “historique”.

Le projet de candidature à l’exposition universelle 2025 fait aussi partie de ces projets qui ont vocation à « fédérer les énergies du Grand Paris » selon les termes de Manuel Valls. Le premier ministre a par ailleurs déclaré fin 2014 qu’il voyait dans cette candidature « une magnifique opportunité pour l’image dans le monde du Grand Paris et de la France ».

Le Grand Paris est un ensemble de mesures destinées à rendre la métropole plus attractive. Avec plus de moyens de transport, plus de logements et la création de nouveaux pôles d’influence hors de la capitale, l’habitat des Franciliens sera mécaniquement rapproché de leur lieu de travail. Un impact positif sur leur quotidien qu’ils verront se matérialiser petit à petit d’aujourd’hui à l’horizon 2030. En attendant, les ateliers du Grand Paris de l’aménagement et du logement se tiendront mi-avril. Ils tiendront informer les élus franciliens des sites qui ont été retenus pour accueillir de grandes opérations immobilières, accompagnées par l’arrivée des gares nouvelles du Grand Paris.

 

Nicolas HORLAIT et Gaspard WALLUT

Voir Aussi :

http://celsalab.fr/?p=5090

http://celsalab.fr/?p=5074