Pendant le confinement, où sont passés les autres malades ?

Diabète, cancer, insuffisance cardiaque, ou petits bobos de la vie courante – ce sont tout autant de pathologies qu’il a fallu continuer de soigner pendant le confinement. De mars à mai, patients et spécialistes ont dû adapter les soins. Entre retard de prises en charge et isolement des patients, le monde médical a fait face à de graves complications et à la réapparition de pathologies disparues.

Au centre de radiothérapie de Levallois-Perret (Haut-de-Seine), les patients atteints de cancer ont été accueillis dans la plus grande des vigilances.

« Je n’avais pas vu ça dans mon cabinet depuis quinze ans », souligne le Dr Vermesch, stomatologue libéral à Saint-Raphaël (Var). À la fin du confinement, il a dû prendre en charge des patients qui présentaient des pathologies quasi disparues. Ils avaient préféré attendre, inquiets à l’idée d’attraper le Covid-19, jusqu’à se retrouver en grande difficulté.

Pendant le confinement, de nombreux patients ont évité le moindre contact, même avec le corps médical. « Le retard des soins a engendré des douleurs dentaires importantes qui auraient nécessité d’être soignées plus vite. C’est aussi le cas pour le cancer, les insuffisances cardiaques, le diabète, et bien d’autres
maladies »
, ajoute le Dr Vermesch.

Dans les hôpitaux français, les infarctus et accidents cardio-vasculaires (AVC) constatés ont été deux fois moins nombreux. Face à l’ampleur de la crise du coronavirus, certains patients ont sous-estimé leur propre pathologie, se mettant en danger en évitant de consulter malgré les signaux d’alerte. D’après le Dr Bigot, cardiologue en établissement de soins de suite et de réadaptation à La Rochelle (Charente-Maritime), « c’est simplement que les gens ne sont jamais arrivés aux urgences. Il va probablement avoir une surmortalité et plus de complications à cause des retards de prise en charge », alerte-t-elle.

Des patients frileux de contacter leur médecin pendant le confinement.

Certains patients atteints de maladies chroniques n’osent plus aller se faire soigner. Une réticence qui peut entraîner de graves complications. Le Dr Bigot s’inquiète particulièrement pour les victimes d’infarctus. « Des patients ont attendu le dernier moment pour se rendre aux urgences. Ils sont arrivés avec des tableaux beaucoup plus sévères que s’ils avaient été pris en charge dans les délais précoces habituels. Cela représente une perte de chance pour les malades cardiaques », alerte-t-elle.

Une baisse d’activité entre janvier et avril 2020.

« Il se peut que le Samu ait hésité »

C’est ce que Justin Breysse, président de l’InterSyndicale nationale des internes, appelle le phénomène de « morbidité collatérale » : « il y a ceux qui meurent du Covid, et ceux qui meurent à cause du Covid. Par exemple, un patient pourrait décéder d’un infarctus parce qu’il n’a pas appelé le Samu, minimisant ses symptômes et de peur d’encombrer des services saturés. Étant débordé, il se peut que le Samu ait hésité à orienter des malades vers les services d’urgence.»

Il n’y a donc pas moins d’AVC et d’infarctus pendant le confinement, mais les méthodes d’enregistrement sont biaisées. Et ce n’est pas tout. Le recensement des causes de décès en 2020 serait largement faussé par le Covid-19, estime Justin Breysse : « Si une personne âgée meurt soudainement, on soupçonnera davantage ce nouveau virus. Dans d’autres circonstances, on supposerait plus un AVC ou une crise cardiaque. »

Pendant la crise, c’est toute l’organisation des établissements médicaux qu’il a fallu repenser. Accueil, suivi et traitements ont été adaptés aux personnes fragiles, comme au centre hospitalier privé de Saint-Grégoire (Ille-et-Vilaine). Le service d’oncologie a mis en place un parcours de soin inédit. Pour éliminer tout risque de propagation, chaque patient doit passer un test – au résultat obligatoirement négatif pour pénétrer dans le service. Une première étape, avant d’être tout de même placé en quarantaine pendant une semaine avant de rejoindre le secteur sensible d’oncologie. Une précaution jugée indispensable, compte tenu de la très faible immunité des patients en chimiothérapie.

Une chute drastique des consultations physiques.

Les consultations physiques n’ont été maintenues que pour les visites annuelles de surveillance, et pour les changements de traitement. Dans l’hôpital de jour, les durées de séjours sont raccourcies, et les sièges en salle d’attente sont espacées d’un mètre, séparés par des bâches.

“C’est du jamais vu.

Enfin, des masques sont distribués à tous les patients. Des masques qui, à La Rochelle, ont fait l’objet de « troc » entre différents établissements. Pour le Dr Bigot,
« c’est du jamais vu ! »

La téléconsultation, un cache-misère ?

Sur le podium des aménagements cliniques, la première place revient à la téléconsultation. Une alternative qui permet non seulement de réduire le nombre de venues à l’hôpital, mais aussi de rassurer les patients qui ont peur de se déplacer. Mais cette méthode a ses limites. Pour le Dr Gobert, cancérologue à Saint-Grégoire (Ille-et-Vilaine), « cela induit une perte de l’aspect humain. Le cancer est une pathologie difficile, la téléconsultation permet juste de maintenir un contact. »

Un sentiment qui rejoint celui du Dr Bauduceau, cancérologue au centre de radiothérapie de Levallois-Perret (Haut-de-Seine), qui a déplacé plus de la moitié de ses consultations : « la téléconsultation fonctionne bien quand le patient n’a pas de problème urgent, mais c’est plus compliqué quand il ne va pas bien. On ne peut pas l’examiner, ni gérer son stress. Imaginez annoncer des mauvaises nouvelles via un écran. »

Le nombre de téléconsultations en hausse.

Du côté des patients, nombreux sont ceux qui y ont vu un acte de bienveillance. C’est le cas d’Ariane J., diabétique de type 1 et insulino-dépendante, immédiatement contactée par son équipe médicale dès l’annonce du confinement. Diabétologue, infirmière de pompe à insuline et médecin généraliste, tous l’ont appelée. « Ils n’avaient qu’un mot d’ordre : la vigilance. Malgré la distance, je me suis sentie traitée comme un vrai être humain. Ils étaient tout aussi attentifs à mon état psychologique », confie-t-telle.

Le Dr Bauduceau continue de privilégier les consultations physiques.

Mais le confinement a aussi sacrifié certains examens. Dans le Finistère, Denise Prat en a fait les frais. À 63 ans, elle souffre d’une fibrose pulmonaire et prend un traitement immunodépresseur. Le 18 mars dernier, elle devait passer la journée à l’hôpital de Brest en vue d’adapter son traitement. Non considérée comme un cas urgent, tous ses rendez-vous ont été annulés – avec des conséquences directes sur son quotidien. « Je suis de plus en plus essoufflée chaque jour, et je risque de choper tout ce qui passe », s’inquiète-t-elle.

Fahim Sultan*, quant à lui, souffre d’une tendinite à l’épaule. Toutes ses séances de kinésithérapie ont été suspendues. Il doit donc faire face à de nouvelles douleurs pendant le confinement.

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De nouveaux réflexes à conserver

D’autres patients ont vu leur opération annulée. Toutes les interventions chirurgicales non urgentes ont été reportées. Marie* souffre d’un doigt à ressaut. Sa douleur aurait dû être apaisée grâce à une opération prévue début mars. Suite à son annulation, Marie a subi des douleurs difficiles supporter. « Je ne peux pas du tout ouvrir mon doigt, je ressens une sensation de brûlure tout le long des phalanges », déplore-t-elle. Son médecin l’a rappelée suite à l’annonce du déconfinement pour reprogrammer une intervention, le 25 mai. Un soulagement pour cette retraitée, qui avait peur d’être à nouveau coincée en cas d’une deuxième vague.

Chaque accès au cabinet levalloisien, très limité, est encadré par des règles d’hygiène strictes – comme le port du masque en continu.

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Les opérations, examens et consultations reprennent progressivement leur rythme habituel depuis la fin du confinement. « On sent que la pression commence à
diminuer », constate le Dr Gobert – même si les règles d’hygiène et les parcours de soins sont maintenus. Et pour le Dr Bigot, bon nombre de ces nouveautés devraient être conservées à l’avenir : « il y a eu de bonnes idées. Comme le fait que les médecins appellent leurs patients d’eux-mêmes. On ne le faisait jamais, on devrait continuer de le faire. »

Texte et photos : Marine Saint-Germain et Sarah Ziaï

 

*Certains noms ont été modifiés

Quantifier le travail domestique avec l’appli Maydée

Lancée le 2 avril 2020, l’application Maydée a pour but de quantifier le travail domestique en répertoriant les activités effectués.

« 61% des femmes qui affirment que le partage du travail ménager est juste accomplissent 66% du travail ménager. » Issue de L’Injustice ménagère (Hachette Littératures, 2008), la citation figure en bonne place sur le diaporama de présentation de Maydée.

Lancée le 2 avril 2020, l’application a été développée par une équipe bénévole pour « sensibiliser aux impacts de l’inégale répartition des tâches domestiques ». Or, « il y a énormément de biais dans ce domaine », explique Julie Hebting, sa fondatrice. « Souvent, les femmes sous-estiment leur investissement et les hommes le surestiment. Une fois le diagnostic posé, le couple définit sa norme dans la répartition. L’objectif est qu’il y ait un choix plus éclairé. »

Maydée est accessible depuis son site internet. Quiconque crée un compte peut gratuitement chronométrer une activité en temps réel ou en déclarer une a posteriori, puis inviter son partenaire à comparer les statistiques, voire à observer l’évolution de la répartition. « Ce sont des représentations à la louche, mais c’est toujours mieux que rien », estime Julie Hebting.

Une analyse que partage Justine, 29 ans, parmi les premiers utilisateurs de l’application. « Quand on se disputait, c’était sur du ressenti. On était dans l’impasse. » Dans un premier temps, le binôme coche un tableau Excel élaboré par ses soins. « Ce n’était pas pratique », admet la Rochelaise. A sa sortie, ils téléchargent l’application. L’occasion de constater les progrès réalisés : alors qu’elle assumait 70% des tâches domestiques quelques mois auparavant, la répartition est égalitaire au sein du couple, « hyper content » et « plus serein ».

Une fois les activités domestiques répertoriées, Maydée permet de comparer ses statistiques avec celles de son partenaire, voire d’observer la répartition dans le temps. – JUSTINE GEVOIS, CAPTURES D’ÉCRAN MAYDÉE.

 

Juliette Guérit et Clémentine Piriou

Christine Bard, historienne : « Les femmes ont toujours travaillé à l’extérieur »

 » Il y a trois fonctions traditionnelles pour les femmes : épouse, mère, ménagère. Cette trilogie-là nie l’existence du travail des femmes. »  – LAURENCE PRAT / CREATIVE COMMONS / CC-BY-SA-4.0

Christine Bard est historienne, spécialiste de l’histoire des femmes, du genre et du féminisme. Elle est professeure à l’université d’Angers. Elle a notamment collaboré à l’écriture d’Histoire des femmes dans la France des XIXe et XXe siècles (Ellipse, 2013).

 D’où viennent les inégalités dans la répartition des tâches domestiques ?

Elles viennent d’une représentation dominante de la nature des femmes : s’occuper des enfants en bas-âge, nettoyer serait presque inné chez elles. Il y a trois fonctions traditionnelles pour les femmes : épouse, mère, ménagère. Cette trilogie-là nie l’existence du travail des femmes. C’est une représentation idéologique essentielle dans une société patriarcale. Et c’est un vecteur de la domination masculine que de les assigner à des tâches dévaluées.

Quand on pense au XXe siècle, on a en tête une représentation sexiste : notre tradition serait celle de « la femme au foyer ». C’est une réalité bourgeoise. Il y a eu des femmes dispensées d’effectuer les tâches ménagères*. Et les femmes ont toujours travaillé à l’extérieur. Avant la Première Guerre mondiale, elles représentaient un quart de la population active.

Si les femmes travaillaient à l’extérieur, comment expliquer que ces inégalités aient persisté ?

 Il y a eu un matraquage idéologique très fort dans les années 1940-1950, qui a perduré jusque dans les années 1970-1980 et jusqu’à nos jours, autour de la ménagère parfaite, notamment à travers la société de consommation, la publicité.

L’équipement des foyers en appareils électroménagers, pendant les Trente Glorieuses, devait aider les femmes. En fait, ça n’a pas libéré leur temps parce qu’il y a eu une élévation des standards de propreté, des attentes.

A quel moment les revendications relatives à la répartition des tâches domestiques sont-elles apparues dans les discours féministes ?

De tout temps, la question de la conciliation entre travail extérieur et vie de famille a été soulevée par les féministes. Mais les revendications relatives aux tâches domestiques ne sont pas apparues avant les années 1970. La sociologue Christine Delphy en fait pourtant un élément clé du système patriarcal et de l’exploitation des femmes.

 

Juliette Guérit et Clémentine Piriou

 

* Aujourd’hui, un courant du féminisme dénonce le fait que l’émancipation des classes supérieures se soit faite parce qu’elles ont pu se décharger du travail domestique sur d’autres femmes.

Enfants, cuisine, ménage : le confinement a pesé sur les inégalités femmes-hommes

Ecole à la maison, trois repas par jour à préparer, impossibilité de faire garder ses enfants… Pendant le confinement les tâches ménagères et éducatives ont augmenté. Or, elles sont assurées en majorité par les femmes. Si certains observateurs espèrent une prise de conscience des hommes assignés à domicile, d’autres redoutent que la situation accentue les inégalités.

Sans école, ni crèche, les parents ont dû garder leurs enfants 24h/24, une tâche qui revient le plus souvent aux mamans. Crédit: Laura Diacono

« J’entendais bien que dehors c’était la guerre. Mais pour moi c’était la guerre à la maison : ma fille avait 8 mois, elle ne faisait pas ses nuits, elle avait des coliques… » Confinée à Toulouse, avec son fiancé en télétravail et ses deux enfants, Elikia* n’a pas eu une minute à elle. Elle gérait tout à la maison. Lui, allait faire les courses. La répartition des tâches dans leur couple n’a pas changé avec le confinement. Mais ses tâches, à elle, se sont multipliées.

Sans école ni possibilité de garde et sans moyen de déléguer les tâches, la charge du travail domestique a augmenté pendant le confinement. Une hausse qui a pesé en majorité sur les femmes, exacerbant les inégalités préexistantes dans la répartition des tâches au sein des couples hétérosexuels.

La répartition des tâches domestiques est inégale dans la majorité des couples femmes-hommes.

En effet, un sondage Harris Interactive publié le 15 avril dernier, révèle que 54% des femmes ont consacré plus de deux heures par jour aux tâches domestiques pendant le confinement, contre 35% des hommes. Par ailleurs, 58% des femmes en couple ont estimé qu’elles assuraient la majorité des tâches ménagères et éducatives. Une perception qui diffère chez les hommes dont « seulement 33% estiment que leur conjoint(e) y prend une plus grande part ».

« Statistiquement, les femmes et les hommes ne vivent pas le même confinement », a conclu la secrétaire d’Etat en charge de l’égalité femmes-hommes Marlène Schiappa dans une interview au Point, craignant un « épuisement silencieux des femmes ».

Pendant le confinement, 58% des femmes en couple ont estimé qu’elles assuraient la majorité des tâches domestiques.

Pourtant, avec l’arrêt de certaines activités et l’essor du télétravail, des chercheurs et des militants avaient espéré une prise de conscience de la part des hommes assignés à domicile. Un espoir que ne partageait pas François de Singly, professeur émérite à l’Université de Paris et sociologue de la famille : « Les hommes et les femmes savent que les femmes en font plus. » De plus, « les comportements sociaux ne changent pas en 24h, ce sont des processus à très long terme », précise Sandra Gaviria, professeure de sociologie à l’Université du Havre, elle aussi spécialiste de la famille.

« Les divisions de genre sont restées »

Cependant le confinement a-t-il été l’occasion de remettre en question la répartition genrée des tâches ? C’est ce que tentent de mesurer Hugues Champeaux et Francesca Marchetta de l’Université Clermont-Auvergne qui réalisent une étude sur les conséquences sociales et économiques du confinement sur les ménages.

« Tout ce qu’on peut dire pour l’instant, c’est que les divisions de genre sont restées. Les hommes vont plus aller faire de courses, c’est déjà une activité qui est plus équilibrée au niveau du genre à l’origine et c’est l’occasion de sortir du ménage qui n’est pas le lieu d’évolution traditionnel des hommes », analyse Hugues Champeaux.

La répartition entres femmes et hommes est différente selon les tâches ménagères et éducatives.

La révolution tant espérée n’a donc pas eu lieu. Mais, vivre 24h/24 avec leur conjoint a eu un effet déclencheur sur certaines femmes comme Charlie*. A 28 ans, elle habite avec son compagnon dans un appartement de Brest. « D’être à la maison, de le voir toute la journée sur ses jeux vidéo alors que je travaille pour mes partiels et que je m’occupe du reste, ça m’a fait réaliser que je fais tourner l’intégralité du foyer. », confie-t-elle.

Il y a quelques mois, elle avait essayé de rééquilibrer les choses. « J’avais imprimé une liste de tâches sous forme de tableau. Celui qui avait fait le plus de tâches durant la semaine gagnait un massage, un repas en amoureux pour le mois. Ça a tenu un mois et demi. Pendant le confinement, ça s’est débloqué quand je lui ai dit que j’envisageais de partir me reposer pendant minimum un mois. Il a senti que ce n’était pas une menace, mais un besoin. »

« Le voir toute la journée sur ses jeux vidéo alors que je travaille pour mes partiels et que je m’occupe du reste, ça m’a fait réaliser que je fais tourner l’intégralité du foyer », raconte Charlie, 28 ans.

« Les femmes en confinement ont matériellement plus de travail à faire : tous les repas, les devoirs… Le plus dur, ça a été pour les femmes avec des enfants en bas âge », souligne Sandra Gaviria. En effet, sans école ni solution de garde, ce sont souvent les mères qui ont pris en charge les enfants.

Des « triples journées » pour les mères de famille

« Poursuivre son activité professionnelle si on en a une, s’occuper des enfants et leur faire l’école sans accompagnement ni formation, gérer la maison, a été une épreuve pour les familles et d’autant plus pour les mères », précise Alizée Montoisy, militante féministe du collectif Nous Toutes. En témoigne le succès du compte Instagram « T’as pensé à ? » sur la charge mentale** où de nombreuses femmes ont exprimé leurs difficultés.

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A l’instar de Laura qui enchaînait trois journées de travail en une. « Je me levais à 5h30 le matin pour pouvoir travailler. De 8h à 20h, je m’occupais de toutes les tâches ménagères et de ma fille, après l’avoir couchée, j’attaquais ma deuxième moitié de journée de travail de 21h à 23h », raconte cette chargée de communication en chômage partiel qui a continué de travailler deux jours par semaine. « Le télétravail a été une source de stress très forte pour certaines mamans dont les entreprises continuaient de travailler comme si de rien n’était », commente Sandra Gaviria.

En couple, Laura n’a pas pu compter sur son conjoint pour prendre le relais. « En règle générale – et pendant le confinement, ça n’a même pas été vraiment le cas – c’est lui qui lui donne le bain. Pendant le confinement, c’était à l’heure des apéros en visio avec les potes. » Plusieurs fois, la jeune femme est sortie pleurer dans son jardin, « épuisée ». Un soir, elle a même rempli une attestation pour pleurer en se promenant à un kilomètre autour de chez elle.

D’autres mamans ont continué d’aller travailler tout en portant la charge mentale et émotionnelle de la famille comme Sabrina, aide-soignante en Ehpad à temps-plein. « Le papa a eu du mal à s’occuper des enfants toute la journée. En rentrant, je devais gérer les colères et les angoisses de toute la famille. Le soir, je préparais les repas et les vêtements pour le lendemain », témoigne-t-elle.

Pour équilibrer la répartition des tâches, Charlie a essayé de mettre en place un système de tableau, sans succès.

Cependant, les expériences de couples confinés n’ont pas toutes été négatives. Pour certains, le confinement a été l’occasion de trouver un nouvel équilibre à deux. D’ailleurs, le sondage Harris Interactive, précise que « 88% des Français vivant la période actuelle en couple se disent globalement satisfaits » de la répartition des tâches domestiques. C’est le cas de Sarah et de son conjoint qui télétravaillait pendant le confinement. En congé parental, elle assure habituellement « 98% des tâches ». La présence de son conjoint leur a permis de fonctionner « en équipe » et ainsi de libérer du temps de loisir pour la jeune maman. « Je me suis assise avec un livre ! Ça ne m’était pas arrivé depuis plus de deux ans. J’aimerais que ce soit tout le temps comme ça », raconte-t-elle.

« Il s’est engagé à plus porter la charge mentale »

Trouver un équilibre, une répartition équitable, c’est ce que sont parvenus à faire Justine et son compagnon. Ils ont mis en place un système de tableau pour compter le nombre de tâches effectuées par chacun. Statistiques à l’appui, son conjoint a eu un déclic. « On était à peu près à 70% pour moi et à 30% pour lui. Lui s’est engagé à penser plus, à porter la charge mentale. Moi, je me suis engagée à penser moins, ou du moins à penser à ce que moi je dois faire et pas à lui dire ce qu’il doit faire. On avait chacun une direction à prendre à l’opposé pour se retrouver au milieu avec plus d’égalité », sourit Justine, qui utilise désormais l’application Maydée qui permet de quantifier le travail de chacun.

Grâce à un tableau Excel et maintenant à l’application Maydée, Justine et Paul ont réussi à se répartir les tâches équitablement.

Depuis, Justine envisage un autre avenir : « C’était un des critères : je ne fais pas d’enfant si on n’est pas égalitaire dans le partage des tâches. Sinon ça va limiter les possibilités dans ma vie ». Féministe, elle sent que si elle n’atteint pas l’égalité dans son couple, elle ne l’atteindra pas dans ses objectifs professionnels.

« Si les femmes sont associées à l’espace privé, ça veut dire que l’espace public est masculin. Alors, je pense que la révolution féministe commence bien à la maison, et dans l’espace privé, pour pouvoir ensuite enfin avoir une place dans l’espace public », conclut Alizée Montoisy de Nous toutes.

* Nom d’emprunt

** Poids psychologique que fait peser (plus particulièrement sur les femmes) la gestion des tâches domestiques et éducatives, engendrant une fatigue physique et, surtout, psychique. (Larousse)

 

Juliette Guérit et Clémentine Piriou

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