Ukraine : Que sait-on des 436 corps découverts à Izioum ?

Près de 6 mois après la découverte du massacre de Boutcha au Nord de Kiev, un charnier a été découvert la semaine dernière à l’Est de l’Ukraine. Dans cette région occupée par les Russes depuis le début de la guerre, les experts tentent désormais de comprendre ce qu’il s’est passé. 445 tombes, numérotées, ont été découvertes.

Les 436 corps ont été déterrées du charnier d’Izioum afin de pouvoir être autopsiés (Photo AFP).

Le 11 septembre dernier, les forces ukrainiennes ont annoncé avoir repris la ville d’Izioum, à l’Est de l’Ukraine, qui était sous occupation russe depuis le début de l’invasion. Moins d’une semaine après, le 16 septembre, un charnier est découvert dans une pinède à côté du cimetière d’Izioum. Les enquêteurs ukrainiens et les observateurs internationaux tentent depuis, de reconstituer le déroulé des évènements.

436 personnes tuées pendant l’occupation russe

« 200 agents et experts » sont actuellement sur le site d’Izioum a annoncé Oleg Synegoubov vendredi dernier. Il a également expliqué que « les corps seront envoyés pour autopsie » avant d’annoncer que chaque personne retrouvée « fera l’objet d’une enquête et deviendra une preuve des crimes de guerre de la Russie devant les tribunaux internationaux« . L’identité de la plupart des corps reste toujours inconnue.

Les experts scientifiques sont aidés d’ONG indépendantes à Izioum, comme Human Right Watch (Photo AFP).

Izioum a été occupée du 24 mars au 12 septembre par l’armée russe, et d’après les premiers résultats d’enquête, les 436 corps exhumés ont bien été enterrés pendant cette période. Sur les réseaux sociaux, certains Russes essayent pourtant de faire croire le contraire, photos hors contexte à l’appui. Ils décrivent une situation « à la Boutcha«  – les Russes niant toujours leur implication dans le massacre perpétré en mars dernier au Nord de Kiev – en reprenant les mots de Dmitri Peskoy, porte-parole du Kremlin.

En réalité, la Russie est accusée d’avoir bombardé de nombreux bâtiments civils à Izioum. D’après les autorités ukrainiennes, de nombreux corps retrouvés seraient en fait des personnes tuées par ces bombardements, que les Russes auraient souhaité « nettoyer ». Plusieurs habitants d’Izioum, suspectés d’avoir été employés par les Russes en tant que fossoyeurs d’urgence ont été arrêtés selon Radio France.

Une fosse commune avec 17 soldats torturés 

À quelques mètres des corps des civils, une fosse commune a été découverte avec 17 soldats ukrainiens à l’intérieur. D’après les autorités, ces soldats ukrainiens auraient été exécutés, certains corps comporteraient des traces de torture. À Izioum, de manière générale, les corps retrouvés sont très marqués. « Il y a des cadavres avec les bras attachés dans le dos, un autre avec un corde autour du coup, explique Oleg Synegoubov. Il est certain que 99% des personnes ici ont succombé de mort violente ».

Après plusieurs mois en terre, la plupart des corps sont très détériorés. Les premiers constats sur place restent tout de même sans appel : cette personne a les mains attachées dans le dos (Photo AFP).

Toujours selon les autorités locales, certains corps ont « les mains liées« , ont subi des violences sexuelles ou encore « ont été de toute évidence torturées ou exécutées« . Igor Klymenko, chef de la police ukrainienne, a annoncé simultanément la découverte de six « salles de torture » à Izioum. Pour achever cette description horrifique du charnier, le gouverneur régional s’est étonné du nombre « d’enfants parmi les corps« , ce qui confirmerait une nouvelle fois que ces personnes ne sont pas mortes naturellement et donne du crédit aux accusions de bombardement d’écoles ukrainiennes contre la Russie.

À regarder aussi : Le témoignage d’un rescapé ukrainien à Izioum

La communauté internationale consternée par cette découverte 

Volodymyr Zelensky a immédiatement réagit à la découverte de ce charnier sur les réseaux sociaux. « La Russie ne laisse que mort et souffrance. Des meurtriers. Des tortionnaires. Privés de tout ce qui est humain », s’est-il d’abord exprimé dans une vidéo publiée vendredi dernier sur Telegram. Sur Twitter aussi, le Président ukrainien n’a pas mâché ses mots, qualifiant la Russie « d’état terroriste ».

De nombreux dirigeants de pays occidentaux ont réagit suite à cette découverte. L’Union Européenne, par la voix de son chef de la diplomatie, Josep Borrell, s’est dite « profondément choquée« . De son côté, Emmanuel Macron a condamné « avec la plus grande fermeté les atrocités commises à Izioum, en Ukraine, sous occupation russe ».

Marine Allain

Comment l’affaire PPDA pourrait être relancée malgré la prescription

Patrick Poivre d’Arvor à Deauville, lors de la 45e édition du Festival du film américain, en 2019 (LOIC VENANCE / AFP)

Ce vendredi, Hélène Devynck sort son livre intitulé « Impunité », portant sur l’affaire PPDA et le viol présumé subi par la journaliste. L’occasion de revenir sur le rebond judiciaire que le dossier pourrait connaître grâce à de nouveaux témoignages et malgré la prescription. Explications.

Actuellement, deux procédures sont en cours contre Patrick Poivre d’Arvor pour viols et agressions sexuelles. Pour l’une, il s’agit d’une enquête préliminaire portant sur sept témoignages accusant PPDA. Cette enquête a d’ailleurs permis l’audition libre du journaliste en juillet dernier. Pour la seconde, il s’agit d’une instruction judiciaire ouverte avec la seconde plainte de Florence Porcel, en novembre 2021, pour des faits prescrits. Première femme à témoigner, elle décrit des viols remontant à 2004 et 2009 alors qu’elle était jeune journaliste.

#MeTooMédias : Florence Porcel porte à nouveau plainte pour viol contre PPDA, avec constitution de partie civile cette fois

Quelle est la durée de la prescription dans cette affaire ?

En France, pour une personne majeure, la prescription est de six ans pour une agression sexuelle, et de vingt ans pour un viol. Or, dans le cas de Florence Porcel, la prescription au moment du premier viol présumé était de dix ans. Dans l’affaire PPDA, de nombreux faits sont ainsi prescrits, mais pourraient bien se voir pris en compte à l’avenir, grâce au principe de l’acte interruptif ou « sérialité ». Cela désigne l’action, pour une Cour de cassation, d’interrompre la prescription si les faits sont liés à une autre affaire. C’est le cas de Florence Porcel.

PPDA : des poursuites pourraient être engagées malgré la prescription

Quelle est l’utilité pour les victimes de témoigner, malgré la prescription des faits ?

Pour la plaignante, il s’agit de se faire connaître par la Justice et de sortir du silence. Dans ce genre d’affaire, même s’il y a prescription, le Parquet ouvre systématiquement une enquête pour vérifier qu’il n’y ait pas d’autres victimes.

Ainsi, grâce à l’acte interruptif, ou « sérialité », la prescription peut revenir à zéro si de nouveaux éléments sont apportés à l’enquête. La sérialité repose sur trois piliers : le mode opératoire, le profil des victimes, et l’auteur. Dans l’« Impunité », Hélène Devynck décrit un mode opératoire bien rôdé : « le coup du plateau ». PPDA invite de jeunes femmes, parfois mineures, à assister au JT qu’il présente. Puis, il les invite dans son bureau, au cœur de la rédaction de TF1. C’est ainsi qu’il aurait opéré pendant trente-cinq ans. De plus, le profil des victimes est toujours le même : de jeunes femmes, journalistes ou non, vulnérables face à la puissance de l’ex-présentateur.

PPDA et le « coup du plateau » : « Il vous retrouvera dans son bureau »

Pourquoi un tel retournement de situation dans l’affaire PPDA ? Ce principe de sérialité rend-il la prescription relative ?

Alexandre*, assistant de Justice parisien, explique : « Si l’acte interruptif est utilisé dans cette affaire, c’est bien parce que Florence Porcel décrit des faits datant de 2009, donc non prescrits. Or, elle a également porté plainte pour un viol datant de 2004, donc à priori prescrit. » Cet été, la Cour d’appel de Versailles avait alors estimé que les deux infractions étaient connexes, dépendantes l’une de l’autre et répondaient aux critères de sérialité. Dans ce cas précis, l’annulation du classement sans suite par la Cour d’appel de Versailles interrompt nécessairement la prescription, en utilisant l’argument sériel.

« Dans cette affaire ultra-médiatique qui fait suite à #MeToo, l’argument de la prescription est quasi-inaudible par l’opinion publique. Il ne s’agit donc pas tant d’un profond bouleversement de la Justice, mais plutôt d’un sauvetage de la procédure grâce à l’acte interruptif, de plus en plus répandu dans ce genre de dossier concernant des crimes prescrits », ajoute Alexandre.

Depuis 2021, l’ancien présentateur de TF1 fait l’objet de nombreuses plaintes pour violences sexistes et sexuelles. En juin dernier, vingt femmes prennent la parole sur le plateau de Mediapart. Elles dénoncent des « comportements problématiques » à leur encontre, allant du harcèlement sexuel au viol.

 

 

*Le nom a été modifié

 

Agnès Robini