Procès : le maire de Wissous présente son sabre comme une arme défensive

L’élu de 69 ans a plaidé, mercredi 10 octobre devant le tribunal correctionnel d’Evry (Essonne), la légitime défense. Il avait menacé avec un katana, le 8 avril dernier, une dizaine de caravanes qui s’installaient dans sa commune. Le procureur de la République a requis 4 mois de prison avec sursis et 1 500€ d’amende contre le maire. La décision sera rendue le 21 novembre.

 

« Je suis maire, je suis le dernier garant de la sécurité », n’a cessé de clamer l’élu de Wissous (Essonne), Richard Trinquier, mercredi 10 octobre, alors qu’il comparaissait devant le tribunal correctionnel d’Evry. Dimanche 8 avril, il a menacé avec un sabre et potentiellement avec une arme à feu, des gens du voyage installés illégalement dans sa commune. Le procureur de la République a requis 4 mois de prison avec sursis et 1 500€ d’amende. La mise en délibéré a été reportée au 21 novembre. Vêtu d’un costume-cravate gris, l’édile de 69 ans, étiqueté Debout la France, a été jusqu’à dire, mercredi, « je suis comme un soldat qui doit défendre sa nation, au risque d’y perdre la vie ».

 

Des menaces de mort le mois précédent

Ainsi, ce dimanche 8 avril, lorsqu’une dizaine de caravanes s’installent sur un terrain situé devant une crèche de la commune de 8 000 habitants, le maire n’hésite pas à s’y rendre, mais armé. Car, un mois plus tôt, lors d’une précédente expulsion, il a été menacé de mort.

Richard Trinquier a pour habitude de se rendre sur place dans ces cas-là. Ce jour-là, lorsqu’un de ses adjoints se rend à son domicile pour le prévenir, le maire assure qu’il était en train de se préparer à aller au stand de tir, comme souvent le dimanche après-midi. Une arme à feu se trouvait déjà sous son siège de voiture. Il s’apprêtait à prendre, toujours selon lui, le reste de son équipement de tir, comme les chargeurs et le casque, ainsi que le coffret de l’arme, obligatoire pour le transport.

Il a également pris un gilet par balles, dont le logo est une étoile, et son blason tricolore sur lequel est inscrit « maire ». L’association de ces symboles crée une confusion chez les gens du voyage, qui voient là un shérif arriver avec son sabre. Un sabre qu’il ajoute au dernier moment à son arsenal, une arme défensive selon lui.

 

« Il a mis la main sur son katana puis il a couru sur nous »

 

Au tribunal, face à lui, un des hommes auxquels il s’est opposé le 8 avril. Le procureur a également requis 4 mois de prison avec sursis contre cet homme, ainsi que 500€ d’amende. Vêtu d’une chemise et d’un jean, l’homme se souvient de l’arrivée surprenante de l’élu. « On avait besoin d’aller à l’hôpital à Paris le lundi (ndlr : lendemain des faits). On ne savait pas où se mettre. Quelqu’un s’est présenté comme le garde du corps du maire. C’était la première fois que j’entendais ça. Lorsque le maire est arrivé, j’ai voulu lui serrer la main puis j’ai demandé qui il était et il n’a pas répondu, il a mis la main sur son katana puis il a couru sur nous avec l’épée. » L’homme, imposant, se souvient avoir eu peur pour ses proches. « Tous les gosses s’amusaient dans l’herbe, il y avait des femmes de partout. Elles se sont mises à crier et les enfants à pleurer. »

 

« Si j’avais eu une arme à feu, je l’aurais sortie »

Ensuite, les choses s’emballent. Le maire se souvient être tombé sur plusieurs hommes armés de fusils de chasse. Tous les témoins s’accordent à dire que le katana n’a été dégainé que partiellement. Par contre, certains affirment avoir vu une arme dans son dos. « Si j’avais eu une arme à feu sur moi, je l’aurais sortie pour me défendre », oppose l’élu, lunettes rondes sur le nez.

Richard Trinquier explique avoir, certes, mis ses mains dans son dos, mais pour faire croire qu’il avait une arme. « C’était du bluff car, à ce moment, si je m’enfuis, je prends le tir », dit-il, avant de parler des vidéos amateurs prises ce jour-là, où l’on entend, semble-t-il, une femme du camp hurler « ne le tue pas ! ». Pourtant, le fusil de l’homme qui comparaissait ce mercredi face à l’élu est toujours resté ouvert.

 

Le maire avait bu trois verres d’alcool

Après l’altercation, les gens du voyage décident de partir. C’est eux qui contactent la police nationale. A 18h10, deux policiers du commissariat de Massy arrivent et placent le maire de Wissous en garde à vue. Un test d’alcoolémie révèle alors un taux de 0,29mg par litre d’air expiré, contre les 0,25mg autorisés. Richard Trinquier avait bu « un verre de Cuba Libre et deux de vin ».

Au procès, les deux agents se rappellent du comportement agressif de l’élu. « Il était hautain, il nous a dit qu’on devait l’écouter, en sa qualité d’officier de police judiciaire. Il a dit ‘toi et ton pote vous dégagez de ma commune !’« .

 

Des propos racistes

 

Maire de Wissous depuis 1995, avec une interruption de 2008 à 2014, Richard Trinquier n’en est pas à ses premiers déboires. Il est notamment connu pour avoir déclaré qu’il ne buvait plus d’eau Evian depuis les accords d’Evian, qui ont mis fin à la guerre d’Algérie et ouvert la voie à l’indépendance du pays.

Une anecdote reprise par l’avocat de l’association SOS soutien ô sans-papiers, présent pour souligner le caractère supposé raciste du maire. Une présence maintes fois contestée durant ce procès mais qui a permis de souligner, entre autres, une déclaration de l’accusé, faite à un policier national ce soir-là, selon laquelle il sait « ce qu’il faut faire avec ces gens-là ».

 

Solène Agnès

Place de la République, tous en cage pour dénoncer la captivité animale

Une centaine d’associations se sont mobilisées place de la République pour dénoncer les mauvaises conditions de vie des animaux en cage.
Le but de cette opération coup de poing : récolter un million de signatures auprès de la Commission européenne.

Mercredi 10 octobre, trois imposantes cages verticales en grillage trônaient sur la place de la République ensoleillée. Tour à tour, plusieurs bénévoles ou simples passants se relayaient à l’intérieur des cages, une pancarte à la main : « J’agis contre les cages ! ».

Nathalie, bénévole de cinquante ans, a joué le jeu. Elle est venue au nom « des animaux qui souffrent atrocement des conditions d’élevage ». Selon elle, l’homme et l’animal ont beaucoup de similitudes et doivent donc être tout autant respectés. Cette militante s’est donc mise à l’alimentation vegan depuis 2013. « Je mangeai de tout avant. Puis, je suis devenue végétarienne et maintenant vegan. C’était la suite logique quand on s’intéresse vraiment à la cause animale. C’est une question de cohérence », explique-t-elle debout dans sa cage.

 

Des personnalités publiques se sont également alliées à la cause. L’actrice américaine Pamela Anderson a soutenu l’action en se mettant, quelques minutes, dans une cage. La présence du député européen écologiste Yanick Jadot et du radical socialiste Olivier Falorni a permis de mettre en lumière l’opération.

« Je n’ai pas le profil type du militant ! »

A quelques pas des cages, des bénévoles gambadent en liberté, à la recherche de précieux signataires. Corentin, tout de noir vêtu, « car c’était le dress code de la journée », est bénévole à l’Afaad, une association qui a fait de l’abattage son combat prioritaire. Il l’a rejoint il y a quelques mois. « Je n’ai pas le profil type des militants », raconte ce jeune homme à lunettes. « Je travaille dans l’armement et je mange encore de la viande ! », s’amuse-t-il. Son crédo : en manger moins, mais de meilleure qualité. Il n’achète plus que du bio et du Label rouge. « Même si c’est un budget », reconnaît-il.

L’immobilisme de la France en matière de bien-être animal

Certains bénévoles ont sorti le grand jeu. C’est le cas d’Aurore, qui a enfilé un déguisement de cochon rose pour se mettre en cage. Pour faire plus authentique, elle l’a renversée, « car les animaux ne se tiennent pas debout. Ils sont tous entassés les uns sur les autres », souligne-t-elle. Cette jeune trentenaire est militante chez L214. Cette association s’est notamment fait connaître pour ses vidéos prises en caméra cachée au sein d’abattoirs. Si elle juge l’action de certains militants vegans comme « extrémiste », en faisant référence à des opérations de destruction de boucheries, elle critique l’immobilisme de la France en matière de bien-être animal. « Alors que ça fait au moins dix ans que ces pratiques sont dénoncées », déplore-t-elle, sa tête de cochon en peluche à la main.

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Aurore, militante à l’association L214, a sorti le déguisement porcin pour dénoncer la maltraitance animale en captivité. (Crédit : G. de Préval)

« Obliger la commission européenne à se positionner sur la question »

Car au-delà du côté communicationnel de l’évènement, c’est bien pour faire bouger les choses, au niveau européen que les associations se sont mobilisées, raconte Léopoldine Charbonneaux, directrice de CIWF France, Compassion in World Framing. Cette association est à l’origine de l’évènement. « Ce n’est pas une simple pétition, nous organisons une Initiative Citoyenne Européenne (ICE) et le but est de récolter au moins un million de signatures auprès de minimum sept pays différents dans la zone euro. »

Les associations ont un an pour récolter ces signatures. Ensuite, si la Commission valide les résultats, elle ouvrira une audition au Parlement européen. « Cela ne signifie pas que le Parlement sera obligé de légiférer mais il sera obligé de se positionner sur la question. Dans ce contexte de défiance des citoyens à l’égard des institutions européennes, il serait bon que notre voix soit pris en compte… ». Optimiste, la directrice pense avoir une réponse vers juin 2020.

Guillemette de Préval

Loi « fake news » : un conseil de presse en chantier

La loi « fake news » a été adoptée en seconde lecture par les députés de l’Assemblée nationale, dans la nuit du mardi 9 au mercredi 10 octobre. La création d’un conseil de presse est prévue dans le texte législatif, emboitant le pas à d’autres pays européens. 

French Culture Minister Francoise Nyssen leaves the Elysee Palace in Paris, on July 28, 2017 after the weekly cabinet meeting. / AFP / Bertrand GUAY
Francoise Nyssen à la sortie d’un conseil des ministres, en juillet 2017 / AFP / Bertrand GUAY

Si la loi fake news ne fait pas consensus parmi la classe politique -certains la jugent inutile, voire liberticide- le projet de création d’un conseil de presse, mis en avant par la ministre de la Culture Françoise Nyssen, met quasiment tout le monde d’accord. Jean-Luc Mélenchon, député La France Insoumise, s’est d’ailleurs félicité mardi 9 octobre que le gouvernement reprenne sa proposition de mise en place d’un organe qui veillerait sur le bon fonctionnement des médias français.

 

 

 

 

 

Un organe d’autorégulation

Un tel projet est également vu d’un bon œil par le Syndicat National des Journalistes (SNJ). La secrétaire générale Dominique Pradalié plaide depuis longtemps pour qu’un conseil de presse voit le jour et qu’il ait pour « mission de se saisir ou d’être saisi d’un dysfonctionnement dans un média, d’effectuer une enquête complète et d’émettre un avis ».

Pour Florent Desarnauts, avocat spécialiste du droit des médias, « si le projet français ne prévoit pas que le conseil puisse demander au média visé de diffuser un rectificatif, l’utilité d’un tel organisme est limitée. » Ce type d’instance existe déjà en Belgique, où le Conseil de Déontologie Journalistique (CDJ), créé en 2009, « peut être saisi par les citoyens, rend des avis et a le pouvoir de demander au média concerné de diffuser un rectificatif, que l’organisme a lui-même rédigé », explique maître Desarnauts.

Un conseil alliant journalistes, éditeurs et société civile

D’un point de vue légal, le statut conféré à un tel organisme pourrait s’apparenter à celui de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité, soit celui d’une association de la loi de 1901, éclaire Florent Desarnauts. Pour le moment, le statut juridique d’un tel conseil de presse n’a pas été précisé, pas plus que sa composition. Françoise Nyssen a simplement évoqué une instance associant journalistes, éditeurs et société civile. Pour Dominique Pradalié, qui juge par ailleurs liberticide l’ensemble de la loi « fake news », une composition paritaire est indispensable pour un gage d’indépendance et de transparence.

Pour autant, il faudrait, selon la secrétaire générale du SNJ, que les employeurs de presse soient intégrés au sein du conseil. Car ces derniers ont déjà manifesté leur désaccord face à un tel projet. En 2014, une première consultation organisée par le ministère de la Culture avait recueilli les ressentis de la profession et s’était heurté à la frilosité des patrons de presse. « Les employeurs qui bloquent, c’est exactement le point nodal de difficulté, parce qu’un conseil de presse démontrerait les manipulations, estime Dominique Pradalié. Ce sont les mêmes qui bloquaient en Belgique l’établissement d’un conseil de presse, sauf que les autorités gouvernementales ont pris leur responsabilité et leur ont dit « les aides à la presse iront à tous ceux qui entreront dans le conseil ». Résultat, les employeurs ont trouvé ce conseil génial et y sont tous rentrés. »

 

 

 

 

 

Le dossier a été confié à l’ancien PDG de l’AFP, Emmanuel Hoog. Pour le SNJ, le problème n’est pas tant l’homme que le manque de transparence autour de ses attributions. C’est ce qu’explique Dominique Pradalié : «  Nous nous posons des questions sur le cadrage de la mission qui lui est confiée. Nous n’avons pas d’informations à ce sujet et c’est quand même important. »

Conformément à la navette parlementaire, le texte doit repasser une nouvelle fois devant les sénateurs, avant d’être soumis à un vote final.

 

Caroline Quevrain

 

 

Bientôt un seul dictionnaire pour les deux Corées

 

Si les deux pays parlent la même langue, certains mots du vocabulaire n'ont pas la même signification. ©AFP PHOTO / JUNG YEON-JE
Si les deux pays parlent la même langue, certains mots du vocabulaire n’ont pas la même signification. ©AFP PHOTO / JUNG YEON-JE

Une balade ou un rendez-vous ? Une glace ou un eskimo ? La question ne se posera bientôt plus pour les Coréens

L’annonce peut paraître anodine, mais elle en dit beaucoup sur le rapprochement des deux pays. Au cours d’une allocution, le Premier ministre sud-coréen, Lee Nak-yeon, a confirmé relancer la conception d’un dictionnaire commun à la Corée du Sud et à la Corée du Nord. Depuis leur séparation en 1945, les deux pays parlent techniquement la même langue mais leur vocabulaire a varié. Le sens et l’utilisation des mots coréens dans le Sud et le Nord ont changé à cause de ces décennies de divisions entre les pays.

Selon une étude relayée par le journal britannique The Guardian, près de 40% des mots de tous les jours ont un vocabulaire différent selon le pays. La Corée du Sud a aussi adopté de nombreux anglicismes : pour gardien de but, on emploie le terme « goalkeeper » au Sud,et « moonjigi » au Nord, autrement dit « gardien de porte ».

Un projet initialement abandonné

L’idée de ce dictionnaire n’est pas récente. En 2005, l’ancien président Sud-Coréen souhaitait lancer un « grand dictionnaire de la langue nationale », devant contenir 330 000 mots, rappelle The GuardianMais les relations entre les deux pays se sont détériorées et ont eu raison de ce projet. L’objectif est donc ici de contribuer à garantir l’apaisement des deux Corées. Les mots peuvent donc bien rapprocher.

H.G.