Comprendre la PMA post-mortem en quatre questions

La procréation médicalement assistée (PMA) post-mortem est interdite en France. Autorisée en Espagne, elle suscite des interrogations éthiques et légales. Des femmes françaises souhaiteraient y avoir recours.

« Non-violation de l’article 8 ». La Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) confirme ce 14 septembre que l’interdiction d’export de gamètes prise par la France respecte la Convention européenne des droits de l’homme. Une femme avait demandé l’export vers l’Espagne des gamètes congelés de son mari décédé, afin de réaliser une PMA post-mortem. Le centre d’étude et de conservation des œufs et du sperme humain (Cecos) leur avait refusé.

Qu’est-ce que la PMA post-mortem ?

La procréation médicalement assistée (PMA) permet aux couples hétérosexuels stériles d’avoir un enfant, grâce à des pratiques médicales. La méthode la plus connue est la fécondation in vitro (FIV). La PMA a été élargie aux couples de femmes et aux femmes célibataires par la loi de bioéthique du 2 août 2021. On emploie également le terme d’assistance médicale à la procréation (AMP), de manière équivoque.
La PMA post-mortem consiste à réaliser une fécondation après la mort du conjoint, à partir de ses gamètes préalablement congelés. Elle est n’est pas autorisée en France.

Pourquoi est-elle interdite en France ?

La PMA post-mortem n’a pas été acceptée à cause de multiples obstacles. D’abord, « on crée délibérément des orphelins », avance Aline Cheynet de Beaupré, professeure de droit privé à l’Université d’Orléans. Car contrairement à la PMA post-mortem, la PMA pour femmes célibataires laisse une place vacante à la filiation. Dans le cas de la PMA post-mortem, le père reste le géniteur décédé. « C’est ça, je pense, qui bloque en France », pointe Marie-Xavière Catto, juriste et spécialiste de droit de la bioéthique.

La PMA post-mortem pose également des problèmes liés aux successions, ou aux assurances vie. Elle suscite aussi des questions sur la volonté du défunt. « Rien ne prouve qu’il n’aurait pas changé d’avis, même après avoir rédigé une directive anticipée », assure Bénédicte Beviere-Boyer, maîtresse de conférences en droit privé et spécialiste en droit de la bioéthique. Aujourd’hui, même si le souhait d’utilisation post-mortem est clairement exprimé, il est refusé. Cette précaution est « légitime », assume Bénédicte Beviere-Boyer.

Selon Aline Cheynet de Beaupré, il y aurait toujours un risque de « tromper la volonté du défunt », même avec une directive anticipée. « On n’est pas à l’abri que la veuve utilise les gamètes de son mari décédé pour concevoir un enfant, et l’élever avec le voisin ! », insiste-t-elle.

Pourquoi certains réclament son autorisation ?

Dans le cas d’un couple hétérosexuel qui essayait d’avoir un enfant, le décès du mari entraîne la fin de la PMA. « Ce serait bien de pouvoir continuer », demande Virginie Rio, fondatrice de Collectif Bamp, une association de patients de l’AMP et de personnes infertiles. « Les femmes veuves vivent un double drame. Elles perdent leur conjoint, et en même temps leur projet parental », confie-t-elle.

« On peut se poser la question d’une inégalité face aux femmes seules qui ont accès à la PMA », explique Bénédicte Beviere-Boyer. Virginie Rio parle « d’incohérence de la loi ». « Une femme veuve ne peut pas avoir d’enfant avec le sperme de son mari décédé, mais elle peut avec le sperme d’un inconnu. C’est tout bonnement illogique », regrette-t-elle.

Autoriser l’export de gamètes n’est pour la fondatrice de Collectif Bamp pas la solution. « On possède des centres d’AMP en France. Que les gens soient obligés d’aller à l’étranger, ce n’est pas normal ! Surtout que certains n’ont pas les moyens », déplore-t-elle.

La PMA post-mortem pourrait-elle voir le jour en France ?

Actuellement, le code de la santé publique prévoit que les gamètes congelés d’une personne décédée soient détruits, sauf en cas de déclaration d’autoconservation des gamètes. Mais leur usage post-mortem dans le but de féconder la compagne veuve reste proscrit. « Il n’y a pas d’alternative », explicite Marie-Xavière Catto.

« Il faut trouver de nouveaux outils juridiques », affirme Bénédicte Beviere-Boyer. Cependant, les directives anticipées « ne permettent pas de déroger à la loi », rappelle Marie-Xavière Catto. « Ce qu’il faudrait, ce serait ouvrir la PMA post-mortem », pointe-t-elle. « Dans les propositions qui ont été portées, on associait toujours l’utilisation post-mortem des gamètes avec la filiation. Si les gamètes du père décédé étaient utilisées sans qu’on lui attribue la filiation de l’embryon, cela lèverait un frein », souligne la juriste. La loi bioéthique pourrait être révisée dans les années à venir. « Immanquablement, on reviendra sur la PMA post-mortem », conclue Aline Cheynet de Beaupré.

 

 

Léo Guérin

Emmaüs : dans le nord, la grève continue

Après plusieurs semaines de grèves inédites, des compagnons de trois antennes locales d’Emmaüs attendent encore que leurs revendications soient entendues. Les conseils d’administrations prévus jeudi à Paris et Grande-Synthe ont été annulés.

« Il faut que la direction parte, et que l’on retourne travailler ». Amara est porte-parole des grévistes de Grande-Synthe. Responsable meuble depuis deux ans à Emmaüs, sans-papier, il vient de Guinée. Depuis fin août, son antenne a rejoint celle de la Halte Saint-Jean dans la grève. Ils accusent la direction de les exploiter, sans leur ouvrir de perspective d’insertion.

Le conseil d’administration de Grande-Synthe devait se réunir, ce jeudi 14 septembre, avec les grévistes. Son président, Pierre Wexsteen, l’avait précisé : leur convocation est « le résultat de leur action, leurs insultes et de l’illégalité de leur mouvement« . Mais la journée ne s’est pas déroulée comme prévue. « On n’a fait en sorte que le conseil ne se déroule pas, raconte Christelle Veignie, secrétaire générale de l’Union locale du syndicat de la CGT à Dunkerque, les grévistes risquaient d’être exclus ».

« Quand cette direction part, nous on retourne travailler ». Amara, porte-parole des grévistes de Grande-Synthe

« Nous ne sommes pas salariés, le président nous a dit que nous n’avions donc pas le droit de faire grève », se désole Amara. Comme l’a rappelé Emmaüs France sur son compte Twitter, les compagnes et compagnons ont un statut de « travailleurs solidaires », non encadré par le code du travail. « Nous défendons ce que nous méritons de droit. Quand cette direction part, nous on retourne travailler ». Christelle Veignie s’insurge d’un « mépris et propos racistes » à l’encontre de certains compagnons. Ce que confirme Amara : « Le président nous a dit de « retourner d’où nous venons ». Ces propos sont inadmissibles ! ».

À Saint-André-lez-Lille, c’est la présidente de l’antenne Emmaüs de la Halte Saint-Jean qui risque sa place. Une enquête a été ouverte en mai pour « traite d’êtres humains » et « travail dissimulé » et confiée à la Brigade mobile de recherche zonale (BMRZ) et à l’Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI). Emmaüs France a par la suite demandé aux responsables locaux d’Emmaüs de mettre « en retrait » la directrice de la communauté concernée, Anne Saingier, qui est aussi présidente d’Emmaüs Nord-Pas-de-Calais/Picardie.

Emmaüs France tarde à réagir 

« On veut que la présidente dégage et que le fonctionnement général change », s’exclame Alixe Konbila, porte-parole de l’antenne de la Halte Saint-Jean. « Nos revendications sont laissées sans réponse depuis deux mois ». Elle regrette le manque de réaction d’Emmaüs France, envers leur antenne. « Vu que nous sommes pas OACAS (Organisme d’Accueil Communautaire et d’Activité Solidaire) nous ne sommes pas prioritaires ». Ce statut, que la communauté de Grande-Synthe a adopté, prévoit une meilleure protection sociale des compagnons.

L’antenne France n’a pas réagi à ces propos. Son conseil d’administration devait se réunir dans la journée de jeudi, en même temps que celui de Grande-Synthe. Il a été reporté au 3 octobre. Le délégué général, Tarek Daher, a indiqué : le conseil d’administration national prendra rapidement « des mesures à titre conservatoire ou des lancements de procédures de traitement des conflits ».

Emma Meriaux

Entre citoyens et services publics, une confiance en berne

Un rapport publié aujourd’hui par un collectif pointe une dégradation du rapport de confiance vis à vis du services publics.

La confiance s’émousser au pays de l’État providence. « Si l’attachement de la population aux services publics est réel, la confiance pratique qu’elle accorde à ces services est amoindrie », avance le rapport d’un collectif transpartisan Nos Services Publics, constitué de fonctionnaires, ayant collaboré avec une centaine de chercheurs. Ce travail, commencé en janvier 2023, est une analyse sur le temps long de l’état des services publics en France. « Les moyens des services publics augmentent depuis vingt ans », remarque le rapport, mais cette amélioration apparente masque une baisse puisque ces moyens engagés augmentent « moins rapidement que les besoins sociaux, et l’écart entre les premiers et les seconds tend à s’aggraver ».

Un écart propre à créer « une rupture entre services publics et ses usagers », selon Arnaud Bontemps, haut-fonctionnaire et co-porte-parole du collectif à l’origine du rapport. « Il existe une vraie désocialisation dans la réponse aux besoins, dans la mesure où l’évolution des services publics est trop centrée sur les enjeux budgétaires, et non sur les besoins des citoyens ». Même son de cloche dans une étude du Conseil d’État publiée en juillet, qui pointe lui aussi « une véritable crise de confiance qui rend difficile une action publique au plus proche des réalités concrètes des usagers ».

Graphique issu du Rapport sur l’état des services publics du 14 septembre 2023 par le collection Nos Services Publics.

Des choix gestionnaires et politiques contre-productifs

Le collectif Nos Services Publics met en cause une expérience effective des services publics trop souvent « décourageante et frustrante », notamment en matière de justice et de sécurité mais surtout, « des inégalités d’accès et de traitement aux services publiques ». C’est aussi un « manque de ressources humaines malgré une constante augmentation du nombre d’agents publics », qui est pointé du doigt, la faute à des « choix politiques et gestionnaires contre-productifs », d’après le rapport.

Plusieurs administrations se sont engagées dans une transformation

Rapport du Conseil d’État de juillet 2023

Une analyse que le Conseil d’État tempère, notant que « plusieurs administrations se sont engagées dans une transformation centrée sur le service de l’usager », avec un souci de « simplifier la vie des gens qui s’est amplifié ». C’est par exemple ce que met en avant la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP), qui se prévaut de « faire des avis des Français la clé de l’amélioration continue des services publics, à travers une démarche portée par les agents publics », avec un programme intitulé « Services Publics + » présenté en juin dernier.

Si les solutions et évolutions possibles sont nombreuses, ce rapport affiche pour ambition « de rouvrir les débats -sans prétendre les régler – sur la signification que devraient aujourd’hui revêtir les principes qui fondent l’ambition du service public : démocratie, égalité, émancipation, universalité ». Une démarche dont les répercussions restent à observer dans une France aux services publics sous le feux de nombreuses critiques.

Jules Bois

 

 

 

Guerre en Ukraine: les autorités démentent finalement avoir repris le village d’Andriïvka

 

La contre-offensive ukrainienne dure depuis quatre mois (Photo Genya SAVILOV / AFP).

Une unité d’assaut ukrainienne est revenue sur les déclarations des autorités. Cette avancée de Kiev aurait permis de récupérer un important point logistique aux forces russes.

L’Ukraine a finalement démenti jeudi avoir capturé aux forces russes le village d’Andriïvka, au sud de la ville dévastée de Bakhmout sur le front Est, après avoir pourtant assuré en avoir repris le contrôle, l’un des axes clefs de la contre-offensive menée par les troupes de Kiev depuis juin.

« Andriïvka est à nous« , avait indiqué sur Telegram la vice-ministre ukrainienne de la Défense, Hanna Maliar, ajoutant que les combats se poursuivent dans ce secteur et dans les zones avoisinantes, avant d’être très rapidement contredite par une unité d’assaut ukrainienne sur le terrain et de modifier sa publication.

Une lente contre-offensive

La bataille pour Bakhmout, la plus longue et la plus meurtrière de la guerre, a lieu depuis plus d’un an. Moscou avait revendiqué en mai la capture de la ville, détruite par les combats et les bombardements.

 

L’armée ukrainienne mène depuis début juin une lente contre-offensive destinée à repousser les forces russes dans l’est et le sud mais elle fait face à de puissantes lignes défensives faites de tranchées, de champs de mines et de pièges antichars.

« L’ennemi s’efforce de refouler les forces ukrainiennes des hauteurs dominantes ». Hanna Maliar, vice-ministre de la Défense ukrainienne.

Les combats seraient “très durs”, concèdait en juillet Hanna Maliar, la vice-ministre de la Défense, dans une déclaration reprise par le site d’information Obozrevatel. Mais “les forces ukrainiennes avancent progressivement dans les environs de Bakhmout, entre autres au sud. Les zones de Klichiivka, Kourdioumivka et Andriivka sont le théâtre de combats sanglants”.

Point logistique clef

Les Russes, ajoute Hanna Maliar, attaquent eux aussi, en particulier “au nord de Bakhmout”. “En direction de Koupiansk, l’ennemi s’efforce de refouler les forces ukrainiennes des hauteurs dominantes”, et “plusieurs attaques [auraient] été repoussées en direction de Lyman”.

LIRE AUSSI : Sauf surprise, la contre-offensive de l’Ukraine n’ira pas beaucoup plus loin

Cette opération n’a jusqu’à présent permis que la prise d’une poignée de villages, mais la poussée ukrainienne s’est intensifiée ces dernières semaines, notamment sur le front sud avec la capture du village de Robotyné, en direction de la ville de Tokmak, un important point logistique pour les forces russes. Lundi, l’Ukraine avait déjà revendiqué des « succès » sur les fronts sud et est.

Adrien-Guillaume Padovan avec AFP