Hydrogène vert : l’enjeu croissant de la formation des ingénieurs

Une nouvelle étude de France hydrogène estime à 100 000 le nombre de personnes à former d’ici 2030 pour développer la filière française de l’hydrogène vert. Parmi elles, les ingénieurs joueront un rôle important. Mais le développement des formations universitaires est indissociable de celui des entreprises.  

 

Le développement de la filière de l’hydrogène vert en France devrait passer par la formation de 100 000 personnes d’ici 2030. C’est du moins la conclusion de la dernière étude de France hydrogène, publiée mardi en collaboration avec six acteurs de l’emploi et la formation, dont Pôle emploi et le groupe Adeco.

Cette méthode de production de l’hydrogène est dite décarbonée car elle s’appuie sur l’électrolyse de l’eau, qui ne rejette pas de CO2. Encore faut-il cependant que l’énergie employée pour l’effectuer soit elle-même décarbonée. Aujourd’hui, la France ne possède qu’une capacité de 10 mégawatts de production installée selon ce procédé, et « vise une capacité de production de 6 500 MW en 2030 », à rappelé à l’AFP Philippe Boucly, président de France hydrogène.


Marianne Julien, directrice des partenariats scientifiques d’Air Liquide, considère elle aussi que « donner envie, et la possibilité, de se former à l’hydrogène est un levier clé » pour atteindre cet objectif. « Quand je travaillais pour France hydrogène en 2012 », poursuit-elle, « il y avait moins de 1000 personnes compétentes en France. Aujourd’hui elles sont cinq fois plus. »

Diplômes spécialisés

Si la filière à autant besoin, selon l’étude, de chaudronniers ou de commerciaux que d’ingénieurs, ces derniers joueront un rôle incontournable dans le développement de ces techniques de pointe. Et face au crédit croissant de l’hydrogène vert, leur formation se développe progressivement. Plusieurs diplômes spécialisés ont ainsi vu le jour ces dernières années, là où les questions liées à l’hydrogène se limitaient jusque-là à des modules dans des diplômes généralistes. 

C’est notamment le cas du diplôme d’ingénieur « énergie, hydrogène » de l’école nationale supérieure d’ingénieurs de Bretagne Sud (ENSIBS), crée en 2022. Philippe Mandin, responsable de la formation, en explique le caractère « hybride », mêlant des compétences de formations existantes en « cassant les cloisons » entre elles, et d’autres plus nouvelles.  

L’électrolyse, sur laquelle le chercheur travaille depuis plus de vingt ans, était selon lui jusqu’à récemment une technique relativement « orpheline », mais elle attire désormais plus d’intérêts et de financements. Et elle répond à un besoin local. Bien que d’autres formations existent déjà dans des domaines analogues, ses 30 étudiants ont tous trouvé un contrat, preuve d’une demande croissante. 

« Bulle technologique »

Philippe Mandin souligne en effet l’importance du « triptyque formation, compétence et emploi. » Les entreprises doivent pour lui jouer un rôle moteur pour créer des emplois, avant que la formation universitaire ne suive. Il souligne par ailleurs l’intérêt de l’apprentissage, qui apporte des compétences professionnelles à ses élèves. « La formation est critique, mais on se forme aussi en travaillant », abonde Marianne Julien. « Il est important de continuer à favoriser des projets allant de l’éducation jusqu’à l’industrie. »

Mais l’intérêt croissant du privé pour l’hydrogène vert, et la stimulation que cela peut générer dans le milieu universitaire, doivent être relativisés pour Philiipe Mandin. On a selon lui affaire à une « bulle technologique », qui doit encore se stabiliser et se concrétiser. A cet égard, l’objectif avancé par l’étude de France hydrogène lui paraît ambitieux. « Tout dépendra de la capacité des entreprises Françaises ou Européennes à ouvrir de nouvelles usines », conclue-t-il.

Mardi, TotalEnergies lançait justement un appel d’offre inédit pour remplacer les quelque 500 000 tonnes d’hydrogène « gris » – rejetant du CO2 – par de l’hydrogène vert pour décarboner ses activités de raffinage de pétrole en Europe. 

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