Police, banlieue : en route vers l’apaisement ?

Les rapports entre forces de l’ordre et ce que l’on a nommé « les cités » ont une part très importante dans la vie sociale et politique française. Ils ont longtemps été les symboles des fractures entre plusieurs franges de la société. Préjugés, défiance, violences mutuelles, la vie de la banlieue et des forces de police est parsemée de nombreux obstacles. Ce, surtout depuis les émeutes de 2005, qui ont été l’apogée de cette tension, latente, et qui prend alors une dimension concrète très forte. Néanmoins, dans les faits, cette rivalité semble s’être apaisée, une dizaine d’années plus tard. Qu’en est-il réellement ? Enquête pour tenter d’y voir un peu plus clair.

À Clichy-sous-Bois, les stigmates des quatre jours d’émeutes, en octobre et novembre 2005 sont encore visibles. Sur une place de parking, dans le cité du Chêne Pointu, foyer des affrontements entre forces de l’ordre et émeutiers, les résidus calcinés d’une probable voiture brûlée sont toujours présents. À une centaine de mètres de là, dans la cage d’escalier d’un immeuble insalubre et déserté, l’odeur de brûlé se mêle à celle de l’urine, comme pour rappeler qu’ici, l’amertume du présent se superpose aux flammes du passé.

Une cage d’escalier brûlée, dans la cité du Chêne Pointu, à Clichy-sous-Bois, vestige des affrontement entre policiers et émeutiers, en 2005.

C’était il y a un peu moins de dix ans, le 27 octobre 2005. Deux jeunes, Zyed Benna et Bouna Traoré, aux prénoms devenus tristement célèbres et qui demeurent taggés sur le crépis de certains immeubles, meurent électrocutés dans un transformateur EDF, à Clichy-sous-Bois, en Seine-saint-Denis.

L’indignation, à Clichy-sous-Bois, prend rapidement un tour violent. Des mouvements spontanés, dans les rues de la ville, au départ situés dans la cité du Chêne Pointu, tout près du collège Robert Doisneau où les deux victimes étaient scolarisées, ont lieu dès le soir du 27 octobre. Les émeutes font très rapidement feu de paille. Une vingtaine de villes connaissent des émeutes, jusqu’à la mi-novembre. Le 8 novembre, le Président de la République d’alors, Jacques Chirac, décrète l’état d’urgence.

Clichy en chiffres Copy

Si tout a commencé à Clichy-sous-Bois c’est parce que cette ville est le véritable épicentre, point de départ d’émeutes qui ont embrasé une bonne partie de l’est de la région parisienne. La ville symbolise les dysfonctionnement de la banlieue, d’une manière générale : chômage de masse, quartiers enclavés, violence et problématiques liées au trafic de drogue …« Certaines banlieues ont leur propre police, c’est très compliqué d’intervenir dans ce cadre », explique Christophe Crépin.

La cité du Chêne Pointu, à Clichy-sous-Bois.

Pendant les dix ans qui ont séparé les faits et le procès, la tension entre forces de l’ordre et banlieues s’est détendue. Dans les faits, force est de constater que les affrontements physiques entre les deux parties sont beaucoup moins nombreux, depuis la fin de l’année 2005. : « Aujourd’hui, il n’y a certes plus d’émeutes, mais ça ne veut pas dire que la violence n’est plus là », lâche Mehdi, 26 ans, et habitant de banlieue parisienne depuis sa naissance. « Provocation et humiliation, voilà comment ça se passe en banlieue ! C’est d’une violence inouïe et c’est quasiment à chaque contrôle », s’insurge Bryan, 23 ans, dont 18 passés en banlieue.

Un tissu associatif plein de bonne volonté

Aux lendemains des émeutes, associations et syndicats ont mis en branle un certain nombre de projets, pour éviter que ce genre d’événements tragiques ne se répètent. C’est, notamment, le cas de l’association AC Le Feu (Association collectif Liberté, Egalité, Fraternité, ensemble unis), fondée quelques jours après le 27 octobre 2005, à Clichy-sous-Bois. « Nous voulions redonner la parole aux habitants des banlieues, pour lutter contre certains clichés ambiants. Il nous fallait répondre autrement que par des voitures brûlées », explique son co-fondateur, Mehdi Bigaderne. Volonté d’apaisement, donc. Dimension nationale, aussi. L’une des premières actions de ce collectif, qui réunit aujourd’hui une quarantaine de membres permanents, fût de lancer des cahiers de doléances, dans toute la France. L’objectif affiché par le collectif était de répondre à l’affirmation de Nicolas Sarkozy, alors Ministre de l’Intérieur, pour qui « la priorité des Français [était] la sécurité ». « Dans nos cahiers de doléances, rappel évident de l’histoire de France, nous avons constaté que les problématiques de l’emploi et du logement revenaient avant toute chose. Nous les avons déposé au Sénat. Nous voulions marquer le coup, et montrer que nous étions des Français à part entière, et non pas des Français entièrement à part », ajoute Medhi Bigaderne.

En somme, l’idée portée par ce collectif, mais aussi par d’autres, tels que Banlieue +, ou le Bondy Blog, est de renouer le dialogue entre la jeunesse des banlieues, Clichy-sous-Bois au premier chef, et les forces de polices, de l’État. À Clichy-sous-Bois, laboratoire associatif révélant de l’ensemble des mesures nationales, l’association Au-delà des Mots a pour vocation de soutenir les proches de Zyed et Bouna, tant financièrement que moralement, tout en favorisant le dialogue avec les forces de l’ordre. C’est ce qu’affirme Medhi Bigarderne, aussi membre d’ADM (Au-delà des Mots) : « L’action de notre commissaire est volontariste, mais pas suffisante. Il ne faut pas oublier que les problématiques entre police et population ne s’arrêtent pas aux banlieues parisiennes, et même pas aux banlieues en général. Il faut élargir le champ, réfléchir de manière globale».

Une police qui revoie ses principes fondamentaux

De leur côté, les syndicats de policiers ne sont pas en reste. Christophe Crépin est gardien de la paix depuis une trentaine d’années, et travaille pour l’Unsa (Union nationale des syndicats autonomes), le premier syndicat de policiers de France. Pour lui, après les affrontements de 2005, la police a fortement remis en cause ses fondamentaux. « Pendant un certain temps, nous avons mis de côté la formation des jeunes policiers, par manque d’effectifs. Mais aujourd’hui, nous avons système de formation permanente et adaptée à la situation », estime-t-il. Pour lui, cette refonte du système de formation était absolument nécessaire, et vitale pour la sécurité des quartiers sensibles. Il salue le fait, croissant, que les jeunes de banlieue entrent de plus en plus dans la police nationale. « La fonction de policier ne peut que s’enrichir de cette mixité. On retrouve de plus en plus d’hommes et de femmes issus de toutes les formes d’immigration, et d’origine sociale », ajoute Christophe Crépin. Même si, pour lui, la solution pour apaiser le climat entre la banlieue, et les forces de l’ordre, ne peut relever que d’une politique nationale et sur le long terme. « Il faut que tous les acteurs sociaux travaillent main dans la main. Certains endroits devraient être rasés, pour tout reconstruire. La police ne peut pas épancher tous les maux de la société, ce n’est pas possible. Il faut repenser la politique de la ville », affirme-t-il, avec force.

Christophe Crépin, dans les locaux de l’Unsa, à Paris.

Les associations et la police sont-elles donc prêtes à travailler ensemble, pour pacifier leurs relations, et éviter que des événements tels que ceux de 2005 ne se reproduisent ? Derrière ce volontarisme affiché, une réalité plus complexe semble émerger. En effet, chaque partie se renvoie la balle, comme pour affirmer que les efforts consentis par l’autre ne sont pas suffisants. « Il faut faire attention à ne pas se faire manipuler par certaines associations », estime Christophe Crépin. Comme en échos, Mehdi Bigaderne affirme que « les syndicats de police ont fait pression sur les pouvoirs publics, pour que les choses ne s’améliorent pas. Dans les faits, rien n’a changé, les scandales récents le démontrent ».

Une défiance persistante

Si associations et pouvoirs publics ont souhaité jouer la carte de l’apaisement, les tensions, elles, demeurent  « Les contrôles d’identité sont systématiques. Rien n’a changé ! Ce sont toujours les mêmes qui se font contrôler », ajoute-t-il. Un sentiment que partage Sihame Assbague, porte-parole du collectif Stop contre le contrôle au faciès : « S’imaginer que que tout va bien dans le meilleur des mondes est une bêtise ! Il reste beaucoup de choses à faire, notamment continuer le combat contre le contrôle au faciès qui, je le rappelle, est illégal. Ce que je constate, dans les faits, c’est que cette méthode est encore très largement répandue ». Didier Lapeyronnie, sociologue spécialiste des banlieues, va dans le même sens : « Je pense que la politique du chiffre, imposée par le ministère de l’Intérieur ne permet pas l’instauration d’un climat de confiance. Les policiers sont stressés par cette politique, et les jeunes frustrés d’être toujours pris pour cible ». Cette mise sous pression mutuelle des deux parties, dans les quartiers sensibles serait donc au cœur du climat de défiance persistant.

Christophe Crépin, représentant de l’Unsa, réfute cette primauté de la politique du chiffre : « Nous ne sommes pas là pour faire des statistiques. Nous n’avons pas de quotas, on ne chiffre plus comme avant. Mais, même s’il n’y a pas marqué « terroriste » sur les visages, il faut quand même savoir que, sous couvert du procureur de la République, on contrôle un certain profil, un certain type de personnes ». Force est de constater que policiers et monde des banlieues se renvoient la balle en permanence. Certaines initiatives nationales voire internationales essaient de sortir de cette impasse.

Une police au dessus des lois ?

« Cela fait des années que nous exprimons nos préoccupations concernant les allégations de violation des droits humains par les forces de l’ordre françaises, notamment dans les banlieues où les victimes n’obtiennent jamais réparation », affirme Aurélie Chatelard, membre d’Amnesty International. Cet ONG a publié un rapport choc, en 2009, intitulé Les Policiers au dessus des lois. Elle pointe du doigt le fait qu’aucun chiffre officiel du nombre de personnes tuées par la police n’existe. C’est l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, créé en 2003, par Nicolas Sarkozy qui comptabilise les violences, mais seulement sur les forces de l’ordre. « Pourquoi n’y-a-t-il pas un organisme indépendant chargé de répertorier les allégations de violence policière ? Ceci est une grave anomalie démocratique », s’emporte Aurélie Chatelard.

Aujourd’hui, dix ans après une série d’émeutes qui ont mis la banlieue française à feu et à sang, les actes violents entre forces de l’ordre et banlieusards sont en voie de disparition. Néanmoins, le climat tendu entre eux n’est guère apaisé. Certaines initiatives locales tentent d’apaiser ce climat délétère. Mais sans politique globale, la plus large possible, réclamée par les deux parties, cette tension ne semble pas prête de disparaître.

Le procès de Clichy-sous-Bois, prisme d’une problématique nationale

Dix années après, le procès des deux policiers, Stéphanie Klein et Sébastien Gaillemain, inculpés pour « non assistance à personnes en danger», s’est ouvert, le 16 mars dernier, à Rennes. La procureure de la République, Delphine Dewailly, prône la relaxe pour les deux gardiens de le paix. Et lorsque le jugement sera officiel, les familles des victimes ne pourront plus faire appel, concernant les infractions pénales, commises par les forces de l’ordre, lors de la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré.

La plaque commémorative, en l’honneur de Bouna Traoré et Zyed Benna, tout près du collège Robert Doisneau, à Clichy-sous-Bois.

L’avocat des familles des victimes a bien mesuré l’enjeu national de ce procès, Me Mignard : « Cette situation absurde illustre l’apartheid mesquin qui régit les rapports sociaux dans ces cités où deux mondes vivent séparément et s’ignorent ». Il reprend à son compte le mot de l’actuel Premier Ministre, Manuel Valls, qui décrivait la situation entre les banlieues et le reste du territoire.

La tenue de ce procès à plus de 300 kilomètres des évènements est aussi la preuve qu’il revêt un caractère national. Peut-être aussi parce qu’il s’agit du seul procès inculpant les forces de police, par rapport aux émeutes de 2005, ce procès est scruté par les médias de tout le pays. Une chose est sûre, le verdict, rendu le 18 mai prochain sera un signal fort envoyé à ceux qui, en banlieue ou dans les commissariats de police, attendent des mesures « venues d’en haut », pour décanter une situation qui semble immuable depuis plusieurs décennies …

 

Alexandra DEL PERAL & Clément BRAULT.

Trois enfants autistes, le combat d’une famille

« Quand on entend le mot autisme, au début, on y croit pas ». Ce moment, Sylvie Philippon l’a vécu, trois fois. Ces enfants, Mathéo 9 ans, Lenzo 7 ans et Louna, 5 ans, sont tous atteints par la maladie. L’attente, les aller-retours à l’hôpital, l’incompréhension des médecins, l’impatience et la nécessité d’aller s’informer soit même, la maman âgée de 43 ans connaît ça par coeur.

Sylvie Philippon a quitté son emploi à la Chambre de Commerce pour se consacrer entièrement à ses trois enfants autistes. Crédit Photo : Juliette Busch
Sylvie Philippon a quitté son emploi à la Chambre de Commerce pour se consacrer entièrement à ses trois enfants autistes. Crédit Photo : Juliette Busch

 

Le poids de la culpabilité

Dès leur plus jeune âge, Mathéo et Lenzo ont été des enfants difficiles. Ils avaient du mal à se nourrir, dormaient très mal et pleuraient beaucoup. De psychologues en psychologues, Sylvie Philippon et son mari n’entendait qu’un seul discours : et si c’était eux, parents, qui avaient mal fait les choses, et si leur relation avec leurs enfants ne fonctionnait pas bien ? Sylvie en garde un souvenir blessant : « On nous en a fait porter la responsabilité, on nous a culpabilisés « .

Une vie professionnelle sacrifiée
Alors qu’ils étaient déjà débordés par deux garçons, la petite Louna pointe son nez. Bébé, elle aussi pleure beaucoup et fait de nombreuses crises. Alors que Louna a 18 mois, Sylvie et son mari s’alarment, elle ne parle pas, ne dit ni papa, ni maman. « Même lorsqu’elle se réveillait, elle ne nous appelait pas ». Louna se fait diagnostiquer autiste très vite, en septembre 2011. Au travers de livres, de rencontres, de groupe de soutien entre parents sur facebook et de formation parentale à l’hôpital, Sylvie acquière des connaissances sur l’autisme. Le comportement de ses deux fils l’inquiète, elle se met en tête de leur faire eux aussi diagnostiquer. En juillet 2013, le mot « autisme » revient pour Lenzo. Un an après, Mathéo est lui diagnostiqué autiste asperger. Très vite, concilier vies professionnelle et familiale devient impossible. Dès 2011, lorsque Louna a été diagnostiquée, Sylvie a pris un congé de présence parentale pour enfant handicapé. En 2014, elle décide de quitter définitivement son poste à la Chambre de commerce pour se consacrer à ses enfants. De son côté, le mari de Sylvie continue de travailler dans son entreprise de matériel médical. Entre eux, les dissensions se font parfois entendre. « Mon mari pense qu’il ne faut pas trop en parler, pour ne pas leur coller une étiquette. Moi je suis pour la transparence. Je le fais aussi pour eux : ils ont le droit de savoir ce qu’ils ont ».

Un manque de solution
Mathéo, Enzo et Louna sont scolarisés trois jours par semaine dans une école privée Montessori, spécialisée dans l’éducation sensorielle. Cela laisse le temps à Sylvie de mettre à profit son énergieet son dynamisme en s’investissant dans le milieu associatif. «J’essaie comme je peux de défendre la cause de l’autisme, j’apporte ma petite pierre à l’édifice». Mais financièrement, l’école privée et l’accompagnement de ses enfants par de nombreux spécialistes coûte cher. «Bien sur, on aurait pu scolariser nos enfants dans des écoles publiques. Ils auraient été suivis par des AVS ( auxiliaire de vie scolaire ). Mais ils ne connaissent pas tous très bien l’autisme et peuvent changer d’une année sur l’autre. Nous avons trouvé le suivi en école Montessori plus adapté». Ce qui inquiète le plus Sylvie, c’est l’après. Où iront ces enfants au collège ? Pour Mathéo, le problème va bientôt se poser. Autiste asperger, il rencontre des difficultés de sociabilisation mais n’a ni problème moteur, ni de problème linguistique. Il se trouve dans un entre deux, les IME ( institut médico-social) accueillent souvent des cas beaucoup plus sévères d’autismes. Cependant, la maman estime qu’un collège traditionnel risque d’être une expérience trop difficile pour lui.  » Pour le moment, je n’ai pas de solution« .

La photographe Juliette Busch, étudiante à l’école des Gobelins, a rencontré la famille de Sylvie Philippon. Elle témoigne de son expérience au travers de ses photos. 

 

Pour aller plus loin : 

Reportage à l’ESAT des Colombages

Un cinéma qui accueille des enfants autistes

Enquête : enfin un vrai accompagnement pour les autistes ?

 

 Maëva Poulet et Sami Acef 

Une séance de cinéma pas comme les autres…

Proposer des séances de cinéma adaptée aux enfants autistes, c’est l’objet des « Ciné-ma-différence ». Le projet, présent dans plusieurs villes de France, s’est implanté Montigny-les-Cormeilles, dans le Val d’Oise, en 2011, à l’initiative de Jacqueline Sibieude. 

Vêtus de gilet jaune, les bénévoles du “Ciné-ma-différence” ont proposé une séance pas comme les autres, dimanche 12 avril, au Centre Culturel Picasso de Montigny-les-Cormeilles. Avant le début du film, Jacqueline Sibieude, à l’initiative de la création de ce cinéma dans le Val d’Oise, commence par un petit discours. “ Ici, vous êtes dans une séance ouverte à tous. Dans la salle, certains sont différents. On leur laisse la possibilité de s’exprimer librement, s’ils ont besoin de rigoler, de parler, de sortir, de bouger ou de chanter, ce n’est pas grave”, prévient-elle calmement. Elle invite ensuite la vingtaine d’enfants et de parents présents à repérer les cinq bénévoles en gilet jaune : “ Si vous avez un problème, nous avons des lampes de poche, nous venons vous voir et si vous avez besoin de sortir, on peut vous accompagner”. Une fois les explications terminées, les lumières de la salle s’éteignent progressivement pour laisser place au film du mois, la comédie musicale “ Annie”.

Permettre aux familles d’aller au cinéma

Tout est fait pour que les enfants autistes se sentent à l’aise et puissent vivre confortablement une séance de cinéma. “ Certains enfants autistes ont peur du passage au noir trop brutal, c’est pour cela que nous baissons progressivement la lumière. D’autres peuvent souffrir d’hyperacoustie, le volume sonore est donc moins élevé que dans les salles traditionnelles”, explique Jacqueline Sibieude. Depuis 2011, l’association HAARP ( Handicap autisme association réunie du Parisis ) propose ces séances de “ciné-ma-différence” une fois par mois à Montigny-les-Cormeilles. Le concept existe en France depuis 2005. Il a d’abord été développé à Paris, par deux familles confrontées à l’impossibilité de se rendre au cinéma avec leurs enfants handicapés. “ C’est notamment très difficile d’aller au cinéma avec un enfant autiste. Il peut rapidement être submergé par ses émotions, rire fort, avoir envie de bouger ou être angoissé. Ces comportements ne sont pas toujours acceptés dans les salles de cinéma…”, explique Jacqueline Sibieude.

C’est elle qui a entendu parler du concept et a décidé de le mettre en place dans le département. “ J’ai eu un enfant autiste, ça m’est arrivé de devoir sortir de la salle au bout de 5 minutes parce qu’il était trop bruyant pour les autres spectateurs. Beaucoup de familles n’osent plus sortir avec leur enfant. Ces séances aménagées ont pour but de laisser les enfants s’exprimer et par la même occasion,  de permettre aux familles d’aller au cinéma tous ensemble”. Ce dimanche, la séance a été calme. Pendant les deux heures de film, on pouvait seulement entendre quelques éclats de rire.

Pour aller plus loin :

Le témoignage d’une mère de trois enfants autistes

Enquête : enfin un vrai accompagnement pour les autistes ?

Reportage à l’ESAT des Colombages

 

Maëva Poulet et Sami Acef

Enfin un vrai accompagnement pour les autistes ?

« L’autisme c’est génétique ? Ce n’est pas plutôt psychologique ? Les autistes ont toujours des retards mentaux, non ? Mais dans Rain Man, ce n’était pas un génie au contraire? » Entre préjugés et influence du septième art, il est difficile de trouver une pathologie aussi incomprise que l’autisme. Peut-être devrait-on d’ailleurs parler d’autismes au pluriel, car il existe autant de variations de cette affection, que de personnes vivant avec. Est-ce la raison pour laquelle cette question nous paraît si difficile à cerner ? Comment expliquer le retard que la France a pris dans l’accompagnement de ce handicap? Cinq fois rappelée à l’ordre par le Conseil de l’Europe, l’Hexagone semble enfin tendre une main, timide, vers ses autistes.

 

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Mathéo, 9 ans est autiste asperger. Crédit photo : Juliette Busch

 

Autant d’autismes que d’autistes

En 30 ans, c’est une véritable révolution. Avec la mise en place du Troisième Plan Autisme depuis 2013, la France avance enfin dans la compréhension de cette maladie mystérieuse.

On estime qu’une personne sur cent naît chaque année avec un trouble autistique. En France ce sont environ 600 000 personnes qui subissent ce handicap, soit deux fois la population d’une ville comme Nantes. Mais pour les aider à vivre avec, encore faut-il d’abord le comprendre. Pour Thomas Bourgeron, Professeur de génétique à l’université Paris Diderot et chercheur à l’Institut Pasteur l’autisme est « une maladie basée sur le comportement de la personne, qui entraîne des problèmes d’interactions sociales, de stéréotypie (la reproduction involontaire et continue des mêmes mots, gestes ou tics) et d’intérêts restreints et limités ».

Chez l’enfant cela peut se manifester par le fait de ne jamais regarder quelqu’un dans les yeux, de ne pas exprimer ses émotions, de se passionner de manière obsessionnelle pour un seul sujet, ou encore de répéter indéfiniment des mouvements de balancements.

Le dépistage de l’autisme est quasiment impossible aujourd’hui avant l’âge de dix-huit mois. Passée cette date, on peut dégager deux principales vagues de diagnostic. La première intervient vers l’âge de deux ou trois ans, si un enfant présente un retard dans l’apprentissage du langage, il peut alors être diagnostiqué comme étant autiste. On parle d’autisme de type Kanner, du nom du pédiatre, qui a identifié cette forme particulière de la pathologie en 1943. C’est parmi ces autistes de type Kanner que l’on trouve des cas de déficiences mentales plus ou moins sévères selon les malades. Il n’y a cependant pas de règle. On estime que seule la moitié de ces autistes présente un retard mental venant alourdir leurs autres symptômes.

Là où les choses se compliquent, c’est que certains autistes présentent des symptômes exactement opposés à ceux recensés chez Kanner. Au lieu d’un retard de langage, ils s’expriment dans un registre extrêmement soutenu avec une fluidité parfois confondante, et sont souvent très doués pour les langues étrangères. En général, ces autistes sont diagnostiqués vers l’âge de douze ans, quand ils entrent au collège et que leurs parents commencent à réellement s’inquiéter de leurs difficultés à interagir avec les autres élèves. Car même chez ces autistes, les difficultés d’interaction sociale, les fixations obsessionnelles ou les comportements répétitifs perdurent. Certains d’entre eux présentent également des capacités intellectuelles exceptionnelles, notamment en termes de mémoire. « Ça c’est l’autisme que l’on montre sur TF1 », ironise Thomas Bourgeron. « C’est un peu l’autisme hollywoodien ». La formule est efficace mais dans le monde scientifiques on les appelle parfois « autistes de haut niveau » ou encore autistes « Asperger ».

Et les ramifications de l’autisme ne s’arrêtent pas à ces deux grandes familles. Les syndromes autistiques peuvent s’accompagner d’autres troubles, comme l’hyperactivité ou des syndromes bipolaires. Pour le professeur Bourgeron, « ce qui fait la complexité de la maladie, c’est qu’il n’y a pas deux troubles autistiques similaires ».

Les enfants de Sylvie Philippon : Louna, Lenzo et Mathéo, ont tous été diagnostiqués autistes. Crédit photo : Juliette Busch
Les enfants de Sylvie Philippon : Louna, Lenzo et Mathéo, ont tous été diagnostiqués autistes. Crédit photo : Juliette Busch

 

La faute de la mère ?

Cette méconnaissance de l’autisme a entraîné une succession de thèses, certaines infondées et pourtant encore très ancrées dans les esprits, pour élucider les causes de la maladie. Pour de nombreux psychanalystes, a commencé par Léo Kanner, l’autisme constituait une réaction défensive d’un très jeune enfant submergé par l’angoisse et donc, incapable de faire face à la réalité. La difficulté des autistes à établir un contact affectif résultait d’un manque d’affection portée par la mère. C’était ce qu’on appelait une « mère frigidaire », distante, qui poussait l’enfant à se réfugier dans son univers mental.

Au contraire, il était reproché à certaines de montrer trop d’affection envers leur enfant. La thèse psychanalytique était qu’elles considéraient l’enfant comme un substitut du père. Le père devait les séparer de leur relation trop fusionnelle, en imposant sa « Loi Symbolique », sans quoi l’enfant allait se montrer incapable d’aller vers l’autre et d’accéder au langage. Il restait dans sa bulle, comme enfermé dans « l’utérus maternel ».

Pendant des années, les parents ont été ainsi tenus pour responsable de l’autisme de leur enfant. A tel point que dans les années 60-70, Bruno Bettelheim, éducateur et membre de la Société pyschanalytique de Chicago s’efforçait de soigner les enfants autistes quitte à écarter les parents pendant des années, refusant même qu’ils prennent contact avec les équipes médicales. Si l’idée que les parents sont responsables n’est plus admise par la communauté scientifique, on en retrouve encore aujourd’hui les échos.

« Plus on a de gènes en commun avec une personne autiste, plus on a de chance d’être soi-même autiste » 

Sylvie Philippon, 43 ans et mère de trois enfants autistes, se souvient encore des psychologues qui lui ont affirmé que c’était à elle de faire son introspection et de soigner les plaies de son enfance, pour améliorer sa relation avec son enfant.  « Je travaille aujourd’hui au sein d’association pour aider les parents d’enfants autistes et beaucoup me racontent encore cette histoire. En 2015, c’est scandaleux », confie la maman très impliquée dans l’aide aux parents d’autistes.

Pour Thomas Bourgeron, une des causes serait à chercher du côté de la génétique : “ Il y a eu des études de jumeaux qui montraient que chez les vrais jumeaux – qui ont 100% du génome en commun- si l’un est autiste, le deuxième à 90% de chance de l’être aussi. Les faux jumeaux ont 50% du génome en commun. Pour eux, le risque tombe à 10%. Ce qui prouve bien que plus on a de gènes en commun avec une personne autiste, plus on a de chance d’être soi-même autiste”.

Rendre les autistes invisibles

L’influence de la psychanalyse en France a longtemps bloqué la mise en place de dispositifs d’accompagnement adaptés. En 1963, l’Association au service des personnes inadaptées ayant des troubles de la personnalité ( ASITIP ), qui deviendra Sésame Autisme, milite pour l’ouverture d’hôpitaux de jour. En 1989, l’association Autisme France est créée par des parents qui réfutent l’approche psychanalytique et s’opposent à l’ASITIP.

« Pendant longtemps, la France a eu 30 ans de retard sur la question de l’autisme »

Danièle Langloys, qui préside aujourd’hui Autisme France, ne mâche pas ses mots quand il s’agit de pointer du doigt le retard que la France a pris en plaçant ses jeunes autistes en hôpital de jour.  Jeudi 9 avril 2015, lors d’une rencontre sur le sujet, elle s’est exprimée avec fermeté : “ La France s’est confortée dans une vision archaïque du handicap, elle a parqué les autistes dans des ghettos. Ils n’allaient pas à l’école, ils étaient invisibles. Et, il faut le dire, ça arrangeait tout le monde”.

Pendant longtemps, la France a eu 30 ans de retard sur la question de l’autisme ”, regrette Vincent Gerhards, président d’Autistes Sans Frontières. En 2003, le Comité européen des droits sociaux contrôlant l’application de la Charte sociale européenne condamne la France pour non-respect de l’obligation de l’éducation pour les enfants autistes. Dans le même temps, les méthodes comportementales arrivent en France, avec beaucoup de retard.

Mathéo Louna ont 9 et 5 ans. Les couloirs de l'Hôpital Robert-Debré, les deux enfants les connaissent trop bien.  Crédit photo : Juliette Busch
Mathéo Louna ont 9 et 5 ans. Les couloirs de l’Hôpital Robert-Debré, les deux enfants les connaissent trop bien. Crédit photo : Juliette Busch

2012, année zéro pour l’autisme

Une loi adoptée le 11 février 2005 prévoit la scolarisation de tout enfant en milieu ordinaire. C’est un premier pas vers un meilleur accompagnement des personnes autistes.

La même année, le premier “ Plan Autisme” voit le jour. En 2007, le Comité Consultatif National d’Ethique en remet une couche et fustige la France pour sa scolarisation “fictive”  des enfants autistes, “exclus parmi les exclus”.

Après un deuxième plan autisme en 2008, dont la plupart des mesures n’ont jamais été appliquées, les associations de parents accentuent leur rôle. En 2012, elles font pression pour que l’autisme obtiennent le label de “ Grande Cause Nationale”. En mars 2012, un rapport de la Haute Autorité de Santé ( HAS ), recommande l’usage des méthodes comportementales et prend ses distances avec la psychanalyse. Selon Vincent Gerhards, “ 2012 a été l’année zéro de l’autisme en France”.

Les promesses du Troisième Plan Autisme

A partir de la base de connaissances et de méthodes recommandées par le rapport de la HAS , le “ 3ème Plan Autisme” voit le jour, en 2013. Ce Troisième Plan entend prendre la mesure du problème et proposer des solutions concrètes.

« Je n’ai pas de solution pour scolariser mon enfant autiste ! »

Le troisième plan autisme va dans le bon sens, mais il s’étale sur trois ans. C’est difficile de dire que l’on va tout résoudre en trois ans. Il faudra très certainement dix à quinze ans pour tout mettre en place ”, explique Vincent Gerhards. Cette synthèse du 3ème Plan Autisme est à l’image de ses promesses et de ses limites.

Le 9 avril 2015, lors de la Deuxième Rencontre parlementaire sur ce plan à l’ Assemblée Nationale, l’ambiance est tendue. De nombreuses familles se sont rendues à la rencontre, pour prendre connaissance des avancées, mais aussi pour rappeler leur mécontentement. “Je n’ai pas de solution pour scolariser mon enfant autiste!”, s’exclame une mère dans la salle. “ Beaucoup de belles paroles mais sur le terrain qu’est ce qui a changé ?” demande une autre quelques rangées plus loin. La colère et l’impatience se fait ressentir.

Pour calmer les angoisses des personnes présentes, Ségolène Neuville, secrétaire d’Etat déléguée aux personnes handicapés et à la lutte contre l’exclusion sociale, a elle-même rappelé les limites du 3 ème Plan Autisme : “Jamais un plan suffira à résoudre tous les manques en matière d’autisme. Mais cela n’empêche pas qu’il faut continuer à agir et se battre”.

Avec un budget de 205,5 millions d’euros, le Plan Autisme a néanmoins donné un coup d’accélérateur en matière d’accompagnement de la maladie et a permis de mettre en pratique les recommandations de la HAS.

Mieux former les professionnels de la santé sur la question de l’autisme

Mesure phare du plan, l’ouverture pour la première fois en France de 30 “unités d’enseignement maternelle autisme” tend à rattraper le retard pris en matière de scolarisation . Ce dispositif permet l’accueil des enfants de 3 à 6 ans souffrant de troubles trop sévères pour être scolarisés en classe ordinaire. 700 places dans ces unités ont été ouvertes depuis la rentrée 2014. Si ces classes semblent faire l’unanimité, elle ne suffisent pas à combler toutes les demandes. “ Il y a 700 places, c’est bien, mais chaque année 8000 enfants naissent avec autisme. Il y a un écart entre les places et la demande” souligne Vincent Gerhards.

Le 3ème plan autisme entend également renforcer la formation des professionnels de la santé. Pour Guillaume Blanco, directeur du projet : “ la plupart des formations : médecins, éducateurs, infirmiers ne sont pas au point sur le plan de l’autisme, en prenant la maladie sous des angles dépassés et en n’appliquant pas toujours ce qui est recommandé ”.

Lors de la rencontre parlementaire du 9 avril, Ségolène Neuville a souligné la nécessité de mettre en place de nouveaux cursus sur l’autisme au niveau master. Elle devrait l’annoncer officiellement lors du comité national sur l’autisme du jeudi 16 avril.

Dans les entreprises : un handicap mieux compris ?

Pour David Forien, autiste asperger de 47 ans, il ne faut pas pour autant nier en bloc les avancées que ce plan a permis.  « L’année de l’autisme de 2012, puis le Troisième Plan Autisme, ont permis d’attirer l’attention sur ce handicap. Depuis deux ans, les entreprises font part de leur intérêt pour les autistes. On peut l’expliquer de plusieurs manières : d’abord, c’est un handicap qui n’est pas difficile à gérer en terme d’accessibilité et leur permet d’atteindre le quota des 6% de personnes en situation de handicap. De plus, on commence à comprendre que les autistes asperger et de haut niveau ont des compétences intéressantes, notamment parcequ’ils excellent chacun dans des domaines spécifiques ».

David Forien a fait une école d’ingénieur, pendant vingt ans, il a participé à la création de nombreuses entreprises.Depuis 2012, il milite au sein du collectif Talent d’As pour l’insertion des adultes autistes asperger et de « haut niveau » en milieu ordinaire, c’est-à-dire dans les entreprises. « De leur côté, les autistes prennent conscience qu’il est possible de s’épanouir dans le milieu professionnel  : pour beaucoup, le travail était associé à la nouveauté. Cela leur faisait peur et  les poussait à poursuivre indéfiniment leurs études ». Au sein de son collectif, il suit aujourd’hui une vingtaine d’autistes désireux d’entrer dans le monde du travail. « Face à la demande des entreprises, nous mettons en place des formations pour permettre aux autistes de mieux connaître les besoins des entreprises et leurs propres compétences pour bien s’orienter ».

Pour continuer à sensibiliser le public à ce handicap et permettre des avancées,  le Troisième Plan Autisme souhaite poursuivre la recherche sur la maladie et améliorer les connaissances.

Lautismeenchiffres

La recherche…mais pas trop chère

Cinq cent mille euros sur trois ans. Voilà ce que le plan autisme prévoit d’allouer à ses chercheurs. « Il faudrait au moins cinq millions d’euros, voire plus », déplore Thomas Bergeron. « En terme de recherche scientifique, le plan autisme n’est pas assez sérieux. C’est même un peu insultant ».

Il faut dire que si ces dernières décennies ont permis d’en apprendre énormément sur les syndromes autistiques, les chercheurs sont très loin de comprendre parfaitement le fonctionnement de la maladie. En 2003, les premiers gènes pour lesquels une mutation pouvait entraîner cette pathologie étaient découverts. Une dizaine d’années plus tard, on en a identifié plus de 200. Et encore, ils ne permettent pour l’instant que d’expliquer 20 % des cas d’autisme. Et si les chercheurs estiment qu’environ 60% des autismes pourront être expliqués de manière génétique, aucun ne pense aujourd’hui que la double hélice d’ADN renferme tous leurs secrets.

Pour avancer les scientifiques ont mis au point des techniques révolutionnaires. L’exemple le plus frappant est peut-être celui de cellules sanguine transformées en cellules cérébrales. Depuis trois ans  les chercheurs sont capables de prélever une cellule du sang pour la transformer en neurone et étudier son comportement. Cela permet d’avoir « accès » au cerveau d’un autiste de son vivant.

« Des interfaces entre facteurs génétiques, environnementaux, voire même nutritionnels »

L’une des questions les plus passionnantes sur laquelle personne ne semble avoir de réponse pour l’instant, c’est celle du « sexisme » de l’autisme. En effet la maladie touche environ quatre fois plus d’hommes que de femmes, et ce déséquilibre reste inexpliqué.

L’avenir n’est plus à l’approche unilatérale des causes de l’autisme. Pour Frédérique Bonnet-Brilhaut, pédopsychiatre au CHRU de Tours: “on voit bien que s’ouvre tout un champ pour la recherche […] dans les interfaces entre les facteurs génétiques, environnementaux, voire même nutritionnels. Quand on aura avancé dans cette compréhension on pourra trouver de nouvelles thérapies et de nouveaux médicaments. Et pour ça, le futur n’est peut-être pas si loin”.

 

Pour aller plus loin : 

Le témoignage d’une mère de trois enfants autistes

Reportage à l’ESAT des Colombages, un établissement de travail pour les adultes autiste

Un cinéma qui accueille des enfants autistes

 

Maëva Poulet et Sami Acef