En Normandie, le projet d’un quatrième parc éolien en mer avance. Ce jeudi 12 novembre, l’Etat présentait le bilan du débat public amorcé en novembre 2019. Plus de 5.000 personnes ont contribué aux échanges. Une décision de l’Etat est attendue d’ici la fin de l’année sur la localisation de ce parc de 80 éoliennes qui doit voir le jour en 2028.
C’est un projet qui inquiète autant qu’il suscite l’enthousiasme. Depuis novembre 2019, plus de 5.000 personnes se sont exprimées sur le quatrième chantier de parc éolien offshore en Normandie. La consultation portait notamment sur la zone d’implantation des 80 éoliennes. Un dispositif qui doit permettre, comme les sept autres projets éoliens en cours au large des côtes françaises, de développer la production d’énergies renouvelables.
La restitution du débat public a eu lieu ce jeudi 12 novembre en ligne, en présence de la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili et de la ministre de la Mer Annick Girardin.
« Un obstacle à la navigation »
Pendant la réunion, les différents acteurs du monde maritime ont pris la parole. Ce projet qui vient s’ajouter aux trois autres en cours dans la Manche suscite des tensions entre pouvoirs publics et pêcheurs. « On sera les premiers touchés. C’est un obstacle à la navigation, sans compter les conséquences pour l’environnement », déplore Dimitri Rogoff, président du Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins (CRPMEM).
L’implantation d’éoliennes dans leur « espace de travail » passe mal auprès des pêcheurs, déjà privés des eaux britanniques à cause du Brexit. Ils demandent de l’aide aux autorités. « On est ni pour ni contre mais il faut nous accompagner dans ces développements industriels », souligne Dimitri Rogoff.
« Les parcs éoliens enlèveront très peu de surface de pêche aux pêcheurs, leur vrai problème c’est le Brexit », estime Hubert Dejean de la Bâtie, vice-président en charge de l’environnement de la région Normandie.
Contacté par le Celsalab, il explique que la Région est prête à fournir aux pêcheurs normands un prototype de chalutier fonctionnant à l’hydrogène. « L’hydrogène sera fabriqué grâce à l’énergie produite par les éoliennes et revendu à 50% du prix aux pêcheurs. Avec ce carburant qui leur coûtera moins cher, ils pourront faire la même marge en pêchant moins. Il y a tout un cycle vertueux local et durable à monter », précise-t-il.
Pas d’études supplémentaires
Du côté de France Nature Environnement (FNE), ses représentants sont « favorables au développement de cette énergie renouvelable qui fait partie des moins destructrices pour la biodiversité » mais ils soulignent « la nécessité de faire des études supplémentaires » avant la mise en oeuvre du projet.
Or, Barbara Pompili a annoncé qu’une décision sera prise par le gouvernement « d’ici la fin de l’année ». Elle explique qu’il y a une date butoir, celle du 19 janvier 2021, soit trois mois après la fin du débat public.
Joint par le Celsalab, Guillaume Blavette, membre de FNE, s’est dit « très déçu » de cette annonce. Il espérait qu’une année supplémentaire serait prise pour mener des études complémentaires. » Il a eu un vrai débat public, avec des échanges de grande qualité. La commission nationale du débat public a bien fait son boulot et les acteurs ont joué le jeu. On pensait être parvenus à un point d’entente et, finalement, l’Etat suit sa propre feuille de route », déplore-t-il.
« La France a énormément de retard »
Un avis qui n’est pas partagé par la député de Seine-Maritime Agnès Firmin Le Bodo qui défend le projet depuis le début. Pour elle, le chantier doit démarrer le plus tôt possible. « Je crois qu’on a assez d’éléments pour avancer, on a un retard énorme sur nos voisins européens. La France n’a pas une éolienne en mer », déclare-t-elle au Celsalab.
Elle souligne également que ce projet est « pourvoyeur d’emplois ». Environ 2 000 emplois directs devraient en découler.
Certains élus locaux s’agacent également de la lenteur des procédures. « Ça fait douze ans qu’on parle de ce parc. C’est inimaginable le temps qu’il faut pour développer des projets en France. Il y a cinq ans, les Anglais ont décidé de la création d’un parc et il tourne déjà », s’agace Hubert Dejean de la Bâtie qui est également maire de la commune de Sainte-Adresse (Seine-Maritime).
Face à l’argument d’un manque de recul sur cette technologie, il réplique : « Les premiers parcs éoliens offshore datent des années 1990 au Danemark. Tout le monde parle comme si on partait d’une feuille blanche mais des études, il y en a. »
Pour ce promoteur de longue date de l’éolien, déployer cette source d’énergie renouvelable est une priorité. « C’est une nécessité absolue pour notre planète. Dans urgence climatique, il y a quand même urgence« , conclut-il.
Juliette Guérit