Christopher Tolkien, troisième fils de J.R.R Tolkien, est mort ce 16 janvier à 95 ans. Pendant 40 ans, il a endossé le rôle d’exécuteur littéraire de son père et à en diffuser l’immense héritage.
L’oeuvre de John Ronald Reuel Tolkien ne s’est jamais limitée aux célèbres Hobbit et Seigneur des Anneaux, et de nombreux autres héros ont parcouru la Terre du Milieu bien avant Bilbo et Frodo. Béren et Luthien, la chute du royaume de Gondolin, la fuite des Hommes de Numénor… autant de noms et d’événements qui résonnent de manière familière et chaleureuses aux oreilles des adeptes de l’écrivain. Et c’est tout un univers, ample, riche et d’une cohérence folle que ce dernier a produit tout au long de plus de 50 ans d’écriture et d’invention.
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Mais ces découvertes n’auraient jamais été possibles sans le travail long, acharné, érudit de Christopher Tolkien. Son nom, bien sûr, vous est familier. Son prénom, certainement beaucoup moins. Et pourtant, le troisième fils de J.R.R Tolkien a fait plus pour l’œuvre de son père que son auteur lui-même.
Christopher was Middle-earth’s first scholar. Namárië. https://t.co/Za44UjNHPy
— Tolkien Society (@TolkienSociety) 16 janvier 2020
Christopher Tolkien était le premier érudit de la Terre du Milieu. Namarië.
Une histoire de famille
En 1973, quand le créateur de la Terre du Milieu rend son dernier souffle, ne laissant dernier lui que ses deux grandes œuvres achevées, Christopher Tolkien quitte son poste de professeur et philologue à Oxford, où il marchait déjà dans les traces de son père, pour se consacrer à ce qui deviendra un véritable sacerdoce : faire vivre et enrichir son héritage littéraire et veiller à la protection de son intégrité.
Et qui de mieux placé pour accomplir cette mission que celui qui, dès son plus jeune âge, s’endort au rythme des aventures des Valar voyageant en Terre du Milieu et des combats des grands héros contre Morgoth et Sauron, les puissances du Mal ? Christopher Tolkien a été le premier lecteur de son père, son premier critique aussi. » Si étrange que cela puisse paraître, j’ai grandi dans le monde qu’il avait créé. […] Le soir, il venait dans ma chambre et me racontait, debout devant la cheminée, des histoires formidables, celle de Béren et Luthien par exemple. » confiait-il au journal suisse Le Temps en 2012.
C’est lui qui a cartographié le monde inventé par J.R.R Tolkien, dessiné les courbes du fleuve Anduin et les pics acérés du Mordor. Lui enfin qui a exhumé les centaines de textes épars qui composent le legendarium de Tolkien.
Un travail de transmission titanesque
En plus de quarante ans, Christopher Tolkien a réuni, compilé, classé, réécrit les manuscrits inachevés de son père pour en offrir un tout cohérent. Sans lui, pas de Silmarillion, ce récit mythologique qui nous plonge au cœur des origines de la Terre du Milieu. Poèmes, contes, romans… en tout, ce sont 17 oeuvres qu’il est parvenu à faire publier, rendant accessibles à tous ces milliers de pages et d’annotations rédigées dans l’écriture serrée de l’auteur.
Sans lui, pas de Contes et légendes inachevés, ces bouts d’histoire qui raccrochent l’histoire d’Aragorn à celle de Béren. Sans lui, pas d’Enfants de Hurin, sur les ébauches duquel il a travaillé 30 ans avant de pouvoir les regrouper dans un texte unique. Sans lui, finalement, l’œuvre de Tolkien n’aurait probablement pas atteint le statut qui est le sien aujourd’hui.
Car Christopher Tolkien ne s’est pas contenté de faire découvrir l’histoire cachée de la Terre du Milieu. Dans une démarche inédite, en philologue érudit accompli, il a mis en lumière les travaux linguistiques de son père, spécialiste des sagas nordiques et anglo-saxonnes qui ont tant nourri son inspiration et tant influencé son écriture. Son immense travail de recherche, il l’a ensuite compilé dans L’Histoire du Milieu, construction fleuve de 12 tomes qui nous plongent dans la cosmogonie de la Terre du Milieu, de sa chronologie éclatée aux traditions et langues de ses nombreuses races de personnages.
» Des millions de personnes dans le monde seront à jamais reconnaissantes à Christopher de nous avoir apporté le Silmarillion, Les Enfants de Hurin et L’Histoire de la Terre du Milieu . Nous avons perdu un titan. », Shaun Gunner, président de la Fondation Tolkien
Par son inépuisable volonté de transmettre l’héritage de son père, Christopher Tolkien lui a offert une indiscutable légitimité et a fourni une multitude de documents et de pistes pour les chercheurs universitaires, tant littéraires que linguistiques.
Avec sa mort, c’est le lien organique que les fans de J.R.R Tolkien entretenaient avec son œuvre qui disparaît. Christopher Tolkien n’était pas un écrivain. Mais il était un passeur, celui de son père. Et tous les lecteurs et lectrices de Tolkien, passés et futurs, jeunes et anciens, lui disent merci.
Audrey P.
Super article merci