Ce jeudi 14 septembre 2023, Dominique Simonnot, contrôleure général des lieux de privation de liberté (CGLPL), a publié un rapport dans le Journal Officiel, préconisant un « système de régulation » face à la surpopulation carcérale. Les conditions de travail du personnel pénitentiaire, en sous effectif, sont également pointées du doigt.
La contrôleure des prisons, Dominique Simonnot, demande, dans un rapport publié ce 14 septembre 2023 au Journal Officiel, la mise en place d’un « mécanisme contraignant » de régulation de la population carcérale. Selon elle, « aucune mesure d’envergure nationale n’a été prise » face à la surpopulation carcérale qui touche la France, qui compte près de 74 000 détenus pour 60 000 places. Certaines maisons d’arrêt sont occupées à plus de 200% de leur capacité. La France a par ailleurs été à nouveau condamnée, le 6 juillet 2023, par la Cour Européenne des Droits de l’Homme face à cette surpopulation. Outre ses recommandations pour régler cette situation, Dominique Simonnot évoque le lien entre le trop grand nombre de détenu et les conditions de travail du personnel pénitentiaire, qui subit un « fonctionnement dégradé qui se pérennise et [qui] finit par devenir la norme »
« Tout le monde perd du sens dans son travail »
La contrôleure des prisons alerte face à la « surcharge de travail » qui touche l’ensemble des professions pénitentiaires. Pour Estelle Carraud, secrétaire générale du Syndicat National de l’Ensemble des Personnels de l’Administration Pénitentiaire – FSU (SNEPAP – FSU), les conditions de vie des détenus, et celle du personnel, sont « intrinsèquement liées ». Une première difficulté apparaît selon elle, lorsque les agents pénitentiaires constatent le décalage entre la promesse du métier et la réalité : « Les surveillants croient en leur mission, d’assurer la sécurité de la société mais aussi de permettre la réinsertion des détenus. Mais les visions d’entassement et le manque d’effectif pour répondre aux besoins minimums les font douter. Certains se demandent ce qu’ils sont en train de créer. Les conseillers pénitentiaires n’ont plus le temps d’accompagner les détenus. Tout le monde perd du sens dans son travail ». Yanne Pouliquen, contrôleure associée à la CGLPL, rappelle que le rôle des surveillants n’est pas uniquement « d’ouvrir des portes » mais qu’ils sont les « premiers interlocuteurs des détenus, qu’ils une dimension sociale essentielle pour la réinsertion, et que la surpopulation rend difficile cela »
Un manque d’attractivité des professions pénitentiaires
Pour Estelle Carraud,«l’occupation de plusieurs postes en même temps, et l’épuisement plus rapide du personnel» qui découle sur un fort absentéisme, allant « jusqu’à 36% dans l’un des établissements visités », selon le rapport de la CGLPL, mais également sur des démissions conséquentes. Dans une lettre ouverte adressée au Garde des Sceaux, Eric Dupont-Moretti, ce jeudi 14 septembre 2023, Eric Fievez, secrétaire général de la CFDT Pénitentiaire, dit « craindre le pire pour les mois et années à venir » face au « manque d’attractivité » des métiers pénitentiaires. Les données de recrutement de l’Ecole nationale d’administration pénitentiaire (ENAP) confirment cette crainte. En 2022 : « Pour 617 postes ouverts, 579 agents ont été recrutés lors de la première session et, pour la seconde, ouverte à hauteur de 1022 emplois, seules 752 intégrations en scolarité ont pu être effectuées »
Le rapport de la CGLPL illustre également que la surpopulation carcérale, le manque d’effectif pénitentiaire, et la dégradation des conditions de travail qui en découle, accroît les tensions et « entraîne une surenchère de mesures sécuritaires qui ne parvient jamais à apaiser les troubles : les fouilles intégrales se multiplient au mépris de la réglementation, les pratiques infra-disciplinaires se développent en l’absence de tout contrôle ». Un cercle vicieux qui entrave les conditions de détention, et qui impacte grandement les détenus, et leur réinsertion dans la société.