Mickaël Harpon : de premiers signes de radicalisation dès 2015

Selon un rapport du service de la préfecture de police de Paris où travaillait Mickaël Harpon, le fonctionnaire qui a tué quatre de ses collègues jeudi lors d’une attaque au couteau, de premiers signaux de radicalisation ont été détectés en 2015, après l’attaque terroriste contre Charlie Hebdo. Il a, par ailleurs, fait part en février 2019 de certaines frustrations liées à son handicap et à sa carrière.

Un employé « intégré » mais complexe. Selon ce document de quatre pages mis en ligne dimanche par France Inter, « plusieurs collègues de l’intéressé ont ainsi révélé avoir noté dans le passé, chez l’intéressé, des signes de radicalisation, et déclarent en avoir alerté leur hiérarchie ou pris conseil auprès de collègues spécialistes de ces problématiques ».

En 2015, Mickaël Harpon aurait déclaré « c’est bien fait », dans le cadre de l’attentat de Charlie Hebdo. Ces propos, ainsi que certains changements de comportement de Harpon avec les femmes auraient fait l’objet d’une discussion informelle entre deux fonctionnaires et un major de police en charge des signalements de la radicalisation, en juillet 2015. Les deux agents n’ont cependant pas formalisé leur signalement. En effet, si Mickaël Harpon ne serrait plus la main à ses collègues féminines, il ne refusait pas, selon plusieurs témoignages internes, de leur faire la bise, jusqu’à la semaine dernière.

Toutefois, les agents en charge des signalements de la radicalisation auraient régulièrement pris des nouvelles du comportement de l’informaticien auprès de ses collègues et de son chef, pour qui il n’y avait « aucun souci avec Mickaël Harpon ». Les deux fonctionnaires ont affirmé n’avoir à leur niveau, rien « détecté de suspect » dans l’attitude du futur tueur. Ces préoccupations n’ont cependant jamais fait l’objet de notes écrites. Ces éléments n’auraient été portés à la connaissance de la direction du renseignement qu’après l’attaque meurtrière, « dans le cadre de discussions informelles ».

Des frustrations liées à son évolution de carrière

Françoise Bilancini, directrice du renseignement, rapporte qu’en février 2019, il avait pour la première fois fait part de « préoccupations personnelles en terme d’évolution de carrière » liées à son handicap et au sentiment « de ne pas progresser dans sa carrière ». Administrativement, Mickaël Harpon était en effet un informaticien « bien noté ». Il a obtenu satisfaction sur certaines de ses demandes, mais pas toutes. « Si une difficulté particulière était apparue, depuis 2015, avec le comportement de Mickaël Harpon, je ne doute pas du fait qu’elle aurait été portée facilement à la connaissance de la hiérarchie pour prise en compte. Il n’en a rien été », conclut Mme Bilancini.

Sur France Inter, Christophe Castaner a cependant regretté qu’il n’y a pas eu « d’alerte au bon niveau, au bon moment ».  « Les signaux d’alerte auraient du être suffisants pour déclencher une enquête en profondeur, a-t-il estimé. Je souhaite que toute alerte fasse l’objet d’un signalement automatique ». 

 

Syrie : l’offensive turque laisse craindre le retour de Daesh

La Turquie annonce ce lundi qu’une offensive visant une milice kurde dans le nord de la Syrie pourrait avoir lieu « à tout moment ». Les Kurdes syriens avertissent alors qu’une invasion militaire turque entraînerait une résurgence majeure du groupe jihadiste Etat islamique (EI). 

Une offensive turque pourrait être lancée à tout moment dans le nord de la Syrie, affirme ce lundi le président turc Recep Tayyip Erdogan. « Il y a une phrase que nous répétons tout le temps : on pourrait entrer (en Syrie) n’importe quelle nuit sans prévenir. Il est absolument hors de question pour nous de tolérer plus longtemps les menaces provenant de ces groupes terroristes », déclare le chef d’Etat turc lors d’une conférence de presse.

La déclaration de Recep Tayyip Erdogan provoque une levée de boucliers au sein des Forces démocratiques syriennes (FDS) qui redoutent le retour de l’Etat islamique dans la zone après une telle offensive. Celle-ci annulerait des années de combats fructueux des FDS, alliance de combattants kurdes et arabes, contre l’EI et permettrait aux chefs de l’organisation encore en vie de sortir de leur cachette, expliquent les FDS dans un communiqué.

« La Turquie va continuer de se battre contre Daech (acronyme arabe de l’EI) et ne le laissera pas revenir, que ce soit sous une forme ou une autre », rétorque sur Twitter le porte-parole de la présidence turque, Ibrahim Kalin.

Les Nations Unies, elles, disent « se préparer au pire » en vue de cette invasion militaire. « Nous ne savons ce qui va se passer (…) Nous nous préparons au pire », déclare le coordinateur humanitaire de l’ONU pour la Syrie, Panos Moumtzis, lors d’une conférence de presse à Genève. L’ONU a un plan d’urgence pour répondre à de nouvelles souffrances des civils, mais « espère qu’il ne sera pas utilisé », ajoute-t-il.

Retrait des troupes américaines

Les Unités de protection du peuple ont été le fer de lance dans la lutte contre le groupe Etat islamique (EI) avec l’appui des Etats-Unis et d’autres pays occidentaux, comme la France. Mais la Turquie considère les YPG comme un groupe « terroriste » en raison de leurs liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation kurde qui livre une sanglante guérilla sur le sol turc depuis 1984.

Cette déclaration intervient après l’annonce, par la Maison Blanche, que les troupes américaines déployées en Syrie allaient se retirer de certaines zones afin de libérer la voie à une opération turque contre les YPG. Lundi,  les Forces démocratiques syriennes et l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) confirment dans un communiqué le retrait des troupes.

Nettoyer la région des « terroristes » kurdes

La Turquie se dit déterminée à « nettoyer » le nord de la Syrie des « terroristes » qui menacent sa sécurité, déclare lundi son ministre des Affaires étrangères, après l’annonce par les Etats-Unis qu’ils ne s’opposeraient pas à une opération d’Ankara contre la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG).

La Turquie est « depuis le début de la guerre en Syrie, nous avons soutenu l’intégrité territoriale de la Syrie et nous continuerons de le faire. Nous sommes déterminés à protéger notre (…) sécurité en nettoyant cette région des terroristes », a déclaré le ministre des Affaires étrangères turques sur Twitter.

La Turquie est déjà intervenue deux fois en Syrie depuis trois ans. Sa première opération en 2016 visait l’EI et la deuxième les YPG en 2018.