Kantar Media vient de publier un chiffre surprenant : 2 insultes par seconde sont publiées sur les réseaux sociaux. L’injure est reine sur le web et ce sont les jeunes qui en font les frais en premier. La cyberviolence persévère et les « haters » prolifèrent grâce à la protection de l’anonymat.
« Pute », « salope », connard »,… Les insultes fusent sur les réseaux sociaux. Une étude publiée début février par Kantar Media* révèle que les messages offensants sont en hausse de 3 points en un an seulement, de 2014 à 2015. Selon Respect Zone, une association qui lutte contre la cyberviolence, presque un adolescent sur deux avoue s’être déjà fait injurier ou harceler sur le web. Ceux qu’on appellent les « haters » (ceux qui haïssent, ndlr) se font de plus en plus fréquents sur internet : Respect Zone comptait 14 880 signalements en 2013, contre 10 000 l’année précédente. Mais un tiers des jeunes se retient d’en parler.
Aujourd’hui plus que jamais, les solutions se font urgentes. Respect Zone a notamment lancé un label ainsi qu’un plug-in original pour ridiculiser les haters au lieu de leur donner un quelconque crédit.
Une modération nécessaire
En 24h seulement, du 22 janvier au 23 janvier, Kantar Media a répertorié et analysé 200 456 insultes sur les réseaux sociaux ainsi que sur une sélection de blogs. Le top 10 des injures les plus fréquentes montre que les termes utilisés sont souvent à connotation sexuelle, et sexistes pour la plupart d’entre eux.
Netino, le service qui gère entre autres la modération de Facebook, dresse de son côté une liste des motifs de suppression. Parmi les dizaines de millions de commentaires postés publiquement sur les sites et les pages Facebook de ces sites, Netino annonce un rejet de 27% des messages. Même si ce répertoire prend en compte la totalité des commentaires et non ceux des jeunes uniquement, il apparaît très clairement que la première cause de modération est l’insulte.
« Une absence de réel »
Très vite, le développement du web et ses différents outils ont envahi le quotidien des jeunes. Un phénomène qu’observe Yannick Chatelain, enseignant-chercheur à Grenoble, spécialiste des nouvelles technologies et auteur d’ouvrages sur la cybercriminalité. « Dans la nouvelle génération qui arrive, les enfants auront déjà des réflexes liés à l’utilisation d’Internet. Mais pour ce qui est des jeunes d’aujourd’hui, ils ont dû apprendre par eux-mêmes puisque les adultes ne connaissaient pas ces outils. Ils se sont débrouillés tous seuls. » Selon le chercheur, la tendance est trop souvent reprochée aux ados alors qu’elle touche l’ensemble des internautes. « Qui donne l’exemple en même temps ? Regardez les politiciens se déchirer sur Twitter. Les jeunes font pareil. Ils sont sceptiques quand on les accuse d’être violents verbalement alors que les adultes font la même chose. Chez les stars, le ‘tweet clash’, c’est la grande mode en ce moment. »
Selon Mehdi Contrel, psychologue clinicien spécialisé dans la psychologie de l’enfance et de l’adolescence à Paris, la position du jeune derrière son écran opère une mise à distance qui donne l’impression de pouvoir tout faire. « Ces cybermessages trahissent une absence de réel. Le hater n’a pas de corps face à lui. » L’insulte est-elle facilitée dans ce cas ? Pour Mehdi Contrel, la réponse est oui. « Il y a moins d’empathie. Même si l’agressivité est quelque chose de normal chez l’adolescent, Internet a changé le contexte et le rapport à l’autre est déshumanisé. »
Margaux Malinge
*Kantar Media, site spécialiste de l’analyse de l’information et des médias