Xavier, vocation professeur d’EPS

Chaque année, ils sont plusieurs milliers étudiants en Sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps) à tenter le concours du CAPEPS afin de devenir professeur d’EPS. Beaucoup échouent, d’autres comme Xavier parviennent à accomplir ce projet qui permet à ces jeunes d’intégrer très rapidement le monde professionnel.

Xavier en plein entraînement.
Aujourd’hui professeur d’EPS, Xavier continue de jouer au football, sa passion depuis l’enfance.

« On n’a pas été bons ce soir, les jeunes que j’ai au lycée auraient même pu nous battre ! » s’exclame Xavier à peine installé à sa table. Ce sportif invétéré sort tout juste de l’entraînement de son équipe de football dont il est le capitaine. Un peu plus tôt dans la journée, ce n’est pas avec des footballeurs qu’il échangeait des passes, mais avec des jeunes lycéens. Fraîchement diplômé de la formation Staps de l’université Paris-Est Marne-la-Vallée, ce jeune homme de 24 ans est devenu professeur d’EPS dans le lycée Pierre de Coubertin à Meaux en septembre dernier.

« Ça leur a fait un peu bizarre au début d’avoir un professeur aussi jeune, mais je pense qu’ils aiment ça aussi. J’ai le sentiment qu’ils se sentent à l’aise avec moi, ça permet de bien travailler en cours » remarque-t-il. Travailler, Xavier sait ce que c’est. Durant sa dernière année de Master, il a cumulé, à la fois son diplôme et sa préparation au concours CAPEPS, indispensable pour exercer son métier. « La licence n’était vraiment pas compliquée, par contre le Master j’ai vraiment galéré parce que je devais tout gérer en même temps et c’est vraiment difficile de réussir le concours » se souvient-il. Julien, son ami et coéquipier au club du CO Vincennes se rappelle de lui comme un étudiant toujours en train de travailler : « Il ne sortait presque plus, même à l’entraînement il en ratait beaucoup alors que c’est pas du tout son genre. Mais c’était nécessaire et il a bien fait d’aller jusqu’au bout ».

« La sécurité de l’emploi et les vacances scolaires bien sûr ! »

Grâce à son travail et sa détermination, Xavier n’a pas eu de problème pour trouver un emploi en sortant de l’université. « Ça c’est l’avantage, j’étais en alternance en Master 2 et une fois que j’ai eu le concours en poche, je suis passé TZR à Meaux (titulaire en zone de remplacement), c’est-à-dire que j’étais opérationnel pour remplacer n’importe quel prof’ de sport dans un lycée de la ville ». Et pas le temps de savourer, une opportunité se présente dès le mois de septembre : « Il y avait un poste de professeur d’EPS vacant dans ce lycée et ils m’ont appelé tout de suite. J’ai donc été directement dans le grand bain, je ne m’y attendais pas mais je suis très content maintenant ».

D’un ton calme et posé, Xavier se souvient qu’il ne voulait pas exercer ce travail à son entrée en STAPS. « Je ne savais pas forcément quoi faire, au début j’étais plus attiré par le coaching personnalisé. C’est plus une opportunité et grâce aux avantages de cette profession ». Les avantages ? « La sécurité de l’emploi, faire une profession dans le domaine que l’on aime le plus et les vacances scolaires bien sûr ! » affirme-t-il avec un grand sourire. Car en validant son année et en travaillant dans ce lycée, ce jeune professeur a obtenu le statut de fonctionnaire. Désormais, il est assuré de conserver son poste et de recevoir son salaire d’environ 1500€ tous les mois. « Ce n’est pas énorme mais pour un jeune comme moi qui sort de l’université c’est une belle somme » déclarer Xavier.

A peine sa bière terminée, le capitaine de l’équipe B des séniors du CO Vincennes rentre chez lui. Demain matin, il retrouvera la classe qu’il préfère, « ce sont des 1ère ES, je les adore, d’ailleurs je vais voir si je peux pas en recruter deux, trois pour le match de ce week-end, on en aurait bien besoin…. ».

Clément Dubrul et Asmaa Boussaha

« Mon CDI m’empêchait de prendre le risque de faire ce que j’aime »

 

Isabel Beguin Correa, 33 ans, a toujours été slasheuse. Le seul moyen pour elle d’avoir assez d’argent pour payer son loyer à Paris et vivre correctement.

« Mon CV fait trois pages » résume Isabel Beguin Correa. A 33 ans, la jeune femme aux traits fins a déjà été vendeuse, agent d’accueil, journaliste, traductrice, surveillante au collège et éducatrice. Elle cumule les emplois depuis une dizaine d’années. Parfois jusqu’à trois d’un coup. « C’était dur au niveau de l’organisation. Mais je ne suis pas une grosse dormeuse, ça aide » explique-t-elle en riant.

Aujourd’hui, elle est éducatrice à temps plein dans une association pour les jeunes du 19ème arrondissement de Paris. C’est un contrat aidé, stable pour le moment. Mais Isabel Beguin Correa reste sur ses gardes. « Il faut être réaliste. Je sais que les employeurs se méfient encore quand ils voient des trous dans un CV ou un trop plein d’expériences différentes. Pour eux, c’est signe d’instabilité », regrette-t-elle.

Il y a deux ans, elle consacre six mois de sa vie à la réalisation d’un reportage… sur les slasheurs. « Moi-même slasheuse, on m’a demandé si ce n’était pas trop compliqué de connaître la précarité, se rappelle-t-elle en agitant les mains. J’ai répondu : ‘quelle précarité ?’ J’ai toujours connu ça, pour moi c’est normal. En fait, j’ai vu le décalage. La génération de mes parents trouve que cumuler des emplois, c’est inhumain. » Pas pour la brune aux yeux marron, qui travaille depuis l’âge de 14 ans.

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Son seul CDI : la vente

Fin 2010, Isabel Beguin Correa travaille dans une boîte de production sur le net puis redevient vendeuse. Au bout de neuf mois, elle arrête et se lance dans l’auto-entreprenariat. « Mon CDI m’empêchait de prendre le risque de faire ce que j’aime », c’est-à-dire l’enquête, l’écriture, la réalisation et la traduction. La slasheuse cherche, postule, trouve certaines missions, enquête pour l’émission Échappées Belles et pour une ONG. Elle se retrouve ensuite au chômage pendant deux ans. Mais pour elle, cette période ne rime pas avec inactivité. Entre ses voyage à l’étranger, la jeune femme écrit des nouvelles.

« Ma mère elle, aurait rêvé que je trouve un boulot stable »

Après une formation de droit puis un master de coopération internationale, Isabel Beguin Correa travaille pour Reporters sans frontières puis change de voie. Pour pouvoir payer son loyer à Paris, la franco-colombienne est vendeuse. « Le seul CDI que j’ai eu, raconte-t-elle. Ma mère s’est demandé pourquoi j’ai arrêté la vente. » Difficile pour ses parents de comprendre le parcours professionnel de leur fille, qui a quitté le nid familial à 21 ans. « Mon père est resté 25 ans dans la même boîte. Moi, ça ne m’aurait pas plu. Ma mère elle, aurait rêvé que je trouve un boulot stable » confie la slasheuse en se recoiffant.

La jeune éducatrice garde son projet d’écriture en tête. En attendant, elle dépose sa candidature un peu partout, toujours en prenant soin de réduire à une page son CV. “Un vrai casse-tête !”

 

Lou Portelli

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Selon les derniers chiffres de l’Insee, 30% des jeunes handicapés sont au chômage. Un taux très élevé, résultat d’une insertion professionnelle extrêmement difficile. Pour pallier le problème, des solutions existent: elles sont proposées par l’Etat et par les structures associatives. Les Esats (Etablissements ou service d’aide par le travail) essaient d’offrir un cadre de travail protégé à des personnes qui ne pourraient pas s’épanouir dans le monde de l’entreprise ordinaire. De l’autre côté, le bénévolat permet à certains de découvrir le monde du travail. Mais ces opportunités ne conviennent pas à certains jeunes dont les pathologies sont trop sévères: leur avenir professionnel est incertain.


 

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« Le risque pour les NEET : basculer dans la pauvreté et l’exclusion » (3/4)

Thierry Berthet est directeur de recherche au CNRS sur des thèmes d’économie et sociologie du travail. Il a participé à de nombreux travaux sur les NEET, ainsi que le décrochage scolaire.

Thierry Berthet lors d'une conférence au Centre Emile Durkheim. Crédits Centre Emile Durkheim.
Thierry Berthet lors d’une conférence au Centre Emile Durkheim. Crédits Centre Emile Durkheim.

Pourquoi avoir créé la catégorie statistique des NEET ?

C’est plus qu’une catégorie statistique, c’est une catégorie d’action publique qui sert à structurer des programmes d’intervention gouvernementaux. Depuis à peu près vingt ans, les dépenses de l’Etat sont réorientées vers la mise en activité des jeunes, on parle alors d’activation. Vous avez probablement entendu tout le discours sur l’assistanat, consistant à dire que c’est scandaleux de payer des gens à ne rien faire, et qu’il faut amener les gens vers le travail, qui est le moyen d’être intégré socialement. C’est une transformation de la conception que l’on avait de l’Etat providence. On s’intéresse donc aux jeunes non pas par rapport à leur conditions de vie, de santé, de logement, mais par rapport à leur situation face au marché du travail.

Qui sont ces NEET ?

Ce sont des jeunes pour lesquels on considère qu’il y a un risque, qui les définit principalement : le risque de basculer dans la pauvreté et l’exclusion. Les NEET sont la population ciblée par un certain nombre de dispositifs, notamment la garantie jeune, qui est le premier transfert social versé directement au jeune et non pas à ses parents ou ses représentants. Cela passe par les missions locales, créées dans les années 1980 par Bertrand Schwartz et qui regroupent tous les services dont les jeunes ont besoin, pour pas qu’ils aient à cavaler d’un service à l’autre.

Quel avenir voyez-vous pour les NEET ?

Il faut distinguer les NEET qui sont diplômés et ceux qui ne le sont pas. Ceux qui n’ont pas le bac ou un diplôme équivalent sont très mal placés sur le marché du travail car les emplois qui ne demandent pas de qualifications sont majoritairement occupés par les jeunes diplômés qui n’ont pas trouvé d’autre travail. La place des non-diplômés est donc extrêmement réduite. Le cœur du problème des NEET, ce sont les jeunes sans diplôme, c’est vers eux qu’il faut travailler. Le problème est que la garantie jeune n’est pas faite pour leur apporter un diplôme. Il faut, en plus de l’emploi, un parcours de qualification. Il existe des solutions comme les écoles de la deuxième chance, mais il faudrait développer cette offre, notamment dans les territoires ruraux, et savoir comment orienter au mieux les jeunes vers le dispositif qui leur convient le mieux.

Et comment développer cet accompagnement, notamment pour ceux qui ne ressentent pas le besoin d’utiliser ces dispositifs ?

Il faut penser des politiques très globales. Pour empêcher le basculement des jeunes dans l’économie informelle par exemple, il faut mettre en place un ensemble d’actions qui vont toucher à la politique de la ville, comme des travailleurs sociaux qui vont intervenir dans la rue ou une police de proximité. Il faut aussi un marché du travail ouvert au jeunes et qui ne fasse pas de la discrimination ethnique parce que c’est très clairement ce qui se passe aujourd’hui, et certains de ces jeunes se tournent ensuite vers la vente de substances illicites. Il n’y a pas de solution miracle mais il y a une solution sociétale. Il faut mobiliser, sensibiliser les gens comme ca peut se faire au Québec par exemple. Il faut que les différents niveaux de gouvernement, le niveau national, le niveau régional, municipal, travaillent ensemble pour lutter contre la pauvreté de ces jeunes et l’exclusion.

L’ensemble du dossier à retrouver ici :

Les NEET, une catégorie sociale qui inquiètent les pouvoirs publics (1/4)

À Bagneux, donner une seconde chance aux NEET (2/4)

Alexis, le sport et le deal (4/4)

Propos recueillis par Aline BOTTIN