Prélèvement à la source : comment ça fonctionne et combien vous paierez (Sabrina M)

Mis en œuvre le 1er janvier, le prélèvement aura un impact sur la fiche de paie dès 2019. Cela ne signifie pas pour autant qu’il y aura une « année blanche » pour le contribuable.

L’application du prélèvement à la source a été repoussée au 1er janvier 2019, mais le sujet sème la zizanie au sein du gouvernement et de l’administration fiscale. Emmanuel Macron a déclaré, jeudi 30 août, qu’il attendait des « réponses précises à toutes les questions qui se posent encore avant de donner une directive finale ».

Un peu plus tôt, le ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin, avait confirmé l’application de la réforme au 1er janvier 2019, suivi par une communication des finances publiques. Si elle est bien appliquée en janvier 2019, la réforme aura un impact dès cette année en termes de déclaration. Quant aux revenus 2018, redevables en 2019 en théorie et « annulés » avec la mise en place de cette disposition, il s’agira d’une « année blanche »… mais pas pour le contribuable. Explications.

Comment fonctionne le prélèvement de l’impôt à la source ?

Serpent de mer de la fiscalité, promesse de campagne de François Hollande en 2012, le prélèvement à la source consiste à retenir l’impôt directement sur le salaire du contribuable, plutôt que de le laisser percevoir son salaire, déclarer ses revenus et ensuite payer l’impôt. Pour le contribuable, le salaire est ainsi moins élevé chaque mois, mais il n’y a plus d’argent à sortir spécifiquement pour les impôts une à trois fois par an – ou de mensualisation sur dix mois, comme le font déjà 60 % des contribuables.

Pour ceux qui ne souhaitent pas que leur employeur connaisse l’ensemble de leurs revenus ou pour ceux qui ne veulent pas tenir compte des revenus du conjoint (ou du partenaire de pacs), il va falloir opter pour un taux « non personnalisé » dans le premier cas ou pour un taux « individualisé » dans le deuxième. Ces options doivent être exercées avant la fin de l’année 2018.

Pourquoi vous payerez tout de même

Tous les assujettis à l’impôt sur le revenu s’acquitteront, en 2018 de leur impôt… 2017. Et l’année suivante, en 2019, si le principe du prélèvement à la source est en place, nous paierons l’impôt sur le revenu de… 2019. Pour le contribuable, le fait de ne pas être imposé sur ses revenus 2018 ne changera donc pas grand-chose : il paiera, cette année-là, ses impôts sur ses revenus 2017. Et l’année suivante, si le prélèvement à la source démarre, il paiera également, mais pour ses revenus de l’année en cours.

En pratique, la mise en place du nouveau système se fera en deux temps :

  • le taux du prélèvement appliqué entre janvier et août 2019 sera calculé à partir de la déclaration de revenus 2017 (à remplir en mai-juin 2018) ;
  • il sera ensuite « rafraîchi » au vu de la déclaration de revenus de 2018 (au printemps 2019) pour s’appliquer aux prélèvements opérés entre septembre 2019 et août 2020.

Dès l’été 2019, en fonction des revenus déclarés au printemps 2019, les contribuables devraient récupérer le trop-perçu des sommes versées les sept premiers mois de l’année ; ils devront en revanche s’acquitter d’un reliquat si elles ne sont pas suffisantes.

Lire aussi | L’an 1 du prélèvement à la source

Attention, jusqu’ici, les crédits et réductions d’impôt (emploi à domicile, aide à la personne, etc.) étaient intégrés aux tiers ou aux mensualités, les faisant baisser d’autant. A partir de 2019, ce ne sera plus possible de les étaler : l’avantage fiscal sera remboursé en une seule fois au contribuable, en septembre de l’année suivante (sauf pour les ménages les plus modestes qui auront un acompte plus tôt).

Le « cadeau » sera… à votre mort

Même si tout le monde ne s’en rendra pas compte, on aura quand même une « année blanche » puisque les revenus 2018 ne seront pas imposés. Ceux qui le verront concrètement sont les retraités qui vont d’emblée être imposés sur leur retraite, et non pas sur leur dernière année de salaire, généralement plus haute. Et les héritiers. Jusqu’ici, le fisc réclamait les impôts sur le revenu d’une personne décédée dans l’année, puisqu’il s’agissait de ses revenus de l’année précédente.

Avec le système de prélèvement à la source, plus d’impôt sur le revenu des morts. Un beau cadeau aux héritiers de milieux favorisés. Pas d’année blanche, en revanche, pour les revenus « exceptionnels » touchés en 2018 : les plus-values sur des ventes immobilières, les revenus et plus-values sur des produits financiers (actions, obligations, etc.) seront bien soumis à l’impôt correspondant en septembre 2019.

Combien cela coûtera-t-il à l’Etat ?

Si, pour les contribuables, l’année « blanche » ne change pas grand-chose, pour l’Etat, en revanche, il s’agira bien d’une année sans recettes fiscales issues de l’impôt sur le revenu. Mais le manque à gagner serait, lui, étalé dans le temps. En 2017, le produit de l’impôt sur le revenu était supérieur à 73 milliards d’euros. Certes (deux fois) moins que la TVA, mais (deux fois) plus que l’impôt sur les sociétés. Cette somme « manquera » donc – comptablement – en 2019, même si l’Etat pourra alors compter sur les rentrées fiscales de l’année en cours. A plus long terme, l’Inspection générale des finances a estimé que le bilan entre les bénéfices attendus de la réforme pour les contribuables et les charges anticipées dans sa mise en œuvre pour l’administration fiscale et les « collecteurs à la source ».

Lire aussi | Prélèvement à la-source : attention à la mauvaise surprise de la fin 2020

EN DIRECT : 13e journée de mobilisation des « gilets jaunes » : moins de 4 000 manifestants partout en France

Deux jours après l’annonce d’Emmanuel Macron d’une « grande concertation », les gilets jaunes restent mobilisés partout en France, malgré un mouvement qui s’essouffle.

Les gilets jaunes restent mobilisés partout en France pour cette 13e journée mais la participation est en baisse. Selon le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, la mobilisation regrouperait moins de 4 000 personnes sur l’ensemble du territoire.  On fait le tour des régions sur la mobilisation ce jeudi 29 novembre.

Une carte interactive montre les différents lieux de perturbations :

  • En Bretagne :

Le dépôt pétrolier de Brest est toujours bloqué ce jeudi par des professionnels du BTP. Sur Facebook des salariés font le constat de la situation sur place.

 

  • Normandie

À l’EPR de Flamanville, une opération escargot a lieu pour congestionner les accès au chantier. Des entrées du site ont également été bloquées par environ 70 gilets jaunes. Des agriculteurs participent aux blocages avec leurs machines agricoles.
Plusieurs ronds-points sont bloqués à Rouen, à Grand-Quevilly, et à Saint-Etienne-du-Rouvray.

  • Grand-Est :

Des barrages filtrants sont signalés sur plusieurs routes : la N66 aux entrées de Saint-Amarin ou encore la D52 à Neuf-Brisach puis Chalampé en direction de Mulhouse. En Alsace, la sous-préfecture de Mulhouse « a été cadenassée pendant une heure » jeudi 29 novembre selon France Bleu.

 

  • Corse :

Une soixantaine de gilets jaunes s’est rassemblée devant les grilles de l’Assemblée de Corse ce jeudi. Ils ont été accueillis par les deux présidents afin d’exprimer leurs revendications.

L’heure aux discussions est de mise. Les « gilets jaunes » ont publié aujourd’hui une liste de revendications qui représente le mouvement :

Les revendications des gile… by on Scribd

 

Simon Tachdjian

Amiante : le cri d’urgence des victimes

L’amiante, matériaux utilisé pour la construction, a été interdite en 1997 en France. Pourtant, cette micro-fibre fait encore de nombreux morts chaque année. Les associations de victimes ont manifesté leur colère près de la gare Montparnasse, à Paris. 

 

Vendredi 12 octobre, des associations de défense des victimes de l'amiante ont manifesté leur indignation, près de la gare Montparnasse. Crédit photo : G. de Préval
Vendredi 12 octobre, des associations de défense des victimes de l’amiante ont manifesté leur indignation, près de la gare Montparnasse.
Crédit photo : G. de Préval

Un cortège de tête un peu inhabituel ouvrait la manifestation des associations de victimes de l’amiante ce vendredi 12 octobre, près de la gare Montparnasse à Paris. Une dizaine d’hommes et de femmes, portant blouses de chantier et masques de protection, défilaient, d’un pas de légionnaire, avec des poussettes. Dedans, des poupons en plastique de différentes tailles, eux-aussi affublés d’un masque de protection. « Bâtiments non désamiantés, population en danger ! », voilà ce que l’on peut lire sur les écriteaux attachés aux poussettes. Et la première population à risque, ce sont les enfants.

Désamianter les écoles

En France, sur les 63 000 établissements scolaires existants, 85% ont été construits avant 1997, date à laquelle l’amiante a été officiellement interdite d’utilisation. L’amiante étant un matériau d’isolation très utilisé à l’époque, car bon marché, il est très probable que de nombreuses écoles soient encore emplies de cette fibre cancérigène. C’est le cas du lycée Georges Brassens, à Villeneuve-le-Roi (Val-de-Marne).

Novembre 2017, une enseignante a eu la surprise de découvrir un flocage – une sorte de mousse blanche servant d’isolant au plafond – tombé dans une classe. Une de ses collègues a pris la parole au début de la manifestation. « Quand on nous a appris que ce flocage comportait des taux d’amiante bien supérieurs à la moyenne autorisée, on s’est aperçu qu’on nous mentait. Depuis le début », rage cette enseignante. Elle travaille depuis huit ans à Georges-Brassens : « J’enseigne en zone défavorisée. Les élèves sont oubliés », s’indigne-t-elle au micro, très émue. Un groupe d’élèves et d’anciens du lycée sont venus, banderoles à la main, manifester leur désarroi face à tant de non-dits. L’un d’eux évoque même une « falsification » par la mairie de certains tests d’amiante. Depuis, les professeurs ont usé de leur droit de retrait et refusent que leurs élèves viennent en classe. Et ce, malgré l’injonction de la préfecture à faire reprendre les cours.

Empoissonnés sans le savoir

Même si cela fait plus de vingt ans que cette petite mais si meurtrière fibre est interdite, la reconnaissance du lien entre son inhalation et la mort d’une personne est loin d’être évidente. Alors même que ses effets sur la santé sont très facilement reconnaissables. Virginie Dupeyroux en sait quelque chose. Face à l’église Saint-Sulpice, alors que les manifestants commencent à se disperser, cette ancienne enseignante raconte qu’elle a perdu son père le 14 septembre 2015, d’un mésothélium, le cancer de l’amiante. Tout comme sa grand-mère, quelques années auparavant.

Virginie Dupeyroux a perdu son père il y a trois ans, empoisonné durant son enfance à l'amiante. Elle a écrit son histoire sous la forme d'un journal. Crédit photo : G. de Préval
Virginie Dupeyroux a perdu son père il y a trois ans, empoisonné durant son enfance à l’amiante. Elle a écrit son histoire sous la forme d’un journal.
Crédit photo : G. de Préval

Pour son père, cela s’est manifesté par une sensation étrange, comme un point de côté. « Nous devions partir en Bretagne, il était en pleine forme. Mais on est allés faire des examens de contrôle. » Les médecins auront mis deux mois à établir un diagnostic. Paul, son père, n’avait pourtant jamais travaillé dans une usine ou lieu en présence d’amiante. Et c’est ce qui interroge Virginie Dupeyroux. La réponse tombera comme un couperet le 26 novembre 2014. « Je me souviendrai toujours de cette date. Ce jour-là, le journal Aujourd’hui en France [édition nationale du Parisien, NDLR] titrait ’empoissonnés sans le savoir’, en parlant des méfaits de l’amiante à Aulnay-sous-bois, ville dans laquelle mon père avait passé toute son enfance ». Car au beau milieu de cette ville d’Ile-de-France, l’usine le Comptoir des minéraux et matières premières (CMMP) broyait tranquillement de l’amiante, quotidiennement. L’école municipale était à deux pas. « Mon père, comme plein de ses camarades, est mort en allant apprendre à lire et à écrire ! », se révolte cette femme qui, pour faire entendre l’histoire de son père, vient de publier un livre : « Amiante et mensonge : notre perpétuité », sous forme de journal entre elle et son père. Aujourd’hui, son père n’a toujours pas été reconnu comme victime officielle de l’amiante. 

Guillemette de Préval

 

Taxe d’habitation : le sujet de la discorde

Emmanuel Macron l’avait promis. 80% des Français, soit 22 millions de personnes, devaient bénéficier d’un abattement de 30% en 2018. Cependant, les habitants de plus de 6 000 communes ont vu leur taxe d’habitation stagner ou augmenter.

Stupeur vendredi matin, lorsque Bercy a dévoilé la liste des communes qui ont augmenté leur taxe d’habitation. S’en est suivie une vague de critiques sur Twitter avec le hashtag #BalanceTonMaire, créé par les militants d’En Marche et repris par des habitants concernés par l’augmentation. Pas de doute pour le ministère de l’Economie, certaines communes ont profité de la baisse de 30% de la taxe d’habitation pour faire des économies supplémentaires :« La baisse est bien appliquée comme prévu, mais il y a des taux qui ne dépendent pas de l’État et certaines municipalités en ont profité pour les augmenter ». Les maires justifient cette augmentation par la baisses des dotations de l’État aux collectivités territoriales, mais Bercy réfute :« Il n’y a jamais eu de baisse des dotations ».

Pourquoi les municipalités peuvent-elles augmenter la taxe d’habitation ?

Dans le cadre de la décentralisation, les municipalités disposent de prérogatives fiscales qui leur sont propres. Libre aux communes d’augmenter leur taux communal comme bon leur semble. Certaines communes qui sont en grande difficulté ont augmenté leurs taux à hauteur de 30% comme Grand-Charmont (Doubs) et à plus de 20% à Puget-sur-Agens (Var) comme le montre le fichier de l’ensemble des taux votés en 2018 par les communes mis en ligne par Bercy.

Extrait de l'ensemble des taux votés en 2018 par les communes
Extrait de l’ensemble des taux votés en 2018 par les communes

Résultat final, 55 villes de plus de 10 000 habitants ont augmenté la taxe d’habitation. Le premier prix est décerné à Maizière-Les Metz avec 18.02% d’augmentation.

Qui bénéficie réellement d’une baisse ?

Si la polémique a très vite enflé sur les réseaux sociaux, 18 millions de foyers profitent désormais d’une baisse de leur taxe d’habitation. Sans compter les 6 millions de personnes qui bénéficiaient déjà d’une exonération. Cependant, les célibataires dont le revenu de référence est supérieur à 28 000 euros, un couple sans enfant ou une personne seule avec un enfant ayant un revenu supérieur à 45 000 euros ne pourront pas obtenir de baisse.

La pression monte entre Bercy et les municipalités

Depuis la proposition de la suppression de la taxe d’habitation sur trois ans soit 30% tous les ans, les maires de France manifestent leur mécontentement. Interviewé par le Figaro le 11 octobre, le vice-président de l’Association des maires de France, André Laignel (PS), accuse l’Etat de vouloir exercer une « tutelle morale » sur les élus locaux.

Face à la vive polémique qui a agité Twitter, l’Association des maires de France a publié un communiqué sur le réseau social demandant des excuses suite à l’utilisation du hashtag #BalanceTonMaire, se justifiant encore une fois des raisons de l’augmentation : « 85 % des communes n’ont pas augmenté leurs taux de taxe d’habitation. Les 15 % qui l’ont fait n’ont pas été motivées par des considérations de politique nationale, mais par la recherche de financements nécessaires à l’accomplissement de leurs missions dans un contexte de baisse de leurs moyens. Elles l’ont fait dans le cadre des responsabilités qui leur sont confiées par la loi et qui participent de la libre administration des collectivités locales garantie par la Constitution. »

Pour François Cornut-Gentille, député LR de la Haute-Marne et ancien maire de Saint-Dizier, il s’agit avant tout d’une tactique politicienne :« Tout le monde joue sur les mots, lorsque l’État dit qu’il n’y a pas eu de baisse de dotations, sur le papier c’est vrai. Mais, il y a eu une redistribution qui a largement pénalisé deux tiers des communes. » Bercy accuse ainsi les municipalités de ne pas participer à cette mesure sociale, une vérité bien plus complexe pour François Cornut-Gentille :« Les communicants de Macron étaient à la recherche d’une proposition populaire, le plus rapidement possible. Et cette mesure n’a pas été travaillée, ni fiscalement, ni politiquement avec les municipalités. » L’État devra alors trouver 10 milliards d’euros pour financer la suppression de la taxe d’habitation et espérer que les communes participent à l’effort.

 

Capucine Japhet