A Saint-Quentin, l’Assurance maladie expérimente les consultations ophtalmologiques à distance

Pour répondre au problème des délais de consultations, l’Assurance maladie s’essaye à la téléconsultation ophtalmologique dans la ville de Saint Quentin, dans l’Aisne.

L’œil à Saint-Quentin, le praticien à Lille. C’est le pari du centre de téléconsultation ophtalmique Point Vision, installé dans la clinique privée de Saint-Quentin, dans l’Aisne. Les patients y sont accueillis en présentiel par un orthoptiste – un paramédical – qui effectue leur examen oculaire et leur prescrit une ordonnance le cas échéant, avant d’être mis en relation avec un praticien se trouvant à Lille, par visioconférence.

Pour l’Assurance maladie, l’objectif est simple : raccourcir les délais de consultation chez les spécialistes, qui explosent notamment chez les ophtalmologistes. « Chez nous, les délais moyens d’obtention d’un rendez-vous sont de quinze jours, alors que pour une consultation d’ophtalmologie classique, ils peuvent être de trois, quatre, voire cinq mois », affirme le docteur François Pelen, co-fondateur du groupe Point Vision qui a son actif une cinquantaine de centres d’ophtalmologie en France.

Réponse aux déserts médicaux

Ces délais d’attente ne sont pas sans conséquences. Ils amènent de nombreuses personnes à renoncer à un parcours de soins ophtalmiques. « Sur les 500 consultations que nous avons eu jusqu’à présent, nous avons relevé de nombreuses pathologies qui n’étaient plus suivies », explique François Pelen. « Il y’avait par exemple des patients avec un problème de cataracte, mais qui n’avaient pas vu de praticien depuis longtemps », assure-t-il.

Fonctionnant en coopération avec l’Assurance maladie, qui prend en charge les frais de consultations, le centre de Saint-Quentin est considéré comme un moyen de rapprocher les patients des praticiens. Alors que le nombre de jeunes arrivants ne suffit pas à compenser les départs à la retraite – toujours plus nombreux en milieu rural – le lien avec l’offre de soin s’est progressivement distendu. Près de 3,8 millions de Français vivaient ainsi dans un désert médical en 2018, contre 2,5 millions trois ans plus tôt, selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees).

Un tableau qui pousse Laurence Desjardins, directrice scientifique de la Société Française d’Ophtalmologie, à considérer positivement l’expérience dans l’Aisne. « C’est un bon début, il vaut mieux avoir ce genre de service que pas du tout », affirme-t-elle. D’autant plus que sur place, de nombreux examens peuvent être effectués par l’orthoptiste, notamment ce qui touche à l’acuité visuelle. « On forme les paramédicaux à être autonome, et à expliciter clairement les choses aux patients », assure François Pelen.

Limites de la technologie

La formation concerne d’ailleurs aussi les praticiens, qui sont surtout accompagnés dans la maîtrise outils numériques. « Pour ce qui est de la prise en charge du patient, il y’a très peu de différences entre le présentiel et la visioconférence », reconnait François Pelen. Un constant à nuancer pour Laurence Desjardins. « Quand un patient vient d’être diagnostiqué, et qu’il faut lui expliquer le traitement à suivre, le dialogue direct avec l’ophtalomogiste est quand même important », affirme-t-elle.

D’autant plus que le personnel médical sur place n’est pas à même de diagnostiquer tous les symptômes, qui restent cantonnés à la surface oculaire. « Il ne faut pas oublier qu’au niveau du fond d’œil, les machines ne voient pas l’extrême périphérie », précise Laurence Desjardins. « Pour les déchirures, les tumeurs, il faut tout de même se rendre chez le praticien », complète-t-elle.

Cette option est toujours possible, puisque selon le diagnostic, le patient peut être envoyé chez le médecin. Selon le co-fondateur de Point Vision, un praticien se déplace également « tous les quinze jours » afin de suivre les patients qui ne sont pas dans la possibilité de se déplacer. Mais encore faut-il avoir un tissu médical assez proche pour le permettre.

« Il faut avoir une couverture régionale pour assurer ces téléconsultations », reconnait-il. « Si le médecin est proche, c’est jouable, mais s’il est à plusieurs centaines de kilomètres, c’est plus difficile d’avoir une continuité de soins ». Pour le moment, aucune perspective de déploiement de cette expérience à grande échelle n’est donnée par l’Assurance maladie.

 

Mehdi LAGHRARI

Cinquante salariés du secteur de l’aide à domicile rassemblés devant le ministère de Solidarités

Près de cinquante salariés du secteur du soin et de l’aide à domicile ont manifesté jeudi 23 septembre devant le ministère des Solidarités à Paris. Ils affirment être les « oubliés » du Ségur de la santé. 

Les « oubliés » du Ségur de la santé : les salariés du secteur de l’aide à domicile estiment avoir été exclus des mesures mises en place par le gouvernement pour aider le secteur du soin. Jeudi 23 septembre, une cinquantaine de professionnels se sont rassemblés devant le ministère de la Santé pour manifester leur mécontentement.

Les deux principales revendications du mouvement : une hausse des salaires et l’amélioration des conditions de travail. Les travailleurs de l’aide et du soin à domicile n’ont pas touché la prime de 183 euros accordée aux soignants. Ils estiment pourtant la mériter, invoquant la précarité de leur métier.

Des augmentations « insuffisantes » selon les syndicats

« Leurs indemnités kilométriques sont faibles, et le temps de transport et d’attente entre les logements des différents bénéficiaires n’est pas pris en compte », indique l’initiateur de ce rassemblement, Stéphane Fustec, de la CGT, rappelant qu’une grande partie des salariés de ce secteur vivent sous le seuil de pauvreté.

Début avril, le gouvernement a approuvé une augmentation de 13 à 15% des rémunérations à partir du 1er octobre. Selon le syndicaliste Stéphane Fustec, cela est encore « insuffisant« .

A.G.

Les alcooliers à la conquête du public féminin

Vins pamplemousses ou bières teintées de rose : les alcooliers ont multiplié les tentatives ces dernières années pour séduire un public féminin.

« L’intérêt de cibler les femmes est qu’elles ne “ boivent pas suffisamment ” par rapport aux hommes, en tout cas au regard des industriels de l’alcool », avance Karine Gallopel-Morvan, professeure des universités à l’École des hautes études en santé publique (EHESP). 

Selon Franck Lecas, responsable du pôle loi Évin au sein de l’association Addictions France, la manoeuvre existe déjà depuis plusieurs décennies. « Les études montrent qu’à l’internationale, il y a un marketing qui se développe en direction des femmes dans les années 1990 avec ces notions de produits sucrés. on met en avant la femme qui travaille, réussit, consomme de l’alcool et fait l’apéro », explique-t-il.

Un affaiblissement de la loi Évin 

En France, la Loi Évin,votée en 1991, limite fortement les opérations de publicité comprenant de l’alcool. Elle est donc censée agir comme un pare-feu face aux évolutions récentes décrites par Franck Lecas. Or, ce n’est plus vraiment le cas, notamment depuis 2009. En effet, en vertu de la loi de modernisation de notre système de santé adoptée cette année là, les alcooliers ont la possibilité de faire de la publicité sur internet.

Et tout s’est accéléré, avec l’apparition par exemple d’influenceuses. « Elles sont payées par des marques d’alcool pour diffuser de l’information de manière très subtile et pas trop publicitaire envers leurs abonnés », décrypte Karine Gallopel-Morvan. Surtout, elles participent à l’émergence d’une offre destinée précisément aux femmes. Pour autant, ces influenceuses ne forment pas le seul volet du marketing des alcooliers.

« Des flacons de parfum, des étuis de rouge à lèvres »

En effet, il existe également tout un travail ciblé sur le packaging. « Il y a des flacons de parfum, des étuis de rouge à lèvre, des formes rappelant des chaussures ou des vêtements », énumère Karine Gallopel-Morvan. Pour Franck Lecas, il s’agit de reprendre des « stéréotypes de femmes, avec le rose, le girly, le sexy et le luxe aussi ». 

Il cite également le marketing à l’oeuvre sur les produits, prenant l’exemple des eaux alcoolisées dont l’atout serait d’être moins caloriques. « Ce qui est bien sûr faux mais ce sont ces arguments qui ciblent les femmes davantage sensibles à ces questions de santé et de poids », ajoute-t-il.

Autre élément, les alooliers cherchent à attirer des jeunes femmes. Karine Gallopel-Morvan évoque par exemple la bière Belzebuth proposant un « packaging rose, un goût à la framboise, et une boisson à trois degrés d’alcool […] ciblant très clairement les adolescentes ».

Quelle position pour les pouvoirs publics ? 

Face à ces stratégies de marketing, l’Etat marche sur des oeufs. Comme dans toutes ces problématiques liant alcool et santé, Il doit arbitrer selon des choix économiques ou sanitaires. Et il prend souvent le sujet avec des pincettes.

« L’Etat réagit dès que l’industrie de l’alcool bouge un petit doigt. Il y a par exemple le cas du Dry January : au départ Santé publique France, donc un organisme public, devait mener la campagne. Quand il a fallu la faire valider à un plus haut niveau, le Président de la République a refusé qu’elle soit portée par le gouvernement en raison de la pression des lobbys. », commente Karine Gallopel-Morvan. Face au jeu d’équilibriste mené par les pouvoirs publics, la conquête du public féminin est donc loin d’être terminée pour les alcooliers.

 

Lola Dhers et Baptiste Farge