Violences familiales : le rôle accru du 119 en période de confinement

Depuis la mise en place du confinement le 17 mars dernier, le nombre d’appels vers le numéro d’urgence pour l’enfance a augmenté de près de 20%. Afin de répondre à cet afflux croissant d’appels et que son fonctionnement ne soit pas altéré, le 119 a lancé son plan de continuité. Ses salariés sont, plus que jamais, disposés à venir en aide aux enfants en danger. 

Affiche du 119 © allo119.gouv.fr

Peu de visibilité, moins d’interactions sociales : les mineurs victimes de violences au sein de leur famille subissent les conséquences du confinement mis en place pour lutter contre l’épidémie de coronavirus. Il devient plus difficile pour eux de dénoncer leur situation et de se confier en période d’isolement. C’est pourquoi les numéros d’appels d’urgence sont d’une importance cruciale. 

En 2018, 20% de mineurs étaient à l’origine d’un appel au 119. Depuis le 17 mars, deux fois plus d’enfants ont composé le numéro du 119 pour dénoncer une situation préoccupante ou obtenir des conseils. 

Des violences exacerbées par le confinement

Les dangers évoqués au 119 sont majoritairement des violences psychologiques, des négligences lourdes ou des violences physiques. Il peut s’agir d’un enfant mal nourri, oublié quelque part, mais aussi d’enfants battus ou exposés à la violence d’un couple. Nora Darani, salariée au 119 et chargée de la communication, assure que le confinement exacerbe ces dangers :

« On traite beaucoup d’appels d’urgence en ce moment. Avant le confinement, on contactait tous les deux jours les services de première urgence. Désormais, c’est le cas tous les jours ».

Le travail du 119 est divisé en deux parties : les missions d’écoutes et de conseils et les informations préoccupantes (violences de tous types).« On a des appels d’enfants coincés dans leur hall d’immeuble, n’osant plus rentrer chez eux. D’autres appellent de dehors, après avoir fugué » explique-t-elle. Le 119 évalue pour chaque appel la situation. La plateforme sert parfois de relais entre un enfant en danger et la police ou les pompiers. Nora Darani précise le rôle du 119 : « Appeler les forces de l’ordre peut être intimidant, c’est moins évident pour un enfant, surtout que la plupart sont jeunes, l’âge moyen des mineurs qui ont appelé en 2018 était de 8 ans ». 

En première ligne, les écoutants du 119

Pour prendre en charge ces appels, le 119 compte sur une quarantaine de salariés. Les écoutants se relaient 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Dès son lancement, le confinement a impliqué un renforcement des effectifs. En temps normal, le service effectue 500 heures d’appel par semaine. Depuis le début du confinement, les services ont atteint 800 heures d’appel. Le 119 a également fait appel à d’anciens écoutants et à des bénévoles de l’association L’Enfant Bleu. « Malgré cette mobilisation, le temps d’attente est parfois long. La durée des appels varie et le rôle de l’écoutant n’est pas d’enchaîner les appels comme un opérateur téléphonique. S’il faut prendre 30 minutes pour rassurer un enfant en pleurs, on le fait » précise Nora Darani. 

Afin de répondre efficacement à la demande durant le confinement mais aussi pour multiplier les dispositifs d’aide, le 119 a mis en place une plateforme en ligne sur son site internet. Il est possible d’y évoquer des situations par écrit. Depuis le 2 avril, la plateforme a reçu  plus de 500 messages. 

Parfois l’autorité judiciaire peut intervenir 

Lorsqu’une situation est évaluée comme dangereuse par un écoutant, cette dernière est transmise à la Cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP) du département concerné. Si la cellule juge cela nécessaire, elle adresse un signalement au Parquet lorsque le mineur est en danger. Le juge des enfants peut alors être saisi et ordonner la mesure appropriée.

Le confinement ne change rien à ces éventuelles mesures, tous les efforts sont déployés pour assurer la meilleure prise en charge des mineurs. « Le week-end la CRIP est fermée. S’il y a une urgence, on va faire passer nous même un dossier en appelant le parquet. On ne laisse jamais une situation en suspens, surtout pas en ce moment » indique Nora Darani. 

Julia Courtois

Seine-Saint-Denis : des policiers filmés tenant des propos racistes, l’IGPN saisie

© Jackmac34 / pixabay
Policiers français de dos © Jackmac34 / pixabay

Une vidéo diffusée sur Twitter dimanche, montre des policiers tenant des propos racistes, au cours d’une intervention à l’Île-Saint-Denis. 

Sur Twitter, une vidéo montrant des policiers, qui tiennent des propos racistes lors d’une interpellation a provoqué dimanche la saisine de l’IGPN. Les images ont été filmées par le journaliste du site web engagé Là-bas si j’y suis, Taha Bouhafs, et ont ensuite été publiées sur son compte Twitter. La scène semble se dérouler de nuit, selon le journaliste « à 2 heures du matin ». À l’image, on aperçoit des policiers rirent entre eux. Ils seraient à l’origine de phrases telles que « un bicot comme ça, ça nage pas » ou encore « Ha ha ça coule, tu aurais dû lui accrocher un boulet au pied ».

Sur son compte Twitter, le journaliste Taha Bouhafs a laissé entendre qu’en plus des propos racistes, l’homme interpellé aurait été victime de « coups ». Comme le souligne le sous-titrage de la vidéo, on entend effectivement des cris, des bruits sourds et des rires. Ces derniers sont toutefois hors champ puisque la scène se déroule derrière un véhicule de police. Impossible de distinguer quels individus les prononcent.

La police des polices saisie

Dans un message, la préfecture de police a dit saisir l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). Elle précise vouloir connaître l’identité des policiers filmés.

« Une vidéo montrant une intervention de police à l’Ile-Saint-Denis circule sur les réseaux sociaux. Le préfet de police va saisir l’IGPN afin de faire toute la lumière sur les circonstances dans lesquelles les policiers sont intervenus et déterminer l’identité des auteurs des propos entendus ».

La procureure de la République de Nanterre, Catherine Denis, s’est également exprimée au sujet de cette saisie : « Les propos qu’on entend sur cette vidéo, s’ils sont bien le fait de policiers, ne sont pas acceptables et relèvent d’une attitude qui manque de professionnalisme et qui risque de jeter le discrédit sur l’action de la police, a-t-elle ajouté. Il s’agit de dérapages individuels qui doivent être sanctionnés ».

Quant au ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, après avoir confirmé la saisine de l’IGPN, il affirme sur Twitter que « le racisme n’a pas sa place dans la police républicaine ».

Selon la préfecture de police, les fonctionnaires intervenaient dans le cadre d’un vol en réunion. La procureure de Nanterre, Catherine Denis a indiqué que l’homme tombé dans la Seine, aurait été conduit à l’hôpital. Elle souligne également qu’aucune plainte n’a été déposée pour l’instant et avance que les policiers intervenants n’appartiendraient pas au commissariat de Villeneuve-la-Garenne comme l’affirme la vidéo, mais dépendraient de la Direction territoriale de la sécurité de proximité des Hauts-de-Seine.

Indignation sur les réseaux sociaux

Des milliers d’internautes ont réagi depuis dimanche à ces images. Certaines personnalités politiques ont également dénoncé la situation. C’est le cas du député La France insoumise de la Seine-Saint-Denis, Eric Coquerel, qui qualifie dans un communiqué cette scène d' »inacceptable ». Il indique avoir « découvert avec horreur » la vidéo. « Je ne sais pas ce que (l’homme repêché) a fait, je sais par contre que le 17 octobre 1961 on a retrouvé sur ces mêmes berges les corps d’Algériens noyés par la police » déplore-t-il, faisant référence à la répression meurtrière menée à l’époque par la police française suite à une manifestation à l’appel du Front de Libération National (FLN).

Julia Courtois

Comparutions immédiates : « C’est la première fois que je tenais une arme »

Avant le début des audiences, la greffière met de l’ordre dans ses dossiers / Crédit : Blandine Pied

Mardi 8 octobre, deux amis comparaissaient devant le tribunal correctionnel de Paris. Il leur était reproché d’avoir grièvement blessé au couteau un homme, lors d’une altercation. Les deux prévenus affirment ne pas comprendre comment la victime s’est fait perforé le rein. Ils admettent toutefois que des coups ont été porté, pour se défendre contre une tentative de vol.

 

Ils sont deux à comparaître ce mardi, devant le tribunal correctionnel de Paris. Lui depuis le box des accusés, elle depuis le premier rang. Il est en détention provisoire depuis plus d’un mois, accusé de violences volontaires avec arme.  Elle, blessée à l’orteil, ne peut se tenir debout devant ses juges. Sous surveillance judiciaire, on lui reproche d’avoir transporté une arme, le couteau qui a servi à son ami pour blesser grièvement un homme.

C’est une fin de soirée tragique qui les amène au tribunal. Le 28 août dernier, les deux amis rentrent chez eux, accompagnés d’une autre camarade. L’horloge indique près de 6h du matin lorsque le groupe arrive à la station de métro Bastille, à Paris. Ils sont interpellés par trois hommes qui veulent passer avec eux les validateurs RATP, faute de titre de transport. L’un d’eux en profite pour tenter de dérober leur sac à main et la situation dégénère.

La jeune femme panique et sort un couteau de son sac. « Pourquoi avoir un couteau sur vous ? », l’interroge au procès le président. « Je ne me sens pas en sécurité à Paris », répond-elle. Son ami lui prend l’arme et tente de repousser ses agresseurs. L’un d’eux tombe au sol, les prévenus prennent la fuite. L’homme a reçu plusieurs coups et a le rein perforé par la lame.

Visiblement anxieux, le prévenu s’est animé pour expliquer longuement aux juges le déroulé des faits.
Crédit : Blandine Pied

« On ne savait pas qu’il était blessé, se justifie le jeune homme. Si j’avais su, j’aurais appelé une ambulance. » Il est catégorique, il n’a jamais eu l’intention de frapper : « J’ai pris le couteau pour leur dire de partir, c’est la première fois que je tenais une arme. Je lui ai demandé de reculer mais c’est lui qui a avancé. »  Il s’agite, pour mimer la distance qui le séparait alors de la victime. « J’étais mort de peur, je voulais juste partir », confesse-t-il avant d’avouer regretter son geste.

Une version des faits que confirme sa camarade, depuis le banc sur lequel elle était restée silencieusement assise : « On n’a pas vu de sang, juste un peu à l’arcade. »  « Mais comment expliquer une plaie aussi profonde si vous dites ne pas avoir mis de coups ? », s’exaspère le procureur, en allusion au rein perforé de la victime. Le débat tourne en rond, les deux prévenus répètent ne pas avoir porté de coups et ne pas savoir quand l’homme a été blessé. Pourtant, tous les deux assurent regretter la façon dont s’est déroulée l’altercation.

Pour la défense, il n’est pas question de contester les violences mais de prendre en compte leur contexte. « Tout cela se passe en quelques secondes, plaide l’avocat du jeune homme. Il n’y avait pas la volonté de blesser mais simplement celle de protéger. »  Du côté du ministère public, de telles plaies ne peuvent avoir été causées involontairement. Le procureur requiert dix mois d’emprisonnement ferme pour le jeune homme et trois mois avec sursis pour son amie, « une peine d’avertissement ».

Verdict : le prévenu écope d’une condamnation à huit mois ferme d’emprisonnement, sans mandat de dépôt. Il pourra bénéficier d’un aménagement de peine, s’il parvient à prouver au juge des libertés et de la détention qu’il a un vrai projet de réinsertion. La trentenaire, elle, devra payer une amende de 600€. Une peine qui ne sera pas inscrite dans son casier judiciaire pour, selon le président, ne pas la pénaliser dans sa vie professionnelle.

 

TGI Paris, 08/10/2019

Blandine Pied

Procès Balkany : le maire de Levallois face aux faits

Exit les questions de forme, place au fond. Après avoir étudié et rejeté les demandes de nullité et de jonction des différents volets (fraude fiscale et blanchiment) mardi en début d’après-midi, la 32e Chambre correctionnelle a ouvert les débats sur le fond de l’affaire.
Le maire de Levallois et son avocat Éric Dupond-Moretti arrivent pour le deuxième jour d’audience. – Photo : Yann Haefele

Ce que nous comprenons, c’est que Monsieur et Madame Balkany ne veulent pas être jugé trop vite”, soupçonne l’avocat de la partie civile. Représentant l’Etat et le fisc, il résume ainsi le début de cette journée d’audience, consacrée à des questions de procédure. Inlassablement, les avocats de la défense, Éric Dupond-Morreti et Pierre-Olivier Sur, auront tenté d’obtenir la nullité de l’ordonnance de renvoi du couple devant la justice ainsi que celle de la citation à comparaître. Sans succès.

Dans une salle d’audience plus clairsemée que la veille, les ténors du barreau formulent des demandes en nullité, derrière Patrick Balkany. Le regard vague, ce dernier ne s’anime que pour laisser échapper un grognement désapprobateur ou échanger quelques murmures avec son avocat, Me Dupond-Morreti.

“Balkany n’est pas au-dessus des lois, mais il n’est pas en-dessous non plus”

Pour tenter d’obtenir le renvoi, la défense essaie de souligner ce qu’elle considère comme des irrégularités. “Balkany n’est pas au-dessus des lois, mais il n’est pas en-dessous non plus”, martèle Me Dupond-Morreti. Confusion des dossiers, absence d’éléments à décharge dans l’ordonnance de renvoi et citation à comparaître pour le 13 mai pour l’ensemble de l’affaire (alors que le blanchiment ne sera jugé qu’à partir du 20 mai)… : les arguments de la défense n’auront pas convaincu les magistrats.

Tant pis pour Me Dupond-Morreti, qui se dit “ulcéré” par ce qu’il considère être des irrégularités. “C’est singulier au sens premier du terme, s’indigne-t-il, et je pèse mes mots. Il m’en viendrait d’autres mais je ne les prononcerai pas ici.

En matière de fraude fiscale, le couple est accusé d’avoir minoré ses déclarations de revenus au titre de l’impôt sur la fortune, ainsi que celles sur le revenu, entre 2009 et 2015. Celles-ci ne correspondraient pas à ses possessions immobilières et son train de vie, détaillés par le président du tribunal dans un long et laborieux exposé des faits.

La lecture du témoignage de nombreux employés des Balkany, ainsi que de celui de commerçants locaux, met en lumière une préférence marquée du couple pour les paiements en liquide. “Il ne faut jamais utiliser de cartes bancaires, on peut nous traquer”, aurait expliqué le maire de Levallois-Perret à une de ses employées de maison.

Des billets de 500 euros retrouvés dans un costume

Le gérant d’un pressing raconte lui aux enquêteurs avoir découvert sept billets de 500 euros dans la poche d’un costume déposé par Patrick Balkany. Les billets violets, un mode de paiement habituel pour le couple qui rémunérerait une partie de son personnel en espèces.

Quant à la question des biens immobiliers que posséderait le duo d’élus, le Président détaille des montages complexes visant à en brouiller la propriété. Notamment des sociétés basées au Liechtenstein et en Suisse, propriétaires de certains de leurs biens – y compris la fameuse villa Pamplemousse de Saint-Martin – et dont la principale bénéficiaire serait Isabelle Balkany.

En dissimulant ces biens, le couple aurait diminué ses déclarations à l’administration fiscale et n’aurait donc pas été imposé comme il aurait dû l’être.

Après plus d’une heure et demi d’exposé des faits, Me Dupond-Morreti interrompt, furibond, la lecture du Président. Il s’insurge contre un long exposé “à charge”, contre son client. “Est-ce que vous trouvez que c’est loyal ?”, rugit-il, remettant en cause le respect du contradictoire. Le magistrat lui demande de ne pas l’interrompre avant de reprendre son énoncé.

Il est 17h30 environ quand Patrick Balkany est enfin appelé à la barre pour s’exprimer. Après une remise en cause de l’exposé des faits par le Président qu’il juge incomplet, il entame la lecture de deux lettres écrites par son épouse. Se tournant successivement vers les magistrats et les journalistes, il dénonce ce qu’il considère comme des violations du secret de l’instruction et un « acharnement médiatique« . 

L’audience reprendra mercredi à 13h30 avec l’interrogatoire de Patrick Balkany. Exercer son droit au silence ? « Sûrement pas !« , rétorque-t-il aux magistrats.

Blandine Pied