Exposition sur Napoléon, un déconfinement politique

A l’occasion du bicentenaire de sa mort, Napoléon est mis à l’honneur à La Grande Halle de La Villette depuis le 28 mai dernier. En partenariat avec le musée de l’Armée, le musée national du château de Fontainebleau ainsi que le musée du Louvre, l’exposition donne la part belle à la grandeur et au faste, chers à l’Empereur. Un déconfinement sous le signe de la culture mais, aussi, de la politique, pense le public de l’exposition.

Les organisateurs de l’exposition de La Grande Halle de La Villette ont fait appel à la Fondation pour la mémoire de l’esclavage. © Pierre-Yves Georges

Qu’il s’agisse du tableau de Jacques-Louis David, « Bonaparte au col du Grand-Saint-Bernard », sur lequel le nom de Bonaparte côtoie celui de Clovis et d’Hannibal, ou encore le trône de l’Empereur conservé en temps normal au Sénat, le faste de l’exposition « Napoléon » de La Grande Halle de La Villette, c’est sans doute le moins que l’on puisse offrir à un public privé de sorties durant des mois. Pour donner le change, Sibylle s’est engagée dans un véritable marathon depuis le déconfinement du 19 mai. « En manque de culture, de musées et de beauté », cette éditrice en est à sa cinquième exposition. « Je suis passionnée par l’histoire de Joséphine de Beauharnais ! ». Elle pourra profiter du portrait de l’Impératrice, peint par François Gérard et prêté, pour l’occasion, par le musée national du château de Malmaison.

Avide d’histoire, le public vient également chercher, dans cette exposition, une certaine idée de la France. « Napoléon est parti de rien. C’est un peu le premier exemple de la méritocratie à la française. », défend Emmanuel, venu avec sa mère Anna. Porte-parole d’une société qui, marquée par la crise du covid-19 et l’explosion des inégalités, veut encore croire que le travail paie. Né dans une famille modeste d’Ajaccio en 1769, Napoléon Bonaparte en est le symbole le plus saillant. « C’est quelqu’un qui fait rêver et on a besoin de rêver aujourd’hui, même si c’est à l’ancienne. », résume Brigitte, la soixantaine, qui offre à son frère Bruno cette escapade à travers l’histoire pour son anniversaire.

L’esclavage en débat

Loin du mythe auquel certains veulent croire, les organisateurs de l’exposition ont eu, cependant, à cœur de ne pas éluder les zones d’ombre de l’histoire impériale. Comprendre : le rétablissement de l’esclavage par Napoléon en 1802, objet de nombreuses polémiques. La Fondation pour la mémoire de l’esclavage a participé à la scénographie de l’exposition. Les apports sont indéniables : les exemplaires originaux des actes signés par Napoléon effaçant les effets du décret d’abolition de l’esclavage sont notamment disponibles.

Face à ces aspects plus clivants de l’héritage napoléonien, les avis du public divergent. « Je n’apprécie pas cette façon qu’ont certains de mettre le focus de façon disproportionnée sur un acte ! », s’étrangle Nicole, venue avec son mari Jean-Louis. Lars, étudiant en informatique, en appelle au contexte de l’époque : « Il y a une réalité économique et un certain pragmatisme à prendre en compte. ». Emmanuel, quant à lui, est bien moins tendre lorsqu’il s’agit des campagnes militaires de l’Empereur : « Il y a eu des pertes humaines considérables lors de ces expéditions ! ».

Les musées du Louvre et du château de Malmaison ont prêté certains des tableaux les plus connus de l’Empereur. © Pierre-Yves Georges

« On a fait Waterloo ! »

Les campagnes militaires, Annick et Yves en connaissent un rayon. Se rendre à l’exposition était une évidence pour ce couple de Toulousains qui, depuis vingt ans, participent à des reconstitutions de grandes batailles napoléoniennes. « On a fait Waterloo ! », ose carrément Annick. Elle, comme cantinière, et lui, comme artilleur. Tous deux sont affectés au 3ème bataillon des chasseurs de montagne, ancêtre impérial des chasseurs alpins.

« On est là pour Napoléon, pour l’histoire ! », s’emporte Yves qui insiste néanmoins : « Je ne fais pas de politique. ». C’est pourtant bien ce qui se joue un peu, à La Grande Halle de La Villette, n’en déplaise aux organisateurs de l’exposition, alors qu’en parallèle du bicentenaire de la mort de l’Empereur a eu lieu, en mai dernier, les 150 ans de La Commune. Un combat d’opinions.

Pierre-Yves Georges

“Il y a des similitudes entre ce que l’on vit et ce que nos ancêtres ont vécu”

Isolation, mise en quarantaine, théories du complot… À différentes époques, on retrouve des similitudes autour de la gestion des épidémies et de la place des malades dans la société. Didier Foucault, docteur en histoire et maître de conférence à l’Université de Toulouse, détaille ces caractéristiques communes à de nombreux épisodes pandémiques.

 

La Peste d’Asdod, Nicolas Poussin, 1630. Musée du Louvre

 

Quelles peurs les épidémies ont-elles pu générer au fil des époques ?

Didier Foucault : On peut prendre comme modèle général celui de la Peste, une des plus grosses épidémies que l’on ait connues depuis la fin du Moyen-Âge. On observe d’abord une crainte parce qu’on apprend que des cas se sont déclarés dans une ville plus ou moins proche. Quand il y avait un danger, la première chose à faire, c’était fermer les portes de la ville. Très souvent, il y a aussi un premier réflexe de fuite, notamment chez les médecins et les responsables municipaux. Ils vont se réfugier à la campagne et s’isoler.

Ensuite, un certain nombre de rumeurs se propageaient. Lorsque la Peste noire s’est développée au 14e siècle, on a par exemple vu des accusations envers des Juifs qui auraient, par malveillance, enduit des poignées de porte avec de la graisse infectée par la Peste. Ces réflexes pouvaient se retourner aussi contre les vagabonds, les pauvres. On les mettait alors en dehors de la ville pour se débarrasser de la maladie.

Comment s’occupait-on des malades ?

D.F. : On les enfermait dans leur maison et on leur interdisait absolument de sortir, pour ne pas propager la maladie. Ensuite, on les extrayait de la maison pour les placer dans des lazarets, des terrains vagues à l’extérieur de la ville dans lesquels on faisait des enclos, des cabanes en bois où on entassait les malades. Le cimetière était très souvent une fosse commune dans laquelle on enterrait des centaines, voire des milliers de morts.

Comment circulait l’information en cas d’épidémie ? 

D.F. : Le cas de Venise est assez intéressant à ce titre. Venise avait des diplomates dans toutes les grandes villes de la Méditerranée. Donc dès qu’il y avait un risque de peste à l’étranger, ils avertissaient par bateaux du danger. Cela permettait aux Vénitiens de prendre des mesures de quarantaine. L’information circulait à la vitesse de l’épidémie. On est aujourd’hui dans un contexte et un univers historique différents, mais il y a quand même beaucoup de similitudes entre ce que l’on vit et ce que nos ancêtres ont pu vivre il y a quelques siècles. 

 

Propos recueillis par Elisa Fernandez

 

Christine Bard, historienne : « Les femmes ont toujours travaillé à l’extérieur »

 » Il y a trois fonctions traditionnelles pour les femmes : épouse, mère, ménagère. Cette trilogie-là nie l’existence du travail des femmes. »  – LAURENCE PRAT / CREATIVE COMMONS / CC-BY-SA-4.0

Christine Bard est historienne, spécialiste de l’histoire des femmes, du genre et du féminisme. Elle est professeure à l’université d’Angers. Elle a notamment collaboré à l’écriture d’Histoire des femmes dans la France des XIXe et XXe siècles (Ellipse, 2013).

 D’où viennent les inégalités dans la répartition des tâches domestiques ?

Elles viennent d’une représentation dominante de la nature des femmes : s’occuper des enfants en bas-âge, nettoyer serait presque inné chez elles. Il y a trois fonctions traditionnelles pour les femmes : épouse, mère, ménagère. Cette trilogie-là nie l’existence du travail des femmes. C’est une représentation idéologique essentielle dans une société patriarcale. Et c’est un vecteur de la domination masculine que de les assigner à des tâches dévaluées.

Quand on pense au XXe siècle, on a en tête une représentation sexiste : notre tradition serait celle de « la femme au foyer ». C’est une réalité bourgeoise. Il y a eu des femmes dispensées d’effectuer les tâches ménagères*. Et les femmes ont toujours travaillé à l’extérieur. Avant la Première Guerre mondiale, elles représentaient un quart de la population active.

Si les femmes travaillaient à l’extérieur, comment expliquer que ces inégalités aient persisté ?

 Il y a eu un matraquage idéologique très fort dans les années 1940-1950, qui a perduré jusque dans les années 1970-1980 et jusqu’à nos jours, autour de la ménagère parfaite, notamment à travers la société de consommation, la publicité.

L’équipement des foyers en appareils électroménagers, pendant les Trente Glorieuses, devait aider les femmes. En fait, ça n’a pas libéré leur temps parce qu’il y a eu une élévation des standards de propreté, des attentes.

A quel moment les revendications relatives à la répartition des tâches domestiques sont-elles apparues dans les discours féministes ?

De tout temps, la question de la conciliation entre travail extérieur et vie de famille a été soulevée par les féministes. Mais les revendications relatives aux tâches domestiques ne sont pas apparues avant les années 1970. La sociologue Christine Delphy en fait pourtant un élément clé du système patriarcal et de l’exploitation des femmes.

 

Juliette Guérit et Clémentine Piriou

 

* Aujourd’hui, un courant du féminisme dénonce le fait que l’émancipation des classes supérieures se soit faite parce qu’elles ont pu se décharger du travail domestique sur d’autres femmes.

Tour de France 2019 : des maillots jaunes chargés d’histoire

Eddy Merck, 1970. / Crédit : Flickr Chris Protopapas

À l’occasion des cent ans du Tour de France, un maillot jaune à l’esthétique différente par jour sera attribué au leader du classement général, pour rendre hommage aux multiples coureurs qui ont marqué l’histoire de cette tenue emblématique.

Chaque maillot, unique, rappellera un instant particulier de la Grande boucle aux fidèles amateurs de cyclisme. Fournis par l’industrie textile Le Coq Sportif, les vingt maillots feront écho à un vainqueur ou à un monument symbolique de la compétition à l’issue des vingt étapes parcourues entre Bruxelles et Paris, en juillet prochain. Parmi les coureurs mis à l’honneur, on retrouve Bernard Hinault ou encore Eugène Christophe, figures incontournables de la compétition.

Mention spéciale pour le maillot jaune du vainqueur de cette édition 2019 du Tour, qui sera à l’effigie de l’Arc de Triomphe. Symbole de la capitale et monument phare des Champs Elysées, il accueille le sprint final depuis 1975.

Lise Boulesteix