Taïwan fustige Elon Musk et rappelle qu’elle « n’est pas à vendre »

Le patron de X (ex-Twitter) et Tesla s’attire les foudres à nouveau de Taipei jeudi 14 septembre 2023. Décrite par Elon Musk comme « partie intégrante » de la Chine, Taïwan répond avec virulence qu’elle « n’est pas à vendre », alors que l’île affirme avoir détecté 68 avions de guerre chinois au large de ses côtes.

Elon Musk, l’un des hommes les plus riches de la planète, s’est attiré les foudres de Taipei en comparant, dans un podcast, Taïwan à l’Etat américain de Hawaï et en qualifiant l’île de « partie intégrante » de la Chine. Taïwan a répondu en accusant le milliardaire américain de « flatter aveuglément » Pékin, jeudi 14 septembre 2023.

« Si (ses) commentaires sont influencés par ses intérêts commerciaux, de tels commentaires ne méritent pas d’être pris au sérieux et celui qui les prononce ne mérite pas le respect », a ajouté à la presse Jeff Liu, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères. « Nous ne savons pas si le libre arbitre de M. Musk est à vendre, mais Taïwan n’est pas à vendre, c’est sûr ».

Pékin considère l’île autonome comme une partie de son territoire dont elle pourrait s’emparer un jour par la force. Depuis quelques années, la Chine a intensifié ses pressions politiques et économiques sur Taïwan.

Des réactions en chaîne

Les déclarations de Jeff Liu interviennent après celles du ministre taïwanais des Affaires étrangères, Joseph Wu, qui s’en est pris au PDG de Tesla dans une publication sur le réseau social X (anciennement Twitter) appartenant au magnat. Ce dernier avait suggéré de demander à Pékin de permettre aux Chinois d’y avoir accès.

« J’espère qu’Elon Musk pourra également demander au Parti communiste chinois de permettre à son peuple d’avoir accès à X. Peut-être pense-t-il que l’interdire est une bonne politique, comme désactiver (le réseau de communication par satellite) Starlink pour contrecarrer la contre-attaque de l’Ukraine contre la Russie », avait écrit Joseph Wu. « Écoutez tous, Taïwan ne fait pas partie de la République populaire de Chine et n’est certainement pas à vendre! ».

La semaine dernière, Elon Musk a affirmé avoir empêché une attaque ukrainienne contre une base de la marine russe l’an passé en refusant une demande de Kiev d’activer via son satellite l’accès à Internet en mer Noire, près de la Crimée annexée par Moscou.

Elon Musk au coeur des batailles géopolitiques

Elon Musk avait déjà suscité la colère de Taipei en mai pour avoir déclaré que la Chine intégrerait inévitablement l’île. « La politique officielle de la Chine est que Taïwan doit être intégrée (…) Il n’est pas nécessaire de lire entre les lignes », a-t-il déclaré dans une interview à CNBC. »Il y a une certaine fatalité dans cette situation », a-t-il estimé.

Le franc-parler d’Elon Musk, qui a des intérêts commerciaux importants en Chine, s’immisce fréquemment dans les questions sociales et géopolitiques dans les commentaires qu’il publie sur ses réseaux sociaux.

Avec AFP

La France, dommage collatéral du « sous-marin gate » australien

La France essuie depuis une semaine un véritable camouflet diplomatique, de la part des Etats-Unis, de l’Australie et du Royaume-Uni. Retour sur la crise des sous-marins australiens.

C’est le septième jour d’un imbroglio diplomatique sans précédent au XXIe siècle. Pour certains experts, le dernier en date remonterait à la crise du Canal de Suez en 1956. Avec pour enjeux, encore une fois, la puissance diplomatique de la France.

Jeudi dernier, la nouvelle provoque un séisme sur la scène politique et diplomatique internationale. Ce sont douze sous-marins et 56 milliards perdus pour l’Hexagone, au profit de l’AUKUS, le nouvel accord stratégique entre l’Australie, les Etats-Unis et le Royaume-Unis. Un  « coup dans le dos » d’après le Ministre des Affaires Etrangères Jean-Yves Le Drian, dont les services français paraissent tout juste découvrir l’existence des tractations.

Alors que les présidents de France et des Etats Unis Emmanuel Macron et Joe Biden s’entretiennent ce mercredi 22 septembre, explications sur la « crise des sous-marins ».

Pourquoi est-ce vécu comme un « coup dans le dos » par la France?

La nouvelle fait l’effet d’une bombe. L’Australie rompt le 15 septembre, apparemment sans préavis, le « contrat du siècle » signé en 2019 avec la France, au profit de sous-marins nucléaires fournis par les Etats-Unis. Une « décision unilatérale, brutale, imprévisible » qui « ressemble beaucoup à ce que faisait M. Trump », selon Jean-Yves Le Drian sur France Info. Mais surtout, la diplomatie française semble découvrir « brutalement » la perte du contrat et l’existence de l’AUKUS « par une déclaration du Président Biden », toujours d’après le ministre.

Selon Alexis Pichard, spécialiste des Etats-Unis et enseignant-chercheur à l’Université de Nanterre, ce « coup dans le dos » est révélateur des ressemblances entre Biden et Donald Trump, malgré le ton conflictuel entre les deux candidats lors de la campagne présidentielle de 2020. « La seule chose qui a changé dans la politique étrangère entre ces deux présidents, c’est l’emballage », analyse l’universitaire, qui poursuit : « La tonalité est moins virulente, le côté humain davantage mis en avant avec Biden. Mais le fond reste le même : la mise en avant des intérêts américains et la guerre commerciale, notamment avec la Chine, » au détriment des puissances moyennes, comme la France.

Est-il possible que la France n’ait pas été au courant des tractations de l’AUKUS ?

« Compliqué à dire », pour Alexis Pichard. « Certaines informations avaient fuité dans les médias australiens il y a quelques temps ». Malgré l’indignation de Jean-Yves Le Drian, « la trahison du siècle » aurait pourtant commencé il y a dix-huit mois, dans l’hémisphère sud. En mars 2020, le Premier Ministre australien Scott Morrison aurait secrètement lancé l’idée d’une alternative au projet français, en privilégiant le marché américain. L’objectif: être davantage dissuasifs auprès de la Chine, de plus en plus agressive dans le Pacifique.

Pour se défendre, « l’Australie a tout intérêt à avoir de bonnes relations avec les Etats-Unis, grande puissance internationale, plutôt que la France » décrypte Alexis Pichard. « Et pour les Etats-Unis, c’est une manière de cadenasser la Chine dans les eaux territoriales. » Un an plus tard, le premier ministre britannique, Boris Johnson, est recruté. Une occasion pour le Royaume-Uni de se ménager une ouverture stratégique dans la zone Indopacifique, suite au Brexit et au rafraîchissement des relations avec l’Europe. L’AUKUS est finalement discuté discrètement entre Boris Johnson, Joe Biden et Scott Morrisson, en marge du sommet du G7 de juin dernier en Cornouailles.

Comment est jugée la réaction de la France par les Etats-Unis ?

« Rupture de confiance entre alliés », « Crise grave » : Pourtant habituellement réputé sur la réserve, Jean Yves Le Drian s’éloigne drastiquement depuis une semaine des codes diplomatiques. Retrait des ambassadeurs français à Washington et Canberra, annulation d’un gala dans la capitale américaine… « La France ne peut faire autrement que montrer une forte intransigeance diplomatique », explique Alexis Pichard, « Elle n’a pas d’autres moyens de pression, elle reste dépendante des Etats Unis, notamment à travers l’OTAN »

Mais les américains ne se sont pas émus des mots du chef de la diplomatie française : aucune réaction publique du Président Joe Biden, et seule la chaîne américaine MSNBC a consacré un certain temps d’antenne à la crise. «Et durant l’appel prévu ce mercredi entre Biden et Macron, on imagine mal le Président français montrer les muscles : Il n’y a rien à montrer, » assène Alexis Pichard. Pour certains observateurs américains, l’Hexagone est même vu « comme un enfant faisant son caprice, et qui reviendra de toute façon dans le droit chemin. »

A LIRE AUSSI – Aukus: Pour l’Australie, la dissuasion vaut bien une brouille avec la France 

La France est-elle isolée sur ce nouvel échiquier international ?

Après ce camouflet diplomatique, la France doit se positionner dans le nouvel ordre géopolitique défini par l’AUKUS. Alexis Pichard le rappelle : elle reste à la tête de l’Union Européenne, dont elle prend la présidence en janvier 2022. « Elle est aussi présente dans plusieurs endroits stratégiques du monde, notamment par ces DOM-TOM », détaille l’universitaire. Ce lundi, en marge de l’Assemblée générale annuelle de l’ONU, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell ainsi que les ministres des affaires étrangères européens, ont exprimé leur solidarité envers la France. Pour eux, l’AUKUS affecte toute l’Union Européenne « par ses implications stratégiques. » Mais si elle garde une certaine puissance, l’aura diplomatique française aurait fortement diminué. « La France est maintenant partenaire des relations internationales, elle n’est plus actrice», conclut Alexis Pichard.

Charlotte de Frémont

Arabie Saoudite/France : un partenariat stratégique mais fragile

Après trois semaines aux États-Unis et un passage par l’Angleterre, le prince saoudien Mohammed Ben Salmane est arrivé dimanche à Paris, pour trois jours de visite officielle. Au programme, le conflit yéménite, l’embargo du Qatar mais également de possibles accords économiques.

Macron et MBS
Emmanuel Macron et MBS se retrouve ce mardi soir pour une réception à l’Elysée. ©Flickr

Les relations commerciales entre la France et l’Arabie Saoudite sont fragiles depuis quelques années, mais avec l’arrivée du jeune prince héritier, une ouverture est peut être envisageable. Emmanuel Macron souhaite relancer la coopération économique entre les deux pays. L’homme fort de Riyad, que l’on appelle MBS, a présenté sa vision pour 2030, un programme ambitieux à l’image des dernières réformes en faveur de la situation des femmes dans le royaume.

Un passé économique compliqué

Les relations entre Riyad et Paris sont solides depuis les années 1960 et le Général de Gaulle, mais elles se sont fragilisées sous le mandat de François Hollande. « L’Arabie saoudite était un des premier clients des entreprises d’armement françaises, mais depuis 2015 il ne s’est rien passé », assure Denis Bauchard, conseiller pour le Moyen-Orient à l’Institut français des relations internationales (IFRI). Les signatures de contrats lors des précédentes rencontres entre les dirigeants saoudiens et les ministres français ont été fortement médiatisées mais finalement, aucun d’entre eux n’a été significatif. « Laurent Fabius a signé un accord de coopération de près de 11 milliards de dollars sur le nucléaire civil mais ce n’est pas conséquent, comparé aux 380 milliards signés avec Donald Trump », ajoute le chercheur.

Face à ce désenchantement dans les relations économiques, quelle est la vision de Mohammed Ben Salmane ? Lors de cette tournée internationale, le prince héritier a choisi de s’arrêter en France, ce qui laisse penser à un appel du pied de sa part. « La venue de Mohammed Ben Salmane signifie que la France reste un partenaire de choix, c’est une rencontre stratégique avec Emmanuel Macron » explique Denis Bauchard. MBS devrait donc signer des contrats, notamment dans le secteur de l’énergie. « Les prochaines signatures  ne semblent pas correspondre à des sommes considérables, la reprise de la coopération économique est encore une interrogation » analyse le conseiller de l’IFRI.

Vers un climat propice aux échanges commerciaux?

A 32 ans, entre tensions familiales et vision novatrice du pays, MBS essaye de se faire une place et de se différencier de son père. De nombreux dirigeants le voient déjà comme le nouvel homme fort du royaume, qui a réussi à imposer des réformes progressistes comme l’autorisation de conduire pour les femmes. Face à une forte opposition du clergé wahhabite ultra-conservateur et puissant, il tente de se rapprocher des puissances occidentales. Les trois semaines passées aux États-Unis et l’accueil chaleureux que Donald Trump lui a réservé reflètent sa volonté de développer des coopérations internationales. Il voit en Emmanuel Macron un espoir pour réchauffer ses relations avec Paris. Cependant, sur le plan économique rien n’est encore concrétisé. « Depuis quelques années les dirigeants saoudiens essayent de diversifier les secteurs d’activité, il n’y a donc rien de nouveau », précise Denis Bauchard.

La France peine à faire venir des fonds saoudiens, mais pour que les entrepreneurs français investissent en Arabie Saoudite le climat doit être propice. La péninsule arabique représente un marché important en terme d’armement ainsi quand dans le secteur du tourisme et de la construction, mais la situation est instable. « Le climat n’est pas encore très propice pour les investissements étranger. MBS est très déterminé mais également très impulsif, il prend des décisions controversées notamment en politique étrangère » observe Denis Bauchard. Avec la guerre au Yémen, l’embargo au Qatar et la crise au Liban, l’Arabie saoudite est au cœur des grandes perturbations de la région. « On dirait qu’il crée encore plus de chaos dans la région » ajoute le chercheur. Des chantiers sont en prévision notamment avec un grand parc de loisirs le long de la mer Rouge.

La Chine, premier client de l’Arabie Saoudite

Le pétrole reste la principale source de richesse du royaume et la Chine est devenue leur premier client. Les États-Unis, premier partenaire commercial historique, sont de plus en plus autosuffisants en énergie. Avec l’augmentation du prix du pétrole, les producteurs d’énergie limitent leur importation de fioul. « La Chine s’impose en Afrique et peu à peu au Moyen-Orient notamment en Arabie saoudite et en Iran » nous informe Denis Bauchard. Cependant, la relation que recherche la Chine avec ce pays de la péninsule arabique est purement commerciale, contrairement à la France. « Emmanuel Macron cherche certes une coopération économique mais également un dialogue politique » précise-t-il.

En tant que grande puissance internationale et membre du Conseil de Sécurité de l’ONU, la France souhaite pouvoir faire pression sur des questions de droit de l’Homme ou sur l’implication du prince MBS dans le conflit au Yémen. Mais la venue de Mohammed Ben Salmane reste controversée en France notamment à cause du caractère autoritaire du régime et l’implication du prince héritier dans le conflit au Yémen. Pour Denis Bauchard il faut rester attentif aux évolutions du jeune dirigeant saoudien et juger par ses actes plus que par ses promesses.

Zina Desmazes