La limite planétaire du cycle de l’eau bleue est dépassée. Cela concerne les lacs, les nappes phréatiques et les cours d’eau. C’est la sixième limite planétaire sur les neuf à être dépassée. Ce dépassement intervient alors que nous consommons de plus en plus d’eau.
Une Terre « en dehors de l’espace de fonctionnement sûr pour l’humanité ». C’est le bilan des chercheurs du Stockholm Résilience Center dans son étude publié ce mercredi 13 septembre dans la revue Sciences advance.
La limite planétaire du cycle de l’eau se distingue en deux types : le cycle de l’eau bleue et le cycle de l’eau verte. Le cycle de l’eau bleue concerne les lacs, les nappes phréatiques ainsi que les cours d’eau et il est perturbé au-delà du soutenable. De son côté, le cycle de l’eau verte concerne l’eau absorbée par les sols et les plantes, son dépassement a déjà commencé. « La situation est critique« , s’inquiète de Hervé le Treut, climatologue et membre de l’Académie des sciences.
La notion de limites planétaires a été développée en 2009 par le Stockholm Résilient Center. Cela consiste en de grands processus dont le dérèglement climatique provoqué par l’homme met en danger la planète. Pour cela, les scientifiques ont représenté la Terre en la divisant en pixels de 50 km de côté. Pour chaque pixel situé sur les continents, les chercheurs ont calculé les variations dans les flux d’eau bleue. Le bilan est sans appel et « indique une rupture par rapport à ce qui existait avant« , pointe Hervé le Treut. La terre subit en effet des perturbations humides et sèches dans 18% des pixels pour l’eau bleue et 16% pour l’eau verte.
La consommation d’eau douce de l’humanité au-delà de la limite soutenable.
Le dépassement de cette limite intervient dans un contexte où la consommation d’eau douce est plus élevée qu’elle ne le devrait. En 2015, les chercheurs Georgia Destouni et Fernando Jaramillo de l’Université de Stockholm ont relevé que la consommation annuelle d’eau douce de l’humanité s’élevait à 4.485 km3 alors que la limite soutenable est de 4.000km3 par an.
De l’autre côté, deux à trois milliards de personnes sont concernées par les pénuries d’eau. Un chiffre qui pourrait dépasser les cinq milliards en 2050 selon l’ONU.
L’épisode climatiqueLa Niña prend fin : il participait à un refroidissement des températures. « Cette situation ne doit pas nous donner un faux sentiment de sécurité en nous faisant croire qu’il y a une pause dans le changement climatique« , a averti le secrétaire général de l’Organisation météorologique mondiale, Petteri Taalas.
Après un début d’année assez frisquet, l’Organisation météorologique mondiale (OMM), affiliée à l’ONU, prévoit des températures supérieures à la moyennes entre juin et août, en particulier dans l’hémisphère Nord. Ce changement est dû à la fin du phénomène La Niña, qui correspond au refroidissement temporaire à grande échelle des eaux de surface dans le centre et l’est du Pacifique équatorial.
Ce phénomène naturel est l’inverse d’El Niño, phénomène de réchauffement des eaux de surface près des côtes d’Amérique du Sud, et qui peut causer des catastrophes naturelles.
Accentuation des conditions météorologiques extrêmes
Ces deux épisodes climatiques se produisent de façon irrégulière. Et ils ont beau être d’origine naturelle, ils n’en sont pas moins accentués par l’activité humaine. « L’année 2021 a démarré avec des températures relativement basses selon les normes récentes. Cette situation ne doit pas nous donner un faux sentiment de sécurité en nous faisant croire qu’il y a une pause dans le changement climatique », a averti le secrétaire général de l’OMM, Petteri Taalas.
Le réchauffement climatique n’est pas simplement l’augmentation de la température de la planète : c’est l’accentuation des conditions météorologiques extrêmes, souligne l’OMM. C’est pourquoi il vaut mieux parler de dérèglement climatique.
La Convention citoyenne sur le climat s’est ouverte vendredi dernier. Jusqu’à janvier 2020, les participants vont devoir faire des propositions de lois au gouvernement pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. Parmi elles pourrait se trouver la réglementation de la publicité, accusée par les experts de participer au réchauffement climatique.
Ils ont quatre mois pour légiférer sur le climat. Les 150 citoyens tirés au sort pour participer à la Convention Citoyenne sur le climat ont pour mission de proposer des textes de lois au gouvernement, qui feront ensuite l’objet d’un référendum, d’un vote au Parlement, ou d’un décret. Pour parvenir à cet objectif, les participants ont la possibilité d’auditionner de nombreux spécialistes sur leurs domaines d’expertise. L’une des premières à avoir été convié : la paléoclimatologue Valérie Masson-Delmotte, également co-présidente du groupe n°1 du GIEC depuis 2015. Au terme d’une conférence d’initiation aux effets concrets de l’activité humaine sur le climat, on lui a demandé LA mesure qu’elle prendrait en premier. « Je pense que la question de la publicité est à considérer, a-t-elle répondu. Parce qu’on dit aux gens que d’un côté, il faut baisser les émissions de gaz à effet de serre, et de l’autre, on est submergés de publicité qui poussent à faire l’inverse. »
Pour @valmasdel l’une des mesures importantes pour faire baisser les émissions de gaz à effet de serre, c’est de réduire la #publicité car elle nous appelle à consommer plus, ce qui est incompatible avec une préservation du #climat. #ConventionCitoyenne
« Pour moi, il y a un encouragement permanent à une consommation massive par la publicité, et c’est quelque chose que les Français ont compris, développe Valérie Masson-Delmotte, qui se félicite de la réception positive des participants de la Convention à sa proposition. Mais surtout, il n’y a aucun encadrement de cette publicité. Quand on voit le nombre de pub pour de nouveaux SUV [NDLR : sport utility vehicle] ou des voyages avec avion qui vont à l’encontre d’une certaine conscience écologique, c’est inquiétant », ajoute-t-elle. Pour cause, l’automobile est l’un des plus gros publicitaires en France. A commencer par Renault, qui, selon des chiffres de Kantar Media, a dépensé près de 95,8 millions d’euros en publicité rien qu’au 1er trimestre de l’année 2018.
Une « double pollution »
En 2001, dans un article pour la revue Ecologie et Politique, le géographe environnemental Estienne Rodary expliquait déjà qu’un changement en faveur du climat devrait concerner « non seulement la production, mais aussi la consommation ».« C’est le type de consommation actuel, fondé sur des faux besoins […] qui doit être mis en question ». Un avis que partage Thomas Bourgenot, porte-parole de l’association Résistance à l’Agression Publicitaire, pour qui publicité et impact négatif sur le climat vont de paire. « C’est une double pollution : d’abord intrinsèque, liée au numérique, aux prospectus, mais également extrinsèque, liée à une certaine surconsommation», explique-t-il.
Chez les experts et les militants écologiques, le message est donc le même : la publicité est une cause indirecte du réchauffement climatique. Et chez les politiques, des voix engagées commencent elles-aussi à se faire entendre. Dans son bulletin hebdomadaire diffusé sur les réseaux sociaux ce matin, François Ruffin, député de la Somme (80) assurait que l’« on ne peut pas aller vers une réduction de 40% des gaz à effet de serre d’ici 2030 sans rompre avec le productivisme-consumérisme, qui nous dit que le bonheur c’est le produit, c’est l’achat ».
On s’adresse aux 150 citoyens de la Convention pour la Climat : il faut des mesures sur les transports, le logement, l’agriculture, mais l’impératif c’est de bouleverser l’imaginaire. Donc notre proposition n°1 : éliminer la publicité de l’espace public ! https://t.co/ZaUfQjusrFpic.twitter.com/LzlXzuYF8J
Selon des chiffres communiqués par le BUMP (Baromètre unifié du marché publicitaire), les investissements publicitaires devraient atteindre 12,3 milliards d’euros cette année. Un chiffre en hausse de 3,9% par rapport à 2018, qui témoigne de la puissance du marché. « Le lobby publicitaire est très puissant », affirme Thomas Bourgenot.« Nous avons déjà pu le constater lors du Grenelle pour l’environnement de 2012 auquel nous avons participé avec l’association », raconte-t-il. Résistance à l’Agression Publicitaire y avait effectué plusieurs propositions, qui portaient majoritairement sur les formats publicitaires. Ils réclamaient qu’ils soient revus à la baisse, ce qui « entrainerait une démarche active des citoyens pour aller vers la publicité, et non l’inverse », explique le porte-parole de l’association. Mais aucune de leurs propositions n’a été retenue. « Alors que celles de l’Union des annonceurs, oui », ajoute-t-il.
Pour Valérie Masson-Delmotte, la solution réside surtout dans la prévention et l’information auprès des consommateurs. « On arrivera jamais à une totale suppression de la publicité, assure-t-elle, mais je pense qu’il devrait y avoir un étiquetage sur chacune d’entre elles, pour informer sur l’impact environnemental de chaque produit ou service qu’elle promeut. Et il y a un réel manque de courage des élus sur ce sujet », martèle-t-elle.
Le dernier espoir des anti-pub semble donc résider dans la Convention citoyenne sur le climat. Mais pourra-t-elle agir concrètement sur une réglementation de la publicité ? «J’ai peur qu’ils se heurtent à la même problématique que nous lors du Grenelle de l’environnement, regrette Thomas Bourgenot. Mais voir des citoyens s’emparer de ce sujet, c’est déjà un énorme pas en avant ».