Tabac, alcool, cannabis : pourquoi les jeunes Français en consomment moins que la moyenne européenne ?

La dernière enquête ESPAD relève une diminution significative de la consommation de substances psychoactives, légales ou non, chez les jeunes de 16 ans en France. Changements des représentations sociales, moins de sorties, autres alternatives : plusieurs raisons expliquent cette tendance.

Pour beaucoup, qui dit adolescence dit premières soirées, et dit donc premières cigarettes, premiers verres alcoolisés ou premiers joints. Pourtant, la nouvelle enquête European School Survey Project on Alcohol and other Drugs (ESPAD) publiée ce jeudi 11 septembre au matin, dément ce cliché : la consommation de substances psychoactives diminue de manière significative chez les adolescents.

Dans cette nouvelle édition de l’enquête ESPAD, réalisée tous les quatre ans dans 37 pays d’Europe pour étudier la consommation de substances psychoactives des jeunes de 16 ans, la France se démarque particulièrement : dans toutes les catégories – tabac, alcool, cannabis et autres drogues illicites – le pays se situe désormais en dessous de la moyenne européenne et enregistre l’une des baisses les plus nettes de la dernière décennie.

« Moins d’opportunité d’en consommer »

Ce phénomène en France s’explique par la combinaison de plusieurs facteurs. Tout d’abord, Ivana Obradovic, directrice adjointe de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives, mentionne la diminution des opportunités par un changement des sociabilités : « Moins de sorties dans les nouvelles générations d’adolescents, moins d’opportunités d’en consommer, parce que c’est souvent au moment des sorties dans les bars et en soirées qu’on consomme de l’alcool ou du cannabis », expose-t-elle à Franceinfo. Une diminution des soirées qui s’explique, entre autres, par les réseaux sociaux qui rendent les jeunes plus casaniers.

Concernant le tabac, il est de moins en moins normalisé par les jeunes générations : avec les campagnes de sensibilisation menées dans le pays, beaucoup ont conscience de sa dangerosité. On observe par ailleurs un comportement vertueux chez les parents, qui ont tendance à moins fumer devant leurs enfants. Le constat est le même avec la consommation d’alcool.

Il faut néanmoins relever que les adolescents ont d’autres alternatives à ces substances. Par exemple, si les expérimentateurs de tabac sont de plus en plus rares, les Français de 16 ans sont nombreux à avoir testé au moins une fois la cigarette électronique.

Le tabac et le cannabis en nette baisse

Parmi toutes les substances psychoactives étudiées à travers l’enquête ESPAD, ce sont le tabac et le cannabis qui connaissent la diminution la plus spectaculaire chez les Français. Selon l’enquête ESPAD, 20% des adolescents de 16 ans ont expérimenté le premier en 2024 – l’une des plus faibles données d’Europe – et la part de fumeurs quotidiens de cigarettes a été divisée par cinq en dix ans : ils étaient 3,1% en 2024, pour environ 16% en 2015.

Quant au cannabis, après avoir longtemps été l’un des pays où cette drogue était le plus consommé, la France est désormais parmi ceux où les jeunes l’expérimentent le moins : 8,4 % l’avaient testé en 2024, contre 31 % en 2015. Une chute significative, qui l’est encore plus quand on sait que de nombreux pays européens voient leurs données stagner pour cet indicateur.

Reste maintenant à savoir si cette génération consommera moins que ses aînés à l’âge adulte, alors que la prise de certaines drogues illicites, comme la cocaïne, augmente en France.

 

Isaure Gillet

Report des congés payés pour cause de maladie : avancée pour les salariés, contraintes pour les RH

 

Pour Ulysse Benazeraf, avocat spécialisé dans le droit du travail, le nouveau texte fera la différence dans les litiges entre les salariés et leurs employeurs.

Crédit : Pixabay

 

La Cour de cassation a adopté mercredi 10 septembre un arrêté permettant aux salariés de reporter leurs congés payés s’ils tombent malades durant ceux-ci. Si le syndicat Force ouvrière salue « une avancée pour les droits des travailleurs », la mesure suscite des réserves chez les responsables des ressources humaines, qui craignent « plus de contraintes ». 

Désormais, un salarié peut reporter ses congés payés pour cause d’arrêt-maladie. Le principe faisait déjà partie de la jurisprudence européenne, mais n’était pas inscrit dans le droit français. La Cour de cassation y a remédié mercredi 10 septembre, alignant ainsi la France sur le droit européen.

Il suffit d’un arrêt de travail prescrit par un médecin traitant pour demander le report de ses congés. Les salariés qui ont déjà été dans cette situation lors des trois dernières années, mais qui n’ont pas demandé le report de leurs congés, peuvent aussi le faire grâce au délai de prescription.

Force ouvrière se réjouit de ce progrès pour les droits des travailleurs

Pour le syndicat Force ouvrière, il s’agit d’une victoire idéologique : « Les congés payés sont faits pour se reposer et pratiquer des loisirs. Il est évident que lorsqu’on est malade, ils ne nous permettent plus cela », fait remarquer Patricia Devron, Secrétaire confédérale au Secteur de l’Organisation, des Outre-Mer et des Affaires juridiques à Force ouvrière.

La représentante syndicale rappelle également que les indémnités dûes aux salariés par les employeurs et la sécurité sociale lors d’arrêts-maladie durant une période de congé n’étaient pas souvent versés, à cause de disfonctionnements administratifs : «  avec ce nouveau texte, plutôt bien rédigé, les employeurs et les responsables des ressources humaines vont être obligés de faire évoluer les choses« , déclare Patricia Devron.

Pour Ulysse Benazeraf, avocat spécialisé dans le droit du travail, le nouveau texte fera la différence dans les litiges : « Certains employeurs et directeurs des ressources humaines font preuve de méfiance envers les salariés en arrêt-maladie. Ils doutent de leurs activités et de leur état de santé. Aujourd’hui, cette méfiance se retourne contre eux« , estime-t-il.

Les RH sont redoutent des soucis de gestion 

Amaia Goti, responsable des ressources humaines du groupe La Dépêche du Midi, émet quelques réserves sur le report des congés payés : « On va l’appliquer, on n’a pas le choix, mais on ne l’avait pas anticipé dans notre entreprise« , affirme-t-elle.

La responsable RH s’inquiète de devoir gérer, avec les dirigeants de l’entreprise, davantage d’imprévus : « Les salariés seront absents plus longtemps, et nous n’aurons pas toujours le temps d’anticiper pour les remplacer« , déclare-t-elle.

Cependant, Amaia Goti estime que ces situations devraient « rester gérables » à condition que les entreprises s’engagent dans un travail de réflexion et de réorganisation.

 

Fatou-Laure Diouf

Mobilisations du 10 septembre : comment la presse étrangère les a-t-elle vécues ?

Alors que Sébastien Lecornu prenait ses fonctions de Premier ministre à Matignon, le reste de la France était traversé par une vague de contestation générale. L’expression d’une colère que nos confrères des médias européens ont regardée avec recul et pondération.

Pendant une journée, on ne parlait presque plus que de cela. Le mouvement « Bloquons tout » s’est propagé partout en France dans la journée du 10 septembre, réunissant un total de 175 000 personnes, selon le ministère de l’Intérieur, dont 473 interpellées. Cela n’est pas passé inaperçu aux yeux de nos voisins européens, habitués aux coups de sang des Français.

« C’est toujours facile de raconter une contestation populaire en France car les Espagnols connaissent la réputation contestataire des Français », s’amuse Antonio Delgado Palacios, correspondant à Paris pour la radio espagnole RNE, auprès de CelsaLab.

Selon lui, c’est ce qui a contribué à la couverture médiatique intense de cette journée : « S’il n’y avait pas eu les manifestations mais uniquement la passation à Matignon, cela aurait été beaucoup plus difficile à vendre. »

Des manifestants aux profils similaires

« Les protestations françaises réunissent enseignants, Gilets jaunes et étudiants », titrait le quotidien britannique The Guardian quelques heures après la fin de la manifestation à Paris. Dans la capitale et à Montreuil, tous les participants interrogés par la journaliste Angelique Chrisafis partagent un trait commun : ils sont jeunes.

« C’est ce qui m’a frappé, nous confie Richard Werly, correspondant pour le média suisse Blick, c’est cette jeunesse déçue qui se sent trahie par Emmanuel Macron. » Avec cette prépondérance de manifestants « jeunes », cette journée se distingue des mouvements précédents, encore frais dans les mémoires des Européens, tels que les Gilets jaunes qui avaient rassemblé des protestataires de plusieurs classes socio-culturelles.

« Ce n’est pas l’aube d’un mouvement social qui pourrait dégénérer et bloquer la France », observe ainsi Richard Werly. Un avis partagé par Antonio Delgado Palacios : « Le mouvement d’hier n’est pas universel, il est plutôt de gauche, mais c’est le fruit d’un mécontentement généralisé. »

Né au printemps sur les réseaux sociaux, le mouvement citoyen « Bloquons tout » a émergé sur les bases d’un « ras-le-bol » de nombreux Français face à la situation politique et économique du pays. Le 10 septembre, des cortèges de manifestants demandaient la démission d’Emmanuel Macron.

Loin des yeux, proches du cœur

Si cette journée de mobilisation semble marquée du sceau de la revendication à la française, elle n’est pas totalement sans rappeler les maux de la vie politique à l’étranger. « Les cycles politiques ne sont pas identiques entre la France et l’Espagne, mais il y a des récits parallèles », estime Antonio Delgado Palacios. D’après ses observations, les médias hispaniques « utilisent l’exemple de François Bayrou pour critiquer le Premier ministre Pedro Sanchez qui n’a pas non plus de majorité à l’Assemblée mais ne proposerait jamais un vote de confiance ».

En Suisse, les récents évènements suscitent surtout l’incompréhension. « On n’arrive pas à comprendre comment quelqu’un comme Emmanuel Macron, qui a une bonne réputation, apparaît comme intelligent, peut être autant détesté. »

Pour lui, c’est d’ailleurs cette « détestation » du président français qui est au cœur des revendications du 10 septembre. Mais le journaliste ne craint pas que cette colère s’exporte : « Contrairement à la France, le système présidentiel suisse fait qu’il n’y a pas de polarisation de la colère autour d’un personnage. »

Bien qu’elle n’ait pas été organisée par des institutions syndicales, le mouvement « Bloquons tout » a tout de même été relayé par la CGT, Solidarités et FSU ainsi que des élus de gauche et d’ultra-gauche. Une intersyndicale (UNSA, CFDT, CGT, FO, CGC, CFTC, Solidaires, FSU) appelle désormais à « une journée nationale de grève et de manifestations » le 18 septembre prochain pour montrer son désaccord avec les mesures du budget 2026 qu’elle juge « inacceptables ».

Comprise ou non par les pays européens, cette journée « est un rappel de la distance entre la classe politique et la rue », conclut Antonio Delgado Palacios.

 

Domitille Lefebvre

L’analyse de roches prélevées sur Mars ravive l’hypothèse d’une ancienne forme de vie sur la planète

Les résultats d’une analyse menée sur des échantillons du sol martien laissent ouverte la possibilité qu’une forme de vie ait pu s’y développer. S’il est encore trop tôt pour l’affirmer, les spécialistes évoquent une avancée majeure pour comprendre l’évolution de la planète rouge.

A-t-on enfin la preuve que la vie a existé sur Mars ? C’est ce que suggère une analyse parue dans la revue Nature mercredi 10 septembre. L’année dernière, le rover Perseverance, qui sillonne la planète rouge depuis 2021, a prélevé des nodules, soit des roches sédimentaires, dans une ancienne rivière d’eau liquide et les a examinés pendant un an. Les résultats ont conduit les chercheurs à formuler l’hypothèse d’une ancienne forme de vie martienne.

Les formations géologiques étudiées par Perseverance se situent dans la région dite Bright Angel. « C’est une découverte très intéressante car cet endroit contient des éléments oxydés et oxydoréduits », raconte à CelsaLab Caroline Freissinet, chargée de recherche en sciences planétaires et en astrochimie au CNRS. L’oxydoréduction est une réaction qui se produit lorsqu’une espèce chimique réductrice cède un électron à un agent oxydant. D’après la chercheuse, « la combinaison entre ces deux types d’éléments n’est pas commune ». Or, la vie est un phénomène qui peut l’expliquer.

Une « première fois » sur Mars

Les analyses de Perseverance ont ainsi mis en évidence la présence de composés organiques dans les nodules étudiés. « C’est la première fois qu’on voit sur Mars une chimie d’oxydoréduction en lien avec la présence de matière organique », rapporte Lucia Mandon, planétologue à l’Observatoire de Paris – PSL, auprès de CelsaLab. Les nodules sont enrichis en minéraux contenant eux-mêmes du fer, du soufre et du phosphore. « C’est intéressant, car ces éléments se retrouvent dans les sédiments terrestres, en lien avec l’activité de microbes », explique Lucia Mandon.

Pour Caroline Freissinet, cette découverte présente un double intérêt. D’une part géologique, car « elle montre les événements particuliers qui expliquent comment la planète s’est formée et a évolué ». D’autre part biologique, car elle soulève une question clé : « Est-ce que, à l’instar de la Terre, de la vie a pu se développer sur Mars ? » Si tel était le cas, il s’agirait plutôt d’une forme microbienne de vie, dont l’existence remonterait « à l’époque où Mars était habitable, soit il y a trois milliards d’années ».

Néanmoins, si la présence de vie peut expliquer la curiosité géologique identifiée par Perseverance, il ne s’agit pas de l’hypothèse la plus probable. « L’explication biologique est la dernière que l’on garde si l’on n’arrive pas à en trouver d’autres », reconnaît Caroline Freissinet. « Dans certaines conditions, on peut observer des réactions chimiques en l’absence de microbes », ajoute Lucia Mandon. Par exemple, la greigite, composée de fer et de soufre, peut se former sous l’effet de la chaleur. « Or on ne sait pas si elle a été chauffée sur Mars. » Selon Caroline Freissinet, « l’oxydation par molécules organiques » est également une possibilité. Mais la détection de telles molécules demeure hypothétique, Perseverance n’étant pas équipé des instruments adéquats.

Étudier Mars pour comprendre la Terre

Cette explication présente néanmoins autant d’incertitudes que l’hypothèse biologique. « La géologie de Mars est compliquée : on ne sait pas tout », admet la chercheuse. Pour en savoir plus, le retour des échantillons s’annonce nécessaire. Mais celui-ci est menacé par « les coupes dans les budgets présidentiels récents ». Même en cas de maintien du programme martien, « il faudra plusieurs années » pour obtenir des résultats plus précis.

Bien qu’elle ne prouve pas avec certitude l’existence d’une forme de vie passée, cette découverte est remarquable, car « on a affaire à des roches formées peu avant ou peu après l’apparition de la vie sur Terre, explique Lucia Mandon. On étudie Mars pour comprendre la Terre. On peut remonter l’histoire grâce aux roches. L’information perdue sur Terre est conservée dans la roche sur Mars. » Quant à Caroline Freissinet, elle se félicite : « On accumule des indices qui montrent que Mars a des particularités biologiques intéressantes. » Ces connaissances sur le passé de la planète rouge permettront ainsi de mieux comprendre son évolution, son atmosphère ou encore les conditions à sa surface. « C’est comme ça que la science progresse », se réjouit la chercheuse.

Eliott Vaissié.