Formule 1 : Pourquoi la 4ème place de Gasly est un véritable exploit ?
Cinquième sur la grille de départ du grand prix de Bahreïn dimanche après-midi, Pierre Gasly (Toro Rosso) a su trouver les ressources pour contenir les attaques des favoris, et arriver au pied du podium (4è). Un véritable exploit, tant les chances du pilote français étaient minces en début de saison. On vous explique pourquoi.

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Il est nouveau sur le circuit
À seulement 22 ans, Pierre Gasly est un novice en Formule 1. Passé par le karting et le championnat GP2 au sein de l’écurie junior de Red Bull, il a fait ses débuts dans la cour des grands il y a moins d’un an, en tant que remplaçant de Danii Kviyat chez Toro Rosso. Propulsé sur le devant de la scène lors du grand prix de Malaisie 2017, le jeune français a tout de suite convaincu, terminant à une honorable 14ème place. Un premier test qui lui a rapidement valu une titularisation au sein de l’écurie italienne, rendue possible après l’éviction définitive de Kviyat. Dix mois plus tard, le manager de l’écurie Graham Watson officialisait Pierre Gasly comme pilote numéro un pour la saison 2018. Une juste récompense.
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Il est le meilleur Français depuis 2015
Avec 4 pilotes titulaires (Ocon, Grosjean, Gasly, Leclerc), la France est le pays le mieux représenté cette saison en Formule 1. Si Esteban Ocon et Romain Grosjean ont déjà réalisé de très belles performances, respectivement chez Force India et Haas, les Français sont à la peine depuis plusieurs années. En témoigne une statistique révélatrice de l’exploit de Pierre Gasly : en terminant 4ème à Bahreïn, le natif de Rouen a réalisé la meilleure performance française depuis 2015. Couvé par le manager de l’écurie reine Mercedes, Esteban Ocon (21 ans) reste tout de même le meilleur espoir français pour les années à venir selon les bookmakers.
#BahrainGP 🇧🇭 | STAT 📊
En terminant 4e du Grand Prix de Bahreïn, Pierre Gasly a signé le meilleur résultat d’un pilote français depuis la 3e place de Romain Grosjean lors du GP de Belgique 2015.#F1 pic.twitter.com/9NTNY0YEFZ
— Secteur F1 🏎 (@Secteur_F1) 8 avril 2018
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Il roule avec un moteur Honda
La performance de Pierre Gasly dimanche à Bahreïn est d’autant plus impressionnante qu’inespérée. Cinquième sur la grille après avoir profité des pénalités infligées à Lewis Hamilton, les spécialistes ne donnaient pas cher de la peau du Français. Et pour cause, l’écurie Toro Rosso est une des seules à concourir avec un moteur du constructeur Honda, jugé peu performant. Contrainte d’abandonner son partenariat avec Renault en fin de saison dernière, l’écurie de la Scuderia a démontré qu’elle pouvait innover sans disposer d’un budget pharaonique. « C’est vraiment inespéré, s’est exclamé Gasly à sa descente de voiture. Je suis super content pour l’équipe, pour Honda et aussi pour moi. L’auto a été fantastique ».
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Il a tenu tête aux leaders pendant 57 tours
Vettel, Bottas, Hamilton… et Pierre Gasly. Le quatuor est inhabituel mais correspond pourtant bien au classement de ce deuxième grand-prix de la saison, le septième seulement dans la carrière du jeune pilote français. Gêné par la présence des favoris en première ligne et ciblé par Lewis Hamilton (Mercedes) et Kévin Magnussen (Haas), Gasly a parfaitement su se défendre face aux offensives des leaders. Il s’est comporté de manière exemplaire avec un pilotage optimal et des arrêts aux stands sans prise de risque, contrairement à son homologue de chez Ferrari, Kimi Raikonnen, qui a happé la jambe de l’un de ses mécaniciens. Au final, le français a tenu son rang et profité de l’abandon du pilote finlandais pour se rapprocher du podium.
🇧🇭 BahrainGP – Race Results 🏁 What a race, what a result! 😍 pic.twitter.com/77hapmMCvf
— Toro Rosso (@ToroRosso) 8 avril 2018
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Il revenait d’un abandon en Australie
L’exploit de Pierre Gasly à Bahreïn est d’autant plus retentissant que le pilote de la Scuderia Toro Rosso revenait d’un premier week-end extrêmement compliqué en Australie. Dernier sur la grille du premier grand-prix de la saison, le Français avait été contraint d’abandonner dès les premiers tours après la casse de son moteur. A Bahreïn, il a parfaitement su réagir lors des séances de qualification en réalisant le sixième temps de la Q3, et a pu bénéficié d’un moteur bien plus performant que lors de sa première sortie. De bonne augure pour la suite du championnat du monde.
Emilien Diaz
[EN IMAGES] Le Marathon de Paris 2018
Dimanche 8 avril 2018 avait lieu la 42 e édition du Marathon de Paris. 55.000 participant(e)s s’étaient donnés rendez-vous sur les Champs-Elysées. En 2h06’25s pour les plus rapides ou en plus de 5h pour les plus lents, cet événement est avant tout une grande fête pour les amoureux du dépassement de soi. Nous y étions.
Le Kényan Paul Lonyangata réédite l’exploit de l’an passé et s’impose en 2h06’25s. Chez les femmes, c’est sa compatriote Betsy Saina qui l’emporte en 2h22’56s. Sur les 55.000 participant(e)s, 75% étaient des hommes. Ce Marathon était aussi international avec 145 pays représentés, et une majorité de Français(e)s (68%).
La nouveauté de cette année : les femmes sont parties en avance de 16 minutes et 26 secondes par rapport aux hommes. Ce temps correspond au différentiel entre les meilleures performances masculine et féminine de l’édition 2017 de l’épreuve parisienne.
Sébastien Rouet
Alex Fava, escrimeur professionnel et « chargé de com’ »
Aujourd’hui employé dans une banque, l’escrimeur Alex Fava a réussi l’exploit d’entrer dans une grande école de commerce tout en poursuivant la compétition à haut niveau. Un cas original dans le sport français. La faute, selon l’athlète de 28 ans, à un système au bord du gouffre.
Alex Fava fait partie des 100 meilleurs épéistes (une catégorie d’escrime) au monde et vise l’or olympique en 2020. Pourtant, lorsque l’on tape son nom sur Internet, la première chose que l’on apprend de lui n’est pas qu’il pratique l’escrime à très haut niveau. Mais plutôt qu’il est chargé de communication chez la banque populaire BRED. « Les gens pensent qu’on (les athlètes de haut niveau, ndlr) roule tous sur l’or, ou qu’on trouve un travail dans le sport une fois notre carrière terminée. Ce n’est ni l’un ni l’autre pour moi », tranche le jeune brun.
Alex Fava dénonce la “situation de précarité” des sportifs de haut niveau #Escrime #SHN https://t.co/sHoPCrATeC pic.twitter.com/b3H8ff9Go0
— ⚔ Sarah Daninthe 🚀 (@sarahdaninthe) 8 juin 2015
Un OVNI dans le sport professionnel
En France, selon lui, un seul escrimeur, médaillé olympique, arrive à vivre de son sport. « Son club le rémunère bien parce qu’il est plus connu, et il a des sponsors. » Tous les autres doivent se débrouiller. « Le plus jeune du groupe France ne reçoit rien de son club. Et comme il est étudiant, il ne gagne pas d’argent. Personnellement, je ne toucherais pas assez pour vivre sans mon emploi. »
Car si Alex Fava a réussi à décrocher un travail dans le secteur bancaire, il fait plutôt figure d’OVNI dans un monde du sport de haut niveau très chronophage et exigeant mentalement. « [Les sportifs] ne sont en général intégrés ni dans un lien de travail salarié, ni dans un lien de travail indépendant », alarmait le rapport Karaquillo, qui a servi de base à la rédaction de la loi Braillard sur le sport de haut niveau en 2015.
« J’ai pris conscience très jeune que l’escrime ne me suffirait pas pour vivre, affirme le Montpelliérain d’origine. Celui qui tourne actuellement autour de la 90e place mondiale en épée choisit donc très tôt de faire cohabiter escrime et parcours professionnel. Une double casquette qu’il a toujours conservée, jusqu’à aujourd’hui.

Si chères études
Au CREPS (centre d’accompagnement d’athlètes de haut niveau, ndlr) de Reims, l’épéiste navigue donc entre ses entraînements et ses cours à la fac. Une année en économie, puis trois ans de droit, grâce à des aménagements horaires. Sans jamais ressentir le besoin d’abandonner une voie. « Evidemment, ce n’est pas facile d’être sur deux fronts en même temps, surtout quand l’un te demande beaucoup d’énergie. Mais j’ai même dû travailler en tant que surveillant de mon internat pour me faire des sous ! »
2011 est un tournant pour lui. Il intègre le fameux Insep (Institut national du sport et de la performance) à Paris, le temple du sport du haut niveau. Son avenir sportif s’éclaircit. Mais toujours pas question pour lui de se focaliser sur les sommets de l’escrime. « Après ma licence de droit, j’ai fait 2 ans en communication-journalisme, puis j’ai réussi le concours d’une grande école de commerce, l’ESCP. J’ai suivi la formation classique, comme tout le monde, mais je devais négocier avec mes professeurs et mes entraîneurs pour partir plus tôt de cours. »
[fr] Félicitations à Jean-Paul Helissey & Alex Fava champions du monde universitaires #escrime http://t.co/mlWEX1V31i pic.twitter.com/07pRycCe9V
— ESCP Europe (@ESCPeurope) 13 juillet 2015
Négocier un CDD
Aujourd’hui, Alex Fava a donc décroché un emploi à la BRED. Mais, lui qui s’estimait pourtant « assuré de trouver un travail grâce à la réputation de [s]on école », a plus « galéré » que ses camarades de promotion. « De janvier à octobre, je n’avais rien. Le problème, quand on est sportif de haut niveau, c’est qu’il faut convaincre un employeur de nous embaucher alors qu’on part tout le temps en compétition, qu’on a besoin d’horaires aménagés, qu’on risque de se blesser … De plus, mon contrat ne dure qu’un an, je ne sais pas si je vais être reconduit. »
Si le n°2 français en épée a réussi à convaincre la BRED de le recruter, il ne le doit qu’à lui-même : il n’a pas bénéficié des dispositifs d’accès à l’emploi pourtant inscrits dans la loi Braillard. Pour cause de mauvais résultats sportifs, il a été retiré l’an dernier des listes favorisant l’insertion à l’emploi pour les SHN. Le principe : les fédérations sélectionnent certains athlètes, qui pourront profiter de contrats de travail, les CIP (Convention d’insertion professionnelle), plus favorables – travailler à temps partiel pour pouvoir pratiquer son sport, tout en étant rémunéré à temps plein. C’est grâce à ce dispositif qu’il avait obtenu son premier CIP au Crédit agricole, il y a deux ans.
#Escrime : Alex Fava termine 3e en individuel et champion de 🇫🇷par équipe. Bravo !🏆 cc @ffescrime #FranceAlbi pic.twitter.com/BQIYvIk2S2
— Crédit Agricole S.A. (@Credit_Agricole) 7 juin 2017
Une jeunesse livrée à elle-même
Mais les places pour ces fameuses listes seraient, selon Alex Fava, désormais très chères. « En raison de contraintes budgétaires, le Ministère des sports est en train de limiter le nombre de candidats sélectionnés. J’en suis l’exemple concret. Comment va-t-on convaincre nos jeunes de devenir sportifs de haut niveau si on leur ferme la porte à une stabilité financière? »
Le problème, pour lui : « Le Ministère force les jeunes à faire des études, mais pas à trouver un travail. » Le fameux « double projet » à la française, qui oblige les meilleurs jeunes sportifs à combiner la pratique de leur sport avec la poursuite de leurs études, est dans son viseur. « La plupart ne sont focalisés que sur leur rêve sportif. On ne peut pas rivaliser avec les escrimeurs italiens ou coréens. Eux sont payés par leur fédération pour faire leur sport. Ils vivent de l’escrime parce que c’est leur métier. Pas nous. »
Douglas De Graaf