Les débats télévisés influencent-ils le vote?

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Marine le Pen et Emmanuel Macron vont débattre mercredi 3 Mai. Photo d’illustration @Gaël Flaugère

Jamais il n’y a eu autant de débats télévisés dans une campagne présidentielle en France. Ce soir aura lieu le neuvième débat majeur entre responsables politiques candidats au poste suprême.  Après les six débats des primaires du PS et de LR (et de leurs alliés respectifs) et les deux débats précédant le premier tour, les citoyens les plus courageux pourront assister à une ultime confrontation télévisuelle opposant Marine Le Pen et Emmanuel Macron. Si ces débats ont assuré aux chaînes de très bonnes audiences, leur influence sur le vote n’est pourtant pas assurée.

Le débat télévisé est devenu une tradition en France depuis le 10 mai 1974 avec celui qui opposa Valéry Giscard-d’Estaing et François Mitterrand devant 25 millions de téléspectateurs. De ce face-à-face, une phrase rentrée dans la culture populaire: «Vous n’avez pas le monopole du cœur». Mais aucun mouvement dans l’élection de 1974. Trois jours avant ce débat, Valéry Giscard-d’Estaing s’était stabilisé à environ 51% des intentions de votes dans les sondages d’opinions, et n’évoluera plus jusqu’au scrutin final, le 19 Mai. Le vote s’était cristallisé.


Selon Christian Delporte, historien, spécialiste de la communication politique interrogé par La Croix« un débat télévisé ne change pas l’opinion des gens. Ceux qui ont été organisés par le passé entre les deux tours de la présidentielle n’ont jamais modifié l’écart enregistré entre les candidats ». Pour l’historien, la succession des confrontations télévisées a prouvé que, malgré certaines paroles qui sont restées,  les débats d’entre-deux tours ne modifient qu’à la marge les dynamiques électorales. À quelques jours du scrutin final, elles sont largement cristallisées, qu’elles soient en faveur d’un candidat, de l’abstention ou bien du vote blanc; et le climat politique actuel de front républicain ne semble pas avoir vocation à changer cet état de fait.

« La télévision est en train de devenir le lieu du choix électoral »

Pourtant, de ces débats émergèrent quelques surprises, notamment lors des primaires de la gauche et de la droite. Avant les trois débats de la primaire de la droite et du centre, François Fillon stagnait à 11% des intentions de vote. La télévision a aidé les candidats Fillon et Hamon à montrer leur stature présidentielle. D’après Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion de l’Ifop, cette élection présidentielle a été le théâtre d’une publicitarisation des primaires qui ont donné la prime aux candidats « les mieux préparés« .

Au moment des primaires, l’électorat se retrouvait dans une même famille politique. Les mouvements pouvaient être fluides entre chaque candidat. Ce qui fut le cas.

Dans le cadre d’une primaire, lorsque le vote n’est pas cristallisé ou qu’il s’agit de choisir un projet ou la ligne d’un parti, les débats télévisés semblent pouvoir renforcer les dynamiques. La montée en puissance des candidats Fillon et Macron coïncident avec la période de débats télévisés qui a précédé leur victoire, mais impossible de connaître la part active de ces diffusions grand public dans le résultat final.

Si selon Alain Duhammel, éditorialiste politique à RTL, « la télévision est en train de devenir le lieu du choix électoral, » elle l’est dans la mesure où sont organisés des événements politiques en amont de l’élection. Cette primauté donnée à la télévision est liée au format de la primaire : organiser un premier vote avant l’élection a confronté une opinion politique incertaine aux arguments de chacun. Les retransmissions des face-à-face ont aussi permis à tous les candidats, petits ou grand, de s’exprimer dans un format ou ils sont à égalité, le 4 Avril Dernier sur BFMTV.

« Un moment intense de convivialité politique »

Mais comme preuve du fait que les débats n’influent pas sur le vote des candidats à la présidentielle, le score des « petits » candidats est resté quasiment inchangé malgré l’égalité d’exposition médiatique,  si ce n’est pour Philippe Poutou, crédité dans certains sondages d’un point supplémentaire en récompense à sa saillie envers François Fillon. Lui aussi, a peut-être fait son entrée dans la culture populaire.

L’entrée de certains de ces moments de démocratie dans la culture du grand public n’est pas anodine. Elle montre une réaction du corps social à ces moments. Pour Gaël Villeneuve, politologue et auteur de Les débats télévisés en 36 questions-réponses, les débats télévisés sont « un moment intense de convivialité politique« . Ils revitalisent ceux qui sont impliqués dans le processus politique, et, bien qu’ayant peu d’effets sur les scrutins, perpétuent la culture politique du pays.

Gaël Flaugère

 

 

 

 

Violette and Co : l’unique librairie féministe et lesbienne de Paris

Violette and Co, situé dans le XIème arrondissement de Paris est la seule librairie féministe indépendante de France. Crédit : Julien Percheron
Violette and Co, situé dans le XIème arrondissement de Paris est la seule librairie féministe indépendante de France. Crédit : Julien Percheron

Installée depuis 2004 dans le XIème arrondissement de Paris, Violette and Co est devenu le lieu de référence des mordus de littérature féministe, et des militants LGBT. La librairie est aujourd’hui la seule librairie indépendante, féministe spécialisée dans l’homosexualité, à Paris et en France. 

 

« Violette and Co, c’est une librairie féministe engagée mais pas militante. Nous ne sommes rattachées à aucun groupe ni mouvement féministe » explique Christine Lemoine, l’une des gérantes de l’établissement.

Christine Lemoine et Catherine Florian sont les gérantes de la librairie. Crédit : Julien Percheron
Christine Lemoine et Catherine Florian sont les gérantes de la librairie. Crédit : Julien Percheron

Située à l’angle du boulevard Voltaire et de la rue de Charonne dans le XIème arrondissement de Paris, la librairie Violette and Co se distingue par sa devanture violette. Loin d’être choisie au hasard, cette couleur est, pour les deux libraires Catherine Florian et Christine Lemoine, « une manière de rendre hommage à la féministe française,Violette Leduc. Le violet c’est aussi la couleur identificatoire des lesbiennes dans les années 1970, et puis ça n’est ni rose ni bleu« .

Un rayon LGBT et un rayon dédié au féminisme

Violette and Co, qui a fêté ses dix ans en 2014, est la seule librairie féministe indépendante spécialisée dans l’homosexualité à Paris. « En littérature, nous privilégions les romans de femmes ou dont l’héroïne est une femme. Et pour les enfants, nous choisissons des livres qui ne reproduisent ni stéréotypes racistes, ni stéréotypes sexistes », explique Christine Lemoine.

Rien n’est laissé au hasard dans la petite boutique parisienne. Dès lors que l’on pousse les portes de la librairie, on distingue au mur une affiche retraçant « les 100 dates qui construisent nos luttes féministes aujourd’hui« . En dessous, une centaine de cartes de vœux à l’effigie des féministes Virginia Woolf, Simone de Beauvoir ou Olympe de Gouges sont à vendre. La boutique se démarque également en proposant un rayon dédié à l’histoire du féminisme, et un rayon LGBT (Lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres).

Un lieu de partage

C’est cette liberté de choix dans la sélection des ouvrages qui a séduit Christine P. et Elizabeth D. Toutes deux ont préféré l’anonymat pour s’exprimer. « Je suis très sensible à ce que vivent les femmes en Iran. On ne trouve pas beaucoup de librairies qui vendent des livres sur ce sujet, c’est pour cela que je viens ici », explique Christine P. qui se déplace du Val-de-Marne. Quant à Elizabeth D., habitante de Dijon, elle profite de son passage dans la capitale pour  » dénicher des bouquins qui traitent de l’homosexualité. J’étais abonnée à Lesbia magazine, mais il n’existe plus aujourd’hui. Chez Violette and Co, je retrouve ce genre de lectures », ajoute-t-elle.

La librairie féministe est spécialisée dans la littérature LGBT. Crédit : Julien Percheron
La librairie féministe est spécialisée dans la littérature LGBT. Crédit : Julien Percheron

Mais Violette and Co, ce n’est pas seulement une librairie. La mezzanine, qui fait office d’étage, a été aménagée pour accueillir des expositions et des rencontres avec des auteurs. « La boutique n’est pas seulement un commerce, c’est un lieu d’échanges où l’on peut débattre et discuter autour de la question de la femme », insiste Christine Lemoine. Cependant, elle l’assure, « Violette and Co est avant tout un lieu où l’on partage le goût de la lecture, et qui permet de se retrouver soi-même dans les livres ».

Garance Feitama

 

Sape & Co : la référence de la sape parisienne (2/3)

Au 10 rue de Panama (18è arrondissement), la devanture de Sape & Co ne paye pas de mine. Juchée entre une boucherie et un salon de coiffure, le logo est poussiéreux et la vitrine peu éclairée. Cette boutique est pourtant considérée comme l’antre de la sape à Paris. Ouverte en juin 2005 par Jocelyn Armel, plus communément appelé ‘le Bachelor’, Sape & Co attire aujourd’hui des clients du monde entier. « On a beaucoup d’Américains qui viennent essayer nos costumes », explique Kélina, la nièce du ‘Bachelor’. « J’aide mon oncle à la vente quand j’ai du temps ». La jeune femme prétend modestement ne pas pouvoir expliquer grand chose sur la sape, mais elle a pourtant habillé de nombreuses personnalités. Sur son téléphone, les photos défilent : l’écrivain Alain Mabanckou, le chanteur Singuila ou encore l’animateur Antoine de Caunes. « Je les ai tous relookés. Tout le monde peut aimer la sape », se félicite-elle.

L’amour de la sape au-delà des différences, telle est la philosophie de Sape & Co. « Il serait faux de dire que la couleur ce n’est que pour les blacks. Un babtou (un blanc) peut également se saper. En fait il faut juste savoir trouver la bonne », assure Kélina. Et pour cause, sept clients sur dix sont des « Français de souche ». « L’autre jour, un Suisse est passé dans la boutique, il avait repéré la tenue que j’avais mise en vitrine et il m’a dit : « Je veux la même pour mon mariage ». Il était très content du résultat », affirme-t-elle. 

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Crédit Photo : Julien Percheron

« Des matériaux qui viennent d’Italie »

Même si la couleur ne définit pas l’art de la sape, elle est pourtant bien présente dans la boutique : des costumes jaunes, violets, verts, bleus ou encore rouges occupent tous les murs du local. Allant du 46 au 62, les modèles sont disponibles en quantité limitée. « Nous avons environ cinq pièces par modèle », explique Kélina. Comptez 150 euros pour une veste et environ 350 pour un costume entier. « Ce sont des matériaux qui viennent d’Italie, les clients sont souvent surpris par les prix car ce n’est pas si cher que ça », réplique Kélina. Et si l’on s’imagine que la sape est réservée aux hommes, Kélina nous assure le contraire : « Les femmes aussi peuvent être relookées à la garçonette. Et puis nous distribuons une marque féminine avec des robes par exemple. »

Crédit Photo : Julien Percheron
Crédit Photo : Julien Percheron

La musique de Papa Wemba résonne dans la boutique. Figure de la rumba congolaise et prince de la sape, il a longtemps été habillé par « le Bachelor ». Kélina nous montre fièrement son premier calendrier posthume. « Vous savez, il a collaboré avec beaucoup de maisons de couture, mais Connivences (la marque du ‘Bachelor’) fut la seule marque à se rendre à Kinshasa pour son enterrement. Ils étaient tous les deux des fils du Congo », déclare Kélina.

Crédit Photo : Julien Percheron
Crédit Photo : Julien Percheron

Une vie de quartier

Mais Sape & Co, ce n’est pas que le bling bling, au contraire, la vie de quartier s’y fait beaucoup sentir. Tonton Louz, la soixantaine, vient souvent discuter avec Kélina ou son oncle : « J’habite ici depuis 1999, donc quand j’ai du temps je viens ici », explique-t-il. Ici, on discute vêtements, musique mais aussi politique. « Vous savez moi j’ai connu la France sous Giscard », s’exclame Tonton Louz. Ce Congolais arrivé en France en 1979 a vu le quartier de Château Rouge évoluer, et il tient à le défendre. « Ici, vous pouvez vous balader tranquillement, personne ne viendra vous embêter », ajoute-il. Ici, les sapeurs sont connus et reconnus, mais Tonton Louz admet que ce temps est révolu pour lui : « J’ai des enfants maintenant, je suis trop vieux pour ça. Et puis il y en a qui s’habillent comme ça pour rester chez eux, c’est trop », assure-t-il. Si l’ancienne génération est prête à passer le flambeau, la boutique Sape & Co semble avoir de beaux jours devant elle.

Blanche Vathonne

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