Prendre rendez-vous sur internet : la galère des migrants pour régulariser leur situation en préfecture

Une cinquantaine de migrants dénoncent la dématérialisation en ligne du service des titres de séjour en préfecture et assignent l’Etat en justice. Des rassemblements auront lieu à Bobigny, Créteil, Nanterre et Évry à 15 heures.

La dématérialisation des services touche tous les secteurs : y compris celui de la police. Si cela est dans l’air du temps et peut sembler anecdotique, la prise de rendez-vous sur internet pour des ressortissants étrangers souhaitant régulariser leur situation transforme cette démarche administrative en véritable combat. Tous n’ont pas accès à internet et cela créé des files d’attentes « invisibles », comme le dénoncent les associations.

Des rassemblements sont prévus dans l’après-midi devant les préfectures de Bobigny, Créteil, Nanterre et Évry, à l’appel de plusieurs dizaines d’associations soutenant les migrants comme la Cimade, le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) ou encore la Ligue des droits de l’Homme (LDH). Si ces associations frappent du poing sur la table, c’est parce que prendre rendez-vous pour renouveler ou demander son titre de séjour devient impossible. Et les conséquences peuvent être désastreuses. Ces ressortissants étrangers peuvent se voir privés de leur emploi et de leurs droits sociaux. Selon les associations, cette situation mène à la « revente » de rendez-vous, allant jusqu’à 200 euros, que certains migrants, dans l’urgence, sont contraints de payer.

La situation avait déjà été dénoncée en janvier dernier. Les associations espèrent rétablir une prise de rendez-vous physique, à l’issue de cette journée de mobilisation.

Camille Kauffmann

 

 

Le gouvernement n’avance toujours pas sur le statut des accompagnants d’élèves handicapés

Des professeurs manifestent contre la réforme Blanquer, le 17 juin 2019 à Paris. – STR / AFP

Un rapport parlementaire préconisant la revalorisation du statut des accompagnants d’élèves en situation de handicap a été remis ce mardi au gouvernement. Depuis des années, les demandes de ces travailleurs restent sans réponse concrète de la part de l’exécutif.

Leur rôle aux côtés des élèves handicapés est essentiel au quotidien. Pourtant, le travail des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) n’est toujours pas reconnu et les formations manquent cruellement. Le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, avait d’ailleurs appelé à la professionnalisation du secteur. Sophie Cluzel, la secrétaire d’Etat en charge des personnes handicapées, avait elle assuré que la question de leur statut serait l’une « des priorités du quinquennat ». Pourtant, aucune avancée significative n’a été observée en ce sens à la rentrée 2019, qui a été vécue comme un cap extrêmement éprouvant à gérer pour bon nombre d’entre eux, alors que leur situation continue de se précariser.

Aurélie, membre du collectif AESH En action, est accompagnante d’élève en situation de handicap depuis bientôt 10 ans. Après cinq années exercées sous contrat aidé, elle a signé un nouveau contrat public avec l’Education nationale, en cours depuis maintenant 4 ans. Mais elle n’observe toujours aucune amélioration au quotidien. « Notre rôle est d’amener l’élève vers l’autonomie, mais sans faire partie de l’équipe enseignante. On est moins considéré parce qu’on est juste de passage. Souvent, les professeurs ne sont même pas prévenus de notre venue ».

Exerçant à Agen, dans le Lot-et-Garonne, Aurélie touche 730€ pour 23h travaillées par semaine. Depuis l’application de la réforme Blanquer, une série de mesures du gouvernement visant à redéfinir le fonctionnement de l’école, elle bénéficie d’un CDD de trois ans renouvelable une fois avant de pouvoir prétendre signer un CDI, contre un CDD d’un an renouvelable six fois auparavant. « Le gouvernement juge que ces contrats sont robustes, mais avec des salaires pareils, c’est surtout une précarité à vie et sans formation », explique-t-elle.

Une déstructuration de la profession

Nouveauté de cette rentrée, les pôles inclusifs d’accompagnement localisés (PIAL) avaient pour objectif de réorganiser les équipes d’accompagnants. Mais en réalité, ces nouvelles entités sont venues déstructurer une profession déjà précaire. « C’est le jeu des chaises musicales. On nous demande de nous démultiplier, on est balancé entre plusieurs établissements avec plus d’élèves à gérer. Cela a complètement déshumanisé notre métier », déplore Aurélie.

Souvent considérés comme du « sous-personnel », de plus en plus d’AESH préfèrent claquer la porte face au manque de reconnaissance qu’ils subissent. La formation reste quasiment inexistante dans le milieu et oblige les accompagnants à se former par leurs propres moyens. « Le gouvernement a revu à la baisse les critères de sélection. Ils embauchent désormais à partir du baccalauréat, même si la personne n’a aucune expérience antérieure auprès d’élèves en situation de handicap », déclare-t-elle.

La détresse de ces accompagnants a d’ailleurs connu un point d’orgue en cette nouvelle rentrée : des milliers d’AESH sont encore en attente d’une affectation ou d’un salaire. Face à ces problèmes récurrents, les rectorats restent souvent muets et le personnel est livré à lui-même. Soutenus par des associations de parents d’élèves, AESH En action demande que des mesures concrètes soient prises en urgence pour la reconnaissance de leur statut, mais également pour éviter que les élèves handicapés subissent les conséquences de cette précarité.

Valentin Berg

Extinction Rebellion : « Les militants ne sont pas des gros babos qui ont trois chiens dans leur garage »

Les militants du mouvement écologiste Extinction Rebellion occupent depuis lundi après-midi la place du Châtelet à Paris. Des assemblées générales, des prises de paroles, des séances de méditation y ont lieu dans une ambiance bon enfant. Une centaine d’activistes se retrouvent ici pour dénoncer l’inaction du gouvernement face au réchauffement climatique. Parmi eux, Maxime Ollivier, venu de Toulouse pour soutenir cette action de désobéissance civile.

Maxime Ollivier est venu de Toulouse pour occuper la place du Châtelet. Il n’a pas hésité à dormir dans une tente cette nuit. (crédit: Camille Kauffmann)

Sous des bâches installées quai de la Mégisserie pour se protéger de la pluie, Maxime Ollivier s’agite. Cet activiste de 22 ans est à l’aise avec tout le monde: il est le coordinateur d’un des six points de blocage de la place du Châtelet, à Paris. « Extinction Rebellion est un mouvement très horizontal et décentralisé, mais nous désignons chaque jour des référents pour que ça ne soit pas l’anarchie », explique-t-il en grignotant un bout de pain trouvé dans le frigo improvisé du mouvement écologiste.

Étudiant à Sciences po Toulouse, il a été séduit par l’antenne locale d’Extinction Rebellion et a fait le déplacement pour participer à l’occupation de la place parisienne. Sensibilisé à la cause environnementale depuis un stage en Malaisie, où il a vu les dégâts causés par la déforestation, Maxime Ollivier a eu une prise de conscience quand Nicolas Hulot a démissionné de son poste de Ministre à la transition écologique, fin août 2018. Au vu des ses études, le poste de Nicolas Hulot représentait son « life goal » : « pour moi c’était le poste qui permettait de faire changer les choses. Et le fait qu’un homme avec de telles convictions démissionne parce qu’il n’arrive pas à faire changer les choses de là où il est, ça m’a donné le déclic. » A la suite de sa démission, des marches pour le climat ont été organisées à Paris notamment. Celles de Toulouse tardaient à venir, Maxime a pris les choses en main et a organisé les marches pour le climat dans sa ville. « Je me suis dit que j’étais peut-être plus à l’aise au sein des contre-pouvoirs ». Cela fait plus un an qu’il multiplie les actions. Car si son engagement est récent, il n’en est pas moins intense.

« J’avais l’impression d’être dans la [série] Casa de papel ! »

Une action qui a marqué son parcours militant et personnel : l’occupation à la Défense de la Société Générale. Il faisait partie des 2.000 personnes en avril dernier à bloquer les tours des multinationales. Habillés en costume pour passer inaperçu, avec des faux badges de la société, les activistes se sont glissés à l’intérieur de la banque, « mais la sécurité s’est rendue compte qu’on était des activistes et a bloqué tous les accès. Je me suis retrouvé pendant 10 heures, assis, à bloquer l’intérieur de la banque. J’avais l’impression d’être dans la Casa de papel ! C’était ouf. C’était le premier blocage de masse. Il y avait même des gens qui avaient  pris des couches au cas où on n’aurait pas accès aux toilettes ! D’ailleurs, j’en ai dans mon sac.”

Il fait également partie des premiers à avoir rénové une clinique désaffectée pour créer le quartier général de La Bascule dans le Morbihan. Un lobby citoyen autogéré qui réfléchit à des propositions pour le climat,  sensibilise les citoyens à l’écologie, et forme des futurs candidats aux municipales de 2020. Après y avoir vécu quatre mois, il a repris ses études de communication à Toulouse mais reste sur le qui-vive. Il n’a pas hésité à rejoindre l’action de cette semaine. Son engagement le surprend lui-même: « Je me rends compte que c’est un peu fou :  je vais sécher une semaine de cours pour venir  à Paris et dormir dans une tente place du Châtelet. » Mais Maxime est convaincu de la nécessité d’agir et s’appuie sur des arguments de collapsologie « notre modèle socio-économique va s’effondrer parce qu’il est fondé sur une croissance infinie dans un monde fini. C’est rationnellement impossible. »

« Je suis une espèce de pont entre les deux milieux : pas tout à fait hors du système et pas non plus à 100 % dedans »

Si Maxime Ollivier est là aujourd’hui, c’est non seulement pour défendre ses idées et faire réagir le gouvernement, mais aussi pour faire changer l’image de l’activiste écolo. Le cliché du militant qui ne travaille pas l’agace « J’ai envie de montrer que les gens qui font du militantisme ne sont pas des gros babos qui n’ont plus de lien avec leur famille et qui ont trois chiens dans leur garage, beaucoup de gens pensent que c’est ça, un activiste. Moi je suis étudiant à Sciences po et j’ai fait deux ans de classe préparatoire. »

Selon lui, l’image du militant est souvent écornée et caricaturée. D’un ton calme, il explique que Ségolène Royal a fait de la désinformation en accusant les membres d’Extinction Rebellion d’être violents et de desservir la cause écologique, suite au blocage du centre commercial Italie 2, samedi dernier. « On est en train de mettre en place une cagnotte pour acheter des lunettes à Ségolène Royal pour qu’elle lise la 9ème clause d’XR qui est : “non violence” », explique-t-il d’un air désabusé.

Le mode d’action d’Extinction Rebellion, non-violent et ludique, a convaincu Maxime Ollivier, qui se prend à rêver d’un avenir plus ambitieux pour cette ONG encore jeune. A terme, il souhaite que l’organisation soit présente dans toutes les villes de France et qu’elle agisse localement, « en empêchant la construction d’un élevage intensif de poules en Bretagne, par exemple. »

 

Camille Kauffmann

 

 

 

 

La réalité des hackers derrière les clichés

Des hommes blancs, autodidactes, en sweat à capuche noir, en permanence derrière un écran, asociaux, travaillant depuis une chambre qu’ils quittent le moins possible, capables de pirater une banque en trois clics… La représentation des hackers dans les médias ou la fiction est en fait bien loin de la réalité.

Mr.Robot est une série américaine produite par USA Network et diffusée depuis 2015. (Flickr)

La quatrième saison de la série Mr.Robot a débuté le 6 octobre aux États-Unis. On y retrouve Elliot Alderson, officiellement ingénieur en cybersécurité, officieusement hacker hors pair. C’est un personnage déséquilibré, dépressif, paranoïaque, en marge de la société et très isolé. Il est toujours vêtu d’un sweat noir, capuche vissée sur la tête. En ce sens, Elliot correspond beaucoup à l’image du hacker telle qu’on la voit dépeinte dans les médias ou la fiction.

Néanmoins, le créateur de la série, Sam Esmail, a porté une attention toute particulière à la mise en scène des outils informatiques. Elliot utilise des techniques informatiques réelles et de vraies commandes dans ses lignes de code. “J’utilise les même dans mon travail” lance Jules, consultant en sécurité informatique. Les méthodes de Mr.Robot sont crédibles et les explications logiques : cette représentation est “plus juste que ce que l’on peut habituellement voir à la téléestime Edward Snowden, l’informaticien lanceur d’alerte à l’origine des Wikileaks.

Dans Mr.Robot, Elliot n’est pas toujours armé de bonnes intentions. D’ailleurs, la fiction et les médias associent souvent les hackers aux pirates qui mènent des activités criminelles. En plus, il y a un côté un peu mystique dans l’image qu’on dépeint du hacker. De par sa supposée personnalité, mais aussi à cause des outils qu’il utilise :

“Dans l’imaginaire collectif, c’est un peu un Robin des bois qui se défie de la loi et de l’ordre. C’est une figure romantique de l’anti-héros, du rebelle. D’autant qu’il fait des choses un peu obscures, il utilise des outils que monsieur Tout-le-monde ne sait pas utiliser” explique Agar, rédacteur en chef du magazine spécialisé Canard PC.

Il suffit d’ailleurs de taper le mot-clé “hacker” dans une banque d’image pour avoir une idée de l’image qu’il véhicule.

Capture d’écran des résultats de recherche pour le mot « hacker » sur la banque d’image Shutterstock.

Pourtant, “un hacker ce n’est pas forcément quelqu’un qui fait des attaques informatiques” précise Jules. “Hacker un système, c’est juste arriver à comprendre comment son code est fait” insiste le jeune informaticien. La suite dépend de son objectif !

Ce sont juste des gens qui bidouillent des objets” 

Selon lui, les hackers sont bien trop souvent caricaturés, que ce soit dans les médias, le cinéma ou les séries. “On les voit comme étant nocifs, méchants, mais ce sont juste des gens qui bidouillent des objets… Ça peut être positif” précise-t-il.

Il existe trois catégories, trois “chapeaux” pour désigner les hackers : les blancs, les gris et les noirs. Les “black-hats” sont ceux qui hackent avec une intention criminelle. À l’inverse, les “white-hats” assurent la sécurité et ne profitent jamais des vulnérabilités qu’ils trouvent. Enfin, les “grey-hats” oscillent entre les deux catégories et sont parfois des activistes. Ces termes renvoient en fait aux westerns dans lesquels le chapeau noir était l’apanage du “méchant” alors que le blanc était celui du “gentil”.

Il y a, surtout dans les films, cette idée selon laquelle le hacker est un génie absolu de l’informatique” analyse Agar. En fait, pour les “black-hats”, la majeure partie du hacking consiste à faire du social engineering, c’est à dire à se jouer des failles humaines. Dans ce cas, il ne s’agit plus de s’en prendre au système informatique, mais de manipuler l’utilisateur pour le mettre en confiance et récupérer des informations.

Souvent, dans la fiction, le hacker est un jeune autodidacte. Dans la vraie vie, nombre d’entre eux sont en fait ingénieurs en informatique. L’ancien hacker Ian Reynolds confie au Guardian qu’il n’y a pas de profil-type : “Pour le social engineering par exemple, la personnalité idéale est quelqu’un d’avenant, capable de pousser les utilisateurs à faire une tâche ou dévoiler leurs identifiants et mots de passe”. Bien loin du cliché du garçon asocial et désaxé.