Google nous met-il en danger ?

Hier, Nicole Belloubet annonçait avoir obtenu de Google le floutage des prisons françaises visibles sur Google Earth et Google Maps. La garde des Sceaux avait fait cette réclamation en juillet dernier, suite à l’évasion de Rédoine Faid de la prison de Réau (Seine et Marne). Le floutage devrait être effectif d’ici décembre mais relance l’éternel débat quant à une éventuelle atteinte à la sécurité par le géant du web.

La spectaculaire évasion de Rédoine Faid en hélicoptère prend une toute nouvelle dimension. La ministre de la justice pointe du doigt Google qui aurait sa part de responsabilité. La maison d’arrêt de Réau est visible en détails sur Google Maps depuis plusieurs années. On en distingue entre autres, les principaux bâtiments, l’entrée principale ou encore le terrain de football.

Un arrêté d’octobre 2017

S’il semble évident que des zones d’une telle sensibilité ne devraient pas être accessibles sur internet, il est d’autant plus surprenant d’apprendre qu’il existe en réalité une législation à ce sujet. Le problème est sur la table depuis de nombreuses années et Google fait l’objet de plusieurs procédures à l’échelle internationale pour atteinte à la sécurité.

Vue aérienne de la prison de Réau sur Google Earth
Vue aérienne de la prison de Réau sur Google Earth

Un arrêté publié au Journal Officiel le 27 octobre 2017 établit pourtant une liste exhaustive des zones françaises dites sensibles et dont les prises de vues aériennes sont interdites. 68 prisons y figurent. Parmi elles, certaines sont effectivement floutées comme la prison des Beaumettes de Marseille, mais 51 seraient encore visibles en image satellite. La prison de Vendin-le-Vieil où a été réincarcéré Redoine Faid en début de semaine est, elle, par exemple toujours visible. Contacté par la rédaction du Figaro, le porte parole de Google France a expliqué que les images diffusées « proviennent de divers fournisseurs extérieurs, publics ou privés. » L’entreprise assure avoir transmis à ses fournisseurs « une liste de sites sensibles, en leur demandant de prendre les mesures nécessaires afin de transmettre des images conformes à la législation en vigueur dans les plus brefs délais. »

Poursuites à l’international

A l’international aussi, Google semble mettre du temps à réagir aux demandes des gouvernements. Il y a une dizaine de jours, la Belgique a annoncé entreprendre des poursuites à l’encontre du géant américain qui aurait laissé sans réponse ses demandes de floutage de zones sensibles. Des centrales nucléaires, une base aérienne ou encore les installations pétrolières du port d’Anvers sont notamment concernés.

Depuis son lancement en 2007, Google Earth a connu de nombreuses contraintes des gouvernements à ce sujet. La maison Blanche, par exemple, a trouvé un subterfuge pour remplacer les images satellites : le bureau ovale apparait sur Google Earth sous forme d’une photo aérienne datée et validée par le département militaire américain.

 

La maison Blanche vue de Google Earth
La maison Blanche vue de Google Earth

 

Les Pays Bas ou la Russie sont eux aussi adeptes du floutage de Google Maps. La base aérienne de Volkel au Pays Bas dissimulant des missiles nucléaires apparait floutée sur les images satellites. En Russie, ce sont les îles Severnaya Zemlya qui sont couvertes d’une bande striée qui en cache très ostensiblement une grande partie.

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La bande grise barrant les îles russes

Pour certains pays, la discrétion est plus compliquée à obtenir. La Corée du Nord qui n’est pas en communication avec le géant américain n’a par exemple pas pu prétendre au floutage d’un site qui fait froid dans le dos. Le camp de prisonniers politiques de Buckchang est visible en détails…

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Le camp de prisonniers politiques de Bukchang

 

Audrey Abraham

 

 

Business des visas dorés : quels sont les risques du « passeport shopping » ?

Dans un rapport publié mercredi, deux ONG tirent la sonnette d’alarme sur le business de vente de passeports au sein de l’Union européenne. Si l’achat de ces visas ne rime pas forcément avec corruption, la pratique présente néanmoins des risques.

Dimitar Nikolov
Dimitar Nikolov

Acheter la citoyenneté européenne avec de l’argent sale ? C’est possible, assurent Transparency International et Global Witness, qui appellent l’Union Européenne à réagir. « Le premier risque c’est de laisser entrer des personnes au profil un peu douteux » explique Laure Brillaud, chargée des questions de la lutte antiblanchiment pour Transparency. D’après leurs observations, les pays proposant l’achat de visas ou titres de séjour contrôlent le casier judiciaire des postulants, mais ne prennent pas la peine de vérifier l’origine de l’argent qu’ils possèdent. Dans ces cas-là, le danger c’est de faire entrer des personnes criminelles et corrompues » ajoute-t-elle.

Mais les riches ressortissants étrangers ne sont pas les seuls suspects. Bon nombre de programmes de bonne gouvernance ne sont pas respectés, et ce sont les Etats mêmes qui posent problème. « Problèmes de transparence, de conflit d’intérêt, ou de supervision indépendante, certains Etats génèrent des risques de corruption » affirme Laure Brillaud. Un sujet brûlant qui s’est invité dans le débat européen depuis l’assassinat de la journaliste maltaise Daphné Caruana Galizia en octobre 2017, alors qu’elle enquêtait sur ce business caché.

Une tendance au « passport shopping »

Autre problème : l’absence de surveillance supranationale. « Il y un réel manque d’harmonisation au niveau européen » assure Laure Brillaud, qui dénoncent la tendance actuelle des postulants au « passport shopping ». Un programme légal qui permet d’offrir la citoyenneté à de riches ressortissants étrangers en échanges d’investissements dans le pays. A Chypre par exemple, le prix pour obtenir le fameux sésame est fixé à deux millions d’euros. Mais le problème est qu’il se concentre toujours dans les mêmes pays, affirme le rapport, où les normes en matières de transparence restent douteuses.

Au sein de l’Union, quatre pays vendent des passeports et douze accordent des droits de résidence sous condition. Parmi les premiers concernés figurent Malte, Chypre et le Portugal, mais aussi la Hongrie, l’Espagne et le Royaume-Uni. A titre de comparaison, 100 000 nouveaux résidents issus des visas dorés ont obtenus la citoyenneté européenne dans les dix dernières années, contre 6 000 par la procédure classique. Des chiffres porteurs d’interrogations quand on sait qu’aucune instance à l’échelle européenne n’existe pour contrôler ces programmes. Mais l’UE n’est pas sourde. Fin novembre, la Commission européenne a prévu de publier un rapport fixant les principes futurs à respecter.

Clara Losi

Procès : le maire de Wissous présente son sabre comme une arme défensive

L’élu de 69 ans a plaidé, mercredi 10 octobre devant le tribunal correctionnel d’Evry (Essonne), la légitime défense. Il avait menacé avec un katana, le 8 avril dernier, une dizaine de caravanes qui s’installaient dans sa commune. Le procureur de la République a requis 4 mois de prison avec sursis et 1 500€ d’amende contre le maire. La décision sera rendue le 21 novembre.

 

« Je suis maire, je suis le dernier garant de la sécurité », n’a cessé de clamer l’élu de Wissous (Essonne), Richard Trinquier, mercredi 10 octobre, alors qu’il comparaissait devant le tribunal correctionnel d’Evry. Dimanche 8 avril, il a menacé avec un sabre et potentiellement avec une arme à feu, des gens du voyage installés illégalement dans sa commune. Le procureur de la République a requis 4 mois de prison avec sursis et 1 500€ d’amende. La mise en délibéré a été reportée au 21 novembre. Vêtu d’un costume-cravate gris, l’édile de 69 ans, étiqueté Debout la France, a été jusqu’à dire, mercredi, « je suis comme un soldat qui doit défendre sa nation, au risque d’y perdre la vie ».

 

Des menaces de mort le mois précédent

Ainsi, ce dimanche 8 avril, lorsqu’une dizaine de caravanes s’installent sur un terrain situé devant une crèche de la commune de 8 000 habitants, le maire n’hésite pas à s’y rendre, mais armé. Car, un mois plus tôt, lors d’une précédente expulsion, il a été menacé de mort.

Richard Trinquier a pour habitude de se rendre sur place dans ces cas-là. Ce jour-là, lorsqu’un de ses adjoints se rend à son domicile pour le prévenir, le maire assure qu’il était en train de se préparer à aller au stand de tir, comme souvent le dimanche après-midi. Une arme à feu se trouvait déjà sous son siège de voiture. Il s’apprêtait à prendre, toujours selon lui, le reste de son équipement de tir, comme les chargeurs et le casque, ainsi que le coffret de l’arme, obligatoire pour le transport.

Il a également pris un gilet par balles, dont le logo est une étoile, et son blason tricolore sur lequel est inscrit « maire ». L’association de ces symboles crée une confusion chez les gens du voyage, qui voient là un shérif arriver avec son sabre. Un sabre qu’il ajoute au dernier moment à son arsenal, une arme défensive selon lui.

 

« Il a mis la main sur son katana puis il a couru sur nous »

 

Au tribunal, face à lui, un des hommes auxquels il s’est opposé le 8 avril. Le procureur a également requis 4 mois de prison avec sursis contre cet homme, ainsi que 500€ d’amende. Vêtu d’une chemise et d’un jean, l’homme se souvient de l’arrivée surprenante de l’élu. « On avait besoin d’aller à l’hôpital à Paris le lundi (ndlr : lendemain des faits). On ne savait pas où se mettre. Quelqu’un s’est présenté comme le garde du corps du maire. C’était la première fois que j’entendais ça. Lorsque le maire est arrivé, j’ai voulu lui serrer la main puis j’ai demandé qui il était et il n’a pas répondu, il a mis la main sur son katana puis il a couru sur nous avec l’épée. » L’homme, imposant, se souvient avoir eu peur pour ses proches. « Tous les gosses s’amusaient dans l’herbe, il y avait des femmes de partout. Elles se sont mises à crier et les enfants à pleurer. »

 

« Si j’avais eu une arme à feu, je l’aurais sortie »

Ensuite, les choses s’emballent. Le maire se souvient être tombé sur plusieurs hommes armés de fusils de chasse. Tous les témoins s’accordent à dire que le katana n’a été dégainé que partiellement. Par contre, certains affirment avoir vu une arme dans son dos. « Si j’avais eu une arme à feu sur moi, je l’aurais sortie pour me défendre », oppose l’élu, lunettes rondes sur le nez.

Richard Trinquier explique avoir, certes, mis ses mains dans son dos, mais pour faire croire qu’il avait une arme. « C’était du bluff car, à ce moment, si je m’enfuis, je prends le tir », dit-il, avant de parler des vidéos amateurs prises ce jour-là, où l’on entend, semble-t-il, une femme du camp hurler « ne le tue pas ! ». Pourtant, le fusil de l’homme qui comparaissait ce mercredi face à l’élu est toujours resté ouvert.

 

Le maire avait bu trois verres d’alcool

Après l’altercation, les gens du voyage décident de partir. C’est eux qui contactent la police nationale. A 18h10, deux policiers du commissariat de Massy arrivent et placent le maire de Wissous en garde à vue. Un test d’alcoolémie révèle alors un taux de 0,29mg par litre d’air expiré, contre les 0,25mg autorisés. Richard Trinquier avait bu « un verre de Cuba Libre et deux de vin ».

Au procès, les deux agents se rappellent du comportement agressif de l’élu. « Il était hautain, il nous a dit qu’on devait l’écouter, en sa qualité d’officier de police judiciaire. Il a dit ‘toi et ton pote vous dégagez de ma commune !’« .

 

Des propos racistes

 

Maire de Wissous depuis 1995, avec une interruption de 2008 à 2014, Richard Trinquier n’en est pas à ses premiers déboires. Il est notamment connu pour avoir déclaré qu’il ne buvait plus d’eau Evian depuis les accords d’Evian, qui ont mis fin à la guerre d’Algérie et ouvert la voie à l’indépendance du pays.

Une anecdote reprise par l’avocat de l’association SOS soutien ô sans-papiers, présent pour souligner le caractère supposé raciste du maire. Une présence maintes fois contestée durant ce procès mais qui a permis de souligner, entre autres, une déclaration de l’accusé, faite à un policier national ce soir-là, selon laquelle il sait « ce qu’il faut faire avec ces gens-là ».

 

Solène Agnès