Les députées en Europe : toujours de gauche et écolos ?

« Les femmes ont toujours été plus nombreuses que les hommes à se battre pour l’environnement » écrivait la philosophie Émilie Hache dans le quotidien français Libération le 12 mars dernier. Il est vrai que la plupart des voix à la tête d’initiatives de grève pour le climat qui se sont récemment élevées sont des voix féminines, comme celles de Anuna De Wever, 17 ans, de Adélaïde Charlier, 18 ans ou encore celle de l’allemande Luisa Neubauer, 22 ans. Toutes alertent contre l’inaction des gouvernements face à une urgence climatique.

Partant de ce constat, peut-on estimer que les femmes sont plus engagées en politique, dans les partis environnementaux ? Et plus largement, dans quels mouvements politiques les femmes se retrouvent-elles le plus ?

Les résultats issus de l’analyse de la répartition politique des députés au sein du parlement européen et des assemblées des 6 pays les plus peuplés de l’Union Européenne – la France, l’Italie, l’Allemagne, la Grèce, les Pays-Bas et l’Espagne – sont sans appel.

  • Au Parlement européen, les femmes sont mieux représentées à gauche 

 

 

On remarque que les partis où les femmes sont le plus présentes sont : les partis de gauche (GUE / NGL), Écologiques (Greens/EFA) et progressistes (S&D). Ainsi, sur les 191 députés inscrits au parti S&D, l’alliance progressiste et libérale, 89 sont des femmes. Au sein du parti écologique, Greens / EFA, 47 députés occupent des sièges dont 18 sont des femmes.

 

Par comparaison, dans le parti conservateur EPP, le parti populaire européen, seulement 68 sur 221 élus sont des femmes.

    • Être députées en Europe, c’est être de gauche ?

En Grèce, sur les 37 députées élues, 27 appartiennent à des partis situés à gauche de l’échiquier politique, contre 10 à des partis situés à droite. Ainsi, 72% des femmes élues en Grèce sont situées à gauche de l’échiquier politique.

En Espagne, sur les 136 élues, 75 sont à gauche, soit , 61 sont à droite. Sur le total des femmes élues au parlement espagnol, 55% des femmes sont donc étiquetés à gauche, 45% des politiques de droite. En Italie, 20% des femmes élues appartiennent à des partis de gauche. Seuls 13% appartiennent à des partis de la droite. Si aux Pays Bas, 42% des femmes sont à gauche, contre 58% à droite. Mais proportionnellement, les femmes restent plus à gauche que les hommes. Sur les 45 élus classés à gauche, 16 sont des femmes (35%). Sur les 105 élus classés à droite, seuls 22 sont des femmes (20%).

Dans le parlement allemand, sur les 222 députés féminines, 64% des femmes élues en Allemagne sont classées à gauche de l’échiquier politique, 36% à droite.

 

  •  « Les femmes sont plus emphatiques, plus réceptives à des expériences émotionnelles de gauche »

Jeanne Burgat Goutal est professeur agrégée de Philosophie et spécialiste de l’éco-féminisme. L’argument essentialiste expliquerai selon elle cette tendance. Les femmes seraient naturellement plus à gauche, dans leur essence même. “Les femmes sont plus emphatiques, plus réceptives à des expériences émotionnelles de gauche : l’amour, la solidarité, à des vertus morales, éthiques de gauche.” Une explication gênante car elle revient à toujours ramener les choix des femmes à une simple nature profonde. Certaines féministes revendiquent malgré tout cette essence féminine mais l’utilisent comme un contre-modèle. Valérie Solanas, l’auteur de “Scum Manifesto”, affirme qu’il faut castrer les hommes, car l’essence masculine est négative. Les hommes font la guerre, vont en prison, les femmes prennent soin des autres, de la maison. “Castrer les hommes amènera la paix ».

Ainsi, parler d’essence féminine n’est pas forcément conservateur, mais peut être une ressource politique radicale.” La philosophe explique aussi qu’il est possible de considérer cette tendance comme étant une construction liée à la vision patriarcale présente dans nos sociétés. “Dans son livre “Caliban et la Sorcière”, Silvia Federici analyses des textes littéraires et montre qu’au Moyen-Âge – et jusqu’au 16ème siècle – les figures féminines qui s’affirment sont présentées comme étant des femmes perverses, puissantes, sauvages, et qui du coup font peur. On insiste sur le fait que le chaos arrivera si on leur laisse prendre le pouvoir. C’est plutôt à partir du 19e, de l’essor de la Révolution Industrielle, que dans la Littérature et plus largement dans la société est créée la figure de la femme docile, domestiquée. Les  figures de la femme au foyer et de la féminité émergent. Dès l’enfance, et ça continue à l’âge adulte au moment de la maternité, on inculque aux  femmes un certain nombre de sentiments, de sensibilités. Cela les autorise à ressentir de l’empathie, que les hommes virils vont eux se voient encouragés à bloquer. Elles pourraient  donc ainsi être plus enclines à adhérer aux valeurs de la gauche”, propose Jeanne Burgat.

  • Les femmes, peu présentes sur les bancs de l’extrême droite

Pour rendre compte de la présence féminine en politique au niveau de l’Europe, le zoom sur les partis d’extrêmes droites illustre cette tendance. En Allemagne, 71 députés sont étiquetés AFD (parti d’extrême droite, anti immigration), et parmi eux, seulement 10 sont des femmes.  En France, on trouve sur les 10 élus d’extrême droite, (Rassemblement National et Debout la France), seulement 3 sont des femmes.

Ainsi, concernant la faible présence des femmes dans les partis d’extrême droite contre  une présence prégnante à gauche, une dernière explication reviendrait à dire que – selon les théories féministes marxistes,  les femmes représentent la classe dominée. Dans toutes les sociétés patriarcales “soit dans toutes les sociétés”, les femmes subissent la domination masculine. “Elles ont donc l’expérience directe d’une forme de domination qui les rend sensible à la problématique de la domination  sur d’autres humains. Elles rejettent ce rapport de domination, et recherchent la justice”. Ainsi, si certaines femmes n’auraient pas forcément conscience de cet éventuel héritage, d’autres pourraient l’utiliser délibérément. “Elles ont réfléchi à cette domination. Déjà avec Louise Michel, on trouvait cette conscience politique des opprimés contre le modèle des dominants”, considère Jeanne.

  • Les députées se mettent au vert

     

Si les femmes sont très présentes à gauche de l’échiquier politique, on remarque qu’elles occupent encore plus de place dans les partis dits “écologistes”. Cette tendance peut ainsi s’observer directement aux Pays Bas et en Allemagne. Au Bundestag, où le parti “Alliance 90 / Les Verts”  (BÜ90/Die Grünen) occupe 67 sièges, 39 sont des femmes. Au sein du parti libéral démocrate (FDP), sur les 80 sièges, seulement 19 appartiennent à des femmes.

 

 

Aux Pays Bas, sur les 100 députés du Parlement, les deux partis écologistes, PVDd (parti pour les animaux) et la Gauche verte (GL), prennent à eux deux 19 sièges, dont 10 sont occupés par des femmes. À titre de comparaison, au sein du parti pour la liberté, PVV, (extrême droite), 16 hommes ont été élus, contre seulement 4 femmes.

  • “Elles se préoccupent de la planète qu’elles vont laisser à leurs enfants.” 

Journaliste essayiste et réalisatrice française, Pascal d’Erm est spécialisée dans les questions de nature et d’environnement. Elle interroge nos relations à la nature et la féminité. Son ouvrage Soeurs en écologie, paru en avril 2017 inscrit les nouvelles justicières de la terre dans une lignée de femmes essentielles à la pensée écologique.

Selon elle, la proximité des femmes avec la nature naîtrait de l’expérience des femmes, qui sont au plus près de la nature. “Dans les sociétés rurales des pays encore en voie de développement, ce sont encore elles qui ont les mains dans la terre, puisqu’elles s’occupent de la petite agriculture. L’écologie, c’est avant tout de l’air, de l’eau, du sol.” Ainsi, les femmes voient directement leur environnement et la santé de leurs proches se dégrader. C’est la raison pour laquelle elles portent un regard pratique sur l’écologie. Dans les années 70, un groupe de villageoises illettrées de la région du Garhwal (Etat de l’Uttarakhand) en Inde, se sont opposées à l’exploitation commerciale de leurs forêts. “Ces paysannes n’allaient plus avoir d’arbres, et donc plus de bois pour préparer le dîner. Les experts avaient une logique économique, n’avaient pas compris l’usage de la forêt. Les femmes illettrées ont gagné, et ont acquis une légitimité”, explique l’essayiste, avant d’évoquer aussi l’exemple du documentaire chinois “Sous le dôme”. Une enquête sur la pollution atmosphérique des grandes agglomérations chinoises, réalisé par Chai Jing, ancienne présentatrice vedette de la télévision chinoise. “Elle fait éclater un scandale en révélant la hauteur de pollution. ”

Mais pour Jeanne Burgat Goutal, cette théorie ne peut s’appliquer aux députés européennes. Ces femmes ne sont pas en relation directe avec les éléments. Ce sont des bourgeoises qui ont faites de hautes études. Les femmes auraient une plus grande sensibilité envers tous ceux qui souffrent : qu’ils soient humains et non humains. Naturellement, de par leur construction sociale ou encore justement car elles appartiennent à la classe marxiste des dominés, “elles luttent ainsi pour les autres dominés”. Ainsi, c’est en discutant entre elles que les femmes – “comme les femmes au foyer d’amérique du sud” – se politisent. Pour que leurs voix empruntent de colère (“leurs enfants étaient atteints de cancers à cause de Monsanto”) portent. “Cette politisation peut accélérer les prises de conscience et développer des valeurs féministes, environnementales.”

Jeanne Burgat Goutal considère qu’il faut aussi distinguer les mères des femmes. Car beaucoup de mobilisations environnementales sont menées par des femmes. “Elles se préoccupent de la planète qu’elles vont laisser à leurs enfants.” La philosophe balaye de la main la question de savoir si les femmes se préoccupent plus de l’avenir de la planète pour leur enfant que leur père dû à l’existence d’un instinct maternel. “Il y a une division sexuelles du travail dans la plupart des sociétés : c’est principalement des femmes qui s’occupent enfants, des personnes âgés dans la vie privée. Ce sont elles qui se rendent compte des problèmes de santé des corps vulnérables”, souligne-t-elle.

Selon la professeur, le “phénomène Greta” est juste un coup médiatique. Un pouvoir des médias qu’ont bien saisi des femmes indonésiennes en lutte contre la construction d’une usine. “Elles rendent leur combat sexy en mettant des costumes et en chantant des chants traditionnels. Ce n’est pas qu’une stratégie de communication, mais il y a de fait cette conscience. Actuellement, il y a aussi un effet boule de neige. On nous dit tellement que les filles se mobilisent pour le climat que ça nous donne envie. Et ça n’enlève rien aux questions des différents héritages que nous portons éventuellement en nous”. Pour résumer, à savoir le don d’une essence féminine, d’une construction du genre féminin comme étant empathique, ou encore d’une solution politique de dominées qui poussent à se rebeller sur un mode gauchiste et écolo.

Pour résumer,  un ensemble de facteurs sont à analyser pour appréhender correctement la présence des femmes dans les instances de pouvoir.

Ainsi, peut-être pourrait-on repérer des similitudes plus importantes entre les parlementaires de gauche et écolos (hommes et femmes confondus). “Peut-être viennent-ils majoritairement de familles de gauche plutôt privilégiées, bobos ; et que ces familles ont davantage tendance à pousser, aider les filles à faire des études de sciences politiques. Et non pas à devenir femmes au foyer comme dans une famille de droite conservatrice, ou à faire des études de commerce comme dans une famille de droite libérale”, ajoute la philosophe Jeanne Burgat. Le critère « femmes » serait alors insignifiant.

Finalement, les femmes ne seraient-elles pas plus présentes dans les mouvements écologiques car les hommes les laisseraient accéder à ces places ?  “C’est peut-être juste un type de cause pour lequel on admet que les femmes soient porte paroles”,  songe Jeanne Burgat. Loin des sujets sérieux et masculins, les cause environnementales, animales sont perçues comme mineures, gentilles, compatible avec l’image de la féminité. “Aujourd’hui, il est acceptable de laisser les femmes chefs de file pour ces causes.. Elles n’auraient peut-être pas la possibilité d’accéder à une telle médiatisation et ces rôles de leader leur seraient éventuellement confisqués pour d’autres mobilisations. En ce moment à la Gaîté lyrique, il y a une exposition, “Computer girls”, sur les filles et le numérique. C’est notable, car on ne voit que rarement les filles dans ces nouvelles technologies.”

 

Méthodologie utilisée :

Pour arriver à ces données, nous avons pris le parti de nous concentrer sur 6 pays : l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Espagne, la Grèce et les Pays Bas. En classant les partis représentés au Parlement nationaux de chaque pays, nous avons abouti à une classification GAUCHE / DROITE. Pour que ces résultats soient le moins lisses possible, nous avons fait une exception pour la France en classant la République en Marche au “centre”.  

 

 

 

L’Union Européenne est-elle un exemple pour la protection de l’environnement ?

Marche pour le climat partout en Europe, grève des jeunes lancée par la suédoise Greta Thunberg, percée des Verts à Bruxelles… La protection de l’environnement s’est imposée comme un sujet majeur dans le débat européen. Et même si on lui reproche parfois de ne pas en faire assez pour l’écologie, l’Union Européenne est perçue comme une bonne élève. Face aux climato-sceptiques américains et aux nuages de charbon venus de Chine, les Européens semblent donner l’exemple. Dans les faits, est-ce réellement le cas ?

Pour mesurer l’impact sur l’environnement d’un pays, nous avons choisi trois éléments importants : les émissions de CO2, les tonnes de pesticides utilisés, et la part d’énergie renouvelable utilisée dans l’économie d’un pays. Parmi les pays choisis pour évoluer l’Union Européenne, la Chine et les Etats-Unis, deux des plus gros pollueurs mondiaux ainsi que l’Arabie Saoudite, qui a bâti sa richesse sur le pétrole.

Premier enseignement : les conclusions sont complètement différentes lorsque l’on prend les chiffres pour un pays entier ou si on les rapporte à sa population. Ainsi, la Chine est, de loin, le pays qui émet le plus de CO2 alors que l’Arabie Saoudite fait figure de bon élève. Sauf que, une fois divisé par le nombre d’habitants, on remarque que les positions des deux pays s’inversent. L’Union Européenne émet le moins de CO2 par habitant, mais se trouve juste derrière la Chine. Suffisamment pour donner des leçons ?

 

La Chine, championne de l’énergie solaire

L’Union Européenne est leader dans le domaine des énergies renouvelables. En 2017, la consommation d’énergies renouvelables est passé devant celle du charbon dans les pays de l’UE, d’après le rapport annuel sur l’énergie européenne publié par Agora Energiewende et Sandbag. Mais ces bons résultats cachent des disparités. L’Allemagne et le Royaume-Uni tirent la croissance des énergies renouvelables en Europe. L’Allemagne produit aujourd’hui 30 % de son électricité à partir du solaire, de l’éolien et de la biomasse. Loin derrière le Danemark cependant, dont 74 % de l’énergie est issue du renouvelable. Un record dans l’Union Européenne mais aussi dans le monde.

 

Mais la Chine, qui avait opté pour le tout charbon dans les années 1990, pourrait bien rattraper les Européens. Cette politique a trouvé ses limites et le pays suffoque régulièrement dans un nuage de pollution. Depuis 2015, la Chine est le pays qui investit le plus d’argent au monde dans les énergies renouvelables. L’énergie solaire en particulier. «La capacité photovoltaïque a augmenté de 50% dans le monde en 2017 et la Chine a contribué pour près de la moitié à cette croissance», selon l’Agence internationale de l’énergie.

L’Union Européenne : de plus en plus de bio

Les pesticides sont au cœur de nombreux débats en Europe. Malgré la mobilisation citoyenne, le glyphosate n’est toujours pas interdit au niveau européen. Pour autant, au niveau mondial, l’Union Européenne fait réellement partie des bons élèves.  Depuis 1990, la quantité de pesticides utilisée reste stable, à des niveaux équivalent aux États-Unis.

Et dans certains pays, comme la France, le bio gagne du terrain. 2018 fut une année record pour la production agricole biologique dans l’Hexagone. D’après l’Agence Bio, 10% des agriculteurs travaillent désormais en bio dans le pays.

La Chine se détache clairement comme le mauvais élève. L’Empire du milieu utilise plus de produits chimiques que n’importe quel autre pays. Un constat qui s’aggrave lorsque l’on ramène l’utilisation de ces produits aux terres agricoles du pays. Cette situation s’explique en partie par le peu de réglementation imposée aux agriculteurs, tandis que les normes européennes sont très restrictives.

Alors, l’Union Européenne peut-elle se permettre de donner des leçons au reste du monde ? Parmi les pays développés, et polluants, l’Union Européenne reste l’un des meilleurs élèves. Mais pas de quoi faire la leçon au reste du monde. Contrairement aux idées reçues, la Chine ne s’en tire pas si mal, notamment grâce aux efforts consentis ces dernières années sur les énergies renouvelables. Des investissements qui pourraient permettre aux Chinois de devenir les leaders mondiaux.

L’ascension des français de Vitality

Vitality compte dans ses rangs les meilleurs joueurs français et internationaux pour gagner des titres. Crédit photo : Lyncconf Games

Créée en 2013, l’équipe d’e-sport française Vitality est devenue le numéro 1 sur le territoire au cours des dernières années. Elle abrite deux des grands noms du gaming en France, Fabien “Neo” Devide, coach, et Corentin “Gotaga” Houssein streamer et français le plus titré sur console.

Au départ spécialisée dans la licence Call of Duty où ils ont remporté le championnat de France en 2013, ses joueurs ont su évoluer vers les terrains numériques de FIFA ou l’arène de Fortnite. Plusieurs tournois et championnats ont été remportés avec un groupe de joueurs différents pour chaque jeu différent.

 

Un nom qui vaut plusieurs millions d’euros

La réussite de l’équipe française a vite attiré les sponsors. En février 2018, Vitality annonce une levée de fonds de 2,5 millions d’euros, puis, en novembre, un financement de 20 millions d’euros par le milliardaire indien Tej Kohli. Il s’agit alors du plus gros investissement e-sportif en Europe. Enfin, l’entreprise française Renault annonce vouloir sponsoriser l’équipe pour Rocket League, un jeu de football où les voitures remplacent les joueurs. Le budget de Vitality est aujourd’hui évalué à 5 millions d’euros par an, soit le niveau d’un club de milieu de tableau de ligue 2 française.

Après avoir recruté des joueurs étrangers pour renforcer ses rangs, Vitality a récemment annoncé l’ouverture d’un centre d’entraînement dans le 3ème arrondissement parisien ainsi que des boutiques spécialisées. Du digital au physique…

Edouard Lebigre

 

Orthographe, le grand rattrapage

A l’heure des claviers automatiques et des réseaux sociaux, le niveau d’orthographe des Français se dégrade au fil des années. Pourtant, des solutions existent pour progresser. Être mauvais en orthographe n’est pas une fatalité.

“La semaine dernière, à l’invitation de Rachid Santaki, les Aulnaysiens se sont rendus à la dictée géante au Stade de France et vous savez quoi ? Vous savez quoi ? Il y a eu une gagnante ! Elle est scolarisée au lycée Jean Zay, applaudissez Melinda !” Interrogée par le speaker qui ne manque pas de rappeler qu’elle brille au football club d’Aulnay, l’adolescente revient sur son exploit. “J’ai gagné, alors que j’avais fait des fautes ! C’est dire combien c’était très très difficile.”

Ce samedi après-midi à Aulnay-sous-Bois, l’écrivain et scénariste Rachid Santaki organise sa 184e dictée géante. Les habitants ont répondu présents : plus de 700 personnes de tous âges sont venus a la Ferme du Vieux Pays pour un événement familial en plein air. La semaine précédente, Rachid Santaki avait battu son record en recevant 1490 personnes pour une dictée géante au Stade de France. Le “Bernard Pivot du 93” a la bonne recette. “En général les dictées sont lues par des gens connus alors que moi je suis en interaction avec mon public. Je sais jouer avec. Je pense que c’est vraiment ça la différence.”

Oubliez le stylo à plume et les cahiers à grands carreaux. A la place, une feuille fournie par l’organisation sur laquelle est écrit “Seule la rime paie”, en référence à la célèbre phrase du groupe de rap Lunatic “Seul le crime paie”. Surtout, les participants sont avant tout venus jouer, et tenter de remporter un cadeau. Avant le top départ de la dictée, l’animateur pose un petit quiz au micro. Puis Rachid Santaki énonce lui-même son texte, truffé de mots difficiles comme “pachyderme” ou “kyrielle”. Les enfants, appliqués et concentrés, se prennent au jeu, tandis que les adultes, nostalgiques, se confrontent à la difficulté. Entre la fin de la dictée et l’annonce des gagnants, une équipe de bénévoles assure le ramassage des copies et la correction en temps éclair. Loin du cliché scolaire et de la note sur vingt, l’événement est touchant. “Vu de l’extérieur, ça renvoie à l’école et aux mauvaises notes. La dictée c’est une caricature : on voit le truc super relou, alors que beaucoup de gens viennent. Il faut voir l’engouement, les enfants, les parents… Il faut le vivre pour comprendre. C’est un truc familial qui fédère », indique Rachid Santaki.

Les mauvaises notes ne l’ont pas stoppé. Après l’échec de son bac pro puis des années de “jobs”, il a fondé un journal en Seine-Saint-Denis et commencé à écrire des scénarios. Il assure que l’expression écrite est très importante pour l’insertion sociale. “L’orthographe, la présentation est la première chose que les recruteurs regardent. Le CV sans faute permet un meilleur rapport aux autres. Car écrire c’est structurer sa pensée.” Pour lui, il est essentiel de se frotter à ce type d’exercice pour progresser en orthographe. “Je pense qu’il faut garder les fondamentaux. Il ne faut pas trop s’appuyer sur le digital. La nouvelle technologie c’est stylé, mais il faut garder un bon rapport au manuscrit, un minimum.”

Les Français maîtrisent mal l’orthographe

Car le constat est là : les Français sont fâchés avec leur propre langue. Selon le baromètre du projet Voltaire, publié il y a quatre ans, les Français maîtrisaient 51 % des règles d’orthographe en 2010, contre 45 % de ces mêmes règles en 2015, soit une baisse de 6 points en cinq ans. Le dernier baromètre, publié en juin 2018, conclut que c’est à l’école primaire que les fondamentaux s’installent durablement. Or, d’après une étude du ministère de l’Education nationale, publiée en novembre 2016, le niveau d’orthographe des écoliers français recule au fil des années. Des élèves de CM2 évalués sur une dictée faisaient presque deux fois plus de fautes en 2015 qu’en 1987. La chute du niveau est un phénomène général qui concerne l’ensemble des élèves, quel que soit leur sexe, leur âge ou leur environnement social.

Le constat inquiète. Car entre temps cette baisse de niveau n’a pas été enrayée. Alors qu’elle dispense 10 heures de français par semaine à sa classe, Julie Garnier, institutrice à l’école élémentaire publique Alfred de Musset de Levallois-Perret, constate les difficultés au quotidien avec sa classe de CP. « Un même son peut s’écrire différemment. Les élèves ne comprennent pas toujours la différence entre  »mais » et  »mes », ou  »ses »,  »ces » et  »sait » par exemple », explique-t-elle, en admettant que la langue française est compliquée. Sa collègue, Julie Even, qui enseigne à des CE1 dans le même établissement, remarque que les accords en genre et en nombre ne sont pas acquis.

Une étude du ministère de l’Education nationale montre que la principale source de difficultés pour les écoliers concerne l’orthographe grammaticale, c’est-à-dire les accords entre le sujet et le verbe, les accords dans le groupe nominal ou bien ceux du participe passé. Les erreurs lexicales, bien qu’en augmentation, restent les moins fréquentes. Le niveau en langue française varie selon plusieurs critères. Ainsi, les personnes qui maîtrisent le mieux les règles orthographiques ont plus de 55 ans, lisent souvent et ont appris le latin et le grec. A l’inverse, les plus frileux avec l’exercice ont généralement moins de 18 ans et regardent beaucoup plus la télévision.

Plusieurs facteurs expliquent cette baisse de niveau. Gilles Siouffi, professeur de français à la Sorbonne, pointe les incohérences et les difficultés liées à l’orthographe. « Il y a un écart entre l’écrit et l’oral », explique-t-il en prenant l’exemple du mot doigt, qui ne s’écrit pas comme il se prononce. Au total, la langue française compte 130 graphèmes pour 40 phonèmes. Pour lui, ce décalage est dû à l’histoire de la langue, qui n’a pas su évoluer avec le temps. Et pour cause, onze tentatives de réformes de simplification ont eu lieu au cours du 20e siècle, et seule celle de 1990 est entrée dans l’usage.

La correcteurs automatiques peuvent desservir l’orthographe

Gilles Siouffi remet aussi en cause le système éducatif, qui privilégiait autrefois beaucoup plus la langue française qu’aujourd’hui. « Entre 1870 et 1940, avec les lois Ferry, c’était l’époque de l’enseignement de l’orthographe. On a mis le paquet là-dessus car c’était une preuve d’éducation. Ensuite, on a remarqué qu’on donnait trop de poids à la grammaire et à l’orthographe au détriment d’autres matières, et on a considéré dans les années 50-60 que les bases en français étaient acquises ». La littérature a alors pris plus de place dans les programmes, et l’orthographe n’est désormais enseignée qu’en primaire. « On fait trop de littérature au collège et au lycée, alors que ce n’est pas indispensable ».

A l’école primaire, les conditions d’apprentissage ne permettent pas à tous de réussir. Julie Even explique que même si ses élèves de CE1 sont motivés, il est difficile de faire avancer tout le monde, compte tenu du nombre d’écoliers par classe. «Les classes sont trop chargées. J’ai quatre niveaux différents pour 29 élèves, dont certains sont en situation de handicap », déplore-t-elle. Puis d’ajouter que la technologie et les correcteurs automatiques peuvent desservir l’orthographe. «Aujourd’hui les élèves écrivent des textos en phonétique et perdent l’habitude d’écrire correctement, c’est pour ça que le niveau chute du CE1 jusqu’au collège », indique-t-elle. Les élèves apprennent bien les règles de base en classe, mais écrivent en langage SMS dès qu’ils sortent de l’école. Un phénomène sur lequel les instituteurs ne peuvent pas agir.

Dans certains milieux sociaux, les parents sont moins capables de corriger leurs enfants. A l’école Gilbert Cesbron près de la Porte de Clichy à Paris, trop récente pour être classée REP, une enseignante explique que l’école est le seul lieu où les enfants ont un contact avec la culture. “Pour la majorité, ça va jusqu’en CE1. Mais à partir du cycle 3 (CE2, CM1, CM2), un fossé se creuse avec les enfants issus des milieux populaires ou de familles issus de l’immigration.” Les enseignants doivent alors adapter le projet d’école, formulé pour trois ou quatre ans. L’école Cesbron travaille en priorité la compréhension et la lecture.

Marqueur social, l’orthographe peut être un frein à l’embauche. “Un CV avec des fautes c’est comme venir à l’entretien d’embauche avec un jean troué”, déplore Bernard Fripiat. Cet historien belge de la langue française dispense des stages de rattrapage en orthographe en entreprise pour l’organisme Demos. Carine Coulombel avait suivi l’une de ces formations. Elle était alors secrétaire au sein d’une association pour aveugles. « Dès mon embauche, on m’a dit que j’aurai à suivre un stage. » Désormais, elle dirige le théâtre Stéphane Gildas, dans le 13ème arrondissement de Paris. Etre à l’aise pour assurer la communication du théâtre est indispensable. “Ca fait plus sérieux, auprès des parents d’élèves, par exemple.”

Le projet Voltaire revendique cinq millions de participants. C’est la plateforme d’apprentissage la plus fréquentée. La certification Voltaire, créée en 2010, atteste du niveau en orthographe pour valoriser son CV. Des méthodes distinguées par le CNRS. Pour Bernard Fripiat, le projet Voltaire a tout changé en rendant l’enseignement ludique grâce à “des astuces”. Le jeu, sans doute le moyen le plus agréable pour progresser.

Rachid Santaki : « La langue française nous concerne tous, c’est notre socle commun »

Rachid Santaki est un enfant de la Seine-Saint-Denis. Il a organisé plus de 180 dictées géantes à travers la France. Une initiative qui lui a valu le surnom de « Bernard Pivot des banlieues ». Ce romancier et scénariste de 45 ans veut faire de la dictée un moment populaire qui réunit toutes les générations «parce que la langue française nous concerne tous, c’est notre socle commun».

L’idée lui est venue il y a quelques années lorsque le maire de Clichy-sous-Bois a invité Rachid Santaki à lire un extrait du Petit Prince. « Cela m’a plu et j’ai décidé de reproduire l’expérience et d’organiser la première dictée géante en août 2013, au même endroit, en partenariat avec une association de quartier », explique-t-il.

Lucide, Rachid Santaki sait que la dictée souffre d’un cliché. «Dans l’imaginaire collectif, on pense au prof en blouse grise qui met des mauvaises notes et des coups de règle. Pour sortir de ce stéréotype, il faut que les gens viennent et se confrontent à l’exercice». Au fil des années, le projet a évolué et a pris de l’ampleur. Investi dans le milieu associatif, il anime des ateliers d’écriture en milieu carcéral et se dit très demandé par le ministère de la Justice. Rachid Santaki a su imposer son style. La dictée géante a d’ailleurs battu son record de l’an passé en accueillant 1 490 participants au Stade de France le 6 avril 2019.

Bernard Fripiat : “L’orthographe, c’est surtout un moyen d’emmerder le monde !”

Bernard Fripiat donne des stages d’orthographe en entreprise (chez L’Oréal, Bouygues, la MACIF, la Caisse des Dépôts ou encore la RATP…). Comédien et non pas professeur de français, il revendique ne pas avoir d’état d’âme sur la langue. “Aujourd’hui, l’orthographe, c’est surtout un moyen d’emmerder le monde ! ». Pour lui, dans le monde de l’entreprise, être tatillon sur les fautes est parfois un moyen de décrédibiliser un concurrent. “Certains viennent après des promotions ou après avoir reçu des critiques… Une fois, je faisais un cours individuel à un chef récemment nommé. Il avait eu le malheur d’envoyer un mail en interne avec deux “s” à “nous serons”. Son patron m’a demandé de lui faire cours, en m’expliquant que ça lui avait valu une vraie cabale contre lui dans la boîte !” Mais il reçoit tous types de profils, “de la secrétaire au dirigeant d’entreprise.”

Pour cet historien de la langue française, le discours sur la baisse du niveau est faussement alarmiste. “J’ai même lu un article datant de 1953 où on disait que le niveau d’orthographe baissait, parce que les jeunes se parlaient par téléphone et ne s’écrivaient plus, et qu’ils ne lisaient plus car ils écoutaient la radio !”

En fait, ce n’est pas le niveau qui aurait baissé, mais plutôt la fréquence d’écriture sur ordinateur qui a explosé. Les fautes qu’il voit le plus souvent sont dues à l’inattention.“Avant, au travail, on écrivait quelques courriers et ça partait avant seize heures. Maintenant, on écrit des mails jusqu’à pas d’heure… On en a marre, on a envie que ça foute le camp !” L’agitation de l’environnement professionnel serait donc la cause principale des fautes chez les adultes, mais aussi la démocratisation de l’email. “Et surtout, tout le monde écrit ! Partout, tout le temps ! Il faut juste que les gens apprennent à se connaître, pour savoir quand ils ne sont plus attentifs.”

Ne faites plus l’erreur !

En 2018, des auteurs Belges ont voulu supprimer l’accord du participe passé. Sans cette règle qu’ils ont critiquée, on aurait écrit « critiqué ». Voici une astuce pour enfin maîtriser l’accord du participe passé, cette fameuse difficulté de la langue française. Pour savoir si on accorde le verbe, il suffit de se demander s’il va avec « je lui » ou « je le ». Gardez ceci en tête : avec « je lui », on n’accorde pas.

Exemple : on écrit « nous nous sommes téléphoné » parce qu’on peut remplacer par « je lui ai téléphoné ». Ici, on n’accorde donc pas.

Autre exemple : « les travaux que j’ai effectués » parce qu’on peut remplacer par « je les ai effectués ». Là, on accorde.

Alexandre Cool et Vincent Jaouen