L’Irlande se prépare à un Brexit sans accord

Paschal Donohoe, ministre des Finances irlandais
© Aron Urb

Un plan d’1,2 milliard d’euros. C’est ce que prévoit le ministre des Finances irlandais, Paschal Donohoe. Devant le Parlement irlandais, il a souligné, ce mardi, la difficulté à laquelle sera confronté son pays, si le Royaume-Uni sortait de l’Union européenne sans accord. « Nous ferons face aux défis d’un Brexit sans accord en position de force », a-t-il déclaré, avant d’ajouter : « Nous sommes prêts ».

Ce plan d’1,2 milliard d’euros devrait atténuer l’impact d’un « no deal » ; 600 millions d’euros seront notamment injectés dans certains secteurs clé comme l’agriculture et le tourisme. « C‘est un budget sans précédent (…) mais ce sont des heures sans précédent », a complété le ministre.

Un Brexit sans accord, qui rétablirait des frontières physiques entre l’Irlande – membre de l’UE – et l’Irlande du nord – province britannique – pourrait priver 55 000 Irlandais de travail et faire plonger le Produit intérieur brut (PIB) du pays de 6%, selon des données gouvernementales. Politiquement, le retour des frontières menacerait aussi la paix avec l’Irlande du nord, après des décennies de conflits.

Ce matin, la chancelière allemande avait également déclaré, lors d’un entretien téléphonique avec le Premier ministre britannique, Boris Johnson, qu’un nouvel accord de Brexit entre Londres et Bruxelles était « extrêmement improbable«  en ajoutant que le Royaume-Uni ne pouvait quitter l’Union européenne sans laisser l’Irlande du Nord dans une union douanière avec les Européens.

Boris Johnson de son côté, a promis un Brexit « coûte que coûte » le 31 octobre, avec ou sans accord, et les négociations avec Bruxelles sont dans l’impasse à trois semaines de l’échéance.

Celsalab avec AFP

Radicalisation : faut-il créer un délit ?

Mickael Harpon, l’assaillant qui a tué quatre policiers à la préfecture de police de Paris, montrait plusieurs signes de radicalisation, selon un rapport de la DRPP. En France, le fait de se radicaliser ne constitue pas un délit en soi, et les députés ne semblent pas prêts à légiférer en ce sens.

En 2015, des signes de radicalisation ont été soulevés. C’est ce qu’assurent plusieurs témoignages au sujet de Mickael Harpon, l’auteur de l’attaque au couteau à la préfecture de police. L’assaillant avait notamment légitimé l’attaque terroriste contre Charlie Hebdo. Il refusait aussi de serrer la main aux femmes.

Pénalement, la loi ne permet pas de condamner les personnes radicalisées. Mais pour le député LR Eric Ciotti, il faudrait mettre en place le principe de précaution. « Quand il y a autant de signes convergents, on ne peut pas laisser quelqu’un en fonction dans des emplois stratégiques et dans des lieux où la sécurité nationale est menacée. », assure-t-il à Celsalab. Selon le député des Alpes-Maritimes, les personnes concernées par la radicalisation doivent être suspendues ou mutées pour éviter toute menace. « Nous avons des services qui savent détecter les signes de radicalisation, il faut donc agir avant plutôt que de commémorer des drames ».

Une idée partagée par le porte-parole du groupe LREM à l’Assemblée nationale, Hervé Berville. Le député de 29 ans explique qu’il faut renforcer la prévention. « Dès qu’il y a danger, il ne faut pas laisser ces personnes à des postes sensibles, et il faut prévoir des actions pour les mettre hors d’état de nuire ».

Un terme extrêmement flou

Aujourd’hui, on estime que la radicalisation est un processus par lequel les croyants d’une religion adoptent des positions extrémistes, souvent caractérisées par le rejet de l’autre et la violence. Mais Hervé Berville estime qu’il faudrait d’abord définir le terme radicalisation, car derrière ce mot se cachent de nombreux cas différents.

« On peut pas vous mettre en prison si vous dites  »bien fait pour eux » à propos de Charlie Hebdo, par contre c’est un signal qui doit alerter les autorités. En revanche, quand les choses se font en dehors de la loi, il faut punir, sanctionner et condamner pour éviter des actes abominables ».

Du côté de la France insoumise, Alexis Corbière estime que ce n’est pas en inventant des délits supplémentaires que le problème sera réglé. « Si on veut lutter contre le terrorisme, il faut donner des moyens pour que les services de police puissent travailler. Aujourd’hui, on est capables d’identifier clairement des gens qui préparent un attentat terroriste ». Pour le député de Seine-Saint-Denis, le terme radicalisation est extrêmement flou. Le porte-parole de Jean-Luc Mélenchon pendant l’élection présidentielle explique que la loi définit les choses de manière très précise, et donc que l’arsenal juridique existe déjà.

Alexandre Cool

Les associations de défense des migrants s’inquiètent d’une possible suppression de l’aide médicale d’Etat

Le débat sur la politique migratoire débute aujourd’hui à l’Assemblée nationale. Au cœur des discussions : l’aide médicale d’Etat (AME), qui divise au sein de la majorité. Plusieurs associations de défense des migrants s’inquiètent de sa pérennité. 

Free picture (Family doctor) from https://torange.biz/family-doctor-19159

« C’est une protection sociale de merde, un raté de l’universalité, martèle le secrétaire général de l’association Médecins du monde, le Dr Patrick Bouffard, à propos de l’aide médicale d’État (l’AME). Ca n’a aucun rapport avec la sécurité sociale, c’est conçu pour des sous-citoyens. » Patrick Bouffard paraît désemparé, ce lundi, lors d’une conférence de presse organisée par les Etats généraux des migrations à l’occasion du débat parlementaire sur la politique migratoire de la France, qui a débuté à l’Assemblée nationale lundi après-midi.

Créé en 2000, l’AME permet aux personnes en situation irrégulière de se soigner à condition d’avoir résidé en France depuis au moins trois mois et de disposer d’un revenu inférieur à 8 644 euros par an pour une personne. Un peu plus de 300 000 sans-papiers en bénéficient pour un coût d’environ 930 millions d’euros par an, ce qui représente 0,5% des dépenses de santé.

C’est donc un cri d’alarme que lancent les associations de défense des migrants, telles que Médecins du monde et la Ligue des droits de l’homme ou encore Tous migrants,  alors que des rumeurs circulent sur une possible suppression de l’AME ; l’exécutif, divisé sur le sujet, entend revoir certaines modalités du dispositif. Ses détracteurs, dont la plupart sont issus de la droite et de l’extrême-droite, dénoncent son coût toujours croissant et réclament sa suppression totale ou partielle. Patrick Bouffard mentionne de son côté une « instrumentalisation politique de la médecine », dénotant entre autre, les « fraudes » et les « excès » évoqués par certains députés en référence à l’augmentation de l’immigration des Albanais et des Géorgiens. Une partie d’entre eux viendraient se soigner en France pour des pathologies coûteuses comme le cancer ou l’hépatite B.

Le délégué général de La République en marche, Stanislas Guerini, avait invoqué début septembre, des « abus » d’utilisation de l’AME, « par exemple pour financer des prothèses mammaires ». Sans preuve, ce dernier est revenu sur ses propos. Le taux de non-recours à l’AME s’élevant à 88%, le Dr Bouffard pointe du doigt un autre enjeu de ce débat : « le manque de connaissance qui règne au sein du corps législatif ». 

« Je vais me permettre de jouer au docteur, poursuit Patrick Bouffard. Ce qui m’inquiète le plus, c’est le mot “violence“. Il y a de nouvelles entités pathologiques comme la santé mentale. Quand on abandonne les gens à eux-même, ils deviennent fous ». « La maladie est un droit », répète-t-il plusieurs fois en appuyant les propos de sa confrère Dominique Noguères, vice-présidente de la Ligue des droits de l’homme : « un migrant n’est pas un objet, il est un sujet de droit ». Le Dr Bouffard ne cache pas son espoir à l’égard de la ministre de la Santé, Agnès Buzyn ; ayant été médecin, elle devrait  comprendre certaines problématiques : « L’éthique, tout le monde s’en fiche. Le dernier argument qui nous reste, c’est celui de la santé publique ».  Patrick Bouffard conclut : « Quand vous soignez les plus démunis, vous soignez l’ensemble de la société ».

En effet, Agnès Buzyn avait évoqué, en septembre dernier, la nécessité de « soigner les gens tôt, au bon moment », lorsqu’elle apportait son soutien à une tribune de 805 médecins contre la limitation de l’AME.

Bertille van Elslande

En 2020, Campion veut faire sa fête à Hidalgo

Le roi des Forains, candidat à la mairie de Paris pour les municipales 2020, entre en campagne “sans militants” et se déclare “hors système.” Son but : “porter la colère des parisiens.”

Marcel Campion lors d’une manifestation de forains, le 30 avril 2018, à Paris. Crédit : JACQUES DEMARTHON / AFP

Vengeance personnelle, ou anti-hidalguisme politique? Si on ignore les intentions profondes de Marcel Campion, celui qu’on surnomme parfois le « roi des forains » part en campagne électorale contre la maire de Paris. Candidat officiellement depuis octobre 2018, il décline des propositions mais se distingue surtout par son affrontement avec sa meilleure ennemie.  

Les tensions commencent à s’afficher en public dès 2017. A ce moment, la municipalité lui retire l’autorisation d’installer le marché de Noël sur les Champs-Elysées, arguant “la qualité médiocre” des animations et des produits. En mai 2017, l’emblématique Grande roue, dont le forain a la propriété, est démontée de la place de la Concorde, provoquant la colère de Marcel Campion. Anne Hidalgo souhaite alors rendre à la place parisienne son “caractère patrimonial.” S’en suit un bras de fer qui aboutira à la candidature du sexagénaire, toujours visé par une plainte pour “propos injurieux”, à l’encontre de la maire de Paris et de son adjoint au logement Ian Brossat.  

Et désormais, l’homme d’affaires ne mâche pas ses mots à l’encontre de l’actuelle édile. “Avant d’être maire, elle n’était qu’une petite inspectrice du travail qui distribuait des contraventions aux entreprises. Qu’est-ce qu’elle a réellement fait à part sortir d’un parti politique?”, argue Marcel Campion. Cette question de l’expérience du “monde réel” comme il aime à le dire, le « roi des forains » la pose à l’ensemble des candidats : “J’estime qu’ils sont incompétents. Il n’ont jamais travaillé manuellement. Ils disent mettre les mains ‘dans le cambouis’ mais ils ne l’ont jamais fait.” 

Jeudi 4 octobre, le forain présentait place de la République les têtes de liste de son mouvement baptisé “Libérons Paris.” Si pour la plupart ils sont méconnus du grand public, la présence de Jean-Marie Bigard est remarquée. L’humoriste aurait accepté “par amitié” de figurer sur la liste du mouvement, sans toutefois en prendre la tête, dans le 6e arrondissement. 

Pour Sacha Nelken, journaliste politique à la rédaction du quotidien Le Monde et présent lors du “meeting festif” de Marcel Campion place de la République, le vrai défi de Marcel Campion c’est son manque de forces vives. “Il a des moyens et de quoi financer sa campagne, en témoigne les animations en marge de son meeting. Ce qui manque à l’appel, ce sont les militants et les adhérents. Il y avait beaucoup de curieux, mais ils n’étaient pas là pour son discours ou le mouvement en tant que tel », analyse le journaliste. A l’occasion de l’annonce de ses têtes de liste, le forain a réuni des jeux gonflables pour enfants, des clowns géants ou encore une fanfare. Une sorte de fête foraine, sa spécialité. 

Le bouche à oreille comme crédo 

Pour conquérir l’Hôtel de ville, Marcel Campion compte sur “le bouche à oreille” face à “l’omerta” que les médias pourraient pratiquer à son encontre, comme il aime à le répéter. Il annonce d’ailleurs saisir par voie de justice les rédactions de plusieurs médias audiovisuels de la capitale dans les jours à venir : “Je vais écrire, avec mon avocat, une lettre aux médias pour bénéficier du même temps de paroles que les autres candidats à la Mairie de Paris”, détaille t-il. 

Marcel Campion se décrit volontiers comme “hors système” et estime qu’il n’a “pas besoin de militants” car il ne fait “pas parti d’un parti politique” : “mon mouvement est citoyen” indique-t-il selon ses propres mots. Le forain annonce tout de même lancer un appel au don à partir de la semaine prochaine, soulignant “ne pas avoir encore de trésorerie.” 

Pour séduire les électeurs, le forain a décidé d’être le réceptacle de la colère des déçus du mandat d’Anne Hidalgo et de s’en faire le “porteur” aux municipales : “Les Parisiens sont en colère contre la gestion de la ville. Les élections, je ne sais pas ce que c’est (…) mais c’est une aventure dans laquelle je veux être le porteur de leur colère. On est dégoûté de Paris aujourd’hui. »

Les points clés du programme

Sur le fond, Marcel Campion met l’accent sur quatre thématiques : la mobilité, la propreté, la sécurité et l’état des finances. Sur la quasi totalité de ces points, il fustige le bilan d’Anne Hidalgo et multiplie les déclarations à son encontre : “Quand vous voulez bouger dans Paris, c’est impossible, c’est automatiquement bouché.” Une situation à laquelle le forain souhaite répondre en ouvrant aux voitures la circulation sur les berges de Seine, aujourd’hui réservées aux piétons. Ce n’est pas la seule mesure du mandat de la socialiste que Marcel Campion souhaite débouter. Selon le forain “il faudrait arrêter la majorité des 8300 chantiers de la ville.” Il invoque notamment une “perte” de la mainmise de la maire sur ces travaux.  

Concernant les finances publiques, il prévoit l’organisation d’un grand audit de l’endettement de la mairie de Paris. Celui-ci serait opéré par un cabinet indépendant afin de “mettre à plat” la situation. Pour ce qui est de la propreté, le “roi des manèges”  ne mâche pas ses mots : “Allez voir du côté du Trocadéro, c’est infesté de rats, c’est dégueulasse.” Il envisagerait de recourir aux services d’entreprises de nettoyage privées afin de nettoyer la ville. Pour « rendre Paris plus sûre », il envisage la “généralisation de la vidéo sécurité” et la mise en place d’une police municipale forte de “5000 hommes” ainsi que la formation de “ comités de vigilance de voisinage.”

Pour l’heure, beaucoup d’annonces, mais le programme définitif du mouvement “Libérons Paris” n’est pas encore disponible formellement. Prochain rendez-vous avec son électorat : le 6 novembre. Le “roi des forains” espère s’installer place de la Nation pour y prononcer un discours. 

Thomas Coulom