L’avis d’un expert

« Le cerveau n’est pas destiné à vivre indéfinimenphotot »

Trois questions à : Stéphanie Daumas, maître de conférence en neurosciences à l’Université Pierre et Marie Curie à Paris

 

Le cerveau peut-il être éternellement préservé ?

Les cellules composant notre corps ne sont pas immortelles, et par conséquent le cerveau n’est donc pas destiné à vivre indéfiniment. Au cours du vieillissement, l’accumulation de certains facteurs biologiques et l’augmentation du stress cellulaire vont avoir un fort impact sur le fonctionnement des cellules et particulièrement sur celles du cerveau. Ce vieillissement cellulaire va diminuer la capacité et l’efficacité de traitement des informations par le cerveau.

 

Quel est le principal problème que poserait l’immortalité au cerveau humain ?

Si nous arrivions à « immortaliser » le cerveau, le problème majeur serait probablement le décalage avec le vieillissement corporel. La médecine a fait d’immense progrès, mais notre corps n’est pas fait pour vivre plus d’un siècle.

 

Comment percevez-vous les efforts de certains chercheurs qui souhaitent parvenir a reproduire machinalement certaines fonctions du cerveau ?

Je ne pense pas que l’on puisse un jour reproduire à l’identique le fonctionnement du cerveau. Nous pouvons essayer de focaliser notre effort sur certaines fonctions, et c’est l’exemple des machines contre l’homme aux jeux d’échecs ou de go. A l’heure actuelle certains modèles se rapprochent des capacités cérébrales sans pour autant les atteindre. Ces travaux nous permettent de mieux appréhender le fonctionnement du cerveau. De là à créer un cerveau artificiel, je pense que nous y sommes encore très loin.

Trois questions à … Bernard Blandre

Trois questions à … Bernard Blandre, Président de l’AEIMR (Association d’Etude et d’Information sur les Mouvements Religieux), et spécialiste des Témoins de Jéhovah.

 

Selon vous, les TJ se rapprochent-ils plus du terme de « religion » ou de « secte » ?

On ne peut pas opposer les concepts de « religion » et de «secte ». Une religion, c’est un ensemble d’éléments comprenant des croyances, une morale, une organisation plus ou moins structurée. Une secte religieuse, c’est une forme de religion. La définition sociologique d’une secte n’a pas la connotation négative que tout le monde utilise: c’est un ensemble de personnes qui partagent un système de pensée commun caractérisé par l’hostilité globale au monde. Or, l’idéologie des TJ correspond tout à fait à cette définition.

Quoiqu’on pense du caractère sectaire ou non de l’organisation, il faut limiter la possibilité de caractériser un mouvement de « secte » aux sociologues. Une autorité politique, administrative ou
judiciaire ne peut pas caractériser un groupe particulier pour en faire une exception. La loi est la même pour tous.

Quand une affaire arrive en justice, il faut distinguer la responsabilité de la secte elle-même de celle de certains de ses membres et si nécessaire condamner la secte pour avoir enfreint la loi, et non en tant que secte. Quoi qu’il en soit, je considère que les TJ, en faisant appel à la justice humaine notamment, évoluent vers une dénomination (une secte qui se rapproche de la société).

D’un côté, certains membres des TJ sont considérés comme parfaitement intégrés à la société, alors que les associations anti-sectes dénoncent l’isolement social des victimes. Qu’en est-il ?

Les TJ ne vivent pas en communautés fermées comme certaines sectes. Ils vivent dans leurs quartiers, ont des occupations professionnelles. Leur morale tend à consolider la famille : celui qui la respecte bien n’est pas alcoolique, n’est pas adultère.

Mais celle-ci peut être fragilisée quand une partie seulement des membres adhère : l’engagement dans le porte-à-porte, la présence à plusieurs réunions par semaine tend à bouleverser la vie quotidienne familiale, et ensuite tout est une question de tolérance du témoin vis-à-vis des non témoins et des non témoins vis-à-vis des témoins. Ce militantisme tend aussi naturellement à privilégier les contacts avec les Tj au détriment des amis. Des tensions sont liées au refus de fêter Noël ou les anniversaires.

Les problèmes les plus graves se produisent lorsqu’un membre de la famille quitte les TJ. La consignes à ceux qui le sont restés, c’est de couper toute relation, d’éviter toute discussion avec l’ « apostat ». Il existe plusieurs groupes Facebook d’anciens témoins de Jéhovah qui expriment leur souffrance suite à cette exclusion.

Les TJ possèdent de solides réserves financières mais leurs dépenses deviennent trop élevées. Comment gèrent-ils cette période ?

Toute organisation a besoin d’argent pour fonctionner. Les témoins sont des millions et ont des ressources considérables : des « dons volontaires » dans les boîtes à offrandes des salles du royaume, des legs dans les pays où la loi le permet. Ils ne vendent pas leurs livres ni les abonnements aux revues mais sollicitent des dons en échange.

En réalité, s’ils dépensent beaucoup pour leur fonctionnement, ils limitent les frais. Leurs
filiales nationales tendent à fonctionner en autarcie, notamment celui du siège central américain qui dispose de sa ferme, de coiffeurs sur place… Les dirigeants de passage sont accueillis par les témoins locaux au lieu d’aller à l’hôtel et au restaurant. Les activités se limitent à l’édition, au prosélytisme et aux activités favorisant l’autoconsommation

Le transhumanisme dans le cinéma de science-fiction

20 et 30’s : La rencontre du corps humain avec les sciences et les technologies trouve son fondement dans quelques films des années 20 et 30. D’emblée, la question de la transformation, voire de l’amélioration du corps est posée. Frankenstein de J. Whale en 1931Metropolis de Fritz Lang en 1927 et Alraune de Robert Oswald en 1930 en sont des exemples.

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50’s : L’avènement de la robotisation fait la joie du cinéma des années 50 où les robots sont des êtres de ferraille à l’esthétique et l’intelligence encore très primaires.

60’s : Un tournant s’instaure dans la rencontre entre le cinéma et la science au travers de questions ontologiques sur l’humanité, établies par Stanley Kubrick dans son 2001, l’odyssée de l’espace (1968). 

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80’s : Mais la création d’androïdes ou de robots ne prend toute son ampleur qu’à partir des années 80. C’est à cette période que le cyborg se confronte aux contraintes de l’incarnation cinématographique. Les « répliquants » du film Blade Runner de Ridley Scott en 1982 ébranlent les convictions : la machine pourrait-elle se mettre à penser au même titre que les êtres humains et se retourner contre eux ?

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90’s : A cette époque, une nouvelle génération de cinéastes asiatiques et plus particulièrement japonais, teste les limites des représentations posthumanistes. Que ce soit dans l’avant-gardiste Tetsuo de Shinya Tsukamoto en 1989, où un homme se transforme progressivement en machine ou dans Ghost in the Shell de Mamoru Oshii en 1995 qui met en scène un femme cyborg extrêmement perfectionnée, le corps et la machine ne font plus qu’un, posant la question des frontières et des confusions identitaires.

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Ghost in the Shell
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Tetsuo

 

 

 

 

 

00’s : Plus récemment, d’autres tendances se sont mises en place où l’assimilation  des technologies renvoie à des représentations humaines mais aussi sociétales de plus en plus réalistes, s’éloignant progressivement des représentations trop ostentatoires d’univers de science-fiction. Dans The Island (2005) de Michael Bay, un groupe de clones de personnalités influentes est créé et maintenu dans l’ignorance du monde extérieur afin de servir à leurs propriétaires en cas de souci médical. Surrogates de J. Mostow (2009), met en scène des humains qui ne sortent plus de chez eux et se font remplacer par leurs avatars qu’ils actionnent mentalement. L’exemple le plus significatif d’effacement des éléments fantastiques est sans doutes la fable dystopique de Mark RomanekNever Let Me Go (2010), dans laquelle des enfants et adolescents orphelins crées en laboratoire et élevés dans des fermes anonymes de la campagne anglaise servent de donneurs d’organes à des patients atteints de graves pathologies. Les héros (ou anti-héros) de ces films ne sont plus des hommes transformés, améliorés mais ceux qui résistent, s’échappent et combattent les perfectionnements de la science.

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Interview d’Eric Jentile

Rencontre avec Eric Jentile, auteur et créateur de Quoi de neuf sur ma pile ? un blog de critique littéraire de science-fiction.

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Le transhumanisme est-il un thème récurrent dans la littérature de science-fiction et implique-t-il d’aller au-delà de la mort ?

Eric Jentile : D’une certaine manière on peut dire que la science-fiction a toujours abordé la question de la mort et de son après. Orphée aux enfers c’est vieux et c’est du fantastique mythologique. Frankenstein de Mary Shelley date du XIXème. Mais le transhumanisme c’est plus que la question de la mort, c’est aussi améliorer l’humain par la technique. C’est le rêve de Google et plus particulièrement de  Raymond Kurzweil, son directeur de l’ingénierie depuis 2012. Ou encore celui de William Gibson, auteur du roman fondateur du mouvement Cyberpunk et pilier du transhumanisme contemporain : Neuromancien, dans lequel le meilleur pirate informatique de tous les temps commet l’erreur de vouloir doubler un de ses employeurs qui, en guise de représailles, l’ampute de son système nerveux, le privant ainsi de son accès à la console informatique. De retour dans la prison de chair de son corps, le héros tente de s’échapper à nouveau par le biais des drogues, jusqu’à ce qu’une obscure conspiration lui offre une seconde chance.

Les révolutions annoncées par la littérature de science-fiction ne sont pas devenues réalité

Quel est le point de vue adopté sur la question de l’immortalité ? Peut-on considérer que certains ouvrages de science-fiction sont devenus réalité ?

EJ : L’immortalité est rarement abordée en tant que telle dans la littérature de science-fiction. Soit il s’agit de numérisation et dans ce cas, c’est plutôt avantageux car tout ce que peut faire un logiciel devient accessible aux humains qui peuvent ainsi devenir immortels. Soit, comme chez Catherine Dufour dans Le goût de l’immortalité, l’éternité est un long ennui cruel. Mais les révolutions annoncées par la littérature de science-fiction ne sont pas devenues réalité : pas de cyborg, pas de numérisation ni de conscience. Il commence à émerger quelques membres robotisés, ou des systèmes de vision numériques pour aveugles mais le tout reste balbutiant, c’est le début. La science-fiction c’est l’exploitation de la connaissance scientifique pour imaginer ce qui pourrait advenir. 

Les auteurs des livres de science-fiction sont souvent des scientifiques ou des passionnés de science.

La littérature de science-fiction aurait-elle sa place dans une société ou la mort aurait été abolie ? 

EJ : La mort n’est pas le seul problème dans la littérature de science-fiction. Il se pose également la question de savoir que faire des immortels ? Comment alimenter une population qui ne décline pas  ? Et surtout, comment occuper le temps ? Les immortels en science-fiction contemporaine sont plutôt des intelligences artificielles qui “s’occupent », notamment en explorant l’univers.

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La science-fiction permet-elle de se projeter au-delà des avancées scientifiques actuelles ?

EJ : Les auteurs des livres de science-fiction sont souvent des scientifiques ou des passionnés de science. Ils puisent dans leurs connaissances ou font des spéculations, les poussent à l’extrême de la logique et voient comment il peuvent présenter leurs réflexions sous forme romanesque. Hannu Rajaniemi par exemple, auteur contemporain finlandais de science-fiction, se renseigne sur les bitcoins (monnaie virtuelle) et sur les technologies numériques associées pour en faire un roman : The Fractal Prince. Dans son oeuvre précédente, intitulée The Quantum Thief, il explorait les mécanismes de mémoire externalisés. C’est-à-dire tous nos numéros ou nos mails qui sont dans nos smartphones et donc externalisés de notre cerveau. Or, que se passerait-il si demain nos sens étaient numériques et que notre mémoire était un système de stockage externe ?