Uber est (encore) dans le viseur de la justice française
Le géant des VTC est accusé de pratique commerciale trompeuse, conservation illégale de données informatiques et complicité d’exercice illégal de la profession de taxi.
Thibaud Simphal, directeur général de Uber France et Pierre-Dimitri Gore-Coty, directeur général de Uber de l’Europe de l’Ouest, sont à nouveau convoqués devant la justice. Ce jeudi 11 et vendredi 12 février marquent le début de la première phase pour régler l’affaire Uberpop – service qui mettait en relation des clients avec des chauffeurs amateurs au volant de leur propre véhicule. Au Tribunal Correctionnel de Paris, ils sont accusés de pratique commerciale trompeuse, conservation illégale de données informatiques et complicité d’exercice illégal de la profession de taxi. Pour ces deux dernières infractions, la peine maximale est de cinq ans de prison et 300.000 euros pour les deux dirigeants, et 1,5 million d’euros d’amende pour la société. Une des parties civiles au procès, l’Union nationale des taxis (UNT), demande plus de 30 millions d’euros de dommages et intérêts supplémentaires.
Thibaud Simphal (DG Uber France) arrive au procès #Uber pic.twitter.com/9qI3ds2uZL
— Robin Prudent (@robin_prudent) February 11, 2016
Le deuxième prévenu, Pierre-Dimitri Gore-Coty (DG Uber Europe de l’Ouest) arrive au procès #Uber pic.twitter.com/THeSHKbw2f
— Robin Prudent (@robin_prudent) February 11, 2016
Heetch est aussi ciblée
Le procès contre Uber pourrait aussi inspirer d’autres batailles contre la concurrence. La start-up française Heetch met en relation des chauffeurs amateurs et des particuliers dans la région parisienne, uniquement entre 20h et 6h. Contrairement à Uber, les clients ne paient que les frais de service. Ses dirigeants, Teddy Pelerin et Mathieu Jacob, ont déjà été mis en garde à vue le 19 janvier et sont convoqués le 22 juin devant les juges. Ainsi, comme UberPop, Heetch se présente comme une application de covoiturage, et suscite la colère des taxis comme des VTC.
Des convocations régulières devant la justice
Pour rappel, le 7 décembre, la Cour d’appel de Paris a condamné la filiale française d’Uber à payer 150.000 euros d’amende pour pratique commercial trompeuse, car le service UberPop se présentait comme du covoiturage. La peine a été aggravée puisque Uber France avait été déjà condamnée en première instance le 16 octobre 2014 à 100.000 euros d’amende.
Ce procès se déroule en même temps que les mobilisations de chauffeurs de VTC contre les mesures accordées par le gouvernement aux taxis. Ces derniers ont eux-mêmes manifesté contre Uber, qu’ils accusent de concurrence déloyale.
Fernanda Guimaraes
Pourquoi le site d’information Bastamag est jugé pour diffamation
Ce jeudi 9 février à 13h s’ouvre le procès en diffamation contre le site d’information Bastamag au Tribunal de grande instance de Paris. Le groupe Bolloré avait porté plainte pour un article sur l’accaparement de terres en Afrique et en Asie par des fonds d’investissement ou des multinationales. Parmi les sociétés citées, la filiale luxembourgeoise Socfin, dont le groupe Bolloré est actionnaire à hauteur de 39%. Publié en octobre 2012, l’article se basait notamment sur des rapports d’ONG pour étayer ses informations.
La plainte vise également Pierre Haski, directeur de publication de Rue89 pour avoir repris l’article dans la catégorie “meilleur du web”. La journaliste Dominique Martin Ferrari et trois autres personnes sont aussi jugées pour avoir relayé l’article sur leur blog.
Dans un article paru le 5 février, Bastamag se demande s’il est “encore possible d’évoquer les activités du groupe Bolloré et leurs impacts sociaux et environnementaux”.
Louis Mondot
2ème jour de procès en appel pour André Mikano, l’avocat des clandestins
Condamné en 2013 à deux ans de prison dont un an ferme et 100 000 euros d’amende pour « aide au séjour irrégulier en bande organisée », l’avocat André Mikano est de retour devant la justice. Depuis lundi 8 février, l’homme surnommé l’avocat des clandestins est rejugé en appel avec six co-prévenus.
Le calme plane sur la Chambre 2.8 de la Cour d’appel de Paris ce mardi 9 février. Il est 13h30, l’audience va commencer. André Mikano, principal prévenu, entre calmement, trainant derrière lui une petite valise. L’avocat a été condamné en première instance en 2013 à deux ans de prison dont un ferme et 100 000 euros d’amende pour « aide au séjour irrégulier en bande organisée ». Il aurait travaillé sciemment avec un réseau de passeurs qui faisait entrer en France des sans-papiers venant du Maroc entre 2007 et 2010.
Déclarations à charge de son coursier
Me Mikano échange quelques mots avec ses avocats, puis s’assoit nonchalamment sur le banc, passant une main dans ses cheveux blanchis. Le procès en appel s’est ouvert hier, lundi 8 février. Le Président Burkol ouvre la séance. Il commence par la lecture des déclarations de Mody Fofana, coursier d’André Mikano. Le témoignage du jeune homme est accablant. Il parle d’un ami marocain, qu’il nomme Abdel, ce dernier « fait partie d’un réseau d’immigration clandestine vers la France », déclare le Président de séance, changeant de voix pour donner un aspect plus théâtral à sa lecture. Avant de poursuivre, citant toujours l’intéressé : « Je sais qu’Abel et Me Mikano travaillent ensemble depuis un an et demi au minimum. » Sur le banc, Me Mikano écoute calmement le Président, une main soutenant sa tête.
Dans sa déclaration, Mody Fofana revient sur tous les points sensibles du dossier : les faux passeports retrouvés chez l’avocat, les 1 500 euros versés par chaque immigré clandestin, la chasse aux garants à laquelle Me Mikano se serait livré. Deuxième lecture, celle des déclarations de Mohamed Bourg, organisateur de la filière clandestine, qui sera entendu au Maroc. « Mikano est un avocat Français qui travaille avec mon réseau, 1500 euros est le tarif qu’il demande », déclare le passeur dans la voix du Président.
L’homme détaille alors les dessous de son trafic. Le billet acheté à l’agence d’Air France à Casablanca pour un vol avec un transit à l’aéroport parisien de Roissy, l’acquisition d’un téléphone à carte pour se faire guider dans l’aéroport par un passeur qui a appris la couleur des portes par coeur. Quand cette méthode échoue, Me Mikano entre en jeu selon Mohamed Bourg.
« Moi j’ai fait la chasse aux garants ? Je ne vois pas comment ! »
A son tour, André Mikano est appelé à la barre. Le regard dur, d’un pas assuré, l’avocat s’avance. Immédiatement devant la Cour, sa posture se ferme. Ses bras se croisent sur sa poitrine, et l’homme commence par rejeter calmement les arguments avancés par le Président. Très vite, le ton monte. Le Président Burkol interrompt André Mikano et ce dernier le coupe, élevant la voix et marquant chaque parole de grands gestes de la main.
L’avocat, aujourd’hui sur le banc des accusés, est bon orateur. Son discours est organisé, sa prise de parole appuyée par des dossiers qu’il fait circuler au Président, à ses assesseurs et à l’avocat général. « Moi j’ai fait la chasse aux garants ? Je ne vois pas comment j’aurais pu en travaillant tous les jours ! », s’indigne-t-il. Me Cohen-Sabban et Me Stansal, qui assurent la défense d’André Mikano, restent à proximité de leur client, s’avançant doucement tour à tour quand le prévenu hausse trop le ton.
André Mikano ne se prive pas d’accuser les forces de police, qui lui auraient fait « subir des pressions » pendant sa garde à vue et seraient contre lui dans ce dossier. Il se défend de connaître Mohamed Bourg et se dit très déçu des accusations de Mody Fofana, qu’il considère comme une trahison. Il désigne même le jeune homme comme un Marabout. Dès que la Cour questionne André Mikano sur la somme en liquide retrouvée chez lui (205 520 euros et 47 615$), le calme retrouvé est immédiatement remplacé par la cohue. Chacun essaie de parler plus fort que l’autre et une fois de plus, Me Stansal s’approche pour faire revenir le calme.
Après avoir entendu les arguments d’André Mikano, le Président Burkol regarde le prévenu droit dans les yeux, derrière ses petites lunettes carrées. « En gros vous dites que les accusations contre vous ont été faites par quelqu’un que vous ne connaissez pas, quelqu’un d’autre qui vous a trahi, a subi des pressions et voulu vous marabouter », conclut-il sans cacher son scepticisme. Me Mikano a déjà fait l’objet d’une relaxe en 2014 dans un dossier similaire concernant une immigration clandestine venant des Philippines. Le procès en appel devrait se terminer mercredi.
Constance Maria